Rapport d'information n° 88 (2022-2023) de M. Marc LAMÉNIE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 27 octobre 2022

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N° 88

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 octobre 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l' Office national des anciens combattants et des victimes de guerre ( ONACVG ),

Par M. Marc LAMÉNIE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

L'ONACVG est un acteur particulier à deux égards . Il est d'un côté un opérateur plus que centenaire, créé à l'occasion du premier conflit mondial, doté d'un champ de compétence large, présent dans chaque département, dans les collectivités et territoires d'Outre-Mer ainsi qu'en Algérie et au Maroc . Il est chargé d'apporter un soutien à 2 millions de ressortissants , d'entretenir le patrimoine mémoriel combattant - 2 200 carrés militaires, 289 nécropoles nationales et 10 Hauts lieux de la mémoire nationale -, de mettre en oeuvre des dispositifs en faveur des harkis, autres supplétifs et rapatriés , et une politique mémorielle au niveau territorial , il est un acteur incontournable du concours national de la résistance et de la déportation, gère l'OEuvre nationale du Bleuet de France, etc.

Il est également un acteur méconnu du grand public aux moyens matériels comme humains très limités : moins de 800 ETPT pour l'Office au total, dont seuls 400 sont répartis sur son important réseau territorial. Son budget de fonctionnement courant est d'un peu plus de 55 millions d'euros annuels.

I. UN OFFICE DONT LE CONTRAT D'OBJECTIFS ET DE PERFORMANCE PRÉVOIT UNE MODERNISATION À DES FINS D'ÉCONOMIES

A. UNE TRAJECTOIRE DE BAISSE DES MOYENS EN PHASE AVEC L'ÉVOLUTION DU NOMBRE DES RESSORTISSANTS DE L'OFFICE

La mission historique de l'Office est d'apporter un soutien à ses ressortissants, dont les anciens combattants sont la principale catégorie. Cependant, le nombre de ses ressortissants , qui s'élevait encore à 2 millions en 2021, diminue rapidement et devrait passer sous la barre du million d'ici à 2035. De plus, si ce sont les anciens d'Algérie qui sont aujourd'hui majoritaires, les veuves puis les anciens d'OPEX ont vocation à devenir tour à tour majoritaires.

Cette évolution démographique justifie la trajectoire descendante des moyens de l'Office , qui est consacrée par son Contrat d'Objectifs et de Performance (COP) dont les 2 axes majeurs d'évolution sont un développement de ses moyens informatiques , afin de permettre un traitement centralisé et plus efficace des dossiers, et une réduction de ses effectifs .

Les baisses sont significatives, notamment en termes d'effectifs : l'Office, qui comptait 878 ETPT en 2018 en comptera 764 en 2025, soit une baisse de plus de 12 % sur 7 ans.

B. UNE MODERNISATION EFFICACE DE L'OFFICE

La mise en oeuvre du schéma directeur informatique de l'Office constitue un succès : la très grande majorité des dossiers dont l'ONACVG a à connaître est traitée au département de la reconnaissance et de la réparation, situé à Caen. Ce traitement est également plus rapide qu'il ne l'était avant sa centralisation.

Cette centralisation a également permis à l'Office d'améliorer sa résilience : chargé d'instruire les dossiers du dispositif de reconnaissance et réparation envers les harkis, autres supplétifs et rapatriés au titre de leur accueil indigne sur le territoire national dans des camps et hameaux de forestage, l'Office a pu faire face à l'afflux de dossiers - près de 20 000 déposés en 4 mois - en recrutant 6 contractuels.

C. DES ÉCONOMIES QUI NE SERONT PAS RÉALISEES DU FAIT DE FACTEURS ÉTRANGERS À L'OFFICE

La trajectoire du COP prévoyait d'ici 2025 des économies du fait de dépenses d'interventions dans l'ensemble stables, l'extinction du dispositif d'aide sociale aux enfants de harkis et une baisse des dépenses liées à la masse salariale de l'Office.

Si les économies liées à la diminution des ETPT de l'Office et à l'extinction du dispositif d'aide sociale aux enfants de harkis devraient entraîner une moindre dépense d'un peu plus de 10 millions d'euros (4 millions de fonctionnement et 7 millions d'intervention), elles sont largement dépassées par des dépenses supplémentaires encourues du fait du renforcement de l'action publique en faveur des harkis (+ 22 millions d'euros de dépenses d'intervention en 2022) et par l'inflation, du fait de la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires et du fait du renchérissement du coût des travaux engagés pour la rénovation des Hauts lieux de la mémoire nationale dont le coût initial est estimé à 8 millions d'euros sur 4 ans.

D. UNE LOGIQUE D'ÉCONOMIES QUI ATTEINT SES LIMITES

Deux limites sont en passe d'être atteintes :

- une limite liée aux moyens humains de l'Office. Le nombre limité et en diminution d'ETPT doit être mis en regard avec son réseau de 104 antennes locales. Seuls 400 ETPT sont répartis sur ce réseau , entraînant un éparpillement des moyens humains des services locaux et créant des fragilités dans la mise en oeuvre des compétences : les absences de personnels sont très difficilement remplaçables et de nature à paralyser l'action du service local concerné ;

- une limite liée à la trésorerie de l'Office , auparavant très largement excédentaire mais très fortement mise à contribution ces dernières années. Le schéma directeur informatique de l'Office a notamment été entièrement autofinancé. De plus, des dépenses d'intervention ont été partiellement budgétisées et financées par des prélèvements de trésorerie. La trésorerie non fléchée de l'Office atteint aujourd'hui son niveau plancher - 5 millions d'euros - correspondant à un mois de fonctionnement courant .

Le rapporteur spécial s'inquiète vivement de cette situation et appelle à ce que l'Office et les politiques qu'il met en oeuvre soient correctement financés par les prochains budgets. De la même manière, il souhaite que les services locaux soient correctement dotés pour pouvoir exercer leur fonction d'accueil des ressortissants.

II. UN OFFICE S'OUVRANT À DE NOUVELLES COMPÉTENCES ET DE NOUVEAUX PARTENARIATS

A. UNE EXTENSION DE SES MISSIONS, NOTAMMENT MÉMORIELLES

Parallèlement à l'amoindrissement de ses moyens, l'Office se voit demander une extension de ses actions en termes de mémoire . L'Office s'est vu notamment confier la réalisation des travaux mémoriels qui ont accompagné l'action publique en faveur des harkis et réalise actuellement un travail sur les OPEX.

De plus, traditionnellement chargé de la mise en oeuvre de la politique mémorielle au niveau local, l'Office voit son rôle se renforcer du fait de la diminution et du vieillissement des associations d'anciens combattants, qui étaient jusqu'alors très actives s'agissant des commémorations et de la transmission.

Outre les missions mémorielles, l'Office se voit également reconnaitre de nouvelles compétences en liens avec les anciens combattants, comme le traitement des demandes d'indemnisation au titre de la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées (40 000 dossiers attendus dont plus de 20 000 déjà déposés). À partir de 2023, l'Office aura en charge les maisons ATHOS.

À ces extensions s'ajoute une nouvelle mission : celle de la transmission des valeurs de mémoire à la jeunesse.

B. UNE OUVERTURE AU LIEN ARMÉES-JEUNESSE

Si l'Office participait traditionnellement à plusieurs concours scolaires , il est aujourd'hui devenu un partenaire indispensable à la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) : son réseau permet à la DSNJ de déployer ses actions sur la totalité du territoire.

De plus , l'Office a été chargé de la mise en oeuvre de la « Journée Défense et Mémoire », journée consacrée à la mémoire lors du Service national universel , et doit aujourd'hui former les animateurs de la JDM dans le cadre de l'extension du SNU.

III. UN ACTEUR UNIQUE DONT LES FORCES ET SPECIFICITÉS MÉRITENT D'ÊTRE CONSERVÉES

L'Office présente plusieurs spécificités :

- un rôle historique dans les relations entre l'État et la communauté combattante , jouant notamment le rôle d'une assurance de la reconnaissance de la Nation à l'issue de leur service. La collaboration entre l'Office et l'armée de Terre pour assurer la qualité de combattant aux militaires quittant le service doit à cet égard être saluée ;

- un réseau territorial unique , présent dans chaque territoire, en Outre-Mer et en Afrique du Nord ;

- une compétence unique, étant le principal expert de la mémoire combattante .

Les raisons qui justifient la réduction de ses moyens, soit la diminution du nombre des anciens combattants et l'affaiblissement de la vie associative combattante, militent également pour un renforcement des compétences de l'Office s'agissant de la conservation et de la transmission de la mémoire. Or, les raisons pour lesquelles l'Office peut aujourd'hui mettre efficacement en oeuvre ses missions tiennent à son héritage : son réseau territorial et des personnels présentant des connaissances et profils uniques. Plusieurs chefs de service départemental de l'Office sont également des historiens, de métier ou de formation.

Si la trajectoire d'économies qui dirige au présent COP devait continuer à servir de principale boussole au prochain COP, il y a un risque de perte de ces spécificités et qualités uniques , d'autant que l'Office continue d'avoir un rôle important et continuant à se développer pour la transmission mémorielle. Ce risque est à comparer aux économies qui pourraient être réalisées du fait d'une nouvelle coupe d'ETPT : quelques millions tout au plus.

Aussi le rapporteur spécial souhaiterait voir l'Office être réarmé et mis en mesure de réaliser ses missions dans de bonnes conditions.

LES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Recommandation n° 1 : Simplifier les obligations déclaratives du Souvenir Français.

Recommandation n° 2 : Réaffecter une partie des économies constatées sur les dépenses d'intervention de l'Office à la politique mémorielle locale. Organiser l'information par l'ONACVG des associations auxquelles il accorde des subventions des autres aides publiques auxquelles ces associations peuvent prétendre.

Recommandation n° 3 : Généraliser les interventions de l'ONACVG auprès des différents corps d'armée afin de limiter au maximum les départs de militaires pouvant prétendre à la qualité de combattants sans réalisation des démarches nécessaires pour devenir ressortissant de l'Office.

Recommandation n° 4 : Individualiser et préciser les montants des actions en faveur du lien armée-jeunesse au niveau d'une sous-action de l'action mémoire du programme 169.

Recommandation n° 5 : Renforcer l'effort de communication autour du Bleuet de France.

Recommandation n° 6 : Sanctuariser les ETPT de l'ONACVG à l'occasion du prochain COP.

Recommandation n° 7 : Conserver la présence du ministre chargé des anciens combattants au sein du conseil d'administration de l'Office. Institutionnaliser le G12 et prévoir qu'au moins une séance annuelle est présidée par le ou la ministre, es qualité.

I. UNE TRANSFORMATION DE L'OFFICE RENDUE INÉVITABLE PAR UNE ÉVOLUTION PROFONDE DU MONDE COMBATTANT

L'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre est un établissement public national à caractère administratif placé sous la tutelle du ministre de la défense. Il est administré par un conseil d'administration, chargé de définir sa politique générale, présidé par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre . Son conseil d'administration est réparti en 3 collèges. Le premier est composé de parlementaires et de représentants de l'administration. Le deuxième est composé de représentants d'associations d'anciens combattants. Le troisième est composé de représentants d'associations mémorielles 1 ( * ) .

L'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre deviendra au 1 er janvier 2023 l'Office national des combattants et des victimes de guerre.

L'ONACVG dispose de 3 compétences principales :

- la reconnaissance et la réparation ;

- le travail de mémoire ;

- la solidarité , à l'égard de ses ressortissants.

Il se divise entre des services centraux, rattachés à la direction générale de l'Office, et un réseau de services départementaux, comportant 104 antennes, présents dans chaque département, en outre-mer, en Algérie et au Maroc .

L'ONACVG joue également un rôle important de lieu de rencontre des différents acteurs intéressés par ces questions. L'ONACVG a ainsi un rôle de lien entre le pouvoir exécutif et les associations d'anciens combattants. Il permet aussi la projection des politiques de mémoire sur le territoire grâce à son réseau de services départementaux.

Tous ces rôles sont directement remis en cause à moyen ou long terme, soit dans leur principe, soit dans leurs modalités, par l'évolution démographique du monde combattant. Ces évolutions ont été prises en compte par l'Office, qui a défini ses axes de transformation dans un contrat d'objectifs et de performance (COP) pour 2020-2025 .

A. L'ONACVG : OFFICE AUX COMPÉTENCES ANCIENNES, ÉTENDUES ET EN DÉVELOPPEMENT

Le rôle de l'Office est défini à l'article L. 611-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Aux termes de cet article, l'Office doit notamment assurer « à ses ressortissants la protection et l'aide matérielle qui leur sont dus au titre de la reconnaissance de la Nation » et « la mise en oeuvre de l'entretien, de la rénovation, et de la valorisation des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale » .

En plus de ces deux compétences, qui recouvrent les trois missions principales de l'Office que sont la reconnaissance et la réparation, la mémoire et la solidarité, l'Office à la charge de mettre en oeuvre un nombre important de compétences secondaires et assure la gestion de l'OEuvre nationale du Bleuet de France.

1. Un rôle historique : la reconnaissance, la réparation et la solidarité
a) La reconnaissance, première mission de l'Office et étape préalable à la reconnaissance de droits

La reconnaissance est la première des missions de l'Office. Elle est nécessaire et préalable à la réparation. Cette dernière peut prendre plusieurs formes.

La reconnaissance prend une forme individuelle par la reconnaissance de la qualité de ressortissant ou, s'agissant des défunts, de l'attribution d'une mention . Il y a actuellement 19 catégories de ressortissants, dont font partie les combattants. La reconnaissance de la qualité de combattant se fait par la remise d'un titre : la carte du combattant. L'instruction des dossiers et la délivrance de la carte du combattant sont réalisées par l'ONACVG. Cette reconnaissance individuelle ouvre droit au bénéfice des actions de réparation et de solidarité réalisées par l'Office.

La reconnaissance prend également une forme institutionnelle. L'Office a été fondé en 1916 pour reconnaître l'engagement et le sacrifice des soldats de la Première Guerre mondiale . L'Office s'est depuis progressivement ouvert et reconnaît aujourd'hui 19 catégories de ressortissants. Sont ainsi devenus ressortissants de l'Office les veuves et veufs de combattants, les prisonniers de guerres, les déportés, les pupilles de la Nation ou les victimes d'acte de terrorisme. L'Office est ainsi devenu l'entité d'accueil des personnes dont la vie a été marquée par un acte de guerre.

Enfin, le mode de gouvernance de l'Office est une modalité de la reconnaissance puisqu'il s'agit d'un lieu d'échange qui réunit à la fois des représentants de l'administration, dont le membre du Gouvernement en charge des anciens combattants, deux membres de la représentation nationale 2 ( * ) et les représentants des associations d'anciens combattants et des associations qui oeuvrent pour des missions mémorielles et de citoyenneté. Ces modalités de gouvernance reconnaissent le rôle particulier et essentiel des associations d'anciens combattants dans le monde combattant et permettent un dialogue direct entre l'autorité politique, les représentants de l'ONACVG et les représentants des associations.

Selon la même logique, une entité dénommée G12 regroupant les principales associations d'anciens combattants et le membre du Gouvernement en charge des anciens combattants a été informellement instituée. Elle traite essentiellement des questions « traditionnelles » des politiques relatives aux anciens combattants et notamment du montant de la retraite du combattant.

b) Une mission de soutien moral et matériel aux ressortissants : la réparation et la solidarité

Deuxième volet des compétences de l'Office, la réparation et la solidarité font suite à la reconnaissance . La qualité de ressortissant de l'Office ouvre des droits.

À titre d'exemple, la reconnaissance de la qualité de combattant ouvre droit au bénéfice de la retraite du combattant à l'âge de 65 ans ainsi qu'à une demi-part fiscale à l'âge de 74 ans. De la même manière, les conjoints et descendants peuvent demander le remboursement d'un billet de train acheté pour aller se recueillir sur la tombe du conjoint ou ascendant combattant défunt.

À ces actions de réparation s'ajoutent des actions de solidarité.

L'Office dispose d'une enveloppe budgétaire votée en loi de finances dédiée aux actions de solidarité, actuellement sanctuarisée à 25 millions d'euros par an pour la durée du COP 2020-2025 . L'ONACVG a pour mission de l'utiliser au bénéfice de ses ressortissants dans le cadre d'actions de solidarité.

Pour ce faire, l'ONACVG va répartir les crédits de solidarité entre ses antennes locales. Les services départementaux vont alors attribuer des aides à des ressortissants en faisant la demande sur la base de critères sociaux. Les demandes d'attribution sont instruites par le service local de l'Office puis l'attribution est décidée par une commission d'action sociale. La commission d'action sociale est une structure dont la composition copie celle du conseil national de l'Office : elle comprend trois collèges, composés respectivement de représentants de l'administration, de représentants d'associations d'anciens combattants et de représentants d'associations mémorielles. Seul le deuxième collège, celui composé de représentants d'anciens combattants, vote pour l'attribution des aides.

2. Un rôle complémentaire et en développement : la mise en oeuvre de la politique de mémoire et l'ouverture au lien avec la Nation

L'Office est également chargé de la mise en oeuvre de la politique de mémoire sur le territoire. Fort de cette compétence, il tend à devenir une référence en matière de mémoire à laquelle d'autres administrations ont recours.

a) Un acteur essentiel de la mise en oeuvre de la politique de mémoire.

La politique de mémoire est une politique particulière car le Président de la République influe fortement et directement sur sa définition. Cette situation résulte du caractère particulièrement sensible de cette politique, sur les plans politique, symbolique et historique. La direction de la culture, de la mémoire et des archives (DCMA) est chargée de formaliser cette politique mémorielle et l'ONACVG de la mettre en oeuvre. La DCMA est également l'entité exerçant la tutelle effective de l'ONACVG.

Au titre de cette compétence, l'ONACVG doit assurer l'entretien des Haut lieux de la mémoire nationale, des nécropoles militaires, des carrés militaires et des cimetières militaires situés en Algérie et au Maroc.

Il est également chargé de décliner au niveau local les cérémonies commémoratives nationales. Il subventionne également des associations ou actions en lien avec la mémoire.

Enfin, l'ONACVG est force de proposition auprès de la DCMA pour la définition de la politique mémorielle.

b) Un Office référent de la mémoire combattante

L'ONACVG, dans son rôle de mise en oeuvre de la politique de mémoire, produit de nombreuses ressources pédagogiques qui servent de base pour d'autres actions.

L'ONACVG est ainsi un partenaire de premier plan pour la direction du service national et de la jeunesse, qui peut bénéficier des ressources pédagogiques et du réseau territorial de l'ONACVG. La mallette « explique-moi une cérémonie » utilisée dans le cadre de la préfiguration du Service national universel (SNU) et pour certaines Journées défense et citoyenneté (JDC) a ainsi été réalisée par l'ONACVG.

L'ONACVG est également un partenaire de l'éducation nationale, pouvant organiser des interventions dans des classes pour sensibiliser des élèves aux enjeux de défense et de mémoire. L'Office est également en capacité de financer une classe de défense 3 ( * ) .

3. Un Office disposant de nombreuses compétences complémentaires

L'Office est chargé de l'instruction de dossiers relevant de différents dispositifs ne relevant pas formellement de sa compétence . Il est ainsi chargé :

- d'instruire les demandes d'indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et des orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale. Ce dispositif relève de la Première ministre ;

- de préparer, en concertation avec les associations représentatives, les mesures de solidarité nationale en faveur des rapatriés, des anciens membres des forces supplétives et assimilés et de leurs familles, et des victimes de la captivité en Algérie ainsi que d'assister la commission instituée par la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance et réparation en faveur des harkis en instruisant les dossiers déposés par les bénéficiaires de la loi ;

- d'instruire les demandes pour les « emplois réservés » prévus aux articles L. 241-1 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG).

L'Office doit également assurer la protection des pupilles de la Nation et de la République .

