C. SEPT LOIS QUI N'ONT FAIT L'OBJET D'AUCUNE NOUVELLE MESURE D'APPLICATION

1. La loi de finances pour 2012

Sur les 44 mesures prévues par la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 , 3 restent encore à prendre au titre de deux articles, plus de huit ans après la promulgation de cette loi dont le taux d'application s'élève à 93 %.

L'article 58 de la loi n° 2011-1977 de finances du 28 décembre 2011 pour 2012 a modifié le régime des redevances perçues auprès des assujettis à l'obtention de certificats sanitaires pour exporter des produits d'origine animale (article L. 236-2 du code rural et de la pêche maritime) ou alimentaire d'origine non animale (article L. 251-17-1 du même code) . Pour les produits végétaux, un arrêté du seul ministre en charge de l'agriculture devait en déterminer la grille tarifaire, un décret devant préciser les conditions de l'acquittement de la redevance. Annoncé pour 2015, le décret prévu par cet article est toujours en cours d'instruction. En 2018, la justification de son retard par le projet de création d'une taxe sanitaire plus globale s'inscrivant dans le cadre du programme « Action publique 2022 » avait été avancée.

Ce projet semblant aujourd'hui suspendu, il est, malgré tout, encore évoqué pour justifier un retard qui, en réalité, traduit les difficultés rencontrées pour appeler au financement des contrôles sanitaires portant sur les produits agricoles, les producteurs, en particulier dans le domaine de l'exportation où ces derniers doivent affronter une forte concurrence internationale.

L'article 134 prévoit que le nombre de licences de vente du tabac dans les départements d'outre-mer est déterminé en application de règles générales . L'entrée en vigueur de cette règle a été, au gré des lois de finances initiale, repoussée d'année en année, jusqu'au 30 juin 2019.

La commission des finances du Sénat avait par le passé proposé la suppression de ce dispositif 435 ( * ) qui apparaissait comme un effet d'annonce, faute de volonté de l'appliquer concrètement.

À titre transitoire, les détaillants vendant habituellement du tabac manufacturé antérieurement au 30 juin 2019 et n'ayant pas bénéficié de l'attribution d'une licence au titre de l'année 2019 étaient autorisés à poursuivre la vente aux particuliers pendant la période strictement nécessaire à l'épuisement de leur stock et au plus tard jusqu'au 30 juin 2019.

Aucun décret n'a été pris avant le 30 juin 2019, date de fin de cette période transitoire, qui n'a pas été de nouveau reportée .

2. La loi de finances rectificative pour 2013

Sur les 51 mesures prévues initialement par la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013, une seule restait à prendre, au titre de l'article 61 . Cet article a modifié le régime des redevances perçues à l'occasion des contrôles portant sur les végétaux prévus à l'article L. 251-17-1 du code rural et de la pêche maritime instauré par le III de l'article 58 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012. Pas plus l'arrêté du ministre de l'agriculture fixant les tarifs des redevances alors prévu que celui désormais conjoint du ministre de l'agriculture et de celui en charge du budget n'ont été pris, des négociations avec certaines professions étant toujours en cours.

3. La loi de séparation et de régulation des activités bancaires

Sur les 79 mesures initialement attendues pour la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, 3 restaient en attente à l'issue du précédent contrôle.

Ces trois mesures sont prévues par l'article 63. Cet article a créé un référentiel de place visant à recueillir et à diffuser les informations relatives à l'ensemble des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) les informations utiles au public et aux professionnels du secteur.

Pour ce faire, trois textes réglementaires sont nécessaires :

- premièrement, il est prévu que chaque OPCVM doit transmettre les informations à un organisme chargé de la gestion du référentiel de place, devant être agréé par arrêté du ministre chargé de l'économie ;

- deuxièmement, la liste des informations rendues publiques et opposables aux tiers doit être fixée par un arrêté du ministre chargé de l'économie ;

- troisièmement, les frais d'inscription annuels devant être acquittés par les OPCVM pour leur enregistrement, doivent être déterminés par un arrêté du ministre chargé de l'économie.

À ce jour, les professionnels concernés n'ont constitué aucun organisme en ce sens. Le projet de référentiel de place pourrait être repris sous une autre forme.

Aucune information sur la date de publication des arrêtés n'est disponible.

