B. CONFORTER LA LÉGITIMITÉ DES INSTANCES DIRIGEANTES

1. Assurer une représentation des sportifs et des entraîneurs de haut niveau

Les enjeux liés au sport professionnel ne doivent pas prendre le pas sur le développement du sport pour tous et du sport amateur. Pour autant, lorsqu'une discipline comporte un nombre important de sportifs de haut niveau ou professionnels, il apparaît essentiel que leurs intérêts et leur vision du développement de leur discipline soient pris en compte par les fédérations sportives. Cette prise en compte peut notamment être utile dans la définition des calendriers sportifs, lorsque des logiques économiques entrent en concurrence avec la santé et la sécurité des athlètes, ou pour améliorer les filières de formation avec l'appui de ceux qui en sont issus.

Or, les auditions de la mission d'information ont fait apparaître une distance parfois trop grande entre les sportifs professionnels et les fédérations dont ils relèvent. Cette lacune est parfois également pointée s'agissant des entraîneurs de haut niveau, qui constituent un maillon essentiel de la performance mais dont le point de vue n'est pas toujours suffisamment représenté au sein des instances fédérales.

L'annexe du code du sport relative aux dispositions obligatoires des statuts des fédérations agréées dispose déjà qu'un médecin doit obligatoirement siéger au sein des instances dirigeantes. Dans les faits, les statuts des fédérations imposent généralement la présence d'un médecin sur chaque liste se présentant aux élections fédérales. Cette annexe pourrait être complétée afin de prévoir également la présence d'au moins un sportif professionnel ou un sportif de haut niveau en activité, lorsqu'il y en a.

Cette représentation pourrait passer par la présence d'au moins un sportif sur chaque liste de candidat ou encore par la présence de droit d'un représentant élu par les sportifs de haut niveau ou professionnels, avec ou sans voix délibérative, au sein des instances dirigeantes.

Alternativement, la représentation des sportifs et entraîneurs de haut niveau dans les instances dirigeantes pourrait passer par la création d'un collège électoral qui leur serait propre et qui aurait un certain nombre de voix aux élections des instances fédérales.

La mission ne prend pas position sur les modalités mais recommande que les dispositions obligatoires des statuts des fédérations agréées soient complétées.

Proposition 17 : Prévoir dans les statuts des fédérations agréées une disposition relative à la représentation des sportifs de haut niveau ou professionnels au sein des instances dirigeantes.

2. Favoriser la féminisation des instances territoriales
a) Au niveau fédéral, une règle créée en 2014 dont les effets sont observables

Dans le sport comme dans d'autres aspects de la vie sociale, la féminisation des instances dirigeantes est un enjeu sur lequel, malgré des évolutions positives, des progrès importants restent à faire.

Le code du sport précise que les statuts des fédérations agréées doivent favoriser la parité au sein de leurs instances dirigeantes. Introduite par la loi du 4 août 2014 32 ( * ) , cette règle a permis, selon le ministère des sports, une progression du taux de féminisation des instances dirigeantes des fédérations agréées, qui est passé de 26,5 % en 2013 à 35,3 % en 2018.

Les règles de parité au sein des instances dirigeantes des fédérations sportives

La loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes a introduit des exigences de représentation équilibrée des deux sexes au sein des instances dirigeantes des fédérations sportives agréées 33 ( * ) .

Aux termes de l'article L. 131-8 du code du sport, les fédérations sportives comptant au moins 25 % de licenciés de chaque sexe doivent prévoir dans leurs statuts l'attribution d'au moins 40 % des sièges au sein des instances dirigeantes à des personnes de chaque sexe.

Lorsque la proportion d'hommes ou de femmes parmi les licenciés est inférieure à 25 %, la proportion minimale de sièges pour les personnes de chaque sexe est fixée par les statuts, le cas échéant en prenant en compte la part d'hommes et de femmes parmi les licenciés, sans pouvoir être inférieure à 25 %.

Il convient de noter que, au-delà de l'obligation légale, la loi de 2014 a pu contribuer à une prise de conscience de la part des fédérations. Ainsi, les statuts de la FFF prévoient qu'au moins 3 des 12 membres élus au comité exécutif doivent être des femmes, alors que les femmes ne représentent que 10 % de ses licenciés 34 ( * ) .

Modifier les règles introduites en 2014 et qui ne sont pleinement applicables que depuis quelques années 35 ( * ) semble sans doute prématuré. En particulier, imposer une parité stricte, ou un écart maximum de 1 entre le nombre de femmes et d'hommes au sein des instances dirigeantes pourrait poser des difficultés trop importantes. Une telle règle serait en outre difficilement conciliable avec la mise en place d'un scrutin de liste proportionnel, qui a par ailleurs la préférence de la mission d'information 36 ( * ) .

