AVANT-PROPOS

Dans son précédent rapport sur les drones, publié en 2017, la commission des affaires étrangères et de la défense faisait le constat que « la France, à l'instar des autres pays européens, avait pour une large part manqué le tournant décisif des drones ». Le contexte était alors celui de la montée en puissance des drones MALE Reaper , achetés dans l'urgence aux Etats-Unis pour combler nos besoins de surveillance aérienne au Sahel, faute d'une solution souveraine.

Aujourd'hui, le contexte a changé et de nouveaux enjeux sont apparus . Au niveau des capacités, un rattrapage est en cours : les forces armées disposeront de plusieurs milliers de drones d'ici 2025, contre quelques dizaines seulement il y a quatre ans. Certes, le rattrapage a surtout concerné les drones MALE et, d'un point de vue quantitatif, les drones de contact. Des attentes fortes subsistent, particulièrement sur le segment des drones tactiques (notamment les SDT Patroller destinés à l'Armée de terre).

Par ailleurs, de nouveaux enjeux sont apparus. Des enjeux technologiques , avec l'intégration des drones dans des « systèmes de systèmes » (bulle Scorpion et surtout Système de combat aérien futur) et leur autonomisation croissante. Mais surtout un enjeu stratégique : désormais, les drones ne sont plus seulement une capacité à acquérir, mais aussi une menace dont les armées doivent se protéger .

De fait, comme l'ont montré plusieurs conflits récents (campagne turque dans le nord de la Syrie au printemps 2020, guerre au Haut-Karabagh à l'automne 2020), les drones sont de plus en plus utilisés, à grande échelle, et en première ligne, sur le champ de bataille . La production et l'exportation de ces systèmes par des pays comme la Turquie ou l'Iran a considérablement augmenté ces dernières années, à l'origine d'une prolifération des drones dans certaines régions comme le Moyen-Orient.

Mais la menace concerne aussi le territoire national , où le nombre de drones en circulation a forment augmenté ces dernières années, et avec lui le nombre d'incidents, d'origine volontaire ou non. Pour les armées, il s'agit d'une préoccupation pour la sécurité des emprises et des activités militaires et d'un enjeu majeur pour l'Armée de l'air qui, au titre de sa mission de sûreté aérienne, a en charge la coordination de la lutte anti-drones lors des grands événements organisés sur le territoire national.

Nos forces armées sont-elles prêtes à faire face à ce défi des drones ? Quelles sont, pour elles, les implications des évolutions récentes et notamment du rôle croissant joué par les drones dans les conflits armés ?

Telles sont les questions que ce rapport se propose d'examiner.

I. LA CAPACITÉ « DRONES » DES ARMÉES FRANÇAISES : UN RETARD QUI SE RÉSORBE ENCORE TROP LENTEMENT

A. UN RETARD QUI TEND A SE RESORBER

1. Un retard pénalisant au démarrage

Si les armées françaises utilisent les drones depuis la décennie 1980, elles ont longtemps souffert d'un retard au plan capacitaire, particulièrement dans le domaine des drones MALE.

Alors qu'au début des années 2000, la guerre en Afghanistan démontre la nécessité de se doter de drones, les premiers programmes engagés connaissent de nombreux retards et déconvenues .

Choisi dans l'urgence au tournant des années 2000 pour remplacer le système précédent Hunter dans l'attente d'une solution européenne de drone MALE , le système intérimaire de drone MALE (SIDM) Harfang a été livré en 2008, avec cinq années de retard sur la date prévue (2003) et d'importants surcoûts (la dépense est multipliée par quatre). De fait, cette solution, achetée « sur étagère » auprès d'une entreprise israélienne et qui devait simplement être adaptée aux besoins de l'armée, s'avère plus longue et plus compliquée à mettre au point que prévu.

