C. UNE MISE EN oeUVRE RAPIDE ET HOMOGÈNE AU DÉTRIMENT D'UN TRAVAIL PLUS QUALITATIF

1. Une mise en oeuvre des programmes rapide et homogène, particulièrement pour ACV
a) le choix d'un cadre national homogène

Le cadre est défini par l'État et s'applique au niveau national. Pour ACV, il s'agit d'une convention-cadre pluriannuelle qui comprend des éléments fixes : diagnostic, enjeux, stratégie, périmètres d'intervention... La stratégie doit obligatoirement se décliner sur 5 axes thématiques (cf. supra).

Si ce choix de couvrir 5 axes conduit les collectivités à développer des politiques transversales, ce qui est plutôt pertinent, il est en décalage avec certaines situations locales93(*). Ce formatage impose aux collectivités des secteurs d'interventions d'action publique qui ne correspondent pas forcement à leurs priorités.

Ce cadre se retrouve aussi dans la mécanique du programme où « il est demandé » aux collectivités de mettre en place toute une série d'instances94(*) pour la conduite du projet de revitalisation. A ces instances locales, s'ajoute au niveau régional, le « Comité régional d'engagement » qui regroupe les principaux financeurs du programme et qui est présidé par le préfet de région qui « supervise et facilite la mise en oeuvre et la mobilisation des financements ». Ce Comité régional « valide l'avenant de projet à la convention-cadre, établissant le plan d'action. Il vérifie notamment la transversalité du projet vis-à-vis des cinq axes du programme ACV, et que les actions prévues s'inscrivent dans le projet global de revitalisation du territoire95(*). »

Le programme constitue une véritable « injonction au travail multi-partenarial »96(*).

Pour PVD, un schéma comparable existe, même s'il est moins prescriptif : la convention d'adhésion, puis la convention-cadre - qui vaut ORT - ne prévoit pas d'axe obligatoire ; en matière de suivi « il sera privilégié une articulation voire une unification avec les instances existantes afin de ne pas multiplier la comitologie, dans une logique de soutien au projet de territoire97(*) ».

Le choix de cette méthode, qui répondait sans doute à des enjeux d'efficacité, est tout de même surprenante pour des programmes qui se veulent déconcentrés et décentralisés.

b) Le choix d'un rythme confinant à la marche forcée

Chaque programme est découpé en plusieurs phases, qui sont balisées dans le temps (cf. supra). Compte tenu de la crise sanitaire, l'ANCT a allongé les durées des phases.

L'ANCT et la DHUP ont affirmé que les préfets n'avaient pas d'objectifs chiffrés en matière de signature (de convention d'adhésion ou de convention ORT) et qu'il n'y avait « pas de politique du chiffre ». Pour autant, beaucoup d'acteurs locaux ont signalé que cette politique publique s'était déployée à « marche forcée » au rythme imposé par l'État. Les conventions d'adhésion ont été signées très rapidement pour l'essentiel des villes98(*).

L'ANCT reconnait d'une certaine façon cette incitation à passer rapidement à l'opérationnel : « La conditionnalité de la signature de la convention d'adhésion à l'attribution de la subvention des postes de chefs de projet PVD a permis de motiver les communes à s'engager. »

c) Des réalisations visibles et significatives pour ACV

ACV s'est rapidement traduite par des projets concrets et visibles dans les villes concernées. De nombreuses villes ont pu financer des opérations et projets d'envergure, parfois envisagés de longue date mais bloqués faute de financement. L'ANCT dispose de nombreux exemples de réalisations importantes engagées qui « commencent à dessiner le futur visage des centres-villes : nouveaux équipements culturels, anciens bâtiments historiques abandonnés depuis longtemps que l'on réhabilite entièrement, parvis de cathédrale et berges de fleuves reconquises et redécouvertes pour un paysage urbain amélioré, commerces modernisés, un fourmillement d'initiatives soutenues (...)99(*). »

Les extraits ci-dessous témoignent de ces transformations dans les villes ACV reprises dans ce guide « 222 villes, 222 projets ». Ils illustrent aussi la diversité des thèmes et un certain contraste relatif à l'ampleur des projets.