4. La loi de finances rectificative pour 2015

Sur les 40 mesures prévues par les dispositions de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, deux restaient en attente de publication, au titre de l'article 72.

Cet article avait pour objet de généraliser la télédéclaration et le télérèglement des contributions indirectes recouvrées par l'administration des douanes, et à permettre aux entrepositaires agréés dispensés de caution de choisir entre le paiement annuel ou mensuel de l'impôt. Ses dispositions devaient être appliquées par un décret afin de fixer des seuils concernant le volume de production annuelle et le montant annuel de droits d'accises à acquitter en fonction de la nature de la production par les entrepositaires agréés dispensés de caution qui peuvent acquitter et liquider l'impôt une fois par an et non mensuellement, comme cela était le cas auparavant. Enfin, un arrêté devait fixer le modèle et le contenu des déclarations mensuelles et annuelles.

Des consultations des différents acteurs économiques concernés (fédérations professionnelles des vins, des bières etc.) étaient en cours et ces textes devaient initialement être pris à l'automne 2017. Ils n'ont à ce jour toujours pas été publiés.

5. La loi de finances rectificative pour 2016

Sur les 43 mesures initialement attendues au titre de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, 2 arrêtés restaient en attente.

Son article 87 vise à dispenser de caution solidaire les entrepositaires agréés redevables, lorsque le montant total des garanties demandées à l'ensemble des entrepôts pour lesquels une société dispose du statut d'entrepositaire agréé - garanties visant à couvrir les risques liés à la détention, à la production et à la transformation des produits énergétiques en suspension de la TICPE - est inférieur à un seuil fixé par arrêté du ministre chargé du budget. Cet arrêté n'a à ce jour pas fait l'objet de publication.

Le I de l'article 117 a créé à l'article 1609 tervicies du code général des impôts une taxe due par les entreprises de transport aérien opérant sur l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle pour assurer le financement du CDG-Express.

L'entrée en vigueur des dispositions législatives relatives à cette « contribution spéciale CDG-Express », qui devait être perçue à compter du 1 er avril 2024, était censée intervenir dans un délai de six mois après que la Commission européenne aurait informé le Gouvernement de la conformité de ce dispositif aux règles européennes relatives aux aides d'État.

Il convient toutefois de noter que l'article 230 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a fixé le début de la perception de la contribution spéciale CDG-Express au 1 er avril 2026, et non plus au 1 er avril 2024, pour tenir compte du décalage de deux ans des travaux du CDG-Express décidé par le Gouvernement.

L'arrêté prévu à l'article 1609 tervicies susmentionné pour fixer le tarif de la taxe ne sera donc pris qu'à cet horizon.

6. La loi de finances pour 2018

45 dispositions de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 faisaient appel à un texte réglementaire d'application, et une seule demeure aujourd'hui non appliquée.

Il s'agit de l'article 171, qui a créé l'article L. 122-4-3 du code de la voirie routière, afin de rendre gratuite l'utilisation des autoroutes pour les véhicules d'intérêt général prioritaires en opération . Le Sénat avait adopté cet article, suivant l'avis de la commission des finances.

Les modalités d'application de l'article L. 122-4-3 devaient être fixées par décret en Conseil d'État, toujours non publié à ce jour.

Lors du bilan de l'application des lois de 2019 436 ( * ) , il avait été rappelé que cette absence de publication s'expliquait par des difficultés juridiques. Consulté sur un projet de décret, le Conseil d'État avait estimé qu'une telle exonération pour ces véhicules en opération serait doublement inconstitutionnelle : elle induirait une rupture d'égalité des usagers devant le péage, et la perte de recettes pour les sociétés concessionnaires d'autoroute (SCA) serait alors compensée par une hausse des tarifs, répercutée sur les usagers. Or, en raison de leur caractère régalien, les missions de secours opérées par les véhicules concernés nécessitent un financement par le contribuable et non par l'usager. S'il est saisi, le juge du contrat pourrait alors enjoindre l'État à prendre en charge cette perte de recettes pour les concessionnaires, ce qui serait contraire à l'intention du législateur.

Faute de décret, le ministère de la transition écologique et solidaire, chargé des transports, a engagé dès avril 2019 avec les SCA un travail de révision des conventions passées avec les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), afin d'inclure la prise en charge des dépenses de péage réalisées par ces derniers. Cette solution représente une avancée notable dans l'atteinte des objectifs recherchés, à savoir un service de secours plus rapide et plus efficace, et une diminution des charges des SDIS .