Enfin, l'Office est en charge de la gestion de l'OEuvre nationale du Bleuet de France.

B. UN OFFICE DONT LES RESSORTISSANTS SONT DE MOINS EN MOINS NOMBREUX ET DONT LE PROFIL ÉVOLUE

Il s'agit d'un constat connu : le nombre des ressortissants de l'Office , légèrement supérieur à 2 000 000 en 2021, et plus spécifiquement des anciens combattants baisse d'année en année . Ce phénomène démographique s'explique par le fait que la population des ressortissants de l'Office est encore principalement constituée par les anciens d'Algérie et par leurs veuves. Or, ces personnes sont très âgées.

La diminution de leur nombre entraîne une recomposition de la population des ressortissants de l'ONACVG. Cependant, cette diminution n'implique pas une disparition : sans nouveau conflit, l'ONACVG accueillera au moins 500 000 ressortissants jusqu'en 2100 .

Enfin la recomposition de la population des ressortissants de l'ONACVG entraîne également la nécessité d'une redéfinition du rôle de l'Office, la dernière génération du feu présentant un profil très différent des générations du feu précédentes.

1. Des ressortissants, majoritairement anciens combattants, dont le nombre diminue fortement

Historiquement, l'Office a accueilli des générations du feu successives. Les trois premières générations du feu correspondent aux deux conflits mondiaux et aux guerres d'Indochine, de Corée et d'Algérie, ainsi qu'aux combats en Tunisie et au Maroc. La quatrième génération du feu correspond aux soldats engagés en opérations extérieures ou OPEX.

La guerre d'Algérie constitue, comme le montre le tableau ci-dessous, le dernier influx massif d'anciens combattants parmi les ressortissants de l'Office . De plus, les attributions de carte du combattant au titre des OPEX, en plus d'être beaucoup moins importantes en termes de volume, sont beaucoup plus diffuses dans le temps.

Répartition des cartes de combattant attribuées en fonction des combats
justifiant les attributions (au 1 er juillet 2021)

Conflits

Cartes du combattant attribuées au 1 er juillet 2021

Première guerre mondiale et TOE

4 425 379

Seconde guerre mondiale

2 605 181

Guerres d'Indochine et de Corée

211 030

Guerre d'Algérie, combats en Tunisie et au Maroc

1 688 237

Opérations extérieures

256 612

Total

9 186 439

Source : Annexe n° 5 au rapport général fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances adopté par l'Assemblée nationale pour 2022, rapport spécial sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation »

Les anciens combattants sont donc en moyenne très âgés et leur nombre connaît une très forte diminution, comme le montre le tableau ci-dessous.

Années

(a)

Titulaires de la retraite du combattant au 1 er janvier

(b)

Titulaires de la carte du combattant OPEX au 1 er janvier âgés de moins de 65 ans au 1 er janvier*

(a) + (b)

Nombre total estimé de titulaires de la carte du combattant

2010

1 393 201

36 000

1 429 201

2015

1 159 167

78 000

1 237 167

2020

912 012

153 538

1 066 550

2021

857 205

163 365

1 020 570

2022

797 887

175 000

972 887

Source : Annexe n° 5 au rapport général fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances adopté par l'Assemblée nationale pour 2022, rapport spécial sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation »

Aux titulaires de la retraite du combattant doivent s'ajouter 680 000 veuves, qui forment la deuxième catégorie la plus importante de ressortissants de l'ONACVG et qui sont, pour l'essentiel, des veuves d'anciens d'Algérie. Elles sont ainsi également très âgées en moyenne.

Un rapport du Contrôle général des armées du 15 avril 2021 estime que la population des ressortissants de l'Office, légèrement supérieure à 2 000 000 en 2021, passera sous la barre du million en 2033 et se stabilisera aux alentours de 500 000 ressortissants vers 2045. De là, la population des ressortissants resterait stable au moins jusqu'en 2100.

Ces hypothèses sont établies sur le postulat d'une absence de conflit conventionnel auquel la France participerait directement .

2. La recomposition de la population de l'Office : un renforcement de l'importance de la 4ème génération du feu et des veuves

Outre le constat de la diminution du nombre des ressortissants de l'ONACVG, il faut insister sur la recomposition de cette population. Cette recomposition prend principalement deux formes : premièrement, l'importance croissante que prennent les anciens d'OPEX , qui doivent devenir à terme la principale catégorie de ressortissant. Deuxièmement, la plus grande importance des veuves, qui doivent devenir à court terme et pour environ une décennie la principale catégorie de ressortissants de l'ONACVG.

a) Les anciens d'OPEX : une 4ème génération du feu aux attentes différentes

Actuellement, environ 12 500 cartes du combattant sont attribuées chaque année par l'ONACVG à des militaires déployés en OPEX . Ces derniers, qui seront amenés à devenir la principale catégorie de ressortissants de l'ONACVG, présentent un profil très différent des précédentes générations du feu.

Si les différentes générations du feu se sont historiquement montrées étanches les unes par rapport aux autres, elles présentaient plusieurs caractéristiques communes. Ces dernières étaient massives, comprenant plus d'un million d'anciens combattants, unies par un même conflit et engagées dans la vie associative des anciens combattants. Enfin, il ne s'agissait pour la plupart pas de soldats professionnels.

A contrario , les anciens d'OPEX sont moins nombreux et ne sont pas unis par un conflit. Il n'y a pas une mais des OPEX. Ils sont également des militaires professionnels, qui se sont engagés dans l'armée pour une durée déterminée et qui, au moment de leur départ de l'institution se montrent moins attirés par la vie associative. La vie associative des OPEX est également beaucoup plus éclatée : là où les conflits mondiaux et la guerre d'Algérie avaient produit quelques très grosses associations très centralisées (l'UNC où la FNACA par exemple), les anciens d'OPEX ont plus tendance à rejoindre des amicales régimentaires de beaucoup plus petite taille. Enfin, étant généralement jeunes et actifs, les anciens d'OPEX se retrouvent peu dans l'appellation « d'ancien combattant ». Le changement de dénomination de l'Office est à cet égard bienvenu.

Enfin, le moment de leur transition du statut de militaire à celui de ressortissant de l'ONACVG est celui de leur départ de l'institution militaire, qui se caractérise par des changements profonds dans la vie de l'ex-militaire (reconversion professionnelle, déménagement, etc.), durant lequel l'ancien d'OPEX n'a pas envie de s'engager dans la vie associative combattante.

Les conséquences de ces différences sont une désaffection à l'égard de la vie associative et un recours plus restreint à l'ONACVG pour obtenir les aides auxquelles leur qualité leur donnerait droit, hormis pour les demandes d'aide à la reconversion professionnelle, pour lesquelles ils sont bien plus demandeurs que leurs aînés.

b) Les veuves, bientôt plus nombreuses que les anciens combattants

Les veuves représentent en 2021 680 000 ressortissantes . Leur nombre connaît également une érosion, qui est cependant beaucoup moins forte que celle qui affecte les anciens combattants. Selon le rapport du Contrôle général des armées du 15 avril 2021, cette moindre érosion devrait amener à ce que leur nombre dépasse celui des bénéficiaires de la retraite du combattant en 2024 . Cela les ferait devenir la principale catégorie de ressortissant de l'ONACVG, jusqu'en 2040 4 ( * ) . Les titulaires de la carte du combattant ne bénéficiant pas de la retraite du combattant deviendraient alors le premier groupe de ressortissants de l'Office.

Leur importance relative porte a conséquence : les veuves sont très susceptibles d'avoir recours à l'action sociale de l'ONACVG et de manière générale militent peu dans la vie associative.

3. Une transition démographique emportant des conséquences sur les compétences et la gouvernance de l'ONACVG

Deux types de conséquences se dégagent : des conséquences budgétaires d'abord, avec une réduction des moyens dont dispose l'ONACVG . Des conséquences de gouvernance et de fonctionnement ensuite , la composition actuelle du conseil d'administration de l'ONACVG n'étant pas viable dans la durée et les associations jouant un rôle essentiel de relais entre l'ONACVG et ses ressortissants.

a) Des moyens, budgétaires et humains, également en baisse

L'ONACVG, face à la baisse du nombre de ses ressortissants, s'est engagé dans une trajectoire de réduction de ses moyens et effectifs. Ainsi, dans le cadre de son Contrat d'Objectifs et de Performance (COP) 2020-2025 est prévue une réduction de 114 ETPT de son plafond d'emploi autorisé par la loi de finances initiale pour 2018. Le plafond d'emploi doit ainsi évoluer de 878 ETPT en 2018 à 764 ETPT en 2025 .

De la même manière les dépenses prévues diminuent, passant de 120 millions d'euros (AE) en 2020 à 113 millions d'euros (AE) en 2025 . Cette prévision a cependant été remise en cause par la loi de février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie, qui a grandement augmenté les dépenses en faveur des harkis et rapatriés (49 millions d'euros de budget en 2022 contre 22 millions d'euros en 2021).

Ces contraintes n'ont pas remis en cause le principe de l'existence d'une antenne de l'ONACVG par département, ainsi qu'une au Maroc et une en Algérie . Il reste cependant très peu d'agents par service à cause du nombre important des antennes locales conjugué à une diminution du nombre d'ETPT.

b) Une gouvernance paritaire qui représente les équilibres actuels de l'Office

L'ONACVG est administré par un Conseil d'administration. Ce conseil d'administration est composé de 3 collèges. Le premier collège comporte deux parlementaires et des représentants de l'administration. Le deuxième et le troisième collège sont respectivement composés par des représentants d'associations d'anciens combattants et par des représentants d'associations mémorielles. Sur 31 membres, 21 sont des représentants d'associations.

Le deuxième collège comporte 15 représentants d'associations. Parmi ces 15 représentants, seuls deux appartiennent à des associations représentant spécifiquement les anciens d'OPEX et seul un à une association représentant les veuves de guerre.

Le troisième collège compte 6 représentants.

L'évolution de la population des ressortissants de l'ONACVG, dans laquelle les veuves et les anciens d'OPEX deviendront majoritaires rendra nécessaire une évolution de la répartition des sièges de représentants d'associations de ressortissants à moyen terme. Cette évolution risque d'être d'autant plus complexe que les nouveaux ressortissants montrent moins d'appétence pour la vie associative.

La même problématique pourrait se poser, bien que dans des proportions moindres, pour les commissions d'action sociale des services départementaux dont l'organisation est calquée sur le conseil d'administration national (division en trois collèges pareillement composés, sans les parlementaires). Le deuxième collège, composé des représentants d'associations d'anciens combattants, a notamment pour tâche de se prononcer sur l'attribution des aides sociales de l'Office à ses ressortissants.

c) Les associations d'anciens combattants, des partenaires essentiels de l'Office de moins en moins dynamiques

Les associations d'anciens combattants jouent également un rôle essentiel de lien et de relais entre l'OANCVG et ses ressortissants. Les associations vont informer leurs adhérents des droits auxquels ils peuvent prétendre. Elles ont également la possibilité de parrainer les dossiers de demandes d'aide sociale et éventuellement d'abonder les aides effectivement attribuées par l'Office.

La disparition de ces relais poserait ainsi la question des moyens dont l'ONACVG dispose pour atteindre ses ressortissants .

Enfin, les associations patriotiques étaient largement responsables de la réalisation de la quête du Bleuet de France sur la voie publique. La question des modalités de sa réalisation, dans un contexte de vieillissement de ces associations et de réorganisation profonde de l'OEuvre nationale du Bleuet de France, se pose également.

II. UNE TRANSFORMATION ACTUELLEMENT CARACTÉRISÉE PAR UNE MODERNISATION DE L'OFFICE DOUBLÉE D'UNE RÉDUCTIONS DE SES MOYENS ET MARGES DE MANOEUVRE

Face aux défis posés par l'évolution de la population de ses ressortissants , l'Office s'est engagé dans une transformation dont le Contrat d'Objectifs et de Performance (COP) 2020-2025 définit les principaux axes . Ce dernier prévoit ainsi une réduction des moyens de l'Office, accompagné d'une centralisation du traitement des dossiers relevant de l'Office grâce à de nouveaux systèmes d'information.

Cela étant, le COP n'épuise pas l'ensemble des évolutions auquel l'Office devra faire face à moyen terme et l'Office n'aura plus les mêmes marges de manoeuvre lorsque viendra l'heure d'établir son prochain COP .

Parallèlement à sa trajectoire de baisse d'activité liée aux anciens combattants, l'ONACVG voit un développement de ses autres compétences . En particulier l'ONACVG joue un rôle de référent pour la mise en oeuvre des politiques de mémoire et de lien avec la Nation . Ce rôle de référent est notamment permis par le maintien de son réseau d'antennes locales. Il peut financer au niveau local des acteurs mémoriels (associations mémorielles par exemple) ou des actions en liens avec la mémoire (aide à l'entretien d'un monument aux morts par exemple). Ses moyens sont cependant très limités pour ces actions de financement : moins de 300 000 euros par an hors financement par le Bleuet de France.

Enfin l'ONACVG continue d'accueillir ou d'intervenir sur de nouveaux dispositifs de réparation , dont l'exemple le plus récent est la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français.

A. UNE ÉVOLUTION DE L'OFFICE DÉTERMINÉE DANS UN CONTRAT D'OBJECTIFS ET DE PERFORMANCE

Les principaux axes d'évolution de l'Office sont définis dans son COP 2020-2025.

Ce dernier prévoit 5 axes d'action :

- assurer le meilleur service aux ressortissants ;

- ancrer la politique de mémoire et de citoyenneté dans les territoires ;

- renforcer l'accompagnement des combattants dans la durée ;

- porter une nouvelle ambition pour le Bleuet de France ;

- poursuivre la modernisation de l'Office.

À ces 5 axes s'ajoutent une trajectoire d'évolution des dépenses et des recettes et une trajectoire d'évolution des personnels de l'Office. Il définit enfin 20 indicateurs et 26 engagements pour suivre sa mise en oeuvre.

Ce COP est jugé satisfaisant tant par les représentants de l'administration que par les représentants des associations d'anciens combattants et de mémoire que le rapporteur spécial a pu entendre . Ces derniers soulignent que le COP aura permis de définir un cadre, y compris budgétaire, pour débattre des évolutions de l'ONACVG. Ils saluent également la sanctuarisation des crédits dédiés à l'action sociale sur la période du COP.

1. Une trajectoire de contraction des moyens et marges de l'Office
a) Une trajectoire budgétaire et de trésorerie très descendante qui atteint aujourd'hui ses limites

La trajectoire d'évolution des recettes et des dépenses définie est claire : l'Office a permis au budget général de l'État de réaliser des économies. Cette trajectoire a été remise en cause par la loi de finances initiale pour 2022 qui a ouvert des moyens supplémentaires afin de permettre à l'Office de faire face à l'ouverture de l'indemnité de reconnaissance ouverte par la loi du 23 février 2022 de reconnaissance et réparation en faveur des Harkis. La loi du 23 février 2022 a également augmenté de manière significative les dépenses d'intervention de l'Office en faveur des harkis et rapatriés (+22 millions d'euros, soit +81 % entre 2021 et 2022).

Source : COP 2020-2025 de l'ONACVG

La trajectoire des dépenses était ainsi baissière. Notamment, les charges de personnel, supérieures à 50 millions d'euros en 2020 doivent passer sous la barre des 48 millions d'euros en 2024. Les dépenses de fonctionnement et d'investissement devaient dans le même temps rester stables.

L'exécution 2021 du budget montre que l'Office est globalement en phase avec la trajectoire prévue, s'établissant 3 millions d'euros en-dessous de la cible de 123 millions d'euros fixée par le COP.

La trajectoire des recettes est, elle, inférieure à celle des dépenses. En particulier, 2020 a vu un prélèvement de trésorerie de plus de 20 millions d'euros servir à financer des dépenses courantes et la mise en oeuvre du schéma directeur informatique de l'opérateur .

Par ailleurs, l'exécution 2021 du budget de l'Office s'est finalement révélée excédentaire de 6,3 millions d'euros alors que la trajectoire du COP prévoyait initialement un déficit de 5,7 millions d'euros. Cependant, l'excédent global de l'année 2021 est dû à un fort renchérissement de la trésorerie fléchée de l'ONACVG, sa trésorerie non-fléchée connaissant elle au contraire une baisse de 600 000 euros.

Cette tendance à la diminution du niveau de trésorerie non fléchée continue en 2022. Les dernières projections évaluent la trésorerie non-fléchée à 5 millions d'euros fin 2022 si la réserve sur la subvention pour charge de service public est levée, ce qui correspond à 1 mois de fonctionnement courant de l'Office. En cas d'absence de levée de la réserve, la trésorerie non-fléchée s'établirait à 4,4 millions d'euros, ce qui correspond à 1 mois de traitement des agents de l'Office. Le rapporteur spécial appelle au respect d'une marge de manoeuvre d'un mois, qui permet à l'Office de fonctionner en cas de retard dans le versement de la subvention pour charge de service public.

Pour la suite, les recettes prévues restent inférieures d'un million d'euros aux recettes sur la période 2023-2025.

Le rapporteur spécial s'inquiète de cette évolution et appelle à ce que la trésorerie de l'ONACVG, déjà amplement mise à contribution, cesse d'être traitée comme une variable d'ajustement budgétaire . Les prochaines programmations budgétaires doivent prévoir suffisamment de crédits pour couvrir le fonctionnement de l'Office au risque de le mettre en difficulté financière.

En tout état de cause, le dégel du point d'indice des fonctionnaires représente un coût que la trésorerie n'est plus en capacité d'absorber.

b) Des moyens humains en forte baisse et éparpillés dans une centaine de services locaux

La trajectoire des moyens humains de l'Office est tracée en fonction de deux données : d'une part, la volonté d'une réduction du nombre d'ETPT induite par la réduction du nombre d'anciens combattants et une plus grande efficience dans le traitement des dossiers. D'autre part, le maintien d'une antenne de l'ONACVG dans chaque département.

Cette trajectoire s'est traduite par une baisse du plafond d'autorisations d'emplois de l'ONACVG de 114 ETPT entre 2018 et 2025 . Ce plafond, de 878 ETPT en 2018, doit donc atteindre 764 ETPT en 2025. Cette réduction d'ETPT est la principale source d'économie des dépenses de l'Office hors dépenses d'intervention . La réduction des effectifs est par ailleurs en avance sur la programmation. S'il avait été initialement prévu un plafond d'emplois de 787 ETPT pour 2022, ce dernier s'est finalement élevé à 778 ETPT en 2022. À ces ETPT s'ajoutent 20 ETPT hors plafond, contre une prévision de 26.

Cette réduction d'effectifs est notamment rendue possible par une centralisation du traitement des dossiers dont l'Office a à connaître au sein du Département de reconnaissance et réparation de Caen. La centralisation du traitement des dossiers a été rendue possible par la mise en oeuvre du schéma directeur informatique de l'Office qui prévoyait le développement de nouveaux systèmes d'information et la dématérialisation des procédures d'instruction. La centralisation du traitement des dossiers a ainsi permis de dégager des marges de réduction du nombre d'agents dans les services départementaux.

Cependant, l'Office rencontre certaines difficultés dans le reclassement de ses agents . En 2022, il supportait ainsi les salaires de 22 agents auxquels la suppression de leur emploi a été notifiée , pour un coût de 1,448 million d'euros. Ce montant est significatif dans la mesure où les économies attendues de dépense salariale entre 2018 et 2025 sont de 3 millions d'euros annuels. L'Office a demandé la reconduction de son classement d'établissement en restructuration pour les années 2023 et 2024.

En 2021, la masse salariale de l'Office s'élevait à 798 ETPT, dont environ 400 ETPT en services départementaux . Cette répartition, conjuguée au nombre important - 104 - de services départementaux, entraîne nécessairement un étalement et une égalisation de la masse salariale des différents services départementaux sans véritable rapport avec la population des ressortissants présents dans les départements . Cet étalement a également entraîné une réduction de la taille des locaux des antennes de l'ONACVG, certaines étant hébergées dans les locaux de préfectures.