Sources : ANCT. (2021, septembre). 222 villes/projets d'aménagement urbain. https://agence-cohesion-territoires.gouv.fr/catalogue-222-villesprojets-damenagement-urbain-600

Ces choix ont permis un déploiement rapide des programmes. Pour ACV, presque quatre ans après son lancement, la quasi-totalité des villes du programme a eu accès à des financements des partenaires d'ACV.

NOMBRE DE COMMUNES MEMBRES DU PROGRAMME ACV

AYANT VU SE CONCRÉTISER AU MOINS UNE ACTION DU PROGRAMME

(I = INGÉNIERIE / O = OPÉRATIONS)

 

AL

ANAH

BdT

État

I

O

I

O

I

O

O

Nombre de villes ACV dans lesquelles il y a au moins un financement du partenaire cité

112

206

232

229

234

166

217

Nombre de villes ACV dans lesquelles un financement est en cours de finalisation

10

4

   

0

N.C.

0

Nombre de villes ACV dans lesquelles il n'y a pas eu de financement

25100(*)

251

2

5

0

Au moins 24

17

Totaux

234

234

234

234

234

234

234

Source : données ANCT et partenaires, retraitement Sénat

Cette mise en oeuvre rapide entraine toutefois certaines critiques.

2. Un déploiement qui suscite des critiques
a) Un contexte local insuffisamment pris en compte

« C'est une approche techno, labellisée de Lille à Marseille pour renforcer la coordination entre acteurs. Les acteurs locaux s'organisaient très bien sans l'État, il existait des choses, dont l'État se souciait peu », a constaté, lors de son audition, Monsieur Gilles NOEL, Président des Maires Ruraux de la Nièvre et maire de la commune de Varzy.

Régions de France (RF) se montre aussi assez critique sur ce point dans sa contribution écrite : « Force est de constater que l'élaboration du dispositif s'est effectuée au travers de l'ANCT de manière totalement centralisée et descendante, sans capacité de coordination du niveau régional (...). Par ailleurs, la faible prise en compte des démarches existantes antérieurement constitue une réelle limite pour ces deux programmes (...). Les régions n'ont globalement pas été associées à l'élaboration de ce programme. Elles ne le sont guère plus en ce qui concerne sa mise en oeuvre. Régions de France a alerté à plusieurs reprises au cours des dernières années le ministère de la cohésion des territoires et l'ANCT sur ce sujet, sans réel succès. »

La Fédération des SCoT, à l'image de nombreux acteurs locaux entendus lors des déplacements de la mission, regrette également que la planification locale décidée par les élus dans le cadre des SCoT ait une faible articulation avec ACV et PVD : « Il a été fait totalement abstraction de la programmation locale, car il n'y a pas cette connexion entre le travail fait dans les SCoT et les diagnostics locaux. » Il a fallu repartir de zéro.

Globalement, l'État a fait abstraction de ce qui existait au niveau local pour imposer un modus operandi unique. Il existait pourtant, et parfois depuis longtemps, des dispositifs des Régions ou des Départements relatifs au soutien des centres-villes qui n'ont pas vraiment servi de support aux programmes.

b) Des programmes entraînant des risques d'uniformisation

Par leur méthode, leur rythme et les offres de services qu'ils proposent, ces programmes génèrent des effets de standardisation. « Rien ne ressemble plus à un Action coeur de ville... qu'un autre Action coeur de ville101(*) ! » écrivait Aurélien DELPIROUX géographe, secrétaire général du Club Ville Aménagement.

L'Agence Phare, dans une étude102(*) sur 21 villes ACV, constate cet effet d'homogénéisation des diagnostics : « De manière générale, ACV ne favorise pas l'élaboration d'un projet de territoire global et approfondi, du fait d'une temporalité de la phase diagnostique relativement courte et en partie laissée à l'appréciation des communes, ce qui les a plutôt conduites à se lancer le plus rapidement possible dans la réalisation des actions, et d'un effet d'imposition de problématiques par la définition d'axes thématiques à l'échelle nationale. La cohérence des projets a pu pâtir de ce manque de réflexion adaptée au territoire, et ce phénomène a parfois été renforcé par une logique « opportuniste » dans le choix des actions à intégrer au programme, au vu des possibilités en matière de financement et de visibilité que celui-ci offrait103(*). »

Dans un rapport consacré aux villes moyennes en Occitanie104(*), la Chambre Régionale des Comptes (CRC) souligne aussi cette « volonté d'avancer vite et d'obtenir des réalisations visibles ». Elle note une « incapacité à s'appuyer sur de véritables projets de territoire » compte tenu de cette volonté de concrétisation rapide.