Dans le même temps, les systèmes de drones tactiques intérimaires (SDTI) Sperwer commandés en 2001 par l'Armée de terre s'illustrent par leurs mauvaises performances (manque d'autonomie, de fiabilité) et leur manque de robustesse dans un contexte d'utilisation intense, à l'origine, là encore, d'une dérive des coûts.

Ces débuts chaotiques vont trouver un prolongement dans les programmes ultérieurs .

Quelques années plus tard, la solution européenne n'étant toujours pas en vue (échec du programme EuroMALE lancé en 2004, puis l'enlisement du programme franco-germano espagnol de drone MALE Talarion) ni la solution alternative envisagée au plan national (une version « francisée » du drone israélien Héron) opérationnelle, la France, comme d'autres pays européens, est contrainte d'acheter dans l'urgence des drones MALE Reaper à l'entreprise américaine General Atomics afin de doter l'Armée de l'air et de l'espace d'une capacité ISR pour la guerre menée au Mali.

Ce choix technologique réalisé sous la contrainte n'a pas été exempt d'inconvénients : les premiers systèmes livrés n'ayant pas été conçus pour l'exportation, pour des raisons de sécurité, leur maintenance doit être assurée sur site par l'industriel américain et tout déplacement des systèmes est soumis à autorisation du Congrès américain. La formation à l'utilisation du premier système est aussi assurée aux Etats-Unis, en l'absence de simulateur en France.

Les programmes d'équipement de l'Armée de terre en drones connaissent également des retards pénalisants . En 2020, les mini-drones de reconnaissance SMDR Spyranger de Thales, commandés en 2016, n'étaient pas encore opérationnels en raison de problèmes techniques, alors que les drones de renseignement au contact (DRAC) qu'ils doivent remplacer sont en fin de vie. De même, la livraison des systèmes de drones tactiques (SDT) Patroller de Safran, commandés en 2016, n'a pu intervenir en 2018, à la date prévue au contrat. Plus grave, en décembre 2019, le crash d'un Patroller lors d'un vol d'essai industriel est à l'origine d'un nouveau retard, deux années supplémentaires étant nécessaires pour fiabiliser l'appareil, alors qu'en juillet 2020, l'Armée de terre est contrainte de suspendre l'utilisation de la flotte des SDTI pour des raisons de sécurité. Il s'agit donc d'un véritable « trou capacitaire », particulièrement pénalisant .

La Marine nationale , dotée de longue date de drones sous-marins dans le cadre de la lutte anti-mines, souffre d' un important retard en matière de drones aériens. Le temps mis par l'industrie à prendre en compte les spécificités de l'utilisation des drones en milieu maritime (environnement salin, mouvements de la mer...) a sans doute pesé dans ce retard. Envisagé dès 2010, le programme de drones tactiques à décollage et atterrissage vertical (Vertical take-off landing ou VTOL) destiné à l'équipement des frégates a ainsi été différé à plusieurs reprises. Pour rattraper ce retard, la Marine s'est donné comme ambition que chacun de ses bâtiments soit doté au moins d'un drone aérien à l'horizon 2030.

Par ailleurs, alors qu'elle a en charge l a surveillance de la deuxième plus vaste zone économique exclusive au niveau mondial (11 millions de km 2 ), la Marine ne peut compter pour assurer cette mission que sur les vols habités. Dans le cadre du programme AVISMAR , qui vise à renouveler la flotte d'avions affectée à cette mission, elle souhaiterait se doter d'un drone MALE pour compléter ce dispositif.

Les raisons pouvant expliquer tous ces retards et difficultés sont nombreuses : délais nécessaires à la définition des besoins par les forces armées, à l'acquisition des compétences par les industriels, à la validation des solutions techniques, restrictions budgétaires...

Dans le chapitre qu'elle consacre aux drones aériens dans son rapport public annuel 2020 1 ( * ) , la Cour des comptes évoque aussi des résistances d'ordre culturel, l'urgence du besoin opérationnel, les divergences des besoins entre armées, un manque de constance dans les choix industriels, capacitaires et diplomatiques des pouvoirs publics, des rivalités entre industriels et l'absence de vision stratégique et de planification de moyen terme .

