III. COMMUNICATION

Deux lois ont été promulguées dans ce secteur au cours de la session 2018-2019. La loi n° 2018-1202 relative à la lutte contre la manipulation de l'information, marquée par un parcours législatif compliqué, présente un taux d'application de 100 %. Le dispositif principalement d'application directe requérait, il est vrai, seulement deux textes réglementaires d'application. La loi n° 2019-775 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse qui ne nécessite elle-même qu'un seul décret d'application voit en l'état son application largement entravée par le comportement des plateformes numériques visées par son dispositif.

A. LOI N° 2018-1202 DU 22 DÉCEMBRE 2018 RELATIVE À LA LUTTE CONTRE LA MANIPULATION DE L'INFORMATION

La loi n° 2018-1202 ainsi que la loi organique n° 2018-1201 visent à lutter contre la manipulation de l'information à l'heure du numérique et à endiguer la diffusion de fausses informations pendant les périodes de campagne électorale.

Elles créent une nouvelle voie de référé civil visant à faire cesser la diffusion de fausses informations durant les trois mois précédant un scrutin national. En cas de saisine, le juge des référés doit statuer dans un délai de 48 heures, et apprécier si ces fausses informations sont diffusées « de manière artificielle ou automatisée » et « massive ». Il s'agit de lutter contre les contenus sponsorisés et les systèmes robotisés qui véhiculent sciemment ces fausses informations 304 ( * ) .

Les plateformes numériques se trouvent par ailleurs soumises à des obligations de transparence financière : elles doivent rendre publique, au-delà d'un certain seuil, l'identité des annonceurs qui les ont rémunérés en contrepartie de la promotion de contenus d'information.

En dehors des périodes électorales, le texte crée un devoir de coopération des plateformes, pour les obliger à mettre en place des mesures pour lutter contre les fausses nouvelles (transparence des algorithmes, promotion des informations fiables, lutte contre les comptes propageant massivement de fausses informations), et à rendre publiques ces mesures. Le contrôle de ce devoir a été confié au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) 305 ( * ) . Doté d'un pouvoir de recommandation pour faciliter l'autorégulation des plateformes, il établit dans son rapport annuel le bilan des actions menées par les plateformes. Le CSA peut aussi empêcher, suspendre ou interrompre la diffusion de services de télévision contrôlés par un État étranger ou sous l'influence de cet État, et portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.

D'autres dispositions concernent le renforcement de l'éducation aux médias et à l'information pour permettre l'acquisition d'une véritable citoyenneté numérique dans le cadre notamment de l'enseignement moral et civique.

Principalement d'application directe, le dispositif de la loi n° 2018-1202 a été complété en son article 1 er (dont l'examen fut délégué au fond à la commission des lois du Sénat) par deux décrets : le premier 306 ( * ) désignant le Tribunal d'instance de Paris compétent pour juger des référés, le second 307 ( * ) précisant les seuils de connexions à partir desquels se déclenchent les obligations de transparence pour les plateformes en ligne. La loi se trouve ainsi applicable dans son intégralité.

Le Sénat a marqué son opposition à ce texte dès la première lecture en adoptant une motion opposant la question préalable à la délibération de la proposition de loi. Mme Catherine Morin-Desailly, Présidente de la commission de la culture, de l'éducation et rapporteure, a ainsi jugé dans son rapport en première lecture que « si le texte propose quelques avancées intéressantes et traite très justement de la question de la formation au numérique », elle n'était « pas convaincue par l'approche retenue qui aboutit à des solutions peu opératoires et fait peser des risques sur la liberté d'expression ».

La loi a été applicable pour la première fois lors des élections européennes de mai 2019. Elle n'a donné lieu en l'état qu'à une seule saisine du TGI de Paris, à la demande de Mme Marie-Pierre Vieu, députée européenne, et M. Pierre Ouzoulias, sénateur, qui, à propos d'un tweet du ministre de l'intérieur, ont souhaité « montrer par l'absurde que cette loi ne servait à rien ».


* 304 Dans sa décision n° 2018-774 DC du 20 décembre 2018, le Conseil constitutionnel a précisé que le juge ne pouvait faire cesser la diffusion d'une information que si le caractère inexact ou trompeur de l'information était manifeste et que le risque d'altération de la sincérité du scrutin était également manifeste.

* 305 Recommandation n° 2019-03 du 15 mai 2019 du Conseil supérieur de l'audiovisuel aux opérateurs de plateforme en ligne dans le cadre du devoir de coopération en matière de lutte contre la diffusion de fausses informations.

* 306 Décret n° 2019-53 du 30 janvier 2019 désignant le tribunal de grande instance et la cour d'appel compétents pour connaître des actions fondées sur l'article L. 163-2 du code électoral

* 307 Décret n° 2019-297 du 10 avril 2019 relatif aux obligations d'information des opérateurs de plateforme en ligne assurant la promotion de contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général

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