EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 6 JUILLET 2022

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M. Laurent Lafon , président . - Nos collègues Laure Darcos et Stéphane Piednoir vont maintenant nous présenter leur bilan de la mise en oeuvre de la loi de programmation de la recherche (LPR).

Mme Laure Darcos , rapporteur . - Il était important de disposer d'une année complète d'application de la loi pour formuler nos préconisations. Comme vous allez le constater, ces dernières sont un peu sévères.

La LPR, que nous avons examinée à l'automne 2020, était très attendue par un secteur confronté depuis des années à un sous-investissement public chronique, ayant conduit à son décrochage au niveau international et à une érosion progressive de l'attractivité de ses métiers.

Cette loi avait donc pour objectif premier de « réarmer » la recherche française en planifiant sur une période de dix ans, courant de 2021 à 2030, une augmentation progressive de 5 milliards d'euros de son budget.

Bien que saluant l'initiative d'un tel texte, le Sénat avait jugé cette trajectoire budgétaire à la fois trop longue et pas assez ambitieuse dans son intensité sur les premières années. Nous avions alors durement bataillé pour obtenir un raccourcissement de la programmation à sept ans et un effort financier plus marqué en début de période. En définitive, nous n'avons pas obtenu gain de cause sur le premier point. En revanche, nous avons réussi à améliorer sensiblement la trajectoire budgétaire par l'intégration de crédits issus du plan de relance.

Par ailleurs, le Sénat a enrichi le texte à plus d'un titre, qu'il s'agisse de la sécurisation des nouveaux dispositifs de recrutement, de la définition d'un socle juridique pour l'intégrité scientifique, de la réduction du nombre d'ordonnances ou encore de la valorisation de la culture scientifique.

Un an et demi après la promulgation de la LPR, la commission nous a confié cette mission de contrôle afin de dresser un premier état des lieux de son application, tant sur le plan strictement réglementaire que sur le plan de sa mise en oeuvre concrète sur le terrain et des premiers résultats observables.

Pour mener à bien ce bilan d'étape, nous avons auditionné les représentants des principaux acteurs du secteur : grands organismes de recherche, Agence nationale de la recherche (ANR), Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres), établissements d'enseignement supérieur, collèges doctoraux, directions de laboratoires, ministère, etc.

Commençons par le volet réglementaire, le plus formel, mais aussi le plus important pour la mise en oeuvre de la loi.

Initialement prévu pour être en grande partie accompli au début de l'été 2021, et achevé à l'automne de la même année, le programme de publication des textes réglementaires de la LPR a pris beaucoup de retard sous l'effet de plusieurs contraintes sans doute sous-estimées par le ministère. Je pense en particulier aux étapes préalables de concertation avec les instances nationales de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESR), aux arbitrages interministériels, au phénomène d'embouteillage du « guichet unique de Bercy » et aux délais de passage devant le Conseil d'État.

Après un pic de publication survenu à la fin de l'année dernière, le schéma réglementaire de la loi de programmation est aujourd'hui presque intégralement mis en oeuvre. Il ne manque à ce jour que deux décrets et deux arrêtés sur les quarante textes d'application nécessaires.

Poursuivons avec le volet « programmation budgétaire », qui constitue le coeur de la LPR.

Ses deux premières annuités se sont traduites, en loi de finances initiale (LFI) pour 2021, par un abondement de 389 millions d'euros de plus qu'en 2020, et, en LFI pour 2022, par un apport supplémentaire de 497,4 millions d'euros par rapport à 2021.

Conformes à la trajectoire définie par la loi de programmation, ces évolutions constituent un début de réinvestissement accueilli avec un certain soulagement par le secteur.

L'effort budgétaire déployé concerne en tout premier lieu l'ANR, acteur pivot de notre système de recherche. L'Agence a bénéficié, en 2021, d'une hausse de 424 millions d'euros de sa dotation. Son budget d'intervention est ainsi passé de 746 millions à 1,19 milliard d'euros, un niveau inédit depuis sa création. En 2022, l'augmentation devrait être de 438 millions d'euros pour un budget d'intervention global de 1,2 milliard d'euros. Là encore, ces progressions correspondent aux engagements pris.

Le renforcement des moyens financiers de l'ANR a rendu possible, dès 2021, l'enclenchement de la dynamique prévue par la LPR, qu'il s'agisse de l'augmentation du taux de succès aux appels à projets ou du relèvement du préciput.