Cela étant, les conditions de mises en oeuvre d'une telle solution ne bénéficient pas des garanties d'unicité et de publicité permises par un décret . Dès lors, l'application de cette mesure ne peut qu'être diffuse : ainsi, vingt-deux SDIS ont déclaré ne pas encore bénéficier de la gratuité sur l'année 2019. Surtout, cette solution se limite aux SDIS , alors même que l'article L. 122-4-3 du code de la voirie routière prévoit la gratuité du péage pour l'ensemble des véhicules d'intérêt général prioritaires, qu'il s'agisse de ceux des SDIS, ou de ceux de la police, de la gendarmerie, des services d'aide médicale urgente (SAMU) etc. Interrogé sur ce dernier point par le député Fabien Matras 437 ( * ) , le Gouvernement a précisé, dans une réponse du 11 février 2020 qu' « à ce jour, aucun accord amiable n'a pu être trouvé avec les SCA pour élargir cette mesure de gratuité , dont l'ampleur serait très incertaine, à d'autres catégories de véhicules d'intérêt général prioritaires en opération. »

Le Gouvernement a rappelé cette difficulté au cours de la crise sanitaire du printemps 2020 alors que la question de rendre gratuites les autoroutes pour les véhicules du personnel soignant a rejailli 438 ( * ) . Il considérait dès lors comme plus opportune la solution de rembourser sur justificatifs des frais de péage.

En somme, malgré les efforts du Gouvernement et des SCA pour mettre en place une solution satisfaisante pour les SDIS, il n'en demeure pas moins que la mesure prévue par l'article L. 122-4-3 du code de la voirie routière ne peut être considérée comme appliquée en l'état, un décret restant indispensable pour une mise en oeuvre généralisée à l'ensemble du territoire.

7. La loi relative à la lutte contre la fraude

16 dispositions de la loi n°2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude prévoyaient un texte réglementaire d'application. Deux d'entre elles demeurent en attente d'application, au titre des articles 14 et 15.

Ces deux articles octroient respectivement aux agents des douanes et aux agents de l'administration des impôts un droit de communication des données de connexion pour les besoins des enquêtes portant sur les délits douaniers et fiscaux les plus graves . Cette prérogative est soumise à une autorisation préalable du procureur de la République. Leur application effective requiert un décret en Conseil d'État afin de déterminer les modalités d'application de ce droit de communication. Or ces décrets n'ont jamais été pris .

Lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2021, l'article 173 439 ( * ) est venu modifier l'article L. 96 G du livre des procédures fiscales (LPF) tel que modifié par l'article 15 de la loi relative à la lutte contre la fraude . L'autorisation d'accéder aux données de connexion ne sera plus délivrée par le procureur de la République mais par un contrôleur des demandes de données de connexion, selon une procédure similaire à celle prévue pour l'exercice du droit de communication des données de connexion des agents de l'Autorité des marchés financiers et de l'Autorité de la concurrence. Les modifications apportées dans le cadre de la loi de finances 2021 sont supposées mettre un terme aux interrogations qui pesaient sur l'article L. 96 G du LPF tel qu'issu de la loi relative à la lutte contre la fraude, notamment au regard de sa conformité aux exigences constitutionnelles et européennes en matière de respect du droit à la vie privée. Les conditions d'application du droit de communication des agents de l'administration des impôts devront toujours être définies par un décret en Conseil d'État , qui n'a pas encore été pris.

Il en est de même pour les conditions d'application du droit de communication des agents des douanes, prévu à l'article 65 quinquies du code des douanes, modifié par l'article 14 de la loi relative à la lutte contre la fraude. Cet article a également connu plusieurs modifications récentes, notamment apportées par l'article 30 de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.


* 435 Voir par exemple cet amendement sur le projet de loi de finances pour 2018 http://www.senat.fr/amendements/2017-2018/155/Amdt_99.html

* 436 http://www.senat.fr/rap/r19-523/r19-523_mono.html#fn319

* 437 Assemblée nationale, Question écrite avec réponse n° 21364, 9 juillet 2019 - M. Fabien Matras - Ministère des Solidarités et de la Santé.

* 438 http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/2820/AN/73

* 439 Article 46 dans le PJL déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale - article 173 dans la loi promulguée.

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