Le rapporteur spécial a eu l'occasion de se rendre dans une antenne modeste de l'ONACVG, à Vannes, ne comprenant que 4 agents et située dans les locaux de la préfecture. Ce nombre a été fixé au regard des unités militaires présentes dans le département du Morbihan, du nombre d'associations patriotiques et mémorielles et du nombre estimé de ressortissants ; évalué à 50 000. Le rapporteur spécial tient à souligner l'engagement et le professionnalisme des agents du service.

Le nombre très faible d'agents contraste avec le nombre et la diversité des missions qu'ils doivent réaliser . En effet, ce service doit gérer plus de 500 dossiers de solidarité annuels, l'accueil et le soutien moral des ressortissants, l'accompagnement des pupilles du département, participer aux cérémonies patriotiques locales et à leur organisation, gérer les dossiers de retraite du combattant, de titre d'invalidité, de pensions militaires d'invalidité et de reconversion professionnelle, organiser des concours scolaires dont le concours national de la résistance et de la déportation, organiser la collecte du Bleuet de France, etc.

Le rapporteur spécial souhaite souligner que les réductions d'ETPT de l'ONACVG atteignent ici leur limite et que des réductions supplémentaires sur de tels services ne pourraient pas se réaliser sans réduction notable du nombre de tâches à réaliser ou sans dégradation de la qualité du service.

Ces remarques valent également s'agissant du siège de l'ONAC, qui est également peu pourvu en ETPT. Il compte 169 ETPT en 2022, dont 99 pour les fonctions support. Ainsi, les 4 départements métier ne comptent que 70 ETPT, dont plus d'un tiers relèvent du département reconnaissance et réparation de Caen. Ces 70 ETPT comportent de plus les postes régionalisés de l'Office. Il n'y avait que 62 ETPT pour les fonctions métiers en 2021, car 8 contractuels ont dû être recrutés pour traiter les dossiers déposés au titre de la loi de reconnaissance et réparation en faveur des harkis de 2022.

Pour le traitement de la majorité des dossiers, l'Office se repose désormais sur son Département de Reconnaissance et Réparation (DRR), situé à Caen . La finalisation de la centralisation du traitement des dossiers, combinée à une externalisation de la réalisation et de l'acheminement des cartes, aura entrainé une diminution significative de la durée moyenne des traitements. La durée moyenne du traitement d'une demande est ainsi passée de plus de 140 jours en 2020 à moins de 100 jours en 2021. Le rapporteur spécial a eu l'occasion de visiter le DRR et tient à souligner l'engagement des agents y travaillant.

En 2021, le DRR a généré :

- 15 000 décisions relatives à la carte du combattant ;

- 10 346 attributions de titre de reconnaissance de la Nation ;

- 246 attestations pour la croix du combattant volontaire ;

- 386 mentions « Mort pour la France » dont 6 au titre des OPEX ;

- 14 attributions de la mention « Mort pour le service de la Nation » à des agents publics ;

- 890 actes de décès et publication de 5 arrêtés collectifs au journal officiel correspondant à l'attribution de 876 mentions « Mort en Déportation ».

Le DRR comporte, en 2022, 29 agents, dont 8 contractuels recrutés pour traiter les dossiers déposés au titre de la loi de reconnaissance et réparation en faveur des harkis de 2022. Le rapporteur spécial souligne par ailleurs que le DRR comporte 14 contractuels, dont 12 de catégorie C.

Du fait de sa réduction d'effectifs, l'Office a aussi réduit la taille des locaux qu'il occupe. En particulier, certaines antennes locales occupent désormais les locaux de préfectures. C'est le cas par exemple du service du Morbihan. Cependant, s'il reste en capacité de faire face aux afflux d'activité par un recours à des contractuels, l'ONACVG doit conserver les moyens de pouvoir accueillir ces contractuels. Les locaux actuellement occupés par l'ONACVG constituent le minimum de ce dont l'Office doit disposer pour conserver sa capacité à absorber des pics d'activité.

2. Le schéma directeur informatique, vecteur de modernisation et de réduction des coûts de l'Office
a) Un renouvellement numérique, logiciel comme matériel, complet de l'Office

Le schéma directeur informatique (SDI) est la pierre angulaire de la politique de modernisation de l'Office et de centralisation du traitement des dossiers.

Du fait de la particularité de son statut, l'Office n'a pas d'autre choix que d'être autosuffisant pour ses besoins informatiques . En effet, il relève en tant qu'opérateur du ministère des Armées et il n'a pas accès à son intranet et n'est pas intégré à ses applications pour des raisons de sécurité . L'ONACVG doit donc disposer de ses propres solutions.

Le SDI de l'ONACVG est contenu dans son COP et en constitue l'annexe 5. Ce dernier, ambitieux, partait du constat que l'Office disposait en 2019 d'un matériel informatique ancien et défaillant et ne disposait pas de solutions logicielles permettant un traitement centralisé des demandes. Il visait à répondre à ces deux problématiques.

Ce SDI, dont le coût s'élève à 5 millions d'euros, a été entièrement autofinancé par une mise à contribution de la trésorerie de l'ONAC .

Le parc informatique de l'Office a été renouvelé par le biais d'une location de matériel sur 5 ans en s'appuyant sur un marché RESAH (Réseau des acheteurs hospitaliers). L'Office a fait le choix d'ordinateurs portables suite aux confinements. Au total, le renouvellement des postes de l'Office coûtera un peu plus d'un million d'euros sur 5 ans.

Dans le même temps, l'ONACVG aura entièrement renouvelé son architecture réseau et acquis plusieurs logiciels , notamment :

- un logiciel de relations clients (OCRM), développé par l'Office lui-même et permettant le traitement numérique des dossiers des missions générant le plus grand nombre de décisions : demandes de cartes du combattant et de titre de reconnaissance de la nation, demandes d'aides financières, demande d'aide pour les enfants de harkis et les demandes liées à la loi de reconnaissance et de réparation en faveur des harkis. Ce logiciel a été essentiel pour permettre à l'Office d'absorber la quantité de dossiers générée par le dispositif de reconnaissance et réparation en faveur des harkis ;

- le système d'information de gestion des ressources humaines (SIRH) RENOIRH, développé par le Centre interministériel des services informatiques relatifs aux ressources humaines (CISIRH). La solution, la licence et la maintenance, mutualisées avec d'autres établissements publics administratifs, le CISIRH et le ministère des armées, sont gratuites pour l'Office ;

- une nouvelle version de son logiciel de gestion comptable, devenu XRP Ultimate. Cette nouvelle version permet l'intégration de Chorus Pro, la réalisation de notes de frais ou l'intégration des immobilisations.

Enfin la mise en oeuvre du SDI aura permis de réaliser une remise à niveau de la sécurité des systèmes d'information de l'Office, ce qui correspondait à l'un de ses axes.

La mise en oeuvre du SDI a permis à l'Office d'absorber le choc du dispositif harkis de 2022 . Un choc comparable, celui de l'ouverture de la carte du combattant au titre des OPEX pour les participants aux combats en Afrique du Nord entre 1962 et 1964, avait en 2019 nécessité la mobilisation de l'entièreté du réseau départemental de l'ONACVG. Un choc similaire n'aura appelé que le recrutement de 8 contractuels en 2022. Il faut cependant souligner que la gestion des dossiers de harkis reste très tendue, le nombre de dossiers déposés étant très largement supérieur à celui anticipé.

Le rapporteur spécial attire l'attention sur le fait que le SDI de l'Office a pu être intégralement financé grâce à la trésorerie abondante dont disposait l'Office en 2019. Cette trésorerie ayant désormais été consommée, l'Office ne sera pas en mesure de financer son prochain SDI de la même manière et un financement inscrit au budget de l'État sera nécessaire pour assurer le maintien à niveau des systèmes informatiques de l'Office une fois 2025 passé . Ce maintien à niveau sera d'autant plus nécessaire que les fonctions d'instruction des dossiers et de soutien ayant été centralisées, le bon fonctionnement de l'Office dépend directement du bon fonctionnement de ses systèmes d'information.

b) Les limites à la dématérialisation : l'âge des ressortissants

La dématérialisation de l'Office permet aux ressortissants ou aux futurs ressortissants de réaliser leurs démarches en ligne. Cette possibilité est particulièrement plébiscitée par les nouveaux ressortissants de l'ONACVG, issus des OPEX et généralement à l'aise avec le numérique.

Cependant, la majorité des ressortissants restent pour le moment les anciens d'Algérie et leurs veuves, pour lesquels le numérique n'est pas une solution et qui requièrent le maintien d'un accueil physique et des démarches papier.

Actuellement, les deux types de dossiers sont acceptés, bien que le traitement soit entièrement centralisé au DRR de Caen .

3. La grande force de l'Office : une organisation territoriale permettant une présence de proximité dans chaque département
a) L'existence du maillage territorial dense de l'Office est sanctuarisé par le COP

L'ONACVG dispose d'un maillage territorial fort puisqu'il est présent dans chaque département et dans les outre-mer. L'Office est également présent en Algérie et au Maroc du fait de la présence de ressortissants dans ces pays . Il était présent en Tunisie mais ce service a été fermé en 2019, à cause du trop faible nombre de ressortissants présents dans ce pays. Il dispose ainsi actuellement de 104 services locaux .

Le maintien du maillage territorial a été sanctuarisé dans le cadre du COP 2020-2025 et il n'est actuellement pas prévu de le remettre en cause à l'occasion du prochain COP.

Le maillage territorial permet notamment d'assurer l'accueil des ressortissants. En effet, la plus grande partie des ressortissants de l'ONACVG est particulièrement âgée et peu à l'aise avec le numérique et le maintien d'antennes locales permet l'accueil de ces ressortissants pour leur permettre de réaliser des démarches. L'accueil physique est également nécessaire pour les missions de soutien moral et pour les demandes d'aide à la reconversion professionnelle.

Les antennes locales permettent un lien fort avec les représentants locaux de la communauté des anciens combattants et une décentralisation de la prise de décision s'agissant de l'action sociale de l'Office , toutes les décisions d'attribution de moins de 1 000 euros sont en effet directement prises par la commission d'action sociale de l'antenne. S'agissant des décisions supérieures à ce montant, elles font l'objet d'une demande motivée, remontée au département national de la solidarité de l'Office. Le chef du bureau de l'action sociale acceptera ou refusera alors la demande.

Le maillage territorial permet également de maintenir une présence dans les déserts militaires 5 ( * ) , en plus du délégué militaire départemental (DMD). À ce titre, divers interlocuteurs, militaires et relevant de l'ONACVG, ont pu regretter un manque de communication et de coordination entre DMD et service local de l'ONAC.

L'ONACVG bénéficie grâce à son maillage territorial d'une connaissance fine des enjeux de mémoire des différents territoires qu'elle peut employer pour relayer la politique mémorielle nationale ou pour intervenir dans la vie commémorative locale.

Enfin, son ancrage local lui permet d'agir comme un relais pour l'action de la direction du service national et de la jeunesse, qui ne dispose pas d'un tel maillage.

b) Des services départementaux dont l'action est coordonnée par les 4 départements métiers

La direction générale de l'ONACVG comporte, outre les fonctions support, 4 départements « métiers » :

- le Département de la reconnaissance et de la réparation, situé à Caen, chargé du traitement des dossiers de titres et mentions ;

- le Département de la mémoire et de la citoyenneté, chargé de la déclinaison de la politique mémorielle et de la politique de la pierre ;

- le Département de la solidarité, chargé de la mise en oeuvre des aides sociales de l'ONACVG ;

- le Département des rapatriés, chargé de la mise en oeuvre des différents dispositifs en faveur des harkis, apparentés et rapatriés.

Ces 4 départements représentent au total 70 ETPT et ont principalement comme fonction de coordonner l'action des antennes départementale de l'ONACVG, à l'exception du Département reconnaissance et réparation de Caen qui, depuis la modernisation informatique de l'Office, traite directement la majorité des dossiers de titres et mentions. Ces dossiers lui sont, le cas échéant, transmis par les antennes locales de l'Office.

c) Une concentration et une harmonisation croissantes des services de l'Office

La centralisation touche principalement le traitement des dossiers de titres et mentions. Elle est permise par les nouveaux systèmes d'information de l'Office. La grande majorité de ces dossiers est désormais traitée par le Département de la reconnaissance et de la réparation, une entité relevant de la direction générale de l'Office mais située à Caen .

En plus de la concentration du traitement de ces dossiers, les nouveaux systèmes d'information de l'Office auront permis une unification et une harmonisation des bases de données, et ce dans tous les domaines d'action de l'Office, y compris l'aide sociale dont la mise en application reste par principe déconcentrée.

Cette unification des bases de données aura permis de faire ressortir quelques cas de fraude de la part de ressortissants qui demandaient des aides sociales ou le bénéfice de la retraite du combattant dans plusieurs services départementaux à la fois, les faisant bénéficier plusieurs fois d'une aide à laquelle ils n'auraient dû avoir accès qu'une seule fois.

B. LA MISSION HISTORIQUE DE L'OFFICE : LA POLITIQUE DE RÉPARATION ET DE SOLIDARITÉ

La politique de réparation et solidarité en faveur des ressortissants est la mission historique de l'ONACVG . Elle conserve un rôle central dans son fonctionnement en 2022.

Elle concerne une aide matérielle et morale des ressortissants de l'Office .

La politique de solidarité est mise en oeuvre de manière décentralisée par les antennes locales de l'Office . Elle a été amenée à évoluer suite à la suppression de l'aide différentielle au conjoint survivant 6 ( * ) , remplacée par des aides ponctuelles réalisées sur des critères sociaux.

Bien qu'ils forment une faible minorité des ressortissants, les pupilles de la Nation représentent une part conséquente des aides de solidarité de l'ONACVG , donnée qu'il s'agira de prendre en compte lors de l'établissement de la prochaine trajectoire financière de l'Office.

Les dispositifs spécifiques de reconnaissance et réparation à l'égard des harkis et de leurs proches relèvent également de la politique de solidarité de l'Office.

1. L'ONACVG : un acteur au coeur de la politique de réparation en faveur des anciens combattants et des harkis, autres supplétifs et rapatriés

L'Office est chargé de mettre en oeuvre certains dispositifs de réparation, prévus par la loi, en faveur de ses ressortissants. Il est notamment chargé d'attribuer le bénéfice de la retraite du combattant et sert de guichet unique pour les dispositifs créés en faveur des harkis, autres supplétifs et rapatriés. Sa mission de reconnaissance sert également à une mise en oeuvre indirecte du droit à réparation.

a) Un Office mettant en oeuvre directement la retraite du combattant et ouvrant l'accès aux droits à réparation

L'Office est chargé de traiter les demandes de retraite du combattant. Cependant son rôle est plus important que cette simple démarche administrative : la majorité des droits à reconnaissance est directement liée à l'attribution d'un titre ou d'une mention, que l'ONACVG a pour charge de décerner.

L'ONACVG est ainsi chargé de traiter les demandes de :

- carte du combattant, qui ouvre notamment droit à la retraite du combattant ;

- titre de reconnaissance de la Nation ;

- mention « Mort pour la France » ;

- mention « Mort en déportation ».

Il est également chargé de l'instruction des demandes de mentions « Mort pour le service de la République » et « Mort pour le service de la Nation », qui sont attribuées respectivement par une décision du ministre compétent et par une commission ad hoc .

b) Un Office guichet unique des dispositifs de réparation en faveur des Harkis

L'Office est le guichet unique des aides en direction des harkis et rapatriés d'Afrique du Nord depuis 2013 . Son action envers les harkis et rapatriés comporte un volet mémoriel et un volet indemnitaire.

Il met aujourd'hui en oeuvre, ou participe à la mise en oeuvre, de plusieurs politiques d'aide envers les harkis et rapatriés, dont la principale est désormais le dispositif prévu par la loi n°2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français (loi de février 2022 ci-après).

c) Une politique de réparation en faveur des harkis, autres supplétifs et rapatriés ayant connu un renforcement significatif depuis décembre 2021

L'Office met en oeuvre 12 dispositifs 7 ( * ) d'aide aux harkis, autres supplétifs et rapatriés. Au total, ces dispositifs représentaient un peu plus de 7 250 dossiers et bénéficiaires en 2021. Ce nombre devrait augmenter de manière significative en 2022, du fait de la loi de février 2022 (voir ci-dessous). Pour ce faire, l'Office dispose d'un département des rapatriés, chargé de les mettre en oeuvre. Ce service dispose de 14 agents.

En plus de la mise en oeuvre des dispositifs d'aide aux harkis et rapatriés, ce département sert d'expert pour la création des politiques en faveur des harkis, notamment s'agissant des politiques mémorielles. Il est par exemple à l'origine de la procédure d'examen des dossiers pour l'indemnité d'accueil indigne de la loi de février 2022.

(1) Un coût conséquent pour l'année 2022

L'année 2022 voit deux décisions, augmenter significativement le coût budgétaire de la politique d'aide aux harkis, apparentés et réfugiés :

- la levée de la forclusion des dispositifs 8 ( * ) d'allocation à destination des conjoints et veuves de harkis et apparentés avec un effet rétroactif jusqu'à 2016 ;

- le doublement des allocations en question, prévue par un arrêté du 21 décembre 2021 9 ( * )

A ces deux décisions s'ajoute la fin du dispositif d'aide sur critères sociaux aux enfants de harkis, qui s'éteindra le 31 décembre 2022.

Ces décisions ont eu des conséquences budgétaires très importantes : le montant que représentent ces différentes aides a été presque doublé. 49 millions d'euros étaient consacrés aux dispositifs harkis en 2022 10 ( * ) , contre 27 millions d'euros en 2021, une augmentation de plus de 80 %. Ce montant comprend cependant le coût du « rattrapage » des dispositifs d'allocations forclos 11 ( * ) . Par ailleurs, s'il sera nécessaire de prévoir pour 2023 un budget pour l'aide aux enfants de harkis sur critères sociaux du fait du nombre de dossier restant en stock et de la possibilité laissée aux bénéficiaires du dispositif de déposer des dossiers jusqu'au 31 décembre 2022, cette aide a vocation à disparaître du budget en 2024. Ce montant devrait donc diminuer d'ici 2025.

(2) Un renchérissement des moyens appelé à durer dans le temps

Cependant, le département des réfugiés alerte sur le fait que des financements importants resteront nécessaires sur le long terme.

En effet, le doublement et la levée de la forclusion sur le dispositif d'allocation viagère augmentent significativement son coût. Or, l'attrition de la population des veuves est moins forte que celle des harkis et apparentés et de nombreux anciens supplétifs ont pu se remarier à des personnes plus jeunes, qui pourront demander le bénéfice de cette allocation à la mort de leur époux.

Le département des réfugiés estime ainsi que le coût de la mesure restera élevé pour les prochaines décennies.

Le rapporteur spécial appelle à ce que cette politique, directement issue de la politique gouvernementale relative à la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats d'Afrique du Nord, soit désormais entièrement financée par le budget général et ne fasse pas l'objet d'une nouvelle débudgétisation aux dépens de la trésorerie de l'ONACVG comme cela a pu être le cas en 2022 12 ( * ) .

d) La loi n°2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie : la création d'une nouvelle indemnité et le renforcement de dispositifs existants

Cette loi a créé une nouvelle forme d'indemnité, a réactivé un dispositif préexistant et a créé un appel d'air pour le dispositif d'aide aux enfants de harkis. Dans les trois cas, les sommes engagées dans l'action en faveur des harkis ont été renforcées et l'Office a vu une augmentation du nombre de dossiers à traiter.