Pour l'ensemble des appels à projets, le taux de succès s'est élevé à 23,1 % en 2021. Ce résultat très encourageant laisse à penser que la cible de 30 % en 2027 est raisonnablement atteignable. Je rappelle qu'en 2017 le taux de succès était inférieur à 12 %.

Néanmoins, nous appelons à la vigilance sur deux points.

Premièrement, il ne faudrait pas que le nombre de projets déposés connaisse une augmentation trop importante, la hausse du taux de sélection étant susceptible de provoquer un « appel d'air ».

Deuxièmement, compte tenu de la forte inflation qui sévit actuellement, l'augmentation du financement moyen par projet devient un enjeu central. Évidemment, l'augmentation du taux de sélection ne saurait se traduire par une baisse du financement moyen par projet.

Le relèvement du préciput à 25 % en 2021, contre 19 % en 2020, est conforme aux prévisions et de bon augure pour la suite de la programmation. Nous ajoutons toutefois deux bémols.

Les retombées de l'augmentation du préciput semblent moins immédiatement perceptibles par les acteurs de la recherche que celles qui résultent de la hausse du taux de sélection, effet que certains imputent au caractère « relativement, voire trop modeste » du relèvement du taux.

En outre, le nouveau système de répartition, d'abord tripartite, puis quadripartite, est pour le moins complexe. Du reste, ses modalités de mise en oeuvre continuent de susciter un certain nombre d'interrogations.

Pour conclure sur ce volet budgétaire, nous saluons le respect de la trajectoire sur les deux premières annuités, mais nous alertons sur deux points.

L'effort budgétaire mis en oeuvre étant très largement absorbé par la hausse des prix, il nous semble impératif de procéder à un réexamen de la trajectoire initiale, laquelle ne tient précisément pas compte de l'inflation. Le Sénat l'avait d'ailleurs pointé au moment de l'examen du projet de loi.

La clause de revoyure, prévue pour 2023 par l'article 3 de la LPR, doit permettre de procéder à cette actualisation. Nous devons notamment revoir deux questions : la durée de la programmation - face aux aléas macroéconomiques, il faut ramener la trajectoire à sept ans, comme nous l'avions préconisé - et l'intensité de l'effort budgétaire - le choc de réinvestissement attendu ne s'étant pas produit, il faut amplifier le rythme des prochaines annuités.

La nouvelle ministre devra rapidement donner des garanties quant à la suite de la mise en oeuvre de la programmation budgétaire et quant à ses possibilités d'actualisation.

Enfin, la LPR ignore une question centrale, celle du glissement vieillesse technicité (GVT), qui grève les marges de manoeuvre budgétaires des opérateurs.

Le GVT, c'est en effet un coût annuel de 30 millions d'euros pour les organismes de recherche et de 50 millions d'euros pour les établissements d'enseignement supérieur. La clause de revoyure est l'occasion de traiter enfin ce dossier, par exemple dans le cadre des contrats liant les opérateurs de recherche à l'État.

M. Stéphane Piednoir , rapporteur . - Venons-en au volet « ressources humaines ». À ce titre, la mise en oeuvre de la trajectoire d'emplois prévue par la LPR exige une remarque préliminaire.

En 2021, 376 équivalents temps plein travaillé (ETPT) ont été créés contre 700 prévus. Le taux de réalisation de l'objectif affiché pour la première annuité est donc de 53,7 %.

Selon le ministère, ce moindre résultat s'expliquerait par le fait que de nombreux textes réglementaires n'ont été publiés que courant, voire fin 2021. Dès lors, il n'aurait pas été possible d'assurer le plein déploiement des dispositifs « RH » concernés, en particulier l'augmentation du nombre de contrats doctoraux et la création des chaires de professeur junior (CPJ).

Nous nous étonnons de cet argument, qui consiste à faire reposer les créations de postes promises principalement sur les contrats doctoraux supplémentaires et le nouveau dispositif des CPJ.

Nous déplorons également que le dispositif de suivi de la trajectoire d'emplois de la LPR, prévu sous la forme d'un plan pluriannuel de recrutement élaboré par chaque établissement, ne soit pas encore formellement mis en oeuvre.

Ce constat général étant fait, attardons-nous sur les principaux dispositifs de recrutement créés par la loi de programmation, à commencer par les chaires de professeur junior.