2. Un rattrapage capacitaire en cours

Depuis plusieurs années, un rattrapage est en cours au plan capacitaire , qui permettra aux forces armées françaises de disposer de plusieurs milliers de drones d'ici 2025 , contre quelques dizaines seulement il y a quatre ans. Néanmoins, pour l'heure, le rattrapage a surtout concerné les drones de théâtre (MALE) et les drones de contact .

? Face à l'urgence opérationnelle, la priorité a été de compléter la capacité en drones MALE. Dans la gamme des drones de théâtre , l'Armée de l'air et de l'espace dispose désormais de 4 systèmes de drones MALE Reaper : deux systèmes au standard « Block 1 » livrés en 2014 et deux systèmes au standard « Block 5 » livrés en 2020, dont les capacités étendues d'armement (bombes à guidage GPS, missiles airl-sol Hellfire) et de charges utiles ROEM 2 ( * ) devraient être pleinement opérationnelles en 2022.

À ce jour, les drones Reaper ont réalisé plus de 43 000 heures de vol , dont plus de 92 % au profit d'opérations extérieures .

Depuis leur armement par des bombes guidées laser en décembre 2019, les Reaper du détachement drones de Niamey sont devenus le principal facteur d'attrition des groupes armés terroristes dans la région : ils ont assuré 58 % des frappes aériennes en 2020 , contre 29% pour l'aviation de chasse et 13% pour les hélicoptères d'attaque.

? Le deuxième axe d'effort a porté sur les drones légers ou de contact qui, dans tous les milieux, deviennent des équipements indispensables.

Sur ce segment, une forte montée en puissance est en cours depuis 2019, avec notamment la livraison de 210 DROP et de 67 micro-drones NX70 en 2019 et 2020.

En outre, une commande portant sur 150 micro-drones ANAFI (Parrot) a été passée en début d'année 2021 sur la base d'un accord-cadre en vue de l'acquisition de plusieurs centaines de systèmes d'ici 2025 au profit des trois armées .

Ces équipements issus des technologies du civil, mais rendus plus robustes et fiables, sont très attendus dans les forces, leurs performances et leur simplicité d'utilisation devant permettre d'en généraliser l'emploi à tous les échelons du combat.

Si l'Armée de terre est la première concernée par cette « révolution des drones de contact » (lors de son audition, le général Charles Palu, sous-chef d'état-major « plans et programmes » de l'Armée de terre, a évoqué un véritable « game changer »), l'Armée de l'air et de l'espace (d'ores et déjà dotée de quelques 300 drones de cette catégorie) et la Marine ne sont pas en reste et en seront progressivement équipées, notamment pour la surveillance de leurs emprises.

Par ailleurs, en matière de petits drones (d'une portée supérieure à 15 km et d'une autonomie de 2 heures et qui sont destinés à recueillir des informations en temps réel), plus de 100 vecteurs devraient être livrés avant la fin de l'année 2022.

L'Armée de terre dispose depuis peu de 10 systèmes de mini-drones de renseignement (SMDR) Spyranger (Thalès), ce chiffre devant être porté à 20 d'ici la fin de l'année 2021.  Cet équipement, d'ores et déjà déployé en opérations extérieures, donne toute satisfaction, que ce soit pour guider les tirs d'artillerie, escorter les convois, protéger les emprises ou détecter les poseurs d'engins explosifs. La version définitive, en cours de mise au point, est très attendue.

A la même date, la Marine devrait avoir reçu deux premiers systèmes de mini-drones Marine (SMDM) Aliaca de Surveycopter, drones aériens destinés à équiper ses bâtiments de second rang (patrouilleurs et frégates).