(1) Des dispositifs antérieurs réactivés suite à l'adoption de la loi

Deux dispositifs ont été réactivés par la loi de février 2022 : les allocations viagères en faveur des veuves de harkis qui n'avaient pas pu demander l'allocation de reconnaissance du fait de sa forclusion à la date de la mort de leur époux, forclose elle en 2016 ou 1 an après le décès du mari ; et les aides en faveur des enfants de harkis.

La loi a prévu la levée de la forclusion des demandes d'allocation viagère, avec effet rétroactif au décès du mari, dans la limite d'un rattrapage maximum de 6 ans.

De plus, la création de l'indemnité au titre de l'accueil indigne dans des camps ou des hameaux de forestage a conduit de nombreuses personnes à faire valoir leurs droits soit aux allocations, soit aux aides pour les enfants de harkis lors de la réalisation d'un dossier pour demander le bénéfice de l'indemnité pour accueil indigne.

(2) L'introduction d'un nouveau dispositif d'indemnisation au titre de l'accueil indigne sur le territoire national dans des camps ou hameaux de forestage

L'apport principal de la loi de février 2022 est la création d'une nouvelle indemnité, versée au titre de l'accueil indigne en France des harkis, autres supplétifs ou rapatriés, dans des camps ou des hameaux de forestage.

La décision d'accorder ou non l'indemnité à une personne en faisant la demande est prise par une commission ad hoc placée sous l'autorité de la Première ministre. L'ONACVG est chargé de la réception et de l'instruction des dossiers.

Cette indemnité est « mécanique » : il faut établir un séjour en camp ou hameau de forestage, ainsi que la durée de ce séjour. Une fois le séjour et sa durée établis, le demandeur bénéficiera d'une indemnité forfaitaire de 2 000 euros si le séjour a été inférieur à 3 mois ou de 3 000 euros plus 1 000 euros par année de séjour si ce séjour a été supérieur à 3 mois 13 ( * ) .

Le nombre de bénéficiaires potentiels a été estimé par le Gouvernement à 50 000 personnes lors du vote de la loi, bien que l'érosion de la démographie des harkis et rapatriés amène l'Office à estimer le nombre total de dossiers à 40 000.

Cependant, le succès du dispositif n'avait pas été suffisamment anticipé : presque 20 000 demandes ont été reçues et 2 000 dossiers ont été traités au 1 er août 2022. Le montant total des indemnités déjà accordées au 1 er août 2022 s'élève à 16 millions d'euros.

Pour faire face à la charge de travail supplémentaire, le département de la reconnaissance et de la réparation de Caen, chargé d'instruire les dossiers, a dû recruter une équipe de 8 agents contractuels de catégorie C.

2. La politique de solidarité de l'Office, versant social de l'aide aux ressortissants
a) Un soutien financier de ses ressortissants par l'Office

La politique de solidarité est financée à hauteur de 26 millions d'euros, hors financement des actions en faveur des harkis ou apparentés. Les actions en faveur des harkis et apparenté disposent d'un financement spécifique s'élevant à 49 millions d'euros en 2022 14 ( * ) (contre 27 millions d'euros en 2021). Le montant de 26 millions d'euros annuels a été sanctuarisé par le COP 2020-2025 de l'Office . Il est à noter que le dispositif en faveur des enfants de harkis relève formellement de la responsabilité de la cheffe du département de la solidarité de l'ONACVG, bien que disposant d'un financement spécifique et s'adressant à un public qui n'est pas ressortissant.

Selon sa circulaire d'application, la politique de solidarité a pour objet « de venir en aide aux plus démunis et aux plus isolés de nos ressortissants. C'est pourquoi les services de l'ONACVG étudient toutes les demandes des ressortissants et proposent, au vu de la situation particulière de chacun, d'attribuer l'aide qui leur paraît la plus adaptée » 15 ( * ) .

Les aides sont mises en oeuvre individuellement et sur des critères financiers, de logement et sociaux. Elles sont réservées aux ressortissants de l'ONACVG.

L'aide de l'ONACVG est subsidiaire et intervient après et en plus des aides de droit commun . Ainsi un ressortissant déposant une demande d'aide à l'ONACVG sans bénéficier des aides de droit commun sera dans un premier temps réorienté vers ces aides de droit commun.

Les aides de solidarité interviennent dans deux cas principaux : aide face à une difficulté financière et aide au maintien à domicile . Ces aides recouvrent de nombreuses hypothèses, dont des frais médicaux, des frais d'obsèques, des aides ménagères, etc.

Les aides sociales de l'ONACVG bénéficient à tous les ressortissants, indépendamment de leur nationalité et de leur lieu de résidence . Si le ressortissant ne réside pas en France, l'action de l'Office est alors mise en oeuvre soit par ses antennes locales pour l'Algérie et le Maroc, soit par des offices d'anciens combattants conventionnés pour 11 États africains, soit par le réseau des ambassades et consulats de France pour le reste du monde. L'Office compte 1 304 ressortissants, dont 893 veuves, en dehors du territoire national .

Dans ces pays, une commission associant des fonctionnaires des postes consulaires, des anciens combattants et des membres de l'Assemblée des Français à l'étranger, statue sur les demandes d'aides financières payées pour les ressortissants à l'étranger. En 2021, les aides financières à l'étranger ont sensiblement augmenté et atteignent plus de 1,2 million d'euros. Toutefois, près de 20 % de cette augmentation correspond au paiement sur 2021 de subventions arrivées trop tard pour un mandatement en 2020 16 ( * ) . Plus de la moitié de cette somme est consommée par les services locaux de l'Office en Algérie (285 000 euros) et au Maroc (420 000 euros).

Le département de la solidarité de l'Office estime aider environ 20 000 ressortissants, tous lieux de résidence confondus, par an . Cela représente environ 1 % des 2 millions de ressortissants que compte l'Office en 2022.

Les pupilles de la Nation, et désormais de la République, bénéficient d'aides spécifiques dont le coût est supporté par le budget solidarité de l'ONACVG. Cette aide spécifique représente une part importante du budget solidarité, estimée de 3 à 4 millions d'euros annuels pour 1 000 pupilles .

b) Un soutien moral et matériel de ses ressortissants par l'Office

En plus de l'aide financière qui est octroyée par l'ONACVG à ses ressortissants, l'Office apporte également une aide morale aux ressortissants. Notamment, l'Office va accueillir les ressortissants, par téléphone ou physiquement lorsque ces derniers ont besoin d'aide sans pour autant savoir l'aide à laquelle ils peuvent ou doivent prétendre .

Selon le service de Vannes, ce type d'accueil prend régulièrement plus d'une heure . Une fois la situation du ressortissant connue, l'agent de la solidarité va pouvoir réorienter le ressortissant vers l'aide ou l'entité adaptée et, le cas échéant, l'aider à monter un dossier.

L'ONACVG labellise des EHPAD sous le label « Bleuet de France ». Les critères de la labellisation sont les suivants :

- habilitation à l'aide sociale ;

- sensibilisation de l'EHPAD aux valeurs du monde combattant, avec notamment un engagement à célébrer le 8 mai et le 11 novembre ;

- qualité de l'EHPAD pour les soins et l'hébergement ;

- nombre de ressortissants au sein de l'EHPAD.

L'Office a un objectif de 3 EHPAD labellisés par département . Le nombre de 3 EHPAD labellisé constitue également un maximum, car le directeur local de l'Office doit réaliser une visite de contrôle annuelle, participe au conseil de la vie sociale de l'établissement et doit être présent lors de deux cérémonies annuelles. Les associations d'anciens combattants participent à l'effort de labellisation, en indiquant les établissements qui pourraient prétendre à la labellisation et en signalant les problèmes qui pourraient apparaître après la labellisation. 2 retraits de label ont déjà eu lieu.

En 2021, 9 EHPAD ont été labellisés « Bleuet de France », dont un EHPAD marocain. Au total, 141 EHPAD sont labellisés.

De plus, une nouvelle compétence se développe au sein de l'ONACVG : l'accompagnement des ressortissants lors des procédures pour le bénéfice d'un emploi réservé et dans le cadre de la reconversion professionnelle. Outre les nouvelles compétences exigées de l'ONACVG à ETPT constants, l'orientation professionnelle nécessite également la mobilisation d'agents pendant des périodes longues pour l'accueil des ressortissants en reconversion, toujours avec cette contrainte d'un nombre faible d'ETPT dans chaque service.

3. Une action sociale principalement mise en oeuvre par les services départementaux de l'Office

Les services centraux de l'ONACVG répartissent la dotation de solidarité entre les antennes locales de l'Office. Ces dernières ont pour mission de dépenser ces sommes dans le meilleur intérêt de leurs ressortissants . Chaque antenne locale de l'ONACVG dispose d'un agent de la solidarité en charge du traitement des dossiers de solidarité. Par ailleurs, les antennes locales peuvent bénéficier du soutien d'un poste régionalisé d'assistant de service social.

Pour bénéficier d'une aide sociale, un ressortissant doit déposer un dossier de demande d'aide au service local de l'Office du département dans lequel il vit. Ce dossier peut être parrainé par une association. Le dossier de demande, joint en annexe de ce rapport, apparaît très complet, le demandeur devant déclarer la totalité de ses ressources, aides de droit commun comprises, de ses charges et de ses avoirs bancaires.

L'agent de la solidarité de l'antenne locale va instruire le dossier et proposer une aide dont il fixe le montant, éventuellement en lien avec le directeur de l'antenne pour les cas présentant des difficultés. Une fois les dossiers instruits, ils sont transmis à la commission d'action sociale du département.

Le département de la solidarité de l'ONACVG a mis en place des réseaux régionaux d'agents chargés de la solidarité, dont le suivi et l'animation ont été ensuite confiés aux assistants de service social. Ces réseaux permettent notamment un partage et une harmonisation des pratiques des agents de la solidarité des antennes de l'Office dans une région. Ces réseaux permettent également de lutter contre l'isolement des agents chargés de ces taches, dans le cadre de services aux effectifs très réduits et souvent mobilisés en dehors des bureaux. Le rapporteur spécial salue vivement cette initiative.

La commission d'action sociale a une composition calquée sur le conseil d'administration national de l'ONACVG : il s'agit d'une entité délibérative divisée en trois collèges. Le premier collège est formé de représentants de l'Office et de l'administration, le deuxième collège est formé de représentants d'associations d'anciens combattants et le troisième collège est formé de représentants d'associations mémorielles. Lors des commissions d'action sociale, seul le deuxième collège vote sur les propositions. Les membres des deux autres collèges prennent part aux délibérations mais sans droit de vote. Les membres du premier collège peuvent notamment éclairer les membres de la commission sur les aides de droit commun dont bénéficient les demandeurs. Le nombre et la qualité des membres de la commission d'action sociale peuvent varier d'un département à l'autre.

Les dossiers sont transmis de manière anonymisée à la commission. Le service de l'ONACVG présente pour chaque dossier la catégorie du ressortissant, son âge, ses revenus et son reste à vivre ainsi que l'objet de la demande. La commission va alors valider ou infirmer la proposition du service instructeur, éventuellement en modifiant le montant de l'aide proposée.

Le service de Vannes indique prévoir 5 réunions de sa commission en 2022 et traiter un peu plus de 100 dossiers à chacune de ces commissions. Lors de sa dernière réunion en date 17 ( * ) , la commission a prononcé 3 rejets de demande d'aide sur 115 dossiers.

Les aides attribuées varient entre 100 et 1 000 euros et la plupart d'entre elles s'inscrivent dans une fourchette allant de 350 à 750 euros . Une commission de solidarité dispose toujours de la possibilité de proposer une aide supérieure à 1 000 euros, elle doit dans ce cas réaliser une demande motivée qui sera transmise aux instances nationales de l'ONACVG qui valideront ou non cette aide.

Suite à l'attribution de l'aide par la commission, l'ONACVG réalisera la remise de l'aide au demandeur. Il dispose également de la possibilité, avec l'accord du demandeur, de verser le montant de l'aide directement à un créancier, solution qui présente l'avantage de ne pas faire apparaître le montant de l'aide dans les ressources du demandeur. Si le dossier est parrainé par une association, celle-ci pourra abonder l'aide versée par l'ONACVG.

Il ressort des auditions menées par le rapporteur spécial que le délai de versement de l'aide suite à son attribution en commission est monté jusqu'à deux à trois semaines suite à l'introduction du nouveau logiciel de « gestion clients » de l'ONACVG, contre une avec l'ancien logiciel. Selon le département de la solidarité, cette augmentation n'a été que passagère et a aujourd'hui été résorbée.

Le second type d'aide, dites de « secours d'urgence », peuvent être mises en oeuvre sur simple décision du directeur local de l'ONACVG et peuvent être mises en oeuvre sous 48 heures. Elles ont pour objet de répondre immédiatement à une situation exceptionnelle (aide à l'alimentation, à l'habillement, au logement, etc.) et sont limitées à 350 euros. Elles sont versées sous forme de chèques de service et sont validées a posteriori par la commission.

4. Une politique sociale dont la mise en oeuvre peut connaitre des fragilités dues aux moyens limités de l'Office

Une fragilité significative existe pour la mise en oeuvre de la politique de solidarité de l'ONACVG : Chaque antenne locale de l'ONACVG ne dispose que d'un seul agent chargé de la solidarité. Aussi toute absence prolongée, quel qu'en soit le motif, entraîne une mise à l'arrêt de la politique de solidarité du département en question.

Le département de la solidarité a mis en place un système de remplacement grâce à la concentration d'assistante de service social en région Ile-de-France. Cependant, les capacités de remplacement restent très faibles. Seuls un ou deux remplacements peuvent être effectués de manière simultanée.

S'agissant d'aides attribuées sur des critères sociaux, les procédures présentent fréquemment un caractère urgent. Aussi ce type de retards peut être très préjudiciable pour les ressortissants.

Par ailleurs, l'Office ne compte que deux agents comptables, ce qui peut très rapidement se traduire par des goulots d'étranglement dans la mise en oeuvre des dépenses en cas d'empêchement.

5. La place particulière des pupilles de la Nation et de la République dans l'action sociale de l'Office
a) L'ONACVG : un acteur central pour la reconnaissance de la qualité de pupille de la Nation

Les pupilles de la Nation sont des personnes ayant été adoptées par la Nation. Cette adoption intervient notamment pour les enfants victimes d'acte de guerre ou victimes d'acte de terrorisme et pour des orphelins dont le parent est décédé du fait d'un acte de guerre ou de terrorisme 18 ( * ) .

L'adoption par la Nation est prononcée par le tribunal de grande instance dans le ressort duquel le requérant est domicilié. La demande doit être introduite par le père, la mère ou le représentant légal de l'enfant lorsqu'il est mineur ou le jeune lui-même à partir de son 18 ème anniversaire. À défaut, le procureur de la République peut introduire la demande par voie de simple requête. 19 ( * )

L'ONACVG est chargé de piloter la procédure d'adoption, en informant et conseillant la famille et en rassemblant les pièces nécessaires au dossier . Il transmet le dossier au TGI compétent et l'accompagne d'une lettre avec avis du directeur départemental. La circulaire d'application invite également le directeur départemental de l'ONACVG à être présent le jour de l'audience pour défendre le dossier.

Une fois le jugement rendu, le service départemental de l'ONACVG doit le vérifier et signaler toute erreur matérielle. Il doit en transmettre une copie intégrale au département de la solidarité de la direction générale.

Si l'adoption est prononcée, le service départemental fournit au pupille sa carte de ressortissant. Cela n'emporte pas pour autant une mise sous la responsabilité exclusive de l'État. Si l'enfant a une famille ou un tuteur, il reste sous sa responsabilité. L'État apportera cependant une aide morale et matérielle dans tous les cas.

La qualité de ressortissant est permanente. Le pupille de la Nation devenu majeur peut ainsi prétendre bénéficier de l'action sociale de l'Office décrite précédemment si sa condition le justifie.

b) Une nouvelle catégorie de pupilles : les pupilles de la République

Depuis le décret n° 2022-618 du 22 avril 2022 relatif à la mention « Mort pour le service de la République » et à la qualité de « pupille de la République », l'ONACVG est amené à accompagner un nouveau type de pupille. Le dispositif est rétroactif et applicable, pour l'attribution de la mention « Mort pour le service de la République », aux décès survenus depuis le 21 mars 2016 20 ( * ) .

L'Office est responsable de l'attribution de la mention « Mort pour le service de la République », réalisée par le DRR de Caen. Suite à cela, c'est à nouveau l'Office qui instruit la demande d'attribution de la qualité de pupille de la République et qui notifie sa décision au parent survivant, au représentant légal de l'enfant ou à l'enfant majeur.

Le pupille de la République bénéficie des aides propres aux pupilles de la Nation. Cependant, contrairement à ces derniers, ils ne sont pas ressortissants de l'Office. Ainsi, le suivi de l'Office s'arrête à leur 21 e anniversaire où à la fin de leurs études s'ils bénéficient des subventions pour études.

Le nombre d'enfant pouvant bénéficier de ce dispositif, du fait de son caractère rétroactif, est actuellement estimé à 300. Au 1 er juillet 2022, seuls 3 dossiers avaient été déposés.

c) Un Office chargé de la mise en oeuvre d'une politique d'aide spécifique à l'égard des pupilles

La qualité de Pupille ouvre droit à des droits particuliers, dont des aides financières , prononcées au titre des aides de solidarité. Ils bénéficient ainsi :

- d'aides mensualisées, jusqu'à 230 euros, et ponctuelles de santé, vacances ou autres aides exceptionnelles, attribuées en fonction du quotient familial ;

- des étrennes, une aide annuelle de 200 à 800 euros versée en fonction de l'âge du pupille ;

- d'une aide exceptionnelle à la majorité de 1 000 euros ;

- d'une aide à l'emploi, sous la forme d'un prêt d'installation professionnelle, d'une prise en charge des frais de formation ou de reconversion et de la possibilité d'un recrutement par la voie des emplois réservés ;

- de subventions pour la conduite des études, qui peuvent se prolonger au-delà du 21 e anniversaire du pupille.

Le pupille bénéficie également d'un soutien moral. Il bénéficie d'un accompagnement social de la part du service local de l'ONACVG duquel il relève et ce service organise régulièrement des réunions ou évènements conviviaux pour les pupilles , comme, par exemple, une sortie accrobranche ou un repas en présence du préfet. Enfin, le service départemental de l'Office fait parvenir des cartes de voeux et/ou d'anniversaire aux pupilles et envoie également une lettre lors des évènements marquants de la vie du pupille lorsqu'ils sont connus (mariage, succès professionnel, etc.)

Le rapporteur spécial souhaite souligner l'importance du financement des actions en faveur des pupilles, dont le nombre risque d'augmenter fortement à court terme. Cette augmentation devra être prise en compte pour l'établissement des futurs budgets de solidarité de l'Office.

6. La mise en place d'un numéro vert national par l'Office

L'Office a mis en place le 10 juin 2021 un numéro vert national. Ce numéro est ouvert de 9 h à 12 h et de 14 h à 17 h du lundi au vendredi . Il permet un accueil téléphonique de tous les ressortissants.

Il est mis en oeuvre par 20 agents du département reconnaissance et réparation de Caen. Ces agents sont volontaires, assurent l'accueil téléphonique en plus de leurs obligations professionnelles habituelles et ils ne bénéficient pas de rémunération supplémentaire pour cela.

Une moyenne de 103 appels par jour a été constatée en avril 2022 , dont les trois quarts concernent le dispositif de reconnaissance et réparation en faveur des harkis de 2022.

L'articulation entre le numéro vert national et les accueils téléphoniques des antennes locales de l'ONACVG reste à définir pleinement. Aussi le DRR de Caen a-t-il pu recevoir des appels de ressortissants qui ignoraient l'existence de l'accueil téléphonique de leur service local, mais également des appels réalisés alors que l'accueil téléphonique du service local était indisponible.

Le numéro vert a vocation à être pérennisé selon ses modalités actuelles. Le rapporteur spécial insiste cependant sur le fait que cela ne doit pas constituer une raison pour amenuiser les capacités d'accueil des services locaux de l'ONACVG, ces derniers étant seuls en capacité d'offrir un accueil physique suite aux échanges téléphoniques et plus à même de réaliser un suivi personnalisé.

