II. MODERNISER LA STRATÉGIE DE L'UNION EUROPÉENNE DANS LE BASSIN MÉDITERRANÉEN

A. L'INFLUENCE DE L'UNION EUROPÉENNE EN MÉDITERRANÉE EST LIMITÉE PAR SON APPROCHE ESSENTIELLEMENT ÉCONOMIQUE DU BASSIN MÉDITERRANÉEN

L'Union européenne, qui compte parmi ses membres huit pays ayant au moins une façade méditerranéenne, est un acteur structurant de la rive nord du bassin méditerranéen. Ses États membres riverains de la Méditerranée organisent régulièrement depuis 2016 des rencontres plurilatérales au sein du groupe informel « MED7 » réunissant Chypre, Malte, la Grèce, l'Espagne, le Portugal, l'Italie et la France, devenu « MED9 » en 2021 pour inclure la Croatie et la Slovénie.

Au-delà de son influence au nord du bassin méditerranéen, l'Union européenne est devenue depuis les années 1990 un acteur dans l'ensemble du bassin. À ce titre, dans le sillage du lancement du processus de Barcelone en 1995 puis de la politique européenne de voisinage en 2004, l'Union européenne a renforcé ses liens bilatéraux avec les pays tiers de la rive sud en signant entre le milieu des années 1990 et le milieu des années 2000 des accords d'association (AA) avec la Tunisie (1995), le Maroc (1996), l'Égypte (2001) et l'Algérie (2002).

La nature des relations entre l'Union européenne et les pays de la rive sud reste essentiellement économique, comme en témoigne la communication du 9 février 2021 « Un nouveau programme pour la Méditerranée » de la Commission européenne et du Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité qui, en dépit d'un chapitre consacré à la paix et à la sécurité, reste centrée sur la coopération bilatérale en matière d'investissement économique, ce document prévoyant la mobilisation de fonds européens à hauteur de 7 Md€ pour la période 2021-2027 en faveur de « la relance socio-économique à long terme de la région » 168 ( * ) .

Cette approche essentiellement économique s'explique notamment par le champ de compétence de l'Union européenne, qui est limité sur les questions de politique extérieure. Elle rencontre deux limites principales.

La première est liée au réarmement et à la militarisation des relations internationales en Méditerranée. Dans un contexte stratégique dégradé, l'action de l'Union sur le terrain économique risque d'avoir une portée limitée pour assurer la pérennité de l'influence de l'Union auprès des pays de la rive sud du bassin.

La seconde est le risque , identifié comme prioritaire par plusieurs interlocuteurs entendus par les rapporteures, que l'Union européenne soit en train de « perdre la bataille des récits » ( narratives ) en Méditerranée . En effet, le réarmement de la zone s'est accompagné d'un durcissement des stratégies d'influence confinant dans certains cas à la guerre informationnelle, qui est particulièrement forte dans le voisinage immédiat de l'Union européenne, aussi bien dans les pays des Balkans occidentaux que dans les pays d'Afrique du Nord. Ce risque a été illustré dès 2020 par la difficulté pour l'Union européenne de valoriser à sa hauteur l'aide apportée pendant la crise sanitaire, qui s'élève à 1,2 Md€ en Afrique du Nord 169 ( * ) , face à des récits plus assertifs et à une communication plus efficace d'autres acteurs globaux comme la Chine. Plus récemment, la tentative de la Russie de rendre l'Union européenne responsable des risques potentiels d'approvisionnement en céréales dans les pays de la rive sud du bassin méditerranéen est une nouvelle alerte qui justifie un renforcement des instruments dont l'Union dispose pour répondre à cette manipulation de l'information qui fragilise notre influence dans l'espace méditerranéen.


* 168 Commission européenne, Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, 9 février 2021, JOIN(2021)2, communication conjointe au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, « Un partenariat renouvelé avec le voisinage méridional. Un nouveau programme pour la Méditerranée ».

* 169 Dont 79 M€ en Algérie, 264 M€ en Égypte, 65 M€ en Libye, 456 M€ au Maroc et 330 M€ en Tunisie.

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