Les systèmes de mini-drones aériens embarqués de la Marine (SMDM)

Ces drones à voilure fixe de 2,2 mètres de long et de 3 mètres d'envergure, pesant environ 16 kilos, propulsés par un moteur électrique, ont une autonomie de 3 heures et un rayon d'action de 50 kilomètres. Leur lancement s'effectue par catapulte et ils sont récupérés à bord automatiquement dans un filet en fin de vol. Leurs capteurs embarqués retransmettent en temps réel les images et les données collectées pendant le vol, de jour comme de nuit.

Si l'arrivée de ces drones de contact constitue une avancée majeure pour la Marine nationale, il faut noter cependant que les marines américaine et britannique utilisent des systèmes similaires ( ScanEagle, Boeing ) depuis près de 15 ans.

3. Un retard qui perdure sur le segment des drones tactiques et sur celui des drones navals

? Sur le segment des drones tactiques - de portée supérieure à 100 km et 10 h d'autonomie - le rattrapage du retard est plus lent .

Compte tenu du retard dû au crash en vol d'essai fin 2019, les deux premiers systèmes SDT Patroller (Safran), soit 10 vecteurs aériens 3 ( * ) , ne devraient pas être livrés avant 2022, un troisième système de quatre vecteurs étant espéré pour 2025.

Ce retard entraîne un décalage de la phase 2 du programme après 2025, qui est pris en compte dans « l'actualisation » de la LPM. Il convient de rappeler que la LPM prévoyait une cible de 5 systèmes (28 vecteurs) à l'horizon 2030.

Après que l'analyse de l'accident a révélé un calculateur défaillant, la résolution des problèmes par l'industriel est actuellement en cours et les vols devraient reprendre cet été, l'enjeu étant d'obtenir rapidement la certification. Pour l'heure, le SDT Patroller manque particulièrement à l'Armée de Terre en bande sahélo-saharienne, d'autant qu'elle ne dispose plus de ses SDTI . Dans l'attente de sa livraison, l'Armée de terre a fait l'acquisition d'un simulateur destiné à permettre l'acculturation et l'entraînement des futurs équipages. Les rapporteurs estiment qu'i l faut impérativement éviter un nouveau retard.

Caractéristiques techniques du Patroller

Elongation : 150 km

Hauteur maximale d'utilisation : 15 000 pieds

Endurance : 15 heures

250 kg de charges utiles (3 charges utiles simultanées, dont radar et boule optronique),

Système de communication et de contrôle (LOS Line of sight) (80 km)

Un seul moteur mais peut planer en cas de panne

Deux capteurs reliés entre deux par de l'intelligence artificielle :

- un radar de surveillance terrestre PICOSAR, qui détecte les mouvements et réalise de l'imagerie

- une boule optronique Euroflir 410 (électro-optique infra-rouge), issue d'étude-amont, géostabilisée qui réalise des missions d'observations jour et nuit sur cibles détectées par le radar

Configuration maritime en développement (viseur Euroflir 410 + radar maritime + SATCOM) : en vue de proposer une solution à la Marine pour la surveillance maritime du territoire

Très bonnes performances optiques (permet de voir un homme à 3 kilomètres) et acoustiques (silencieux grâce à son moteur à l'arrière).

Le SDT sera certifié sur la base du standard STANAG 4671, qui porte sur l'aéronef, mais aussi les liaisons de données et la station sol.

A l'étude :

- armement (roquettes guidées laser) (Etude de levée de risques en cours)

- communication par satellite (SATCOM) au-delà de 150 km

- intégration d'un système de contrôle de vol souverain

- charge utile de guerre électronique

- capteur ROEM (renseignement d'origine électro-magnétique)

Le programme « systèmes de drones aériens de la Marine » SDAM (VSR 700 du tandem Airbus-Naval Group) n'est encore, quant à lui, qu'au stade préparatoire, l'étude de levée des risques et des vols tests sur un démonstrateur, dérivé d'un hélicoptère léger dronisé, étant en cours. En 2020, le ministère des armées a commandé un deuxième démonstrateur dans le cadre du plan de soutien à la filière aéronautique, la commande des 15 systèmes opérationnels ne devant toutefois pas intervenir avant 2026.