Si la Fédération française de football (1,9 million de licenciés en 2020 37 ( * ) ) et même de rugby (plus de 280 000 licenciés 38 ( * ) ) peuvent assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans leurs instances malgré un taux de féminisation très faible (autour de 10 % dans les deux cas 39 ( * ) ), tel n'est pas nécessairement le cas des petites fédérations. À titre d'exemple, en 2014 40 ( * ) , la Fédération française de ball-trap, sport olympique, comptait 939 femmes parmi ses 23 923 licenciés (3,9 %), tandis que la Fédération française de motocyclisme comptait 3 005 femmes sur 59 256 licenciés (4,7 %).

À l'inverse, certaines disciplines sont pratiquées très majoritairement par des femmes, à l'image de la Fédération française de twirling bâton (13 718 licenciés dont 92,8 % de femmes) et il ne serait pas nécessairement aisé ni pertinent de leur imposer davantage de parité au sein des instances dirigeantes des fédérations concernées.

Pour autant, l'exemple de fédérations fortement féminisées comme la Fédération française d'équitation (82,9 % de licenciées en 2016) ou la Fédération française de gymnastique (80,6 %) qui parviennent à assurer la parité de leurs instances dirigeantes et sont actuellement présidées par des hommes tend à montrer que le déséquilibre entre les sexes parmi les licenciés n'est pas un obstacle à une démarche tendant vers la parité parmi les dirigeants.

b) Une marge de progression qui demeure

Les difficultés d'accès des femmes aux postes de responsabilité nationaux sont fortement liées à leur faible présence au sein des instances locales, qui ne sont pas visées par les règles prévues par la loi du 4 août 2014. Certaines fédérations ont prévu de manière autonome des règles tendant à assurer la présence de femmes au sein des instances régionales, sans aller jusqu'à prévoir la parité ni même une proportion minimale de représentants de chaque sexe. Les statuts de la FFF prévoient ainsi que le comité de direction de chaque ligue régionale comprend au moins douze membres dont au moins une femme 41 ( * ) .

Imposer une règle de parité au sein des instances territoriales des fédérations sportives pourrait poser, pour bon nombre d'entre elles, des difficultés concrètes dans un contexte de crise des vocations dans le monde associatif et n'apparaît donc pas réaliste.

En revanche, il peut être proposé d'imposer une règle aux termes de laquelle, dans les instances territoriales des fédérations, le poids relatif d'un des deux sexes ne peut être supérieur de plus de 10 points à son poids parmi les licenciés au niveau national 42 ( * ) .

Ainsi, une fédération dont 20 % des licences sont délivrées à des femmes devrait garantir la présence d'au moins 10 % de femmes au sein des instances dirigeantes de ses organes locaux.

Proposition 18 : Définir une proportion minimale de membres de chaque sexe au sein des instances territoriales des fédérations sportives en cohérence avec la proportion de chaque genre parmi les licenciés .


* 32 Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.

* 33 Les règles relatives à la parité sont donc de niveau législatif alors que l'ensemble des autres règles encadrant les statuts des fédérations agréées relèvent de dispositions règlementaires et en partie des dispositions obligatoires énumérées à l'annexe I-5.

* 34 En outre, parmi les deux membres de droit, l'un (la présidente de la Ligue de football professionnel) est une femme.

* 35 La loi du 4 août 2014 a permis, pour le premier renouvellement des instances dirigeantes suivant sa promulgation, que la proportion de membres du sexe le moins représenté soit au moins égale à sa proportion parmi les licenciés.

* 36 Dans le cadre d'un scrutin plurinominal, il est possible d'imposer la parité et même l'alternance sur chaque liste de candidats. En revanche, la représentation de la ou des listes minoritaires ne permet pas de garantir la parité dans la composition de l'instance.

* 37 Source : FFF.

* 38 Source : FFR.

* 39 La FFF compte environ 198 000 femmes parmi ses 1,93 million de licenciés. La FFR estime que les femmes représentent 10,2 % des pratiquants du rugby. Il convient de noter que la progression du nombre de femmes et d'hommes licenciés de ces deux fédérations a connu une évolution inverse au cours des dernières années.

* 40 Source : Ministère des sports, Pôle ressources national «Sport, éducation, mixités, citoyenneté», chiffres clés de la féminisation du sport 2014. Dans certaines petites fédérations, le nombre de femmes parmi les licenciés peut même apparaître anecdotique : 40 sur 1 726 pour la Fédération française nautique de pêche sportive en apnée, 65 sur 1 113 pour la Fédération française de motonautique.

* 41 Dispositions annexes aux statuts de la FFF : statuts-types des Ligues et des Districts, art. 13.

* 42 S'il peut exister des disparités régionales entre le taux de féminisation de chaque discipline, retenir la part de chaque sexe au niveau national est sans doute plus simple et permet à chaque fédération de fixer une règle unique applicable à chacune de ses instances déconcentrées.

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