C. LES RÉVOLUTIONS EN COURS DU RENSEIGNEMENT D'ORIGINE SPATIALE

En quelques années, les progrès technologiques ont profondément et durablement changé la donne du renseignement d'origine spatiale. Très haute résolution, miniaturisation, mise en orbite de constellations, développement de l'intelligence artificielle : de véritables révolutions sont à l'oeuvre qui viennent élargir considérablement le champ des possibles.

1. Mieux voir (la très haute résolution)

Il y a vingt ans, le satellite SPOT 4 pesait plus de deux tonnes et offrait résolution couleur de 20 mètres. En quelques années, les progrès technologiques ont été considérables puisque les nouveaux satellites proposent une résolution permettant de photographier depuis l'espace des objets de la taille d'une boîte de chaussures et pouvant même aller jusqu'à quelques centimètres de résolution.

Ces nouvelles performances en matière de très haute résolution valent tant pour l'imagerie optique que radar.

En matière d'imagerie optique, de nouveaux concepts de télescopes sont en développement, équipés de miroirs segmentés et déployables, avec des structures considérablement allégées. La technique de l'hyperspectral est également développée pour détecter non pas seulement ce qui est visible et en surface, mais également la nature des matériaux, la classification des sols, la détection de gaz, d'anomalies spectrales, etc.

Dans le domaine de l'imagerie radar, la très haute résolution se décline autour de la 3D et du recours à l'interférométrie pour la détection d'activité tels que les passages de véhicules et les activités humaines.

Cette très haute résolution témoigne de la valeur ajoutée des satellites militaires d'observation au regard de l'offre commerciale qui existe dans le secteur civil. Elle procure à notre pays une avance technologique qu'il s'agit de conforter dans un secteur de plus en plus stratégique et concurrentiel.

2. Voir plus souvent (constellations et taux de revisite)

Il ne s'agit pas seulement de voir de mieux en mieux, mais aussi de disposer d'une capacité d'observation la plus continue possible. L'amélioration du taux de revisite, c'est-à-dire la fréquence d'actualisation des images, est en effet au coeur des programmes de développement des nouvelles générations de satellites.

La mise en orbite de constellations permet ainsi d'optimiser le taux de revisite en tout point du globe.

Par rapport aux satellites HELIOS II, les trois nouveaux satellites CSO vont permettre aux armées de disposer d'un système agile capable d'enchaîner les prises de vues sur une zone de crises. À l'instar du système PLÉIADES développé par Airbus, CSO permettra d'accroître le nombre d'objectifs pouvant être imagés sur un théâtre géographiquement restreint en un seul passage et ainsi de satisfaire un maximum de besoins opérationnels. La constellation CSO offrira en outre une meilleure revisite améliorant le suivi des objectifs d'intérêt et la détection de changement. En contact toutes les 90 minutes en moyenne avec chaque satellite CSO, la station polaire de Kiruna est un élément clé du système pour s'adapter à la temporalité des opérations et actualiser l'information le plus souvent possible. La programmation de CSO s'effectue ainsi selon trois degrés de priorité, le niveau « très prioritaire » garantissant l'accès aux théâtres d'opération.

Les industriels développent leurs offres commerciales fondées sur une amélioration des taux de revisite, qu'il s'agisse d'Airbus grâce à un système de relais de données SpaceDataHighway ou de Thales Alenia Space avec la constellation de Spaceflight Industries (BlackSky) avec qui l'entreprise a noué un partenariat industriel et commercial.

Il s'agit, pour exister dans un secteur industriel de pointe mais de plus en plus concurrentiel, d'être en capacité de proposer des offres combinant des satellites de très haute résolution avec des constellations de satellites moins résolus mais bénéficiant de hautes capacités de revisite, de l'ordre de plusieurs dizaines par jour.

3. La miniaturisation

Le marché des nano satellites est en pleine expansion. La réduction de la taille des satellites permet en effet à la fois de rationaliser les coûts de production mais surtout de mise en orbite grâce à un poids bien inférieur à celui des satellites d'observation traditionnels. A travers la miniaturisation, Il s'agit également de diminuer l'énergie consommée dont la production peut mobiliser jusqu'à 30 % de la masse d'un engin spatial.

De dimension beaucoup plus compacte et avec un poids inférieur à 10 kilogrammes, les nano satellites offrent des résolutions d'image bien supérieures aux anciennes générations. C'est un nouveau modèle industriel qui se développe dans un secteur jusqu'alors très fermé et très peu concurrentiel. Cette nouvelle approche permet de produire des satellites en série et d'optimiser les coûts comme de faire évoluer rapidement les générations de matériels. Le faible coût d'infrastructure incite désormais des investisseurs privés, non issus du secteur spatial, à investir dans ce domaine d'activités.

4. L'intelligence artificielle

L'amélioration continue du niveau de résolution des images, associée à l'augmentation du taux de revisite grâce à la mise en orbite de constellations provoque une hausse considérable du nombre de données disponibles. Des acteurs privés, à l'instar des GAFA, mettent sur le marché des offres commerciales de plus en plus nombreuses qui ont pour effet de démocratiser l'accès aux données issues de l'espace.

Dans ces conditions, les capacités de recueil et d'exploitation des données sont absolument centrales. Car la donnée brute présente un intérêt très limité ; il faut être capable de la traiter, d'en extraire la valeur ajoutée, ce qui suppose de développer des systèmes d'exploitation et des services associés.

L'exploitation « intelligente » des images ou archives d'images suscite ainsi l'intérêt grandissant d'acteurs dont le modèle économique repose essentiellement sur la valorisation des données issues de l'observation spatiale. Cette approche donne lieu au développement de partenariats avec des entreprises bénéficiant des savoir-faire dans le domaine de l'intelligence artificielle susceptibles de valoriser l'offre commerciale des entreprises spatiales. Il existe là un marché dual très prometteur qui repose notamment sur la mise au point d'algorithmes permettant de faire le tri face à l'augmentation sans fin du nombre de données collectées.

Cette exploitation des données représente un défi majeur pour la communauté du renseignement. Les services de renseignement doivent en effet gérer un volume d'images de plus en plus important. *****.

La question des données soulève un sujet de souveraineté nationale, qu'il s'agisse de la constitution de bases de données souveraines issues de l'observation spatiale, de la mise au point d'outils d'exploitation et de transformation des données collectées.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page