? Conformément à la loi de programmation militaire 2019-2025, la capacité de guerre des mines de la Marine nationale doit être renouvelée à travers le programme de Système de lutte anti-mines futur (SLAMF) qui repose largement sur l'utilisation de drones marins. Ce programme prévoit de doter la Marine de huit « modules de lutte contre les mines » composés chacun d'un drone de surface équipé d'un sonar remorqué, d'un robot sous-marin télé-opéré, de trois drones sous-marins autonomes et d'un poste de commandement et de contrôle à distance.

Le prototype , fruit d'une coopération franco-britannique engagée en 2010 dans le cadre de l'accord de Lancaster House et conduite par Thales et l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR), n'a cependant pas encore été livré à la Marine du fait d'un retard de plus d'un an sur le programme de qualification incrémentale . Les raisons sont partiellement liées à la crise COVID, mais également à des retards internes propres au processus de l'industriel. La livraison est désormais attendue à l'automne 2021.

S'en suivront des évaluations opérationnelles menées par la Marine servant de support à une feuille de route vers l'autonomie en navigation et à une préparation au concept d'emploi avant livraison des systèmes de série.

La livraison des quatre premiers systèmes qui, en principe, devait intervenir d'ici 2025, est malheureusement décalée à la prochaine LPM du fait de « l'ajustement » décidé dans le cadre de l'actualisation de la loi de programmation , ce que nous ne pouvons que regretter .

En tout état de cause, il est prévu que ces systèmes de drones soient d'abord mis en oeuvre à partir de la terre, puis dans un deuxième temps à partir de bâtiments dédiés (bâtiments de guerre des mines ou BGDM) dont la livraison est envisagée dans le cadre d'étapes ultérieures du programme SLAM-F.

Utilisés pour détecter et neutraliser les mines, ces systèmes de drones permettront de maintenir les bâtiments de la Marine - notamment la force océanique stratégique - à distance de tout danger - et de protéger l'accès aux ports français.

Par ailleurs, la Marine devait bénéficier à compter de 2025 du lancement du programme Capacité hydrographique et océanographique du futur (CHOF) qui prévoit la mise en oeuvre, depuis des navires porteurs, de drones de surface et sous-marins. Il s'agira de drones endurants, capables de recueillir des données pendant plusieurs jours, qui permettront d'améliorer la connaissance de l'environnement marin.

Malheureusement, le programme CHOF fait aussi les frais de l'ajustement lié à l'actualisation de la LPM et devrait voir sa phase de réalisation décalée d'un an, de sorte qu'aucun bâtiment hydrographique ne sera livré en 2025.

4. Un Eurodrone enfin sur des rails

Après plus de vingt ans d'atermoiements et un blocage de son développement durant les deux dernières années, l' Eurodrone européen , fruit d'une coopération réunissant la France, l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne, en vue de remplacer les drones MALE étrangers comme le Reaper et le Héron , est enfin entré dans une phase de réalisation .

Les récentes avancées de l'Eurodrone

Les négociations du contrat de réalisation, qui confie la maîtrise d'oeuvre à Airbus Defence and Space GmbH (Allemagne), Dassault Aviation (France), Leonardo (Italie) et Airbus DS SAU (Espagne) étant positionnés comme sous-traitants, ont été finalisées en novembre 2020 . Sous la tutelle de l'OCCAR, le contrat prévoit l'équipement des forces armées des quatre pays, pour un budget de l'ordre de 7,1 milliards d'euros , soit près de 3 milliards d'euros de moins que la proposition initiale d'Airbus, jugée trop élevée. Il porte sur l'acquisition de 60 drones soit 20 systèmes 4 ( * ) (dont 7 pour l'Allemagne, 5 pour l'Italie, 4 pour l'Espagne et 4 pour la France ) et 5 ans de soutien couvrant le développement, la fabrication et les premières années de MCO.