Cette remarque peut sans doute être nuancée pour les villes matures sur le sujet qui ont pu enchainer rapidement les phases. À titre d'exemple, toujours sur le panel des 26 villes ACV d'Occitanie, trois étaient prêtes, en septembre 2019 à entrer en phase opérationnelle. Pour l'une d'entre elles, Mende : « Les 20 actions prévues reprenaient très largement des mesures envisagées par la municipalité et l'EPCI avant même le lancement du programme. »

c) Des financements ayant tendance à gouverner les projets 

« Avec l'ingénierie je vais répondre à quelque chose dont je n'ai pas besoin, mais j'aurai les crédits pour le réaliser. » nous a confié un maire auditionné, reflétant un avis plus généralement entendu par vos rapporteurs.

On pourrait même avancer que le mode de financement a aussi une influence à travers deux exemples :

- Les AMI et APP sont jugés foisonnants et chronophages et surtout contribuent à perturber les stratégies de collectivités. Des choix d'opportunité sont réalisés « au pied levé » au détriment d'une lecture pluriannuelle de certaines opérations.

- Le choix d'un financement par subvention ou prise de participation influence la collectivité. Par exemple, une collectivité qui souhaite une résidence service sénior pourra choisir de la financer par un prêt de la BdT ou par une prise de participation de la BdT via l'opérateur gestionnaire. Dans ce dernier cas, le projet ne sera pas le même : il tendra à devenir un projet à haute qualité de services pour favoriser un retour sur investissement plus fort.

d) Des offres de programmes parfois jugées recyclées

Vos rapporteurs souhaitent relayer une différence essentielle de perception entre les partenaires des programmes et les élus.

Côté partenaires, chacun souligne les efforts importants d'adaptation réalisés dans ses offres pour venir au plus près des demandes des collectivités et en donne des exemples très probants (annexe 3).

Pourtant, les collectivités ont le sentiment de se voir proposer des offres standardisées, peu adaptées aux contextes locaux (contribution écrite Villes de France par exemple). En matière d'offre de financement par exemple, l'ANCT relaie, dans la synthèse de sa consultation faite début 2022, que les élus sont en attente « d'une plus forte adaptation des financements aux spécificités locales, et une plus grande souplesse des critères d'éligibilité ». L'ANAH est la plus critiquée pour la standardisation de ses aides.

Il est aussi souvent fait mention d'un recyclage de dispositifs antérieurs. Par exemple, les prêts délivrés par la BdT accordent les mêmes caractéristiques à l'ensemble des bénéficiaires, qu'ils soient ACV, PVD ou hors programme. Seuls les Prêts Renouvellement Urbain (PRU-ACV ou PVD) sont des prêts spécifiques105(*) aux projets réalisés au sein des périmètres d'ORT des villes bénéficiaires de ces deux programmes. L'existence d'une ORT conditionne la possibilité de délivrance de ce type de prêt. L'ANAH intervient dans ACV via son régime d'aide de droit commun et écrivait dans sa contribution écrite : « Les projets des collectivités non lauréates des programmes nationaux ACV et PVD peuvent ainsi avoir accès au même niveau d'aides et d'accompagnement. »

e) Le soutien au commerce comme maillon faible

Le travail mené par vos rapporteurs confirme l'entière pertinence des conclusions du rapport, publié le 16 mars 2022, sur le commerce en milieu rural : « L'axe du programme ACV relatif au développement économique et commercial semble moins développé à ce jour que l'axe relatif à la rénovation des logements, au-delà de la mise en place des managers de commerce. Trop peu de fonds sont aujourd'hui dirigés vers la dynamisation commerciale du centre-ville. L'efficacité du programme doit donc être renforcée sur ce volet106(*). »

De nombreux élus ayant répondu à la plateforme de consultation du Sénat ont fait part de cette faiblesse. S'ils mènent depuis longtemps des actions en faveur du logement, ils se sentent moins bien armés pour intervenir dans le secteur commercial.

f) Des programmes difficiles à comprendre et à mettre en oeuvre
(1) Des programmes complexes et lourds