C. LE DEUXIÈME VERSANT DES COMPÉTENCES DE L'OFFICE : LA MISE EN oeUVRE DE LA POLITIQUE DE MÉMOIRE

1. Un Office responsable de l'entretien et de la valorisation du patrimoine mémoriel combattant

L'ONACVG est chargé d'entretenir et de valoriser les Hauts lieux de la mémoire nationale, les nécropoles et les carrés militaires . Il réalise cet entretien directement ou peut, pour les carrés militaires, le déléguer à des communes ou à un partenaire particulier : l'association le Souvenir Français.

a) Une politique directement dépendante des crédits votés au budget

La politique de la pierre a deux versants principaux : l'entretien du patrimoine mémoriel combattant : sépultures, nécropoles et hauts lieux de la mémoire nationale, et leur valorisation. Elle est directement liée au niveau de son financement, qui est la condition sine qua none de l'engagement et de la réalisation de travaux.

Aussi, si l'office à un rôle essentiel s'agissant de la mise en oeuvre de cette politique, l'ampleur de cette dernière est directement facteur du volontarisme politique exprimé en loi de finances . À titre d'exemple, la baisse significative des moyens consacrés aux actions de mémoire en 2019 et 2020 a été perçue et regrettée par les associations d'anciens combattants qui ont constaté un quasi-immobilisme lors de ces deux années s'agissant des actions mémorielles de l'ONACVG.

Actuellement, la politique de la pierre fait l'objet d'un financement volontariste du fait des soixante ans de la guerre d'Algérie et l'ONACVG doit lancer un programme de valorisation des Hauts lieux de la mémoire nationale de 8 millions d'euros sur 4 ans.

La politique de la pierre étant en large partie des travaux immobiliers, cette dernière est directement touchée par l'inflation actuelle . La direction de la culture, de la mémoire et des archives (DCMA) estime à 20 % le renchérissement du prix des travaux. Eu égard à la dépendance de l'ambition de cette politique à son financement, un renforcement de ce financement apparaît donc nécessaire pour le maintien de l'ambition portée par la programmation budgétaire initiale.

b) Des modalités d'entretien des sépultures militaires parfois complexes

L'entretien des sépultures militaire est réalisé à l'aide de partenaires : l'Office peut déléguer par convention l'entretien des sépultures militaires aux communes ou à un partenaire particulier : l'association « Le Souvenir Français » . Deux conventions ont été signées respectivement entre L'ONACVG et le Souvenir Français et entre l'État 21 ( * ) , l'ONACVG et le Souvenir Français.

En application des conventions signées avec le Souvenir Français, les rôles dans l'entretien des sépultures de militaires se répartissent comme suit :

- L'ONACVG réalise les travaux de restauration nécessaires sur les sépultures perpétuelles des carrés militaires . Il peut confier ces travaux par convention aux communes ou au Souvenir Français.

- Le Souvenir Français entretient les sépultures de militaires restituées à leur famille 22 ( * ) . Il conduit une veille mémorielle sur l'ensemble des sépultures perpétuelles situées dans les cimetières communaux , y compris ceux situés en Belgique. La veille mémorielle consiste en une visite régulière des sites, un recensement des défauts d'entretien et une valorisation des sites. Le Souvenir Français ne peut pas intervenir pour l'entretien courant ou la restauration des sépultures perpétuelles sauf dans le cadre d'une concertation avec l'ONACVG. Le Souvenir Français adresse chaque année au ministère des armées un bilan de son action de veille mémorielle. Ce document doit notamment « faire apparaître les manquements remarqués dans l'entretien des carrés. À cette fin, sont précisés les dégradations constatées, la vétusté des stèles, le manque d'entretien, etc. »

La distinction entre sépulture perpétuelle et sépulture de restitué est prévue par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Son article L. 522-1 prévoit que « Les militaires français et alliés morts pour la France en activité de service au cours d'opérations de guerre sont inhumés à titre perpétuel dans les nécropoles ou les carrés spéciaux des cimetières communaux. » . Cependant, les familles des militaires morts pour la France ont la possibilité de demander la restitution du corps et son inhumation dans le cimetière de leur choix. Dans ce cas, l'État est libéré de son obligation de fournir une sépulture perpétuelle et l'entretien de la sépulture relève du droit commun.

La distinction peut être rendue complexe dans le cas des carrés qualifiés de mixtes dans lesquels des sépultures perpétuelles et des sépultures de restitués coexistent 23 ( * ) . Dans le cadre d'un carré mixte, l'ONACVG est en charge de l'entretien des sépultures perpétuelles sans intervenir sur les sépultures des restitués. A contrario , le Souvenir Français interviendra sur les sépultures des restitués et devra réaliser une veille mémorielle pour les sépultures perpétuelles.

L'équilibre actuel apparaît satisfaisant du point de vue de l'Office et de l'administration. Cependant le Souvenir Français a deux griefs : Il ne comprend pas de ne plus pouvoir à intervenir sur des sépultures perpétuelles hors convention et se plaint de la quantité de rapports qu'il doit rendre.

Si le rapporteur spécial estime que la répartition actuelle des rôles est légitime, il souhaite aussi souligner que le Souvenir Français n'est pas une administration composée de fonctionnaires mais bien une association composée de bénévoles, et qu'à ce titre il ne lui paraît pas opportun de le soumettre à de telles obligations administratives.

Le rapporteur spécial appelle donc à une simplification des obligations déclaratives du Souvenir Français dans son rôle de suivi mémoriel.

Recommandation n° 1 : Simplifier les obligations déclaratives du Souvenir Français.

2. Un Office garant de la politique commémorative au niveau local
a) Une participation à la détermination de la politique mémorielle

La détermination de la politique mémorielle est une prérogative du Gouvernement. Cependant, le Président de la République joue en pratique un rôle direct et fort dans l'établissement de la politique mémorielle.

Le rapporteur spécial se saisit de cette remarque liminaire pour regretter que le Parlement ne se saisisse pas plus de ses compétences pour peser sur la détermination de la politique mémorielle de la France , estimant que cette dernière devrait s'établir dans le cadre d'un débat auquel la représentation nationale doit participer plus que de manière unilatérale les administrations.

Il appelle la représentation nationale à se saisir du sujet et à participer à la définition de la politique mémorielle en organisant des débats et en adoptant des résolutions en séance publique.

Pour en revenir à l'Office, ce dernier joue un rôle d'expert et de conseiller auprès du membre du Gouvernement en charge de la mémoire et des anciens combattants, notamment au travers de l'action du département de la mémoire et de la citoyenneté. Il exerce ce même rôle de conseil auprès des préfets ou des collectivités territoriales s'agissant de l'organisation des commémorations locales.

L'Office est ainsi à l'origine des différentes actions mémorielles entourant les politiques concernant les harkis et rapatriés d'Afrique du nord et notamment des expositions et interventions « histoire et mémoires de la guerre d'Algérie ».

b) Un acteur central et unificateur pour la mise en oeuvre locale de la politique mémorielle

Les cérémonies nationales sont organisées par la direction de la mémoire, de la culture et des archives et par le bureau du monde combattant et des commémorations du ministère des armées .

À ce titre, les associations mémorielles et les associations d'anciens combattants auditionnées par le rapporteur spécial regrettent la multiplication des journées commémoratives nationales, rappelant qu'il n'y avait que 6 journées commémoratives nationales jusqu'en 1993 et que 11 ont été rajoutées depuis cette date. La critique ne porte pas sur la pertinence ou l'opportunité de la commémoration mais sur une crainte de l'éparpillement des efforts et de l'attention liés aux commémorations, avec la crainte que « trop de commémoration ne tue la commémoration ».

Le rapporteur spécial estime que ces différentes cérémonies ont chacune leur raison d'être, et il lui paraît difficile d'en réduire le nombre sans offusquer ceux dont la mémoire est célébrée . Par ailleurs, il estime que les élus locaux et les préfets sont les plus à même de déterminer quelles cérémonies doivent être célébrées ou non à l'échelle de leur territoire .

L'ONACVG met en oeuvre la politique mémorielle déterminée par le Gouvernement dans les territoires . Ce dernier va notamment appuyer les préfets, maires et associations dans l'organisation de multiples cérémonies.

Il assiste ainsi à l'organisation d'un peu plus d'un millier d'actions mémorielle par an dont la plupart ont un versant commémoratif . De plus, dans ses actions en direction d'un public scolaire, l'Office réalise un travail en amont et en aval de la commémoration afin que cette dernière ne se limite pas à un simple « rituel laïque ».

Enfin, l'Office joue un rôle de lien et de coordinateur des différentes commémorations locales afin d'éviter une archipélisation des mémoires.

c) Un financement insuffisant de la politique commémorative locale

La grande majorité des crédits de l'opération stratégique « mémoire » 24 ( * ) du budget général de l'État est captée par les commémorations nationales. Ainsi, sur les 4,5 millions d'euros prévus par le budget 2022, 4,15 millions d'euros sont utilisés au niveau national et seuls 350 000 euros sont confiés à l'ONACVG pour animer la vie commémorative locale .

Sur ces 350 000 euros, 150 000 euros sont dédiés aux « subventions locales », 75 000 euros dédiés au concours national de la déportation et de la résistance, 10 000 euros reviennent au siège de l'Office et 115 000 euros sont transférés aux services départementaux. Ce budget est abondé à hauteur d'environ 300 000 euros par an par la collecte du Bleuet de France . Cette ressource dépend cependant directement des montants perçus par la collecte, qui peuvent varier d'une année sur l'autre.

S'agissant des subventions locales et des moyens mis à disposition des services départementaux, ces enveloppes ont vocation à être ventilées sur la totalité du territoire national. Les montants ainsi effectivement reçus par les bénéficiaires sont donc très faibles : à peine plus de 1 100 euros s'agissant des sommes perçues par les services départementaux .

Avec ces crédits, l'Office peut financer soit des actions en lien avec la mémoire (par exemple des travaux de rénovation d'un monument aux morts) ou des associations mémorielles ou citoyennes.

Les faibles moyens de l'Office ne se limitent pas seulement aux montants des subventions. Ses moyens humains sont également particulièrement restreints : le département de la mémoire et de la citoyenneté ne dispose que de 7 agents en central (directeur compris) et de 17 référents régionaux mémoire, qui ont la charge d'établir les budgets régionaux et de coordonner la politique mémorielle locale . Du fait de leur nombre réduit, certaines grandes régions, comme l'Occitanie et l'Auvergne-Rhône-Alpe ne disposent que d'un seul référent.

Le rapporteur spécial regrette les montants particulièrement faibles consentis par l'État à la politique commémorative locale et rappelle que le seul défilé du 14 juillet représente 7 fois plus de crédits que ce qui est consenti à l'ensemble du territoire pour une année entière. Le fait que l'un des 7 agents du département de la mémoire et de la citoyenneté soit spécialisé dans la recherche de subventions extérieures (auprès de personnes privées ou de collectivités territoriales) est à ce titre particulièrement révélateur.

Il souligne que les associations d'anciens combattants, mémorielles ou citoyennes peuvent également bénéficier de subvention de droit commun auprès du fonds de développement de la vie associative (FDVA). Au regard des fonds dont l'Office bénéficie pour subventionner ces associations, les aides de droit commun représentent un supplément bienvenu. Il appelle à une meilleure communication autour de ces subventions, trop méconnues des associations mémorielles ou d'anciens combattants.

Recommandation n° 2 : Réaffecter une partie des économies constatées sur les dépenses d'intervention de l'Office à la politique mémorielle locale. Organiser l'information par l'ONACVG des associations auxquelles il accorde des subventions des autres aides publiques auxquelles ces associations peuvent prétendre.

3. Une modernisation et une numérisation récente de la politique mémorielle

L'ONACVG déploie un versant numérique à sa politique mémorielle, à travers des expositions numériques 25 ( * ) ou une chaîne youtube 26 ( * ) . Cette modernisation prend également la forme d'apposition de QR code sur des lieux de mémoire, par exemple un monument aux morts, permettant d'accéder à des ressources historiques et pédagogiques liées au lieu en le scannant.

Cette modernisation passe également par un recours renforcé au numérique dans les hauts lieux de la mémoire nationale.

Le but recherché de ce plus grand recours au numérique est d'intéresser les jeunes.

Le rapporteur spécial salue ces initiatives. Il souligne cependant que l'impact de la présence physique sur un lieu de mémoire reste pour lui essentiel.

D. UN OFFICE RENOUVELANT SON RÔLE EN S'OUVRANT DAVANTAGE VERS LES ARMÉES ET LA JEUNESSE

1. Le renouvellement du rapport de l'ONACVG à l'armée et aux combattants : vers une collaboration plus étroite

L'ONACVG a étendu ses liens avec les armées et notamment l'armée de terre. Son changement de nom, l'Office devant s'appeler « Office National des Combattants et des Victimes de Guerre » au 1 er janvier 2023, reflète cette ouverture.

En effet, une difficulté constatée dans le rôle de l'Office auprès de la 4 e génération du feu est que de nombreux anciens militaires ne réalisent pas les démarches pour devenir ressortissant de l'ONACVG alors même qu'ils remplissent les conditions nécessaires . Cette absence de démarche a plusieurs origines, notamment :

- une absence d'information des anciens militaires, qui ne connaissent pas l'Office ou ne savent pas qu'ils sont en capacité de devenir ressortissant ;

- une volonté délibérée de ne pas chercher à devenir ressortissant, car quittant l'institution militaire, ils ne souhaitent pas revendiquer le statut d'ancien combattant ou car ils ne se reconnaissent pas dans l'appellation d'ancien combattant. L'administration comme les associations d'anciens combattants insistent sur le fait que la carte remise est bien la carte du combattant et non pas la carte de l'ancien combattant. Son plus jeune titulaire en 2022 avait 19 ans.

Il n'y a pas de délai de prescription pour demander le bénéfice du statut de combattant . Le fait de ne pas réaliser cette demande au moment de son départ de l'institution militaire n'empêche pas de réaliser cette démarche plus tard.

L'armée de terre a mis en place une action visant à identifier grâce à son système d'information RH les anciens militaires remplissant les conditions pour se voir attribuer la carte du combattant sans en être titulaire afin de reprendre contact avec ces personnes et les inviter à réaliser la démarche. Le rapporteur spécial ne peut que saluer une telle action.

L'Office a aussi récemment mis en oeuvre des partenariats avec l'armée de terre afin de rendre la transition entre le statut de militaire et le statut de ressortissant de l'ONACVG la plus fluide possible . Les services de l'armée de terre vont ainsi systématiquement faire réaliser une demande d'attribution de la carte du combattant aux militaires qui remplissent les conditions.

Selon l'Office, cette action a permis de résoudre le problème du flux , la très grande majorité des militaires quittant l'armée de terre le faisant en tant que ressortissants de l'ONACVG, ce dont le rapporteur spécial se félicite. La difficulté principale réside donc actuellement dans le « stock », soit les militaires ayant quitté l'institution avant la mise en place par l'armée de terre du démarchage systématique des militaires pour le statut de ressortissant de l'ONACVG. C'est pour atteindre ces militaires que l'armée de terre a mis en oeuvre son action de retraçage via un logiciel RH.

Si l'armée de terre a mis en oeuvre des actions pour permettre une meilleure transition des militaires vers l'Office, ce n'est pas le cas de l'armée de l'air, de la marine ou des corps de gendarmerie et de pompiers dont les militaires pourraient prétendre au statut de ressortissant .

Le rapporteur spécial appelle à une généralisation des bonnes pratiques de l'armée de terre à l'ensemble des corps d'armée dont une partie significative des militaires peuvent prétendre à la qualité de ressortissant de l'ONACVG à la fin de leur service.

Enfin, l'Office doit en 2023 devenir le chef de projet du dispositif ATHOS, un dispositif récent d'accompagnement et d'aide à la réinsertion d'anciens militaires souffrant de blessures psychiques après leur départ de l'armée.

Recommandation n° 3 : Généraliser les interventions de l'ONACVG auprès des différents corps d'armée afin de limiter au maximum les départs de militaires pouvant prétendre à la qualité de combattants sans réalisation des démarches nécessaires pour devenir ressortissant de l'Office.

2. L'Office comme acteur et partenaire central du renforcement des politique de lien Armées-jeunesse
a) Une ouverture vers la jeunesse à caractère pédagogique ancienne

Il s'agit d'une compétence qui était déjà exercée à travers l'organisation et la participation à des concours réalisés en partenariat avec l'Éducation nationale ainsi qu'à travers des actions ponctuelles réalisées auprès de publics scolaires.

L'ONACVG organise les concours « petits artistes de la mémoire » et « bulles de mémoire », respectivement à l'intention des élèves de primaires et des élèves de secondaire.

Le concours « petits artistes de la mémoire » consiste à la réalisation d'un carnet de poilu par des élèves de primaire. Le poilu choisi est généralement un soldat mort pour la France dont le nom est inscrit sur le monument aux morts de la commune.

Le concours « bulles de mémoire » propose la réalisation d'une bande dessinée sur un conflit du 20 e siècle par des élèves de secondaire. Ce concours est ouvert à tous les élèves de secondaire qui peuvent s'inscrire individuellement ou en groupe auprès du référent mémoire de l'ONACVG de la région.

L'ONACVG participe également au concours national de la résistance et de la déportation , organisé par l'Éducation nationale, qui consiste en la réalisation d'un devoir ou d'un travail collectif portant sur les thèmes de la résistance et de la déportation. L'Office et la DCMA font partie des partenaires de ce concours. L'Office en particulier participe au financement du concours au niveau départemental, à hauteur de 75 000 euros annuels, et en participant à la correction des oeuvres et à l'organisation des cérémonies de remise de prix.

L'Office intervient également de manière ponctuelle auprès de classes, pour réaliser des présentations dans le cadre de programmes mémoriels nationaux, comme, par exemple, le programme « La guerre d'Algérie. Histoire commune, mémoire partagée ? ». Ces présentations peuvent faire intervenir une exposition et une mallette pédagogique (comportant des ressources historiques, pédagogiques, scientifiques et culturelles sur le conflit) de l'Office et peuvent faire intervenir un ou des ressortissants de l'ONACVG qui pourront présenter leurs parcours de vie et leurs mémoires aux élèves, afin de permettre une confrontation des subjectivités mémorielles. L'ONACVG a lancé un travail pédagogique sur les combattants d'Afrique suite à l'annonce du Président de la République d'août 2019 et a lancé en 2021 un programme sur les OPEX. Ce programme sur les OPEX doit se doubler d'un volet de témoignage en classe en 2022.

L'Office a également un rôle de financeur. Outre l'organisation et le financement de concours scolaire, de manière assez similaire à son rôle de financeur de la vie associative et mémorielle locale, l'ONACVG peut financer toute initiative scolaire en lien avec la mémoire. Notamment, l'Office peut jouer un rôle de financeur dans le cadre du dispositif des « classes de défense » , dans lequel une unité militaire peut parrainer une classe, qui réalisera alors des actions en lien avec l'unité la parrainant, comme, par exemple, une visite de la base dans laquelle elle réside. Ce rôle de financeur est particulièrement important puisque le dispositif de classe de défense ne disposait d'aucun financement propre jusqu'en 2021 et ne dispose en 2022 que d'un financement de 750 000 euros, alors qu'un objectif de doublement de leur nombre, de 400 à 800, avait été annoncé par Mme Geneviève Darrieussecq, alors ministre déléguée en charge des anciens combattants et de la mémoire, et que ces 750 000 euros doivent financer l'intégralité des actions portées par la DSNJ.