Au total, 229 CPJ ont été ouvertes sur les deux premières annuités, alors que l'objectif fixé par le rapport annexé est de 300 chaires par an sur dix ans. Ces chiffres témoignent d'un démarrage relativement lent du dispositif.

Bien que nous manquions encore de recul pour en dresser un premier bilan consolidé - la campagne 2021 n'est en réalité pas tout à fait terminée et la campagne 2022 est en cours -, nous remarquons que les CPJ continuent de diviser la communauté universitaire : alors que certaines universités se sont engagées rapidement dans ce dispositif, d'autres refusent toujours d'y entrer. À l'évidence, il existe donc une marge d'acculturation.

Au-delà de l'adhésion ou de l'opposition de principe que suscitent ces chaires, trois sujets préoccupent les acteurs sur le terrain : les incidences de cette nouvelle voie de recrutement sur les collectifs de travail, la question de l'égal accès des femmes et des hommes au dispositif et l'absence de garantie des libertés académiques pour le titulaire d'une CPJ.

À la lumière de ces constats, nous formulons d'ores et déjà deux recommandations.

Premièrement, au niveau des établissements, nous suggérons de mettre en place des garde-fous pour apaiser et rassurer les esprits. Il s'agirait notamment d'ajouter une dimension collective au processus d'entrée dans le dispositif, via la consultation des instances compétentes, et d'assurer la transparence de la procédure à toutes ses étapes.

Deuxièmement, au niveau du ministère, nous préconisons de respecter l'engagement pris d'assortir toute création de chaire d'au moins une promotion de maître de conférences ou de chargé de recherches, c'est-à-dire de lier l'existence des CPJ à des créations de postes permanents par la voie classique.

Le deuxième nouveau dispositif de recrutement est le CDI de mission.

Ce nouveau contrat, inspiré des « contrats de chantier » de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite Pacte, vise à répondre aux besoins des projets de recherche de long terme et à remédier au taux de renouvellement trop important des chercheurs hautement qualifiés.

Cependant, tel qu'il a été précisé par décret, le CDI de mission repose sur deux conditions contradictoires : une durée supérieure à six ans et un financement reposant majoritairement sur des ressources propres, ce qui ne concerne que des cas exceptionnels.

Dans ses modalités actuelles, le dispositif est donc peu opérationnel et suscite une grande déception chez les organismes de recherche. Aucun n'a d'ailleurs, à ce jour, conclu un tel contrat.

Nous préconisons donc, à l'occasion de la clause de revoyure 2023, de revoir les dispositions réglementaires du CDI de mission pour le rendre réellement opérant.

J'en viens aux troisième et quatrième dispositifs de recrutement, le contrat doctoral de droit privé et le séjour de recherche.

Ces deux mesures, dont l'objectif est de sécuriser juridiquement les doctorants contractuels, français ou étrangers, semblent, dans leurs modalités de mise en oeuvre, donner satisfaction même si elles doivent encore « entrer dans les moeurs ».

J'évoquerai enfin les possibilités de recrutement hors Conseil national des universités (CNU).

La LPR rend possible le recrutement d'enseignants-chercheurs sans passer par la qualification du CNU selon deux possibilités, qui avaient suscité de vives réactions au moment de l'examen du texte : la suppression de la qualification pour les maîtres de conférences qui postulent pour devenir professeur, disposition qui est bien entrée en application, et l'expérimentation permettant de déroger à la qualification pour le recrutement des maîtres de conférences, qui, elle, n'est toujours pas lancée - le décret, non publié à ce jour, est à l'arbitrage du nouveau gouvernement...

Cette expérimentation étant encore très décriée, nous appelons la nouvelle ministre à mener une concertation approfondie sur ses modalités de mise en oeuvre afin qu'elle puisse se dérouler dans un climat le plus serein possible.

Quelques mots maintenant sur les mesures « carrières et rémunérations », qui ne figurent pas à proprement parler dans la LPR, mais dans le protocole d'accord signé le 12 octobre 2020 par les syndicats majoritaires de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESR).

Les deux premières tranches 2021 et 2022 du processus de revalorisation indemnitaire, de 92 millions d'euros chacune, ont été intégralement mises en oeuvre. Elles ont globalement été bien accueillies par le secteur, même si certains les jugent insuffisantes au regard de l'ampleur du décrochage des rémunérations dans l'ESR et regrettent qu'elles ne portent que sur la partie indemnitaire et non sur la rémunération de base.