Multiplicité des dispositifs, complexité des phases du projet, lourdeur des procédures, profusion des documentations, variété des partenaires, multiplication des AAP et AMI, complexité et longueur des demandes de financement... : un problème de lisibilité et d'appropriation pour les élus est souligné par les associations d'élus (voir annexe 4). L'Agence Phare107(*) fait aussi remonter cette difficulté exprimée par les techniciens : « Beaucoup de chefs de projet critiquent la complexité d'ACV et un effet usine à gaz. »

Verbatim d'élus :

« L'ANCT c'est un panneau, mais du point de vue opérationnel c'est parfois une langue étrangère ». Un maire PVD

« PVD se perd dans une multiplicité des procédures avec des recyclages de crédits et nous sommes appelés à la rescousse pour accompagner le tout. Difficilement lisible pour les Maires, incertitude sur les moyens qui viendront sur les projets opérationnels ... la plus-value de l'ANCT reste à démontrer ». Un Président de Département

Verbatim de chefs de projet :

« PVD n'est pas assez clair ni pour les agents, ni pour les élus : En quoi consiste-t-il ? Quels avantages ? Quelle enveloppe financière ? Quels projets ? »

« L'abondance apparente a plutôt tendance à submerger les acteurs locaux qui ont du mal à faire le tri. Il ne faut pas juste poser un programme national, qui est vraiment intéressant au demeurant, et laisser au niveau local l'incompréhension ».

L'enquête sur les villes PVD de l'association APVF108(*) nous enseigne que 40 % des villes considèrent la relation avec l'ANCT comme mauvaise, 10 % comme normale et seulement 50 % comme bonne. L'analyse des réponses qualitatives met en évidence « un manque d'ancrage local de l'ANCT qui peut porter atteinte au bon déploiement du plan dans les territoires ».

Le résultat de cette lourdeur est que les énergies sont trop concentrées sur les aspects techniques et administratifs du montage des projets au détriment de la mise en oeuvre des actions. Comme l'explique un chef de projet « le formalisme, imprécis au départ, longtemps évolutif, très exigeant et bureaucratique, demandé pour la finalisation du contrat, ses annexes et avenants, a consommé la quasi-totalité des moyens humains durant les premiers trimestres ».

(2) Des difficultés supplémentaires sur l'ingénierie

Deux difficultés renforcent ce sentiment de complexité sur les sujets d'ingénierie.

La première est apportée par « l'intermédiation » de certaines offres ou dispositifs, c'est-à-dire que l'offre des partenaires passe par un intermédiaire. Par exemple, la Banque des Territoires a contractualisé avec les Régions et les Départements qui, sur la base d'un référentiel, attribuent, pour son compte, une partie des financements d'ingénierie. Les aides de l'ANAH sont intermédiées par les préfectures de Région et de Département qui gèrent, pour le compte de l'Agence, des crédits déconcentrés (exemple : les aides à la pierre). Les services de l'État ne sont pas toujours en capacité d'accompagner les élus et les services, comme l'exprime un chef de projet : « L'impression sur le terrain est que les services de l'État ne maitrisent pas tous les aspects du dispositif, donnent des infos contradictoires aux élus et techniciens, perdent du temps etc... Par exemple, le dispositif ORT a été présenté avec d'énormes erreurs aux élus avant de signer les conventions PVD, quand cela a été fait. Au final, c'est flou, les élus signeront parce que c'est une obligation. » Outre les difficultés liées à la maitrise technique des dispositifs, cette intermédiation crée aussi des tensions. L'institution en situation d'intermédiation doit procéder à des arbitrages. Les élus ont alors le sentiment de devoir passer ce filtre local pour avoir accès aux offres du programme.

La seconde difficulté est liée à la confusion voire concurrence qui peut s'installer entre acteurs. Les diverses AMO peuvent s'empiler tandis que les différentes strates d'ingénierie territoriale mobilisées sont nombreuses : Agences Techniques Départementales, Établissements Publics Fonciers, les Établissements Publics d'Aménagement, bureaux d'études, Agences d'urbanisme, conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement, es opérateurs techniques comme les Offices Publics d'Habitation à Loyer Modéré (OPDHLM), agences départementales de tourisme ou d'attractivité, différents consultants. Le réseau des CCI estime par exemple que « le programme désincite le recours à l'ingénierie locale de type CCI, CPME, CMA » et regrette qu'il ne soit pas plus fait appel à l'ingénierie locale de ces partenaires naturels des collectivités.

g) Des réalisations dont il est difficile de faire une lecture globale

Au-delà d'exemples emblématiques mis en exergue, il est difficile d'avoir une vision globale des projets financés par le programme sur les 234 villes.