Enfin, l'Office intervient ponctuellement dans le cadre de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC). Chaque JDC met en avant une problématique à laquelle elle tente de sensibiliser les jeunes qui la suivent (par exemple l'égalité femme-homme ou les situations de handicap) selon le mois où elle est réalisée. Deux mois par an, la problématique est la mémoire et la DSNJ va pouvoir se reposer sur les ressources pédagogiques de l'ONACVG ou visiter un lieu de mémoire local, qui sera alors entretenu ou mis en valeur par L'Office.

Ce rôle se retrouve dans la « Journée Défense et Mémoire » que devra contenir le Service national universel.

b) Une volonté politique de renforcement du lien Armées-jeunesse entraînant une extension et une modernisation de cette ouverture

En l'état actuel des actions de l'ONACVG et de la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ), la DSNJ tout comme la direction de la culture, de la mémoire et des archives (DCMA) estime toucher 10 % d'une classe d'âge : en fin de secondaire, un lycéen sur dix a ainsi été en contact avec une action de sensibilisation à la mémoire.

Face à ce constat, la DSNJ souhaite « industrialiser », selon le terme employé par M. le Général d'armée Daniel Menaouine 27 ( * ) , la sensibilisation à la mémoire et aux valeurs de défense des jeunes. L'esprit initial du Service National Universel, pour la préfiguration duquel l'Office a joué un rôle majeur, relevait de cette logique. Le SNU devait prendre la forme d'un séjour durant lequel les valeurs de citoyenneté et de civisme seraient prévalentes et pendant lequel une journée entière devait systématiquement être dédiée à la mémoire. Cette journée, prénommée « Journée Défense et Mémoire », a été réalisée lors de la préfiguration du SNU par les personnels de l'ONACVG. Ces mêmes personnels, qui ne sont pas suffisamment nombreux pour réaliser l'animation de la JDM d'un SNU généralisé, sont chargés de former les futurs animateurs de la JDM. L'ONACVG est également à l'origine des maquettes pédagogiques employées pour l'animation des JDM , comme, par exemple, la mallette « explique-moi une cérémonie ». L'Office aura engagé 68 000 euros en 2020 28 ( * ) dans la préfiguration du SNU, ce qui représente une participation directe somme toute mineure. L'essentiel de l'effort de l'Office relève des coûts de masse salariale que représentent les agents mis à disposition, qui n'ont pas été isolés.

Dans le cadre de sa généralisation, le SNU s'est vu attribuer un secrétariat d'État et a été rattaché au ministère de l'éducation nationale. Bien que des interrogations persistent sur la forme que prendra au final le SNU, il semblerait que la JDM ait vocation à persister sous son format actuel. L'ONACVG continuerait ainsi d'être mobilisé comme formateur et créateur de ressources pédagogiques.

Le rapporteur souhaite cependant souligner que si l'Office et notamment son département de la mémoire et de la citoyenneté (24 agents) ont pu assurer directement les JDM dans le cadre de la préfiguration du SNU et ont été capables de former les animateurs du SNU dans le cadre d'un SNU élargi à 20 000 jeunes, ils estiment ne pas disposer des ressources humaines nécessaires pour être en mesure de former, selon les modalités actuelles, suffisamment d'animateurs dans le cadre d'une généralisation complète du SNU 29 ( * ) (pour ordre de grandeur, une cohorte de 780 000 jeunes devait réaliser sa JDC en 2021).

Suivant la même logique d'augmentation de l'impact de son action auprès de l'Éducation nationale, L'ONACVG a également fait le choix de réorienter ses efforts, cherchant à intervenir prioritairement auprès des professeurs et non plus des élèves. L'Office espère ainsi toucher un nombre beaucoup plus important de jeunes à travers les professeurs.

Enfin, l'ONACVG, en plus de son rôle pour la mise en oeuvre du SNU, est un partenaire majeur et essentiel de la DSNJ sur l'ensemble des actions portées par la DSNJ . Les deux entités ont ainsi conclu deux conventions de partenariat, une relative à une coopération générale entre la DSNJ et l'Office et une spécifique à l'action « aux sports jeunes citoyens » 30 ( * ) . La première convention générale date de 2018 et a été renouvelée en 2022.

Dans le cadre de cette coopération, l'ONACVG met à la disposition de la DSNJ ses ressources pédagogiques ainsi que son réseau départemental. En effet, la DSNJ ne dispose que de 33 centres dispersés sur le territoire et est donc loin d'être représentée dans la totalité des départements. Les antennes locales de l'ONACVG permettent la projection des actions de la DSNJ sur la totalité du territoire.

Les actions récentes menées par la DSNJ et l'ONACVG, dont l'illustration la plus claire est le programme « aux sports jeunes citoyens » cherchent à éviter l'écueil principal des actions plus classiques comme les concours : le risque d'agir auprès d'un public déjà sensibilisé. Les nouvelles actions mettent en avant le sport comme moyen d'attirer un public plus large et utilisent des activités plus pédagogiques pour le sensibiliser aux enjeux de mémoire. Ces activités peuvent prendre la forme de rallye mémoire ou d' escape games mémoriels.

Le rapporteur spécial tient à souligner une difficulté significative pour la mise en oeuvre de ces actions : elles ne disposaient pas de financement propre jusqu'en 2022 et ne disposent en 2022 que de 750 000 euros dédiés . Cette somme est présumée couvrir l'intégralité des dispositifs, classes de défense comprises.

Le rapporteur spécial estime que la situation actuelle n'est pas satisfaisante , dans la mesure où de telles actions nécessitent évidemment un financement pour être mise en oeuvre et de ne pas en prévoir un emporte plusieurs conséquences :

- la mise en oeuvre des actions de lien entre la jeunesse et les armées dépend entièrement du bon vouloir des acteurs et elles peuvent aisément être remises en cause par un redéploiement des crédits qui y sont effectivement dédiés ;

- la mise en oeuvre des actions rogne directement sur les marges de manoeuvre des responsables de programmes sur lesquels les crédits employés sont prélevés ;

- la documentation budgétaire ne porte pas trace des crédits qui sont effectivement dédiés aux actions de liens entre la jeunesse et les armées, empêchant la représentation nationale d'en prendre connaissance ou de s'exprimer sur la pertinence des montants alloués.

À la demande du rapporteur spécial, l'Office a estimé son effort budgétaire en faveur des actions spécifiquement de liens entre la jeunesse et les armées à plus de 650 000 euros en 2021 31 ( * ) . Il s'agit d'une estimation a minima qui exclut le coût en masse salariale des agents de l'Office qui auront participé à ces actions et les crédits à destination de la politique de la pierre qui ont été utilisés à des fins de valorisation pédagogique. Cette estimation ne prend également pas en compte les crédits en provenance de la mission Défense consacrés à cette politique. Une somme supérieure à 700 000 euros peut être attendue pour 2022 32 ( * ) .

Recommandation n° 4 : Individualiser et préciser les montants des actions en faveur du lien armée-jeunesse au niveau d'une sous-action de l'action mémoire du programme 169.

E. L'oeUVRE NATIONALE DU BLEUET DE FRANCE, SOURCE DE FINANCEMENT ET FUTUR DÉMEMBREMENT DE L'OFFICE

L'OEuvre nationale du Bleuet de France est une oeuvre fondée en 1925 par Charlotte Malleterre, la fille du commandant de l'Hôtel national des Invalides et Suzanne Lenhardt, infirmière majore. Elles font réaliser des bleuets en tissu par les pensionnaires de l'Hôtel national des Invalides qui sont par la suite vendus sur la voie publique. Les revenus sont utilisés au bénéfice des blessés de guerre.

Tirant les conséquences de son mode d'organisation, l'ONACVG intègre en 1991 l'OEuvre, qu'il gérait alors intégralement, et les revenus tirés de la quête sont directement reversés à l'ONACVG .

Face à des difficultés relatives à la régularité de ce mode de gestion au regard des règles budgétaires publiques, soulevées notamment par la Cour des comptes, l'OEuvre doit être séparée de l'Office pour prendre la forme d'un fonds de dotation à compter du 1 er janvier 2023.

Enfin, le Bleuet de France dispose désormais d'une boutique en ligne, réalisée par un prestataire privé dans le cadre d'un contrat de concession de marque.

1. L'OEuvre nationale du Bleuet de France, une collecte publique servant au financement des politiques portées par l'Office
a) L'Organisation actuelle de la collecte du Bleuet de France : une mission de l'Office

Depuis 1991, l'OEuvre est gérée directement par l'ONACVG . Elle est présidée par la directrice générale de l'ONACVG et est gérée par le collège du Bleuet de France. Le collège est présidé par la directrice générale de l'ONACVG assistée de deux vice-présidents élus en son sein. Il est composé de membres issus du conseil d'administration de l'ONACVG et de représentants des ministères des armées, de l'Éducation nationale, de l'Intérieur et de l'Économie. Deux membres experts sont également nommés par la ministre déléguée à la Mémoire et aux Anciens Combattants 33 ( * ) .

La quête est réalisée chaque année à quatre occasions :

- le 11 mars ;

- le 8 mai, sur une période de 5 jours ;

- le 14 juillet, sur une période de 2 jours ;

- le 11 novembre, sur une période de 5 jours.

La quête est réalisée par des bénévoles et notamment des associations d'anciens combattants ou de mémoire ou par les collectivités. Certains services de l'ONACVG ont pu mobiliser des jeunes participants au SNU pour la quête de juillet 2022. Des associations ou des volontaires peuvent également réaliser une quête en dehors des quatre périodes nationales, cependant la réalisation de la quête est dans ce cas subordonnée à une autorisation préfectorale.

Les services départementaux de l'ONACVG se chargent de faire parvenir des bleuets aux entités organisant la quête, ce qui représente une charge de travail considérable pour des services locaux réduits 34 ( * ) car cela suppose de tenir une liste à jour des entités réalisant la quête puis de leur faire parvenir les bleuets et affiches quatre fois par an.

Actuellement, l'entité réalisant la quête peut prélever 30 % de son montant et reverse le reste directement à l'ONACVG. Il n'y a pas de contrôle réalisé sur les montants ainsi prélevés ou reversés .

Les fonds transmis à l'ONACVG sont ensuite utilisés par l'Office :

- 50 % du montant de la quête est utilisé dans le cadre de l'action sociale de l'Office ;

- 33 % du montant de la quête est utilisé dans le cadre de la politique de mémoire de l'Office ;

- 17 % du montant de la quête est utilisé pour promouvoir l'OEuvre nationale du Bleuet de France.

La quête du Bleuet récolte en moyenne 1 million d'euros par an au bénéfice de l'ONACVG .

Elle fait face au manque de notoriété de l'OEuvre, qui, comme l'ONACVG, reste inconnue du grand public. Ce manque de notoriété est particulièrement décevant au regard du très populaire « Poppy » britannique, contre-exemple au Bleuet. Le rapporteur spécial souhaite qu'un effort plus important soit consenti pour améliorer la notoriété de l'OEuvre afin de renforcer la collecte associée.

Recommandation n° 5 : Renforcer l'effort de communication autour du Bleuet de France.

Les modalités actuelles posent cependant problème au regard des règles budgétaires publiques . À la suite d'un contrôle réalisé en 2007, la Cour des comptes notait que L'OEuvre nationale du Bleuet de France était une structure sans personnalité juridique qui adossée à l'ONACVG et avait formulé des observations sur la qualité de l'information financière du Bleuet de France publiée dans son compte d'emploi annuel des ressources et dans ses documents de communication.

b) L'organisation à compter du 1er janvier 2023 : un fonds de dotation organiquement lié à l'Office

Pour faire face à ces difficultés, il est prévu de transformer l'OEuvre en un fonds de dotation. Cette forme juridique permettrait une séparation organique entre l'OEuvre et l'Office et le respect des règles propres aux recettes publiques. Le fonds de dotation doit être créé le 1 er janvier 2023 .

L'établissement d'un fonds de dotation permettra également d' ouvrir le Bleuet de France au mécénat , qui consiste en des dons partiellement défiscalisés 35 ( * ) réalisés en échange de contreparties symboliques. Une ouverture au parrainage 36 ( * ) pourrait également être envisagée.

Si l'OEuvre devra nécessairement être vigilante quant aux entités auxquelles son nom est associé, elle pourra potentiellement bénéficier des contreparties de dons pour augmenter sa notoriété.

Il est anticipé que le fonds sera autosuffisant, en se finançant sur le produit de la collecte . L'hypothèse apparaît réaliste dans la mesure où la collecte est aujourd'hui largement excédentaire. Les bénéfices devraient continuer à financer les actions de l'ONACVG. Il est prévu que le fonds puisse investir dans des placements financiers afin de faire fructifier l'argent ainsi récolté.

Le fonds de dotation doit également se charger de la logistique de la quête du Bleuet en délivrant les bleuets et affiches aux entités permettant de soulager les services locaux de l'organisation de la quête du Bleuet de France. Le fonds devra ainsi se charger de faire parvenir les Bleuets et les affiches de la quête.

Il est administré par un conseil d'administration dont la composition est inspirée par celle de l'Office, étant majoritairement composé de représentants des associations d'anciens combattants et pour le reste de représentants de l'administration.

Les relations entre le fonds de dotation, l'administration et l'Office devront être définies par le biais d'une convention.

Des difficultés subsistent, notamment sur la suppression des 30 % de franchise pour les entités réalisant la collecte. Ces 30 % permettaient un financement des associations d'anciens combattants, très présentes pour réaliser la quête. Leur suppression laisse à craindre que celles-ci, par ailleurs très vieillissantes et ayant déjà plus de difficultés à se mobiliser, cessent de réaliser la quête.

2. Le Bleuet de France : une marque concédée à un prestataire privé pour la vente de produits dérivés

En plus de la quête du Bleuet de France, l'Office réalisait la vente de produits dérivés de la marque Bleuet de France.

L'ONACVG a passé en 2020 un marché public pour un contrat de concession pour une « mission d'agent de licence pour la définition et la mise en oeuvre d'une stratégie de produits dérivés concernant la marque Bleuet de France ». La société Arboresens a été retenue comme titulaire du marché et le contrat de concession a été signé le 17 juillet 2020 et doit prendre fin le 31 janvier 2024.

L'agence Arborescence commercialise des objets « Bleuet de France » grâce à une boutique en ligne 37 ( * ) , des boutiques éphémères lors d'évènements commémoratifs et par des ventes directes aux collectivités, institutions, associations et entreprises. Elle développe également un programme de licence pour aider au rayonnement de la marque « Bleuet de France ».

La société Arboresens travaille également avec les marques « Présidence de la République », « Patrouille de France » ou « Pompier de Paris ».

La société remet une part de son chiffre d'affaires à l'ONACVG. Les revenus constatés pour l'Office sont actuellement faibles en valeur absolue, s'élevant à 60 630 euros entre le 27 juillet 2020 et le 31 décembre 2021 . Ces revenus sont cependant importants au regard des bénéfices dégagés par la société, qui s'élèvent à 75 629 euros sur la même période, pour un chiffre d'affaires de 612 486 euros. Par ailleurs, la rentabilité de la vente de produits dérivés était encore plus faible avant le contrat de concession.

Enfin la société Arboresens participe à la publicité du Bleuet de France, en organisant des campagnes de communication numériques (campagnes sponsorisées sur les réseaux sociaux, jeu concours, actions avec des influenceurs, etc.) et quelques campagnes d'envergure :

- réalisation d'évènements sportifs et solidaires à destination du grand public avec une agence productrice d'évènements sportifs ;

- une distribution de Bleuets de France le 11 novembre via un réseau de magasins alimentaires, sportifs ou de mode ;

- une négociation est en cours avec la Française des Jeux pour développer un jeu de grattage national et/ou un loto solidaire.

Le rapporteur spécial salue ces initiatives et espère qu'un jeu pourra être réalisé en partenariat avec la Française des jeux, ce qui pourrait permettre une diffusion large du Bleuet à destination du grand public.

III. LA NÉCESSITÉ D'UNE VISION À MOYEN ET LONG TERME DU RÔLE DE L'OFFICE ET DE DÉGAGER DES MOYENS PERMETTANT UNE MISE EN oeUVRE PÉRENNE DE SES MISSIONS

A. LA NÉCESSITÉ DE RECRÉDITER LES MISSIONS DE L'OFFICE

Créditer suffisamment les dépenses de l'Office apparaît désormais urgent et nécessaire. Sa trésorerie, anciennement excédentaire, a été très largement ponctionnée pour réaliser des économies budgétaires. Les moyens de l'Office étant désormais réduits au minimum, de nouvelles ponctions viendraient remettre en cause son bon fonctionnement.

1. Une mise à contribution significative de la trésorerie de l'ONACVG lors des dernières années

L'année 2020 correspond à une très forte mise à contribution de la trésorerie de l'Office, qui a touché à la fois son fonds de roulement et sa trésorerie non fléchée.

Évolution de la trésorerie non fléchée de l'ONAC-VG (en €)

Exécuté

Exécuté

Exécuté

Budget (BR2)

Prévision COP 2020-2025 (annexe budgétaire)

2019

2020

2021

2022

2023

19 416 786

7 955 171

7 399 512

4 375 062

5 000 000

Source : ONACVG

Si l'année 2021 apparaît stable, il s'agit d'une surprise - bienvenue - due aux circonstances de l'exécution. La programmation budgétaire de 2021 était déficitaire de 5,7 millions d'euros et l'exécution a au final été excédentaire de 6,3 millions d'euros 38 ( * ) . Malgré cette exécution, la trésorerie non-fléchée à tout de même été déficitaire en 2021.

Enfin l'année 2022 correspond à une nouvelle forte diminution. Les prévisions budgétaires prévoyaient initialement une trésorerie non-fléchée à 3,5 millions d'euros fin 2022, revus à 4,4 millions d'euros en cours d'année. Si la réserve sur la subvention pour charge de service public (SCSP) pour 2022 devait être levée, la trésorerie pourrait s'élever à 5 millions d'euros en fin d'année.

Le rapporteur appelle à la levée de cette réserve : le seuil de 5 millions d'euros de trésorerie non-fléchée a été retenu par le COP 2020-2025 car il s'agit de la somme nécessaire au fonctionnement de l'Office pendant 1 mois en cas de retard de versement de la SCSP. Aussi, si un retard de versement de la SCSP devait avoir lieu avec 4,4 millions d'euros de trésorerie non-fléchée, l'Office serait incapable d'engager des dépenses d'intervention. Si un retard de versement devait avoir lieu avec moins de 4,4 millions d'euros, l'Office ne serait pas en mesure de payer ses personnels.

2. Un contexte nouveau : une trésorerie ayant atteint son niveau plancher et un renchérissement du coût des politiques publiques

Deux éléments majeurs expliquent ce renchérissement :

- l'augmentation significative de l'action de l'État en faveur des harkis, assimilés et rapatriés, qui va durablement augmenter le montant des crédits nécessaires à la mise en oeuvre de cette politique. Les allocations, viagères, versées aux harkis et à leurs veuves ont notamment été doublées. S'il s'agit de dépenses d'intervention ayant a priori vocation à être budgétisées, le rapporteur spécial rappelle que les aides sociales aux enfants de harkis, également des dépenses d'intervention, ont été débudgétisées à hauteur de 1 million d'euros pour le budget 2022 ;

- l'inflation considérable qui frappe le secteur du bâtiment, alors que l'Office lance un plan de rénovation des Hauts Lieux de la Mémoire Nationale de 8 millions d'euros sur 4 ans. À cela s'ajoute l'entretien habituel des nécropoles et carrés militaires.

En parallèle, la trésorerie de l'ONACVG se trouve actuellement réduite à son niveau plancher et n'est donc plus en capacité d'absorber les surcoûts induits par ces évènements sur lesquels l'Office n'a pas de prise.

Aussi le rapporteur spécial appelle à ce que les crédits qui doivent être dépensés soient désormais intégralement inscrits en lois de finances, au moins jusqu'à ce que l'Office ait eu le temps de restaurer des marges de manoeuvre budgétaire.

