C. MALGRÉ DEUX PREMÈRES ANNUITÉS RESPECTUEUSES DE LA PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE, PLUSIEURS SUJETS D'INQUIÉTUDE IDENTIFIÉS PAR LES RAPPORTEURS

1. Un effort budgétaire très largement absorbé par l'inflation, constat qui plaide pour un réexamen de la trajectoire en 2023, à l'occasion de la clause de revoyure

Dès l'examen de la LPR, le Sénat, par la voix de ses rapporteurs au fond et pour avis, avait alerté sur le fait que la programmation budgétaire proposée par le Gouvernement, établie en euros courants, ne tenait pas compte de l'évolution de l'indice des prix à la consommation . Or, selon les prévisions du consensus forecast et du rapport économique social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2021, une inflation relativement soutenue était prévue au cours des années à venir, atteignant 1,75 % en 2024.

Le rapporteur pour avis de la commission des finances, Jean-François Rapin, avait même indiqué qu'en euros constants, c'est-à-dire une fois neutralisés les effets de l'inflation, la hausse prévue par la loi de programmation serait cinq fois inférieure à ce qui était annoncé à horizon 2030 , les crédits dédiés à la recherche publique progressant de 1 milliard d'euros et non de 5 milliards d'euros. Et de conclure que si les prévisions d'inflation sur dix ans demeurent évidemment sujettes à caution, « elles permettent néanmoins d'appréhender l'impact potentiel des variables macroéconomiques sur la programmation budgétaire, mettant en exergue le caractère très incertain de la trajectoire retenue » .

Or, depuis le vote de la loi de programmation fin 2020, l'inflation connaît une forte dynamique pour plusieurs raisons : reprise économique consécutive à la crise liée à la pandémie de Covid-19, augmentation de la demande en énergie, déclenchement de la guerre en Ukraine... Après s'être établie à 1,6 % en moyenne en 2021, elle a continué à croître dans les premiers mois de 2022 pour atteindre 5,2 % en mai.

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La recherche, comme l'ensemble des secteurs de l'économie, est touchée par cette conjoncture inflationniste . Tous les acteurs auditionnés, qu'il s'agisse des opérateurs ou des chercheurs eux-mêmes, ont fait part de leur inquiétude aux rapporteurs, soulignant que les efforts budgétaires permis par la LPR sont déjà en tout ou partie grevés par l'inflation .

C'est pourquoi les rapporteurs plaident, à l'occasion de la clause de revoyure prévue en 2023 (article 3 de la loi de programmation), pour un réexamen de la trajectoire au regard notamment de l'évolution du taux d'inflation. Cette actualisation devra à la fois poser la question de :

- la durée de la programmation : compte tenu du fait que plus celle-ci est longue, plus le risque que la trajectoire soit affectée par les aléas macroéconomiques est élevé, les rapporteurs, dans la continuité de la position défendue par le Sénat lors de l'examen de la LPR, sont favorables à ce que la programmation soit ramenée à sept ans, c'est-à-dire à 2027 . Et ce d'autant plus que la majeure partie des mesures non budgétaires de la LPR auront vraisemblablement été mises en oeuvre à cet horizon (excepté la deuxième phase du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs (RIPEC) dont le sort est lié à la réforme des retraites annoncée, cf. infra ) ;

- l'intensité de l'effort budgétaire : le « choc » de réinvestissement - que le retard de la France par rapport à la concurrence internationale rendait pourtant impératif - ne s'étant pas produit, les rapporteurs appellent à amplifier l'intensité des prochaines annuités de la LPR .

2. Un manque de visibilité sur l'effectivité des prochaines « marches » que le nouveau Gouvernement doit rapidement combler

C'est d'ailleurs sur l'effectivité des prochaines annuités de la LPR que se cristallisent nombre d'incertitudes voire de craintes des acteurs de la recherche. Le contexte électoral du premier semestre 2022, avec le possible changement de majorité que celui-ci comportait, n'a fait que renforcer ce sentiment, qui peut être résumé ainsi : les engagements ont, certes, jusqu'ici été tenus, mais qu'en sera-t-il à moyen terme ?

Aussi, les rapporteurs appellent-ils la nouvelle ministre à rapidement donner des garanties sur la suite de la mise en oeuvre de la programmation budgétaire et ses possibilités d'actualisation .

3. La question, toujours non traitée et pourtant centrale, du « glissement vieillesse technicité » (GVT), à laquelle la clause de revoyure devra impérativement répondre

Il convient de rappeler qu' au cours de la dernière décennie, la masse salariale des opérateurs de l'enseignement supérieur (universités) et de la recherche (établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST)) a considérablement augmenté sous l'effet de plusieurs facteurs salariaux (modernisation des « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), régime indemnitaire fondé sur les fonctions, les sujétions, l'expertise et l'engagement professionnel (RIFSEEP)), mais surtout du « glissement vieillesse technicité » (GVT) .

Le GVT est un phénomène qui traduit l'augmentation de la masse salariale du fait de l'avancée en âge des agents et de leur progression dans leurs grilles indiciaires (changements d'échelon, de grade ou de corps).

Cette tension récurrente sur la masse salariale a entraîné une sous-exécution chronique des plafonds d'emploi des opérateurs, associée, pour certains, à une diminution très importante de leurs effectifs.

• Pour les EPST, le GVT représente une charge annuelle de l'ordre de 30 millions d'euros (dont plus de 20 millions pour le seul CNRS), qui ne fait l'objet d'aucune compensation de la part de l'État .

• Pour les établissements d'enseignement supérieur, le coût annuel du GVT s'établit autour de 50 millions d'euros. En 2020, le ministère a indiqué qu'il cesserait désormais de compenser de manière systématique le GVT pour les universités . Une enveloppe de 15 millions d'euros, allouée dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion, a néanmoins permis de compenser en 2020 puis en 2021, de manière partielle ou totale, le GVT auprès de 58 établissements.

Or la LPR n'a pas abordé la question du GVT qui est restée, selon les expressions employées par différents interlocuteurs en audition, « un impensé » , « un tabou » , « une anomalie » .

Pour les rapporteurs, qui alertent chaque année sur ce sujet dans le cadre de leur avis budgétaire respectif, la clause de revoyure et la perspective d'une vague de départs à la retraite dans les années à venir parmi les personnels de l'ESR sont l'occasion de traiter enfin ce dossier, éventuellement dans le cadre des nouveaux COMP liant les opérateurs à l'État .

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