Une première manière d'approcher la nature des projets soutenus a consisté, pour vos rapporteurs, à interroger les partenaires du programme ACV sur la nature de leurs engagements financiers (tout confondu : ingénierie, prêts, investissements...) en leur demandant de préciser à quels axes ils se rapportaient.

MONTANTS ENGAGÉS PAR LES PARTENAIRES EN EUROS RÉPARTIS PAR AXE

 

Axe 1

Axe 2

Axe 3

Axe 4

Axe 5

Axes 6 et 7

Total

habitat

commerce

mobilité

urbanisme

équipements

Axes transverses

BdT

Montant des apports financiers

1 258 368

219 729

20 621

179 779

553 148

20 654

2 252 298

AL

Montant des apports financiers

1 407 200

0

0

0

0

0

1 407 200

ANAH

Montant des apports financiers

555,6

0

0

0

0

0

555,6

%

72,8%

6%

0,6%

4,9%

15,1%

0,6%

100%

Source : partenaires ACV

Sans surprise, c'est l'axe logement qui représente les ¾ des financements. Cependant, ces élémentS n'offrent qu'une vue partielle : celle des projets auxquels les partenaires financiers contribuent.

Pour une vision plus globale, vos rapporteurs ont ensuite analysé le tableau dans lequel l'ANCT recense l'ensemble des projets déployés sur les 234 villes, répartis par grands axes. Ce tableau regroupe 6 447 projets, chacun donnant lieu à un avenant. L'analyse de ces éléments est délicate : les projets sont de niveau et de nature très divers, leur nombre varie fortement d'une collectivité à une autre, les villes ne suivent pas strictement les 5 axes et l'ANCT doit parfois « reclasser » les projets dans les 5 axes thématiques ou 2 axes transversaux. Pour autant, ce document permet de se faire une idée qui offre une vue bien plus équilibrée des projets soutenus dans le cadre de ces actions de revitalisation.

TYPOLOGIE DES PROJETS DÉPLOYÉS DANS ACV PAR AXE

 

Axe 1

Axe 2

Axe 3

Axe 4

Axe 5

Axe 6

Axe 7

Axe *

total

Rappel du thème de l'axe

habitat

commerce

mobilité

espace public

qualité de vie

transition écologique

concertation

Transverse (ingénierie)

6447

Nombre d'avenants / projets concernés

1277

1244

1020

1327

1190

118

20

251

100,00%

%

19,8%

19,3%

15,8%

20,5%

18,4%

1,8%

0,3%

3,9%

100%

Source : ANCT, traitement Sénat

Il existe enfin des analyses plus qualitatives, comme celle de l'Agence PHARE qui sur un panel étudié (21 villes) constate trois grands types de projets : une dominante sur les projets d'aménagements lourds, des projets d'amélioration de l'offre de logements et d'équipement et des actions périphériques.

TYPOLOGIE DES ACTIONS DÉPLOYÉES DANS ACV PAR L'AGENCE PHARE

Sources : Audition de l'Agence Phare

À travers les éléments précédents, il est manifeste que les programmes ont favorisé le développement du logement, des infrastructures locales, du cadre de vie et de l'aménagement de la ville. Mais comme le souligne la BdT dans sa contribution écrite : « Les enjeux de services à la population et de développement social sont insuffisamment pris en compte. »

h) Un risque d'assèchement des autres projets

L'impératif de concentrer des moyens et des équipes sur ces programmes conduit parfois à des effets d'éviction. Les moyens financiers et humains mobilisables pour traiter simultanément tous les axes sont parfois en décalage avec les capacités réelles des villes.

Cela peut conduire à un déséquilibre plus global pour des villes plus petites : « La mise en oeuvre d'une ORT-PVD peut mobiliser l'ensemble des moyens d'investissement d'un mandat, et donc déséquilibrer l'action communale. Peu dotées en ingénierie, les communes PVD n'ont pas les capacités à s'investir sur plusieurs dossiers et programmes simultanément. » observe Régions de France. En ce sens, « dans cette course aux co-financements, PVD devient le seul prisme de lecture des besoins ».

i) Une politique publique invasive ?