Nous avons également été alertés sur la complexité du nouveau régime indemnitaire unifié des chercheurs et des enseignants-chercheurs (Ripec), en particulier sur sa composante individuelle « C 3 » considérée comme une véritable usine à gaz, bien loin de l'objectif de simplification annoncé.

Nous préconisons enfin d'aborder, lors de la clause de revoyure, la question du calendrier de mise en oeuvre de la seconde étape de la convergence indemnitaire, initialement prévue entre 2027 et 2030 : en cas de raccourcissement de la durée de la programmation à sept ans, il faudra mener à bien cette convergence interministérielle d'ici à 2027.

Pour clore ce volet « RH », je dresserai un rapide état des lieux des mesures relatives au doctorat.

La LPR a clairement permis d'enclencher une dynamique positive.

J'en veux pour preuve les 170 contrats doctoraux supplémentaires qui ont été financés par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (Mesri) en 2021 ; la même évolution est attendue en 2022, 2023 et 2024, pour atteindre l'objectif de 680 contrats supplémentaires en quatre ans.

Toutefois, la revalorisation de 30 % des nouveaux contrats doctoraux, initialement prévue sur trois ans, a finalement été étalée sur cinq ans : une augmentation de 6 % a eu lieu en 2021, portant le salaire mensuel brut à 1 866 euros ; une augmentation équivalente devrait intervenir en 2022, portant ce même salaire à 1 975 euros ; et une hausse plus importante, de 16,4 %, est annoncée pour 2023, qui le porterait à 2 300 euros.

Malgré ces avancées, plusieurs motifs d'insatisfaction ou d'inquiétude nous ont été rapportés.

D'abord, la revalorisation ne concerne que les nouveaux contrats doctoraux, ce qui crée une iniquité entre doctorants.

Ensuite, les hausses 2021 et 2022 sont déjà grevées par l'inflation.

Enfin, l'augmentation promise de 30 % d'ici à 2025 n'est en aucune manière garantie.

Nous estimons en outre que ces mesures financières, évidemment nécessaires, ne suffisent pas à revaloriser structurellement le doctorat. Une politique réellement ambitieuse nécessiterait, selon nous, de travailler sur les axes suivants : l'information et la communication sur les modalités du doctorat et le devenir professionnel des docteurs via , par exemple, la création d'un portail national de l'emploi des docteurs ; la médiation scientifique auprès des étudiants pour les inciter à s'engager dans la voie doctorale ; et la reconnaissance du doctorat dans le monde de l'entreprise et sa publicité auprès du grand public.

Mme Laure Darcos , rapporteur . - Le quatrième grand thème que nous souhaitons aborder est relatif à l'évaluation et à l'organisation de la recherche.

La LPR a posé un nouveau cadre juridique pour l'évaluation des établissements et des chercheurs. Devenu autorité publique indépendante et ayant vu ses missions élargies, le Hcéres a entrepris, sous l'impulsion de son nouveau président, une réforme de sa méthodologie d'évaluation, dite « intégrée ».

Les nouveaux référentiels, parus à l'automne 2021, privilégient désormais une approche ex post , mettant l'accent, non plus sur le contenu scientifique des projets de recherche, mais sur l'évaluation des résultats obtenus au moyen de nombreux indicateurs.

Cette nouvelle donne a suscité une forte contestation au sein de la communauté de recherche, un collectif de plusieurs centaines de directeurs de laboratoires ayant dénoncé, en début d'année, « un système quantitatif et bureaucratique », qui va à l'inverse de la tendance souhaitée de simplification et d'allègement du travail administratif des chercheurs.

Après avoir entendu chacune des parties - des représentants de ce collectif et le président du Hcéres -, nous estimons qu'une démarche plus à l'écoute des préoccupations du terrain est nécessaire pour la suite de la mise en oeuvre de la réforme de l'évaluation, et qu'un équilibre entre un « tout quantitatif » et un « tout qualitatif » peut être trouvé.

La méthodologie d'évaluation « intégrée » amène aussi à se poser la question de l'organisation du système de recherche, que n'a malheureusement pas du tout abordée la LPR.

