B. LES COÛTS ENVIRONNEMENTAUX DU TÉLÉTRAVAIL

1. Le télétravail contribue à l'empreinte numérique environnementale

Qualifié par le rapport d'information du Sénat du 24 juin 2020 64 ( * ) « d'angle mort des politiques environnementales et climatiques », le numérique fait l'objet d'une attention croissante au regard de ses effets sur l'environnement.

Le numérique dans son ensemble serait en effet, selon le même rapport, à l'origine de près de 4 % des émissions totales de GES dans le monde et un peu moins de 2 % des émissions totales de la France (soit environ 15 millions de tonnes équivalent CO 2 ) avec la perspective d'une augmentation de 60 % à l'horizon 2040. A côté des émissions liées à l'utilisation d'énergie pour faire fonctionner les équipements informatiques et de télécommunication (serveurs, terminaux fixes et mobiles), notamment les data center , considérés comme particulièrement énergivores et qui nécessitent aussi la mise en oeuvre de techniques de refroidissement, la fabrication de ces équipements consomme en amont de l'énergie et des métaux rares. Le même rapport du Sénat estime que 86 % des émissions de GES liées aux terminaux numériques proviennent de la phase amont (fabrication et transport). Enfin, les équipements numériques, en particulier les téléphones, connaissent une obsolescence rapide et finissent leur cycle de vie sous forme de déchets électroniques, qui représentent d'ores et déjà plus de 50 millions de tonnes par an dans le monde.

A première vue, le télétravail ne devrait pas renforcer significativement l'empreinte numérique environnementale : en utilisant ses équipements informatiques à domicile, on consomme la même énergie que si l'on était au bureau. On envoie déjà de nombreux mails et on utilise déjà massivement les outils numériques dans le travail en présentiel. La différence pourrait cependant exister à travers la nécessité de déployer des équipements supplémentaires pour le travail à distance. Elever le niveau d'équipement des télétravailleurs pourrait ainsi contribuer à un accroissement indirect des GES émis à l'occasion de la fabrication de ces équipements et à l'accroissement, en fin de cycle, des volumes de déchets électroniques.

Le télétravail peut aussi nécessiter le renforcement des équipements de réseau, qui doivent être fabriqués et ensuite consomment de l'énergie au quotidien. Le constat doit cependant être nuancé car les technologies de fibre optique ne nécessitent que peu voire pas du tout d'alimentation électrique. Par ailleurs, les entreprises peuvent réaliser des économies d'énergie à travers la réduction des mètres carrés de bureau alloués aux équipes, qui ne sont plus aussi nombreuses au même moment dans les locaux. Moins de chauffage, moins d'éclairage se traduisent par une réduction de la consommation énergétique.

Il n'en reste pas moins que l'environnement numérique du travail sera forcément renforcé avec la diffusion massive du télétravail, ce qui nécessite de rechercher une « sobriété numérique », promue notamment par la proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France déposée en octobre 2020 au Sénat et actuellement en cours de navette parlementaire 65 ( * ) .

2. Maîtriser les « effets rebonds » induits par le télétravail

Si l'ADEME, dans son étude de juillet 2020, avait chiffré les réductions des déplacements domicile-travail permis par le télétravail et donc le gain en matière d'émissions de GES, une autre étude a été publiée par l'ADEME en septembre 2020 pour évaluer plus précisément l'ensemble des effets du télétravail sur l'environnement 66 ( * ) et prendre en compte des « effets-rebonds » ou « effets de second tour » qui peuvent amplifier ou à l'inverse annuler les bénéfices environnementaux d'une réduction des déplacements.

Les déplacements domicile-travail ne sont en effet qu'une partie des déplacements et n'intègrent pas tous les déplacements professionnels ni les déplacements combinant nécessité professionnelle et personnelle (comme par exemple un arrêt sur le trajet pour déposer les enfants à l'école ou pour faire des courses).

L'étude met en évidence le maintien de certains trajets de proximité lors des jours de télétravail, l'utilisation du véhicule rendu disponible par le télétravail par d'autres membres de la famille, ou encore l'ajout de trajets pour aller faire des courses ou diverses activités qui n'étaient pas possible avant le télétravail et qui sont susceptibles de réduire le gain en matière d'émissions de CO 2 liées au télétravail de l'ordre de 25 %.

L'étude met aussi en évidence les possibilités d'habiter plus loin du lieu de travail, qui conduisent à des trajets moins fréquents mais plus longs des télétravailleurs durant les jours de présentiel. Elle pointe aussi la consommation supplémentaire d'énergie dans les logements, représentant 20,7 kg eqCO 2 par an pour 1 jour de télétravail par semaine. Au total, l'ADEME estime que l'ensemble de ces effets rebonds pourrait conduire à un gain en matière d'émissions de CO 2 réduit de 31 % par rapport à l'évaluation faite avant prise en compte de ces effets .

L'étude met cependant en avant que, couplé à une révision des stratégies immobilières et de l'organisation des bureaux des entreprises, le télétravail pourrait avoir des effets plus massifs en matière de réduction des émissions de GES . Ainsi, la mise en oeuvre du bureau flexible ( flex office ), c'est-à-dire l'absence de poste de travail attitré à chaque salarié, laissant la possibilité de s'installer à divers endroits disponibles au sein des locaux de l'entreprise, pourrait conduire à un doublement voire plus des gains en matière d'émissions de CO 2 (+ 86 % dans un scénario avec flex office organisé et + 107 % dans un scénario avec flex office diffus), du fait d'une réduction globale de la taille des surfaces affectées à l'activité professionnelle.

Il semblerait donc bien que le télétravail ait un effet positif sur l'environnement, même si celui-ci n'est pas énorme et dépend de nombreux paramètres que l'on ne maîtrise pas totalement. Le télétravail correspondrait ainsi à la fois à une aspiration personnelle à une vie mieux maîtrisée, mais aussi à une aspiration collective à davantage de responsabilité environnementale et une réduction des impacts écologiques de nos activités.

TÉLÉTRAVAIL ET ENVIRONNEMENT

Le télétravail peut-il améliorer notre environnement ?

Le télétravail, en réduisant les déplacements, contribue à la transition vers la décarbonation de nos économies. Mais il rend encore plus indispensable la maîtrise de notre empreinte numérique.

Recommandation

Il conviendrait d'encourager dès maintenant la réutilisation et le partage des objets numériques pour éviter le suréquipement des entreprises et des ménages.


* 64 Pour une transition numérique écologique, rapport d'information n° 555 (2019-2020) de MM. Guillaume CHEVROLLIER et Jean-Michel HOULLEGATTE, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 24 juin 2020 : http://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-555-notice.html

* 65 http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl20-027.html

* 66 https://librairie.ademe.fr/mobilite-et-transport/3776-caracterisation-des-effets-rebond-induits-par-le-teletravail.html

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