Il existe des retours, certes minoritaires, estimant que l'État est à la limite de l'ingérence. Un Maire résume explicitement cette idée : « La loi ÉLAN, la loi climat et résilience, la loi 3DS, les outils, les ORT, les CRTE, les programmes... cela s'empile et conduit à faire une administration par procuration et à nuire à la libre administration des collectivités locales. »

Comme le formule un chef de projet dans l'enquête du Sénat : « Force est de constater que certains élus voient le programme comme un moyen pour l'État d'avoir un oeil sur leurs projets. »

Ces réactions ne sont pas l'apanage d'élus de petites communes. RF dans sa contribution écrite porte aussi un message vis-à-vis de l'État central et déconcentré. « Les collectivités régionales ne peuvent pas être considérées comme de simples partenaires à qui l'on fait uniquement appel pour boucler des tours de table financiers. Cette situation ne peut perdurer. L'État ne peut durablement continuer de court-circuiter les compétences et prérogatives des régions en matière d'aménagement du territoire (...). Elle conduit à un véritable manque d'efficacité et d'efficience de l'intervention publique, voire à un certain gaspillage des fonds publics de surcroît dans un contexte budgétaire déjà contraint. »


* 93 Parfois certains axes ne font pas sens (comme des villes qui n'ont pas de difficulté sur l'axe 1), ou ne reflètent pas la nature des difficultés (une ville très touristique a comme principale difficulté sur le logement le problème des locations ponctuelles avec les plateformes de réservation en ligne, et non des enjeux de réhabilitation ou de construction). Dans certaines situations, on peut aussi regretter l'absence d'axes qui auraient du sens pour la collectivité, comme la question de l'adaptation de la ville au vieillissement.

* 94 Il s'agit d'un Comité de projet / comité de pilotage local qui inclut en plus des élus, le préfet de département ou son représentant et les partenaires. Un cotech pour le suivi et une équipe de projet (voir Guide du programme ACV).

* 95 ANCT. (2021, septembre). Guide du programme national Action Coeur de Ville, https://agence-cohesion-territoires.gouv.fr/sites/default/files/2021-10/Guide%20programme%20ACV%20-%20septembre%202021%20vf.pdf

* 96 Dupuy Le Bourdellès, M., Op. cit.

* 97 ANCT. (2021, septembre). Petites villes de demain - Guide du programme PVD - Présentation et modalités de déploiement, https://agence-cohesion-territoires.gouv.fr/sites/default/files/2020-10/20200930_PVD_GuideProgramme.pdf

* 98 Les 222 conventions-cadres d'ACV ont toutes été signées en moins de 6 mois en 2018, ce qui était exceptionnel. 75% des communes PVD ont adhéré au programme entre février 2021 et juillet 2021.

* 99 ANCT. (2021, août). Action Coeur de ville - Pour une relance territoriale et écologique, https://agence-cohesion-territoires.gouv.fr/action-coeur-de-ville-pour-la-relance-territoriale-et-ecologique-425.

* 100 Dont 6 villes ultra-marines qui font l'objet d'un dispositif de financement dédié aux outre-mer dans le cadre du plan d'investissement volontaire (PIV).

* 101 Delpiroux, A. (2019, 28 octobre). Action coeur de ville : une réponse en trompe-l'oeil à la crise des villes moyennes ? https://metropolitiques.eu/Action-coeur-de-ville-une-reponse-en-trompe-l-oeil-a-la-crise-des-villes.html

* 102 Agence Phare. Op. cit.

* 103 Agence Phare, contribution écrite.

* 104 Cour des comptes, CRC Occitanie. (2020, octobre). Les villes moyennes en Occitanie.

* 105 Les PRU-ACV et PRU-PVD sont délivrés à tout type de bénéficiaires, collectivités locales, EPL, bénéficiaires privés du secteur associatif et du secteur concurrentiel (tous types d'entreprises).

* 106 Belin, B. et Babary, S., Op. cit.

* 107 Agence Phare. (2022). Données issues d'une enquête qualitative en cours relative aux pratiques d'évaluation locales du programme ACV, réalisée par l'Agence Phare pour le compte de l'ANCT et de la DITP, auprès d'un panel de 21 villes ACV.

* 108 352 avis recueillis entre décembre 2021 et janvier 2022 auprès de 1 000 communes PVD sur les 1 600 au niveau national.