En effet, le paysage de recherche français se caractérise par une pluralité d'acteurs - organismes nationaux de recherche, établissements d'enseignement supérieur, agences de financement, unités mixtes de recherche... -, dont les missions ne sont pas forcément bien réparties et dont les relations ne sont pas toujours fluides. Nombre de nos interlocuteurs nous ont fait part des difficultés qu'ils rencontrent régulièrement.

Face à cet « impensé » de la loi de programmation, nous demandons que la revoyure 2023 soit l'occasion de mettre en place un nouveau modèle d'organisation, clarifiant le rôle de chaque acteur, redéfinissant leurs relations réciproques et favorisant les complémentarités d'action. Il me semble que si elle en a la latitude, la nouvelle ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui connaît bien ces questions pour avoir été présidente d'université, se saisira de cette difficulté.

La LPR n'a pas non plus donné de cap à la recherche française, la programmation budgétaire ne s'étant pas accompagnée d'une programmation stratégique. Cette faille structurelle de la loi a participé de son acceptabilité très relative.

C'est pourquoi il nous semble indispensable, en vue de cette revoyure, de réfléchir aux modalités d'une programmation stratégique de la politique publique de recherche et de proposer une vision du secteur à moyen et long terme.

M. Stéphane Piednoir , rapporteur . - Je ferai une dernière remarque sur le volet « sciences et société ».

Dans une période marquée par une défiance croissante à l'égard de la rationalité scientifique, la loi de programmation comporte, principalement dans son rapport annexé, de nombreuses mesures pour renforcer les relations entre les scientifiques et les citoyens.

Nous constatons que ce chantier sociétal a été bien amorcé - nous vous renvoyons pour les détails à notre rapport écrit - et appelons à poursuivre la dynamique à l'oeuvre.

En définitive, la LPR constitue assurément un bon début de réinvestissement public dans la recherche, mais sa durée et son rythme sont certainement à reconsidérer à l'aune du contexte inflationniste que nous traversons.

Des améliorations doivent sans doute aussi être apportées dans la façon d'appliquer certaines de ses mesures pour éviter de créer de la complexité supplémentaire là où, au contraire, de la simplification est nécessaire.

Enfin, certaines lacunes de la LPR nécessitent d'être comblées, en particulier en matière d'organisation et de programmation stratégique de la recherche.

Nous sommes déterminés à saisir l'occasion de la revoyure 2023 pour aborder l'ensemble des sujets que nous venons de vous présenter. L'audition, dans quinze jours, de la nouvelle ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche nous permettra d'ores et déjà de l'interroger sur ses intentions.

Mme Laure Darcos , rapporteur . - J'ajoute pour finir que nous avons été déçus de n'avoir aucun retour de la part de Frédérique Vidal, dont la LPR était pourtant le « bébé ». Nous regrettons qu'elle n'ait pas accompagné l'application de cette loi.

M. Laurent Lafon , président . - Merci à tous deux de la qualité de ce rapport qui nous permettra d'engager le débat avec la nouvelle ministre sur des bases objectives.

M. Max Brisson . - Je remercie nos deux rapporteurs pour ce rapport technique et complet. Il montre que le Sénat aurait dû être davantage écouté lors des débats relatifs à la LPR. La clause de revoyure ressemblera étrangement à une redite du débat que nous avons eu dans l'hémicycle et en coulisse, puisque nous avons tout fait pour aider la ministre à remporter certains arbitrages et pour donner du contenu à ce texte.

Si la trajectoire financière a été respectée, les difficultés d'opérationnalité des nouvelles méthodes de recrutement pointées par Stéphane Piednoir montrent que l'évitement de la concertation et la verticalité ne fonctionnent pas. À l'occasion de la clause de revoyure, le Sénat pourra rappeler l'importance du dialogue en matière de ressources humaines.

Le président du Sénat travaille actuellement à définir le rôle de notre assemblée dans le nouveau contexte politique. Ce rapport est une illustration du rôle déterminant qu'il peut jouer en matière de contrôle de l'action du Gouvernement.

M. Pierre Ouzoulias . - Merci, mes chers collègues, de la qualité de votre rapport, sincère et objectif. Je sais que vous avez eu beaucoup de difficultés à obtenir des informations chiffrées. Dans le cadre du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021, la Cour des comptes souligne d'ailleurs que le Mesri ne lui a pas transmis toutes les informations nécessaires.