3. L'atteinte d'un niveau d'ETPT plancher

La mise en oeuvre du COP aura entraîné une réduction de plus de 100 ETPT sur 5 ans, soit une baisse de 13 % de ses effectifs. En l'état actuel, l'Office atteint le minimum de ressources humaines dont il a besoin pour fonctionner.

Avec 400 ETPT répartis sur 104 services locaux, l'antenne locale de l'Office moyenne compte 4 agents, directeur et agent en charge de la solidarité compris. Avec ces moyens particulièrement restreints, ils doivent mettre en oeuvre de très nombreuses compétences, comprenant mais non limitées à :

- l'accueil des ressortissants ;

- l'instruction des dossiers de solidarité ;

- le suivi des pupilles ;

- le traitement de certains dossiers de cartes et titre (par exemple la retraite du combattant) ;

- la reconversion professionnelle des ressortissants ;

- la labellisation et le contrôle des EHPAD « Bleuet de France » ;

- la mise en oeuvre de la politique de la pierre ;

- l'organisation des cérémonies commémoratives ;

- la mise en oeuvre de politiques en direction de la jeunesse (concours scolaires, actions en lien avec la DSNJ, etc.).

En plus de cela, l'Office doit également servir de référent mémoire dans le département, sensibiliser les différentes autorités institutionnelles à son rôle mal connu, soutenir la chancellerie des armées pour permettre la bonne transition du statut de militaire à celui d'ancien combattant pour les militaires pouvant prétendre à cette qualité, etc.

La diversité des missions auxquelles les services locaux font face nécessite une souplesse, une adaptabilité et un engagement particulièrement forts de la part des agents qui y travaillent. Le faible nombre d'agents entraîne lui une fragilité dans la mise en oeuvre de ces missions : les absences sont difficilement remplaçables et entraînent très rapidement des retards dans le traitement des dossiers.

La situation n'est pas fondamentalement différente s'agissant des services relevant de la direction générale. Ainsi les départements métier comptent également un nombre faible d'agents, comptant seulement 70 ETPT, postes régionalisés inclus.

Ce nombre réduit d'agents limite également la capacité de l'Office à absorber les chocs. Ainsi les derniers dispositifs ayant entraîné une arrivée forte et concentrée de dossiers ont donné lieu au recrutement d'agents en CDD par le département de reconnaissance et réparation de Caen, le service n'étant tout simplement pas en mesure d'absorber la charge de travail supplémentaire.

Le rapporteur spécial ne remet pas en cause la démarche de recherche d'économies qui a conduit à la réduction des effectifs de l'Office. Cependant, il estime que les efforts qui pouvaient être légitimement demandés de l'Office l'ont été et que le dimensionnement actuel de l'Office correspond au minimum nécessaire pour permettre le fonctionnement correct d'un Office disposant de 104 services locaux. De plus, la diminution du nombre des anciens combattants ne se traduit pas par une diminution de la charge de travail des services de l'ONACVG, qui se voient attribuer régulièrement de nouvelles compétences et missions.

Le rapporteur spécial souhaite ainsi que les ETPT tels qu'ils résultent du présent COP soient sanctuarisés par le prochain COP.

Recommandation n° 6 : Sanctuariser les ETPT de l'ONACVG à l'occasion du prochain COP.

B. DÉTERMINER LE RÔLE DE L'OFFICE À LONG TERME

1. Deux tendances de court et moyen termes contradictoires pour le financement
a) Une tendance à court terme de réduction des moyens de l'Office justifiée par la baisse du nombre de ses ressortissants

Le rapporteur spécial souhaite souligner l'importance de la sanctuarisation des crédits des missions que doit mettre en oeuvre l'Office pour la durée du COP.

Ces derniers sont appelés à rester stables ou à augmenter.

S'agissant de la politique en faveur des rapatriés, les choix réalisés par la loi de février 2022 entraînent une augmentation des dépenses d'intervention ainsi qu'un surplus d'activité pour l'Office du fait de son rôle d'instructeur pour l'indemnité au titre de l'accueil indigne sur le territoire national des harkis et apparentés dans des camps ou hameaux de forestage, indemnité représentant pour l'Office 40 000 dossiers à traiter dont 20 000 déjà reçus.

La politique mémorielle, sur son aspect immobilier (Hauts lieux de la Mémoire Nationale, nécropoles et carrés militaires), est frappée de plein fouet par la très forte inflation touchant l'activité du bâtiment.

Enfin, les dépenses d'intervention liées à la mission de solidarité de l'Office ne devraient pas diminuer non plus malgré la baisse du nombre de ressortissants.

En effet, si la baisse du nombre d'anciens combattants est importante, tous les ressortissants ne demandent pas d'aides sociales. Sur environ 2 millions de ressortissants, l'Office aide financièrement environ 20 000 ressortissants par an. Or, il n'est pas certain que le nombre de ressortissants aidés baisse à due proportion du nombre de ressortissants.

Avec l'augmentation de l'âge des ressortissants restants, de plus en plus d'entre eux se trouvent dans des situations de grande dépendance, qui peuvent justifier des aides. La même remarque vaut pour les veuves de ressortissants, dont la proportion augmente et qui représentent une part importante de l'aide sociale de l'Office.

De plus, le nombre de pupilles a augmenté ces dernières années, pour atteindre 1 000 pupilles en 2022, qui représentent plus de 15 % du budget de solidarité de l'Office. Leur nombre va encore être amené à augmenter suite à l'introduction du statut de « pupille de la République », qui pourrait concerner 300 personnes.

Les nouveaux ressortissants, issus des OPEX, sont également beaucoup plus demandeurs des dispositifs de reconversion professionnelle, ce qui augmente les dépenses liées à ces dispositifs.

Ainsi, les effets de recomposition de la démographie des ressortissants compensent actuellement les effets de la baisse globale de leur nombre pour les montants nécessaires à l'action sociale de l'Office.

Aussi le rapporteur spécial salue la sanctuarisation du budget de solidarité de l'Office pour la période du COP et appelle à ce que les montants qui seront attribués après 2025 ne le soient pas qu'au seul regard du nombre global de ressortissants mais bien selon les besoins effectifs de ces derniers.

b) Une tendance à moyen terme d'augmentation des besoins matériels et humains de l'Office du fait de la monté en puissance de ses compétences mémorielles et de lien Armées-jeunesse

Deux tendances se dégagent : en premier lieu une baisse des charges liées au rôle historique de l'ONACVG de maison d'accueil des anciens combattants, s'expliquant par la démographie déclinante de ces derniers ; en second lieu le rôle de l'Office en tant que vecteur de mémoire et de la politique de liens avec la Nation se renforce considérablement, ainsi que le lien que l'Office entretient avec les Armées.

Dans le même temps, les besoins liés à la politique de la pierre restent stables.

La trajectoire du financement de l'Office est actuellement liée à son rôle historique et est ainsi en baisse.

Cependant, le développement du rôle de l'Office en matière de mémoire et de lien avec la Nation a été permis par ses atouts : une expertise unique pour la mémoire combattante de la France et un maillage territorial dense.

Ainsi, à moyen terme devra se poser la question du croisement des courbes : quand les besoins liés au rôle historique de l'ONACVG baisseront sous ce qui est nécessaire pour la bonne mise en oeuvre des politiques mémorielles, la trajectoire budgétaire de l'Office sera-t-elle indexée sur son rôle de maison d'accueil des anciens combattants ou sur son rôle de vecteur privilégié de la politique de mémoire ?

2. Un office à l'avenir plus concentré sur la mémoire et la transmission

Face à la disparition des anciens combattants eux-mêmes, l'Office semble devoir à terme se tourner vers un rôle de conservateur et de relais de la mémoire combattante. Ce changement de rôle entraînerait plusieurs conséquences.

a) Les évolutions possibles de l'Office : une fonctionnarisation ou un renforcement du rôle mémoriel conservant le modèle paritaire actuel

La disparition progressive des anciens combattants va laisser un vide tant dans la gouvernance de l'Office que dans sa raison d'être, qui est historiquement d'apporter un soutien à ces derniers. Bien que l'Office devra encore apporter assistance à près de 500 000 ressortissants jusqu'en 2100 au moins, ce nombre est à comparer aux 2 000 000 de ressortissants actuels, nombre suffisamment bas pour restreindre les services de l'Office au strict minimum en termes de personnels.

De plus, le système de contrôle paritaire du conseil d'administration de l'ONACVG repose largement sur la très forte représentation des associations d'anciens combattants : 15 des 31 membres du conseil d'administration sont ainsi actuellement des représentants des associations d'anciens combattants, auxquels s'ajoutent 6 représentants d'associations mémorielles et citoyennes.

Deux évolutions paraissent plausibles.

Dans le premier cas, l'Office reste organiquement lié aux anciens combattants et sa taille continue de diminuer avec leur nombre. À terme, son réseau territorial sera remis en cause. Si le service aux anciens d'OPEX est considéré comme la finalité de l'Office, alors ce redimensionnement pourrait avoir lieu dès 2035-2040 selon les estimations actuelles de la direction.

De plus, la moindre implication des anciens d'OPEX dans des associations d'anciens combattants à représentativité nationale entraînerait une baisse significative du poids de ces associations et, par voie de conséquence, une augmentation du poids de l'administration dans la gouvernance de l'ONACVG. Ainsi, il y aurait une « fonctionnarisation » de la mission de reconnaissance et réparation en faveur des anciens combattants.

La réduction des moyens et du réseau de l'Office entraînerait de fait une limitation des missions mémorielles territorialisées que l'Office peut avoir comme mission de mettre en oeuvre. En particulier, son rôle de relais territorial pour la direction du service national et de la jeunesse serait directement remis en cause, de même que son rôle de « référent commémoration et mémoire » auprès des autorités déconcentrées et décentralisées.

Ce scénario à l'avantage de dégager des économies sur les prochaines décennies.

Il a cependant pour conséquence l'abandon de l'acteur principal de la mise en oeuvre territoriale de la politique mémorielle. La mission de proximité de l'Office à l'égard d'anciens combattants souffrant potentiellement de blessures physiques ou psychiques risquerait également d'être remise en cause. La fermeture d'antennes de l'ONACVG renforcerait également la désertification militaire du territoire : dans les départements n'accueillant plus de régiment, l'Office est la seule présence militaire avec le délégué militaire départemental. Enfin, le rôle de l'Office d'assurance envers les militaires qu'une entité publique existe pour leur témoigner la reconnaissance de la Nation et leur venir en aide en cas de nécessité après leur engagement serait durablement remis en cause.

Dans le second cas, l'ONACVG effectuerait une transition entre un Office principalement intéressé par la réparation vers un Office principalement intéressé par la mémoire et continuant d'exercer la mission de réparation. Cette transition se justifierait par la place de plus en plus importante que prend déjà au sein de l'ONACVG la mission de mémoire, illustrée par la création d'un département de la mémoire et de la citoyenneté au sein de l'Office il y a 20 ans. Plusieurs éléments justifieraient une telle évolution : l'Office dispose de l'expertise et du réseau pour mettre en oeuvre une politique dont elle a au final déjà la charge mais qui pourrait être amenée à évoluer et qui connaît ces dernières années une impulsion nouvelle, comme l'illustre par exemple la Journée Défense et Mémoire que doit inclure le Service national universel.

b) Une évolution du monde combattant plaidant pour un ONACVG se concentrant plus sur la mémoire et la transmission

En l'état actuel, les témoins directs de la Première Guerre mondiale ont disparu, les derniers témoins directs de la Seconde Guerre mondiale sont en train de disparaître et les témoins directs des conflits d'Indochine et d'Algérie seront amenés à disparaître au cours des prochaines décennies.

Jusqu'à présent, la transmission mémorielle se réalisait spontanément, du fait de l'action des associations d'anciens combattants. Cependant, du fait de la disparition des anciens combattants et du tarissement des actions de leurs associations, cette transmission spontanée de la mémoire combattante est vouée à disparaître à moyen terme. Aussi, sauf à assumer la disparition de la mémoire combattante, une intervention de la personne publique sera nécessaire pour continuer de conserver et transmettre la mémoire combattante.

La problématique se pose dans des termes différents pour la génération OPEX, qui n'est pas vouée à disparaître à moyen terme. Cependant, il y a dans ce cas non pas une mémoire des OPEX mais des mémoires des OPEX, portées par des amicales régimentaires et un tissu associatif morcelé. Aussi, dans ce cas également, une transmission large est rendue difficile voire impossible sans une intervention publique.

L'ONACVG apparaît dans ce cadre comme l'opérateur par défaut pour tenir ce rôle : l'Office l'exerce déjà à travers la valorisation des Hauts lieux de la mémoire nationale, il dispose d'un lien historique et privilégié avec la mémoire combattante, les associations d'anciens combattants et les associations mémorielles et il dispose d'un réseau territorial dense permettant une montée en puissance de cette fonction. Il faudrait cependant dans ce cas accompagner la montée en puissance de moyens, humains comme matériels, supplémentaires, l'Office étant actuellement clairement sous-dimensionné pour mettre en oeuvre par lui-même une politique mémorielle dense sur l'intégralité du territoire national.

c) Les conséquences d'une telle évolution

Plusieurs conséquences pourraient découler d'une telle évolution :

- une évolution des équilibres internes de l'Office : 3 des 4 départements métiers actuels portent sur la réparation et un unique département sur la mémoire.

- une évolution de la composition du conseil d'administration de l'Office, avec une plus forte représentation des associations mémorielles et une représentation envisageable de l'Université. Une représentation des corps de gendarmerie et de sapeur-pompiers susceptibles de devenir ressortissant pourrait également être envisagée.

- le réseau départemental devrait de fait être conservé ;

- les moyens, actuellement très faibles, attribués aux actions de mémoire dites « pédagogiques » ou à destination des jeunes devraient être significativement renforcés. Cependant cette augmentation serait largement compensée par la baisse de dépenses réalisées en faveur des anciens combattants, dont la disparition justifie une plus forte action publique.

Le rapporteur spécial estime que l'hypothèse d'un Office reconverti vers sa mission mémorielle est l'option préférable. Dans tous les cas, les négociations du COP représenteront un rendez-vous essentiel pour la détermination de l'avenir de l'Office et partant de là, des politiques mises en oeuvre par l'ONACVG. Le rapporteur spécial souhaite que la représentation nationale et le monde associatif combattant et mémoriel soient associés à ce débat, sur le modèle du groupe de travail tripartite sur l'évolution du point d'indice PMI.

C. DÉTERMINER LA TRAJECTOIRE FUTURE DE L'OFFICE

1. Que représente l'Office et qui représente l'Office
a) Une représentation historique des associations d'anciens combattants et un lien avec le pouvoir exécutif amené à être remis en cause

Historiquement, l'Office sert de lien entre le Gouvernement, représenté par le ou la ministre ou secrétaire d'État en charge des anciens combattants et le monde combattant, représenté par ses associations.

Ce rôle et cet équilibre historique expliquent la forme actuelle de la gouvernance de l'Office, dont le conseil d'administration est présidé par le membre du Gouvernement en charge des anciens combattants et est divisé en trois collèges, le premier représentant l'administration, le second les associations du monde combattant et le troisième les associations mémorielles et patriotiques.

Ce lien prend à la fois la forme d'une reconnaissance, du fait de l'existence d'un membre du Gouvernement qui soit en charge du monde des anciens combattants, auquel les associations d'anciens combattants sont très attachées, et d'un dialogue : le représentants du Gouvernement et les représentant nationaux des plus grandes associations sont régulièrement réunis autour d'une même table dans le cadre du conseil d'administration.

Deux problématiques se posent.

Premièrement, face à la disparition progressive des anciens combattants et la désaffectation pour la vie associative qui s'y rattache, la question de l'équilibre entre les trois collèges et de la composition du deuxième collège se pose.

Deuxièmement, des difficultés juridiques remettent en cause la présidence du conseil d'administration par le membre du Gouvernement en charge des anciens combattants. Cette forme d'organisation est aujourd'hui remise en cause par des avis, répétés, du Conseil d'État. Ce dernier critique la présidence ès qualité du conseil d'administration de l'Office par le membre du Gouvernement en charge des anciens combattants. Le Conseil d'État établit deux griefs à l'encontre de cette présidence :

- elle serait inconstitutionnelle au regard de l'article 23 de la Constitution 39 ( * ) ;

- elle priverait l'Office de toute autonomie réelle « en plaçant l'autorité de tutelle à la tête de l'organe détenant le pouvoir de décision le plus général en son sein » 40 ( * ) .

Prenant acte de ces avis, le ministère des armées a prévu de supprimer la présidence ès qualité du membre du Gouvernement du conseil d'administration. Les modalités de la nouvelle présidence restent à déterminer.

Le rapporteur spécial se montre sceptique quant à l'inconstitutionnalité alléguée, relevant que l'article 23 de la constitution est d'interprétation stricte 41 ( * ) et que la notion d'« emplois publics » à laquelle il fait référence est interprétée de manière constante comme un emploi de fonctionnaire 42 ( * ) , ce qui ne correspond pas au cas d'une présidence d'établissement public administratif.

Il estime également que le lien privilégié entre le membre du Gouvernement et la communauté combattante reste essentiel à moyen terme et qu'un lien direct entre le ministre et l'opérateur chargé de ma mise en oeuvre de la totalité des politiques dont il a la charge mérite d'être conservé à plus long terme.

Ainsi, s'il n'est pas opposé à une modification du statut du membre du Gouvernement au sein du conseil d'administration de l'ONACVG, le rapporteur spécial insiste pour que ce dernier conserve une place au conseil d'administration de l'Office, afin de conserver le lien historique entre le membre du Gouvernement en charge des anciens combattants et de la mémoire et l'opérateur en charge de mettre en oeuvre ces missions.

Dans l'hypothèse où l'option d'une mise en extinction de l'Office serait retenue, un renforcement du 1 er collège paraîtrait l'option la plus logique face à la baisse de la démographie des anciens combattants. Au contraire, si l'option d'une transition vers les missions de mémoire devait être retenue, un renforcement du 3 e collège, pour conserver une gestion paritaire, pourrait être privilégié.

b) Un organe a priori concurrent : le G12

Le G12 est un organisme complémentaire et concurrent du conseil de l'Office. Il réunit les représentants des principales associations d'anciens combattants, de manière beaucoup plus large que le deuxième collège du conseil d'administration national de l'ONACVG. Au cours des réunions du G12, le Gouvernement va communiquer et présenter aux représentants des associations d'anciens combattants les dernières décisions les concernant. Le G12 se spécialise ainsi dans les sujets « traditionnels » liés au monde combattant, comme le montant du point d'indice de la pension militaire d'invalidité ou le montant de la retraite du combattant. C'est également au cours d'une réunion du G12 qu'ont été présentées aux associations combattantes les évolutions envisagées pour la présidence du conseil d'administration de l'Office.

À ce titre il est notable que les réflexions du groupe de travail tripartite sur l'évolution du point d'indice de la pension militaire d'invalidité 43 ( * ) ont été présentées au G12, quand bien même c'est l'Office qui délivre la retraite du combattant et la carte du combattant qui conditionne l'accès à la retraite du combattant 44 ( * ) .

La différence essentielle entre le G12 et le deuxième collège du conseil d'administration de l'ONACVG tient en ce que le G12 comporte plus d'associations.

Le rapporteur spécial considère que le G12 peut servir de base pour une conservation d'une plateforme de dialogue entre le membre du Gouvernement en charge des anciens combattants et de la mémoire et la communauté combattante si ce dernier n'est plus président ès qualité du conseil d'administration de l'ONACVG.

Recommandation n° 7 : Conserver la présence du ministre chargé des anciens combattants au sein du conseil d'administration de l'Office. Institutionnaliser le G12 et prévoir qu'au moins une séance annuelle est présidée par le ou la ministre, ès qualité.