Ce programme a été sélectionné par la commission européenne en mars 2019 pour bénéficier d'un soutien financier de la FED de 100M €.

La répartition industrielle a été stabilisée :

- en France : le système de vol et d'atterrissage sécurisé, les communications de mission, les systèmes de maintenance ;

- En Allemagne : le système de gestion de vol et d'intégration dans l'espace aérien, le train d'atterrissage, la station sol de contrôle et la chaine d'assemblage ;

- En Espagne : le fuselage et l'empennage, le système de contrôle critique de la sécurité des vols, les communications tactiques et de sécurité, le système de propulsion ;

- En Italie : la conception et la fabrication des ailes, le système électrique embarqué et climatisation, le système de mission embarqué et le système d'armes embarqué.

Les négociations menées par l'OCCAR ont abouti. L'approbation par les nations est en cours. La France dans le cadre d'un CMI (comité ministériel d'investissement propre au ministère des armées) et plus récemment l'Allemagne (décision du Bundestag du 14 avril 2021 : 21 vecteurs, 12 stations sol, 4 simulateurs et 5 ans de MCO pour 700M€) ont approuvé le contrat. L'Italie a entamé son processus décisionnel au sein du parlement début avril 2021, une approbation définitive étant attendue d'ici quelques semaines. La position espagnole reste plus ambiguë, l'Espagne ayant conditionné son approbation à l'attribution des fonds européens du plan de relance européen dont elle en est le principal bénéficiaire (140 Md€ sur les 750 Md€). Or, celui-ci n'a été approuvé à ce stade que par seulement 19 pays.

La France, qui envisage de commander 6 systèmes, dont quatre dès 2021, prévoit de recevoir son premier Eurodrone en 2028 , soit trois ans après la date fixée par la LPM. Ce vecteur est d'abord destiné à l'Armée de l'air et de l'espace. Néanmoins, l'Eurodrone pourrait aussi intéresser la Marine nationale qui cherche à compléter ses moyens de surveillance des approches maritimes par l'acquisition d'un drone MALE, l'autre option en balance étant le SDT Patroller de Safran 5 ( * ) .

Si l'Eurodrone devrait constituer un moteur pour l'innovation du secteur aéronautique européen (développement de nouveaux capteurs...) et contribuer à l'émergence d'une filière d'avenir souveraine, il n'en continue pas moins à soulever certaines questions. Il repose en effet sur le pari d'une entente entre plusieurs industriels et plusieurs pays qui ont certaines divergences, notamment au sujet de l'armement , l'Allemagne s'y montrant réticente, alors que la France, l'Italie et l'Espagne comptent sur cette capacité, nécessaire pour garantir l'exportabilité et donc le modèle économique de ce drone.

Par ailleurs, la question des performances reste posée compte tenu des choix technologiques réalisés et du rythme rapide de l'innovation . Son poids de 10 tonnes, sa double motorisation - imposée par l'Allemagne - ne vont-ils pas à l'encontre de l'exigence de furtivité ? Soulignons, à cet égard, qu'au moment où les premiers systèmes Eurodrone seront livrés, les Etats-Unis seront sur le point de mettre en service le successeur du Reaper , un appareil censé être plus endurant, plus furtif et plus intelligent que ce dernier.


* 1 Les drones militaires aériens : une rupture stratégique mal conduite, rapport public annuel de la Cour des Comptes, février 2020.

* 2 Renseignement d'origine électro-magnétique.

* 3 Un système est composé de cinq vecteurs et de deux stations au sol.

* 4 Un système comprend trois vecteurs aériens et deux stations de sol.

* 5 Les deux options sont actuellement étudiées par la DGA et la Marine dans le cadre de travaux sur le programme AVISMAR, la décision étant attendue pour 2022.

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