Le Gouvernement a sollicité le Parlement pour sanctuariser une trajectoire budgétaire, puis aussitôt celle-ci votée, il s'en est détourné. À quoi bon voter une loi de programmation pluriannuelle ? Autant revenir à l'annualité budgétaire !

Le Gouvernement a déployé des efforts de communication démesurés pour nous convaincre qu'il s'apprêtait à consentir le plus fort investissement au profit de l'enseignement supérieur et de la recherche depuis 1945. Or nous apprenons que le « bébé » de Mme Vidal a été abandonné sur les marches de l'église ! Mme Retailleau recueillera-t-elle l'orphelin ? Je lui souhaite du courage ! En tout état de cause, il n'est pas honnête de vider les coffres d'un ministère avant de le confier à son successeur. Mme Vidal aurait dû défendre les arbitrages qui avaient été actés.

Quel sera l'impact du dégel du point d'indice sur le GVT ? Pour l'université de Nanterre, cela représente plusieurs millions d'euros, que l'on ne sait pas où trouver.

Je note que la trajectoire d'emplois n'est réalisée qu'à 53,7 %. Cela aura des conséquences majeures, d'autant que les engagements relatifs aux créations de chaires de professeur junior, qui ne devaient pas se faire au détriment du passage du corps des maîtres de conférences à celui des professeurs, n'ont pas été tenus.

Des juristes m'ont indiqué qu'ils restaient attachés à l'agrégation, qu'ils continuent de considérer comme la voie royale du recrutement vers le professorat. Si ce système doit être abandonné, il faut le leur dire.

Malheureusement, la LPR a créé des sujets de frictions entre les différentes institutions de l'ESR. Les universitaires réclament notamment une loi de programmation de compensation. C'est une difficulté supplémentaire qu'il nous faudra traiter dans le cadre de la clause de revoyure.

M. Jean Hingray . - Je félicite à mon tour nos rapporteurs pour la qualité de leurs travaux.

Je souhaite revenir sur l'expérimentation du recrutement des maîtres de conférences hors qualification par le CNU. Nous n'avons eu aucune information sur la mise en place de ce dispositif. Quels seraient les contours de la concertation que vous évoquez et quelles actions pourrions-nous mener en faveur de ce dispositif ?

Par ailleurs, je salue votre recommandation relative à la création d'un portail national de l'emploi des docteurs. Quelles passerelles pourrait-il instaurer avec le secteur privé ?

M. Laurent Lafon , président . - Je précise que les modalités de la clause de revoyure n'étant pas fixées, rien n'oblige le Gouvernement à ouvrir un débat avec le Parlement. Nous devrons donc évoquer ce point avec la ministre pour solliciter un engagement de sa part en ce sens.

Mme Laure Darcos , rapporteur . - C'est évidemment le premier sujet qu'il faudra aborder avec la ministre.

La trajectoire financière a été tenue pour les deux premières années. Nous devons rester vigilants pour que ce soit le cas pour les années suivantes.

Concernant le GVT, nous interrogerons prochainement la ministre sur le dégel du point d'indice. En tout état de cause, ce sera l'un des sujets forts de mon rapport pour avis dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

Mon sentiment est que le précédent Gouvernement a mis le problème du GVT sous le tapis, considérant qu'il se réglerait de lui-même du fait des départs en retraite. Or c'est le premier sujet de préoccupation des présidents d'université.

M. Stéphane Piednoir , rapporteur . - Nous partageons le même étonnement quant à la réalisation de la trajectoire emplois, cher Pierre Ouzoulias.

S'agissant des chaires de professeur junior, je considère pour ma part qu'elles apportent une forme de flexibilité compte tenu des difficultés de recrutement que nous constatons. Du reste, contrairement aux CDI de mission, on observe un réel intérêt de certains acteurs pour les CPJ. Comme nous l'avions indiqué lors des débats relatifs à la LPR, il convient toutefois de veiller à ce qu'un nombre équivalent de recrutements soient pourvus par la voie classique.

Il appartiendra à la nouvelle ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de définir les contours de la concertation élargie relative à l'expérimentation du recrutement des maîtres de conférences hors qualification par le CNU. Comme l'a indiqué Max Brisson, rien ne peut fonctionner sans concertation.

Enfin, la plateforme nationale que nous proposons a vocation à identifier les différents débouchés qui s'offrent aux doctorants, y compris dans les métiers du privé. J'ajoute que France Universités et l'association représentant les écoles doctorales souhaitent sa création.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.

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