2. Anticiper sur l'avenir : conserver les capacités d'un opérateur unique et réinvestir dans le rôle mémoriel de l'Office

Si l'hypothèse d'un Office se tournant vers un rôle actif de conservation et de transmission de la mémoire combattante devait être retenue, alors des décisions devront être prises à court terme, ce pour plusieurs raisons : la disparition rapide des témoins directs s'agissant des conflits d'Afrique du Nord, le risque de dégradation des conditions de fonctionnement de l'Office en cas de nouvelles réductions de crédits et la nécessité du renforcement des moyens alloués aux politiques de mémoire autres que les commémorations nationales si une action de lien avec la Nation et avec la jeunesse efficace doit être mise en oeuvre.

a) Des opérations de conservation mémorielles nécessaires à court terme

La population des anciens d'Algérie et des harkis connait actuellement une baisse forte, ce qui met une limite de temps de court ou moyen terme pour toute action se basant sur des témoignages. L'action de l'Office de réalisation de témoignages à quatre voix sur la guerre d'Algérie devant des classes devra s'arrêter d'ici une dizaine d'années faute de témoins. Il en va de même s'agissant du recueil de témoignage à but scientifique.

Aussi si des actions de conservation de la mémoire combattante d'Algérie d'envergure doivent être menées, elles doivent l'être rapidement.

b) La nécessité de conserver le maillage territorial de l'Office à moyen terme

La mise en oeuvre d'une politique de mémoire et de transmission territoriale sur l'ensemble du territoire national nécessite un maillage territorial fin. Idem de l'action de l'Office pour les concours scolaires (petits artistes de la mémoire, bulles de mémoire, concours national de la résistance et de la déportation), du rôle de l'Office comme relais de certaines politiques de la direction du service national et de la jeunesse, de son rôle dans l'organisation du SNU, etc.

L'Office est également le dernier représentant, avec le délégué militaire départemental, de l'institution militaire dans les départements qui n'hébergent plus d'unités militaires.

Si le maillage devait être redimensionné du fait d'un trop faible nombre de ressortissants, alors la quasi-totalité des autres missions de l'Office seraient négativement impactées. Les missions d'accueil et de réparation en faveur des anciens combattants seraient également bien plus difficiles à mettre en oeuvre. Par exemple, le suivi individualisé et l'organisation de moment de convivialité pour les pupilles s'il n'y a plus de service dans leur département de résidence. Il en va de même pour les EHPAD labellisés, qui sont limités à 3 par département car il s'agit du maximum d'EHPAD pour lesquels un directeur local peut assurer un suivi. Si un directeur et son service doivent superviser plusieurs départements, la couverture territoriale des EHPAD labellisés serait nécessairement réduite.

De plus, le redéploiement de l'Office sur des missions mémorielles serait rendu bien plus difficile voire impossible, sauf à rouvrir des antennes locales.

c) Anticiper une transition de l'Office pour éviter une période de rupture

Tant les crédits attribués en propre à l'Office que ceux de la mission budgétaire « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » sont en baisse d'une année sur l'autre. Une réallocation partielle des économies constatées sur la mission pourrait permettre une transition plus douce de l'Office, plutôt que de le voir être plus réduit encore et éventuellement devoir remonter en puissance.

Par ailleurs, eu égard aux montants particulièrement faibles qui sont consacrés aux politiques mémorielles hors journées de commémoration nationale et aux politiques de lien Armées-jeunesse, la réallocation de quelques millions d'euros augmenterait sensiblement les capacités d'action des différents acteurs concernés. Une augmentation de 2 millions d'euros du budget mémoriel à vocation locale de l'Office reviendrait à sextupler ses moyens.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 27 octobre 2022 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Marc Laménie, rapporteur spécial, sur l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.

M. Claude Raynal , président . - Nous allons maintenant entendre une communication de M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », sur l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG).

M. Marc Laménie , rapporteur spécial . - L'ONACVG est un opérateur plus que centenaire, créé lors de la Première Guerre mondiale et disposant de compétences diverses. Il est présent dans chaque département, en outre-mer, en Algérie et au Maroc, grâce à un réseau de 104 antennes locales. Il est chargé de mettre en oeuvre la politique de solidarité de la Nation à l'égard de ses ressortissants : anciens combattants, victimes civiles de guerre, pupilles et victimes d'actes de terrorisme.

Il instruit différentes mentions honorifiques : « Mort pour la France », « Mort pour le service de la Nation » et « Mort pour le service de la République ».

Il verse les pensions du programme 158 pour les orphelins de victimes de violences antisémites ou d'actes de barbarie commis durant la Seconde Guerre mondiale.

Il met en oeuvre la politique commémorative au niveau local et entretient le patrimoine mémoriel combattant de l'État : 2 200 carrés militaires, 289 nécropoles nationales et 10 hauts lieux de la mémoire nationale.

Pour l'entretien du patrimoine mémoriel, l'Office travaille en partenariat avec l'association Le Souvenir Français, qui doit notamment assurer une « veille mémorielle » et rendre de nombreux rapports à l'Office. Au regard de la nature associative du Souvenir Français, je propose une simplification de ses obligations déclaratives.

Je propose également une réaffectation d'une partie des économies constatées sur les missions traditionnelles de l'Office à l'animation de la politique commémorative locale, les moyens consacrés à cette dernière étant particulièrement faibles : 300 000 euros pour l'intégralité du territoire national.

Depuis 2013, l'Office sert de guichet unique pour les aides aux rapatriés d'Afrique du Nord et il a été désigné comme service instructeur de l'indemnité de réparation au titre des conditions indignes d'accueil sur le territoire national dans des camps ou hameaux de forestage.

Il est un partenaire de l'éducation nationale pour l'organisation de concours scolaires, notamment le concours national de la Résistance et de la Déportation, le concours « Bulles de mémoire » et le concours des Petits artistes de la mémoire.

L'Office est également un partenaire essentiel de la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) : il met son réseau à sa disposition et il est chargé de former les personnels qui doivent intervenir lors de la Journée défense et mémoire du service national universel. Je propose, dans ma quatrième recommandation, d'individualiser les crédits de la mission « Anciens combattants » dédiés à ces actions à finalité pédagogique, qui n'apparaissent pas au budget de l'État et qui sont entièrement financées par la fongibilité asymétrique.

L'ONACVG gère également l'oeuvre nationale du Bleuet de France, bien que celle-ci doive être transformée en fonds de dotation au 1 er janvier 2023. L'ONACVG restera cependant représenté au sein du conseil d'administration du nouveau fonds de dotation. Ce contrôle a une fois de plus mis en lumière la trop faible connaissance du Bleuet par le grand public ; je recommande donc un renforcement de l'effort de communication à son profit.

Enfin, l'Office s'ouvre à de nouveaux partenariats avec les armées, notamment l'armée de terre, afin de permettre une gestion plus efficace des demandes de carte du combattant par les militaires lorsqu'ils quittent l'institution. Il travaille également avec l'armée de terre pour retrouver les militaires qui ont quitté l'institution sans réaliser de demande de carte du combattant alors qu'ils remplissent les conditions nécessaires pour y prétendre. Je salue très vivement ces initiatives et je propose, dans ma troisième recommandation, de les étendre aux autres corps d'armée.

À l'inverse de ce que pourrait laisser penser cette variété de missions, l'Office est un opérateur méconnu du grand public, dont les moyens, notamment humains, sont très modestes. Ce sont en effet 470 équivalents temps plein travaillé (ETPT) qui sont chargés de mettre en oeuvre ses missions : 70 ETPT « métiers » au sein de la direction générale, qui incluent les postes régionalisés, et 400 ETPT répartis - pour ne pas dire « éparpillés » - sur le réseau de 104 antennes locales.

S'agissant de son fonctionnement courant, l'Office bénéficie d'une dotation pour charges de service public de 60 millions d'euros.

Ces moyens sont le résultat d'une trajectoire baissière inscrite au contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'Office 2020-2025. Cette trajectoire se justifie par une recherche d'économies et par la baisse du nombre de ressortissants de l'Office. En particulier, le COP prévoit une réduction significative des ETPT de l'Office, qui doivent diminuer de 878 ETPT en 2018 à 764 ETPT en 2025. La majeure partie de la baisse a déjà été réalisée et les effectifs devraient rester relativement stables au cours des deux prochaines années.

Cette diminution d'ETPT a été permise, en plus de la baisse du nombre de ressortissants, par une numérisation à marche forcée de l'Office, laquelle a permis de centraliser le traitement de la majeure partie des dossiers dont l'ONACVG a à connaître au département de la reconnaissance et de la réparation. Je tiens ici à souligner les gains d'efficacité qui ont découlé de cette numérisation : le délai moyen de traitement d'une demande de carte du combattant a chuté de plus de 130 jours à 90 jours. Cette avancée a été perçue et saluée par les associations d'anciens combattants que j'ai rencontrées au cours de ce contrôle.

Cependant, malgré ces gains d'efficacité, les moyens, notamment les moyens humains de l'Office, atteignent aujourd'hui un niveau plancher si l'on veut maintenir son réseau territorial. En effet, avec 400 ETPT répartis sur 104 antennes, la majorité des services locaux disposent d'un nombre très réduit d'agents, et la qualité du service doit beaucoup à l'engagement très fort des personnes qui y travaillent. L'accueil et le contact direct avec les ressortissants restent nécessaires. Beaucoup de ressortissants sont très âgés et ne maîtrisent pas l'informatique, ce qui représente une limite importante à la politique de numérisation de l'Office.

De plus, si la mission historique de l'Office tend à diminuer en importance, cette baisse de charge est compensée par le développement et l'attribution de nouvelles compétences. On peut citer comme exemples récents le nouveau dispositif d'indemnisation des rapatriés, la mission ATHOS, qui sera confiée à l'Office en 2023, ou la mention « Mort pour le service de la République » et le suivi des pupilles qui s'y rattache.

Or, si ces missions peuvent être confiées à l'Office, c'est précisément grâce à son réseau local et à son expertise particulière. Cette situation plaide pour une stabilisation des moyens de l'Office, afin qu'il puisse continuer à accomplir ses missions actuelles tout en conservant sa capacité à absorber un nouveau dispositif important comme la nouvelle indemnisation des rapatriés. C'est le sens de la recommandation principale de ce contrôle, la recommandation n° 6, qui vise à sanctuariser les ETPT de l'Office lors du prochain COP.

Par ailleurs, pour les associations regroupant des anciens des opérations extérieures (Opex) comme pour le ministère des armées, il est important de conserver à cet opérateur une masse critique suffisante pour rassurer les militaires sur la reconnaissance et l'assistance que l'État pourra leur apporter après leur service.

À titre plus prospectif, une seconde question se pose à moyen et long terme pour l'Office, celle des modalités de sa gouvernance. L'Office est dirigé par un conseil d'administration présidé par le ministre en charge des anciens combattants, au sein duquel les associations d'anciens combattants sont majoritaires. Or, avec la diminution du nombre des anciens combattants, l'affaiblissement de leurs associations et la multiplication des missions de l'Office, les associations historiques seront de moins en moins représentatives, tant au regard de la population des ressortissants de l'Office qu'au regard de son action. Qui devra alors être représenté au sein du conseil d'administration ?

À plus court terme, la présidence du conseil d'administration de l'Office par le ministre chargé des anciens combattants est contestée au plan juridique par le Conseil d'État et le ministère des armées. Ma recommandation n° 7 propose donc un point d'équilibre pour les relations entre l'Office, le ministre chargé des anciens combattants et les anciens combattants eux-mêmes.

M. Michel Canévet . - Au regard de l'évolution des effectifs, sera-t-il possible de conserver les 104 antennes locales de l'Office ?

M. Bernard Delcros . - Comment se répartissent les quelque 400 postes qui ne sont pas affectés aux antennes locales ?

M. Claude Raynal , président . - La recommandation n° 6 propose de sanctuariser les ETPT de l'Office, alors que le rapport indique que la baisse des effectifs n'a posé aucun problème. Est-ce cohérent ?

M. Marc Laménie , rapporteur spécial . - On compte actuellement une antenne de l'ONACVG dans chaque département. Il est indispensable de conserver cette proximité, d'autant que certains départements sont des déserts militaires et que l'action sociale de l'Office mérite d'être davantage connue.

Les antennes de l'Office sont généralement de petite taille. À Vannes, dans le Morbihan, le bureau compte quatre personnes, dont une directrice. Entre les rendez-vous, les permanences, le lien avec le monde combattant et l'éducation nationale, les agents ne manquent pas de travail.

Les dossiers d'indemnisation des harkis et autres personnes rapatriées d'Algérie issus de la loi du 23 février 2022 représentent aussi un travail supplémentaire pour les personnels de l'Office.

Hors antennes locales, le personnel de l'Office se répartit entre son siège à Paris, son service instructeur des dossiers d'indemnisation, situé à Caen, qui emploient 170 ETPT. Le reste travaille dans les hauts lieux de la mémoire nationale.

La recommandation n° 6 de sanctuarisation des effectifs se justifie principalement par les nouvelles missions confiées à l'ONACVG, qu'il s'agisse du dispositif d'indemnisation des rapatriés issu du texte de février 2022, des actions de l'Office auprès des armées, de l'éducation nationale, de son action pour appuyer le développement du service national universel, ou encore de l'essor des travaux de mémoire sur l'Afrique du Nord et les Opex. Par ailleurs, de nombreuses antennes locales n'emploient que trois agents, et il est presque impossible de maintenir un bureau ouvert avec un effectif plus faible.

Cette sanctuarisation ne vaudrait, au demeurant, que jusqu'en 2030, avant que la question d'une éventuelle réduction du réseau ne se pose à partir de 2035.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et a autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère des Armées

- Mme Patricia MIRALLES, secrétaire d'État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire ;

- M. Sylvain MATTIUCCI, directeur de la direction de la mémoire, de la culture et des archives ;

- M. le Général Daniel MENAOUINE, directeur de la direction du service national et de la jeunesse.

Office National des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre

- Mme Véronique PEAUCELLE-DELELIS, directrice générale ;

- Mme Michèle ROBINSON, secrétaire générale ;

- Mme Emmanuelle DOUBLE, directrice du département de la solidarité ;

- M. Mohamed NEMIRI, chef du département des rapatriés ;

- M. Benjamin FOISSEY, chef du département de la mémoire et de la citoyenneté ;

- Mme Laura GARNIER, adjointe au chef du département de la mémoire et de la citoyenneté ;

- M. Christophe MERCIER, chef du département informatique ;

- M. Flavien VIOLLET, chef de projet de la transformation numérique.

Associations d'anciens combattants et associations mémorielles

- M. Jean-Pierre PAKULA, président de l'ANOPEX ;

- M. Hervé LONGUET, président de l'UNAC ;

- M. Dominique LEPINE, président de l'UPAC ;

- M. PELLET, pour la FNCPG-CATM ;

- M. José Miguel REAL, président de la Société nationale d'entraide de la médaille militaire ;

- Mme Gabrielle ROCHMANN, directrice générale adjointe de la Fondation pour la mémoire de la Shoah ;

- Le Général Christophe de St CHAMAS, président de l'association La flamme sous l'Arc de triomphe ;

- M. Serge BARCELLINI, président général du Souvenir français.

Bleuet de France

- M. Wilfried HUBERT, directeur associé d'Arboresens, société concessionnaire du Bleuet de France ;

- Mme Élisabeth DUBOST, gérante d'Arboresens.

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Caen -23 juin 2022

Département de la reconnaissance et de la réparation

- M. Franck LECONTE, chef du département ;

- Mme Isabelle MASCETTI, adjointe au chef du département ;

- M. Philippe MUNIER, chargé de mission ;

- M. Philippe BERGERET, chargé de mission ;

- M. Philippe JACQUET, chargé de mission.

Vannes -12 juillet 2022

Service départemental du Morbihan

- Mme Anne GESLIN, directrice du service local de l'ONACVG dans le Morbihan ;

Ainsi que les agentes du service local de l'ONACVG dans le Morbihan.

ANNEXES

Consultables uniquement au format PDF


* 1 Articles L. 611-1 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

* 2 Un sénateur et un député.

* 3 Dispositif permettant à une unité militaire de parrainer une classe de collège ou de lycée. La classe parrainée réalise des actions en lien avec l'unité la parrainant, comme, par exemple, une visite de la base dans laquelle l'unité réside.

* 4 À noter que le nombre des veuves ne dépassera pas le nombre des titulaires de la carte du combattant s'il n'est pas fait de distinction entre les titulaires bénéficiant de la retraite du combattant et ceux n'en bénéficiant pas.

* 5 Départements sur le territoire desquels il n'y a plus de présence d'une unité militaire.

* 6 Sur ce sujet, voir le rapport d'information n° 4152 du 19 octobre 2016 sur l'évolution de la politique d'aide sociale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, présenté par M. Régis Juanico, rapporteur, pour la commission des finances de l'Assemblée nationale.

* 7 Hors indemnité au titre de l'accueil indigne dans des camps ou des hameaux de forestage.

* 8 Les allocations envers les conjoints survivants étaient forcloses au 31 décembre 2016 s'agissant des veuves dont l'époux était décédé avant le 1 er janvier 2016 ou un an après le décès de l'époux s'il était décédé après le 1 er janvier 2016.

* 9 Arrêté du 21 décembre 2021 fixant à compter du 1er janvier 2022 le montant de l'allocation de reconnaissance définie par l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

* 10 Hors indemnité du fait de l'accueil indigne sur le territoire national.

* 11 La loi de février 2022 prévoit un effet rétroactif jusqu'en 2016 pour les demandes d'allocation qui n'avaient pas pu être déposées pour cause de forclusion.

* 12 Le budget 2022 prévoit que l'ONACVG abonde d'1 million d'euros les fonds destinés à l'aide sociale pour les enfants de harkis.

* 13 Décret n° 2022-394 du 18 mars 2022 relatif à la commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et les membres de leurs familles.

* 14 Dont 6,2 millions d'euros pour le dispositif en faveur des enfants de harkis sur critères sociaux, 41,7 millions d'euros pour les allocations en faveur des harkis et de leurs veuves et 1 million d'euros au titre des « autres mesures rapatriés » et hors indemnités au titre de l'accueil indigne des harkis et apparentés dans des camps et hameaux de forestage prévues par la loi n° 2022-229 du 23 février 2022. La programmation en loi de finance prévoyait 19,1 millions d'euros pour les allocations, cependant, la loi de n° 2022-229 du 23 février 2022 a doublé leur montant et levé des délais de forclusion pour leur demande.

* 15 Circulaire d'application de l'action sociale de l'ONACVG du 10 mai 2021.

* 16 Source : Département de la solidarité de l'ONACVG.

* 17 Juin 2022.

* 18 La liste exhaustive des cas pouvant donner lieu à une adoption par la Nation est prévue aux articles L. 411-1 à L. 411-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

* 19 Circulaire d'application « Les pupilles de la Nation » du 28 juin 2017.

* 20 Article 30de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels.

* 21 Représenté par le contrôleur général des armées Sylvain Mattiucci, alors directeur des patrimoines, de la mémoire et des archives du ministère des armées

* 22 Cette compétence n'est pas précisée par les conventions, il s'agit d'une mission que s'est attribué le Souvenir Français et l'État n'est pas tenu de l'entretien des sépultures des restitués.

* 23 A titre d'exemple : « Ce carré militaire recueille, sur une superficie de 814 m², les corps de 407 militaires pour la plupart morts de leurs blessures durant la Première Guerre mondiale : 396 Français, 1 Russe, 1 Bulgare (réparties sur les carrés n°30 et 35), et, 9 soldats du Commonwealth (anglais et australiens) tués dans le Morbihan lors de la Seconde Guerre mondiale (carré n°1). On dénombre 272 sépultures perpétuelles au sein de ce carré. Parmi les sépultures françaises, figure également une tombe collective (carré 30 rang 1, tombe 12) où reposent huit soldats du 35 e Régiment d'Artillerie morts le 28 avril 1901 dans l'incendie de leur cantonnement. » https://www.