D. LES COMMANDES DE LA DGA À L'ONERA : UN SOUTIEN À CONFIRMER DANS LE CADRE D'UNE ÉVENTUELLE « ACCÉLÉRATION » DE LA PROGRAMMATION MILITAIRE

En plus d'être, en tant que tutelle, l'organisme chargé de « verser » la SCSP à l'ONERA, la direction générale de l'armement (DGA) constitue son principal partenaire commercial.

La collaboration commerciale comprend trois axes stratégiques : la dissuasion, l'intervention, le renseignement et la surveillance.

En matière de dissuasion , l'ONERA constitue ainsi un acteur majeur du programme ASN4G (air sol nucléaire de quatrième génération, successeur du missile air-sol moyenne portée à horizon 2035), et pour lesquels il mobilise plusieurs champs d'expertise (aérodynamique, propulsion, furtivité, etc). Le statoréacteur, moyen de propulsion retenu pour cette nouvelle génération d'armes, est un domaine d'excellence historique de l'ONERA qui en a été un pionnier. L'ONERA demeure donc un partenaire incontournable de la défense pour le développement des futurs missiles hypervéloces. De même, dans le cadre de la montée en puissance de la Force océanique stratégique (composante navale de la dissuasion nucléaire), l'ONERA apporte son concours à la DGA pour les études amont relatives aux missiles mer-sol balistiques stratégiques (M4, S4, M45, M51). Plusieurs des solutions proposées par l'ONERA ont été intégrées dans les logiciels de bord des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) après leur transfert à l'industriel 20 ( * ) , en charge notamment de leur évaluation et de leur installation.

En matière de renseignement , l'ONERA a créé le système de surveillance de l'espace GRAVES (Grand Réseau Adapté à la Veille Spatiale), entré en service opérationnel en 2005, et est, depuis 2016, en charge de sa rénovation jusqu'en 2030. Ce moyen est aujourd'hui utilisé par l'armée de l'air et constitue un important outil du volet spatial de la défense aérienne.

Le rôle de l'ONERA dans la rénovation de GRAVES

La direction générale de l'armement (DGA) a confié le 10 novembre 2016, la rénovation du système radar Graves (grand réseau adapté à la veille spatiale) à l'ONERA, en cotraitance avec la société Degreane Horizon.

Grâce à ce radar unique en Europe, l'armée de l'air détecte et suit les objets spatiaux évoluant de 400 à 1 000 km au-dessus de la terre. Moyen de souveraineté, il permet en particulier de connaître la trajectoire des satellites d'observation ou d'écoute étrangers et d'anticiper la menace des débris spatiaux pour les satellites français.

Graves se compose d'une station d'émission, d'une station de réception et d'un centre de calcul. Développé par l'ONERA sous contrat de la DGA, il utilise une technologie spécifique de traitement du signal développée dans les laboratoires de l'ONERA. Graves, exploité par les aviateurs du centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux, contribue au volet spatial de la défense aérienne confiée à l'armée de l'air.

La rénovation de Graves va permettre de traiter les obsolescences naturelles d'un système entré en service en 2005 et, à terme, d'améliorer sa performance  de détection face aux objets spatiaux de plus en plus nombreux et aux dimensions de plus en plus réduites.

Source : site du ministère des armées

L'ONERA constitue donc un partenaire majeur de la DGA, et de ce fait, des armées. Lors de son discours du 10 janvier 2019 à l'ONERA, la ministre a semblé vouloir renforcer ce partenariat : « j'ai demandé à la DGA de discuter avec votre président du rôle renforcé que pourra jouer l'ONERA dans la remontée en puissance de nos Armées » 21 ( * ) .

Le rapporteur spécial estime qu'il s'agit là d'une dynamique vertueuse, puisqu'elle permet d'alimenter les compétences de l'ONERA, renforçant ainsi un acteur de confiance pour les armées. Cette alimentation des compétences permise par les commandes de la DGA permet en outre à l'Office de faire émerger des innovations dans le domaine civil (voir infra .)

La dynamique à l'oeuvre depuis 2018 s'est ainsi traduite par une augmentation de près de 30 % des commandes de la DGA à l'ONERA.

Prises de commande de la DGA à l'ONERA

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

Les prévisions transmises par l'ONERA, d'une stabilisation des prises de commandes à 38 millions d'euros par an, traduiraient toutefois une inversion regrettable de cette trajectoire.

Le rapporteur spécial estime que le contexte actuel d'augmentation des dépenses publiques, tournées notamment vers les investissements d'avenir, est particulièrement propice à une augmentation des commandes militaires, et devrait naturellement se répercuter sur l'ONERA. De manière plus globale, une accélération de la trajectoire financière prévue par la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2019 à 2025, que le rapporteur spécial appelait de ses voeux avant même l'éclatement de la crise actuelle 22 ( * ) , constituerait une mesure pertinente de « relance » qui devrait indéniablement se traduire par une augmentation des commandes de la DGA à l'ONERA.

La LPM prévoit en effet que le soutien à l'innovation par le ministère des armées sera porté à 1 milliard d'euros par an dès 2022 contre 730 millions d'euros par an en moyenne dans la précédente LPM et 832 millions d'euros en 2020 23 ( * ) . L'accélération de la LPM entrainerait une augmentation de ces dépenses d'innovation.

Trajectoire des dépenses d'innovation du ministère des armées actuellement prévue par la LPM 2019-2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

Les grands domaines d'innovation que prévoit la LPM (la robotique, l'intelligence artificielle, l'informatique quantique, la cryptographie, la génération d'énergie, l'hypervélocité, la furtivité et la cyberdéfense), qui relèvent de projets pilotés par la DGA, concernent en grande partie les domaines d'expertise de l'ONERA. Une augmentation des dépenses d'innovation dans le cadre du plan de relance devrait donc mécaniquement bénéficier à l'ONERA, par le biais d'une augmentation des commandes de la DGA.

Recommandation n°6 : dans le cadre du plan de relance, accélérer l'augmentation des dépenses prévues par la LPM, notamment en matière d'innovation. Cette augmentation de dépenses aura mécaniquement un effet positif sur le montant des prises de commandes de la DGA à l'ONERA.


* 20 ArianeGroup, dans le cas des M51 qui équipent les SNLE

* 21 Discours de Madame Florence Parly, ministre des armées à l'ONERA, site de Palaiseau, prononcé le 10 janvier 2019.

* 22 Avis n° 473 (2017-2018) de Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances, déposé le 15 mai 2018.Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, avis n° 473 (2017-2018) de Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances, déposé le 15 mai 2018.

* 23 Point 3.1.2 du rapport annexé à la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

Page mise à jour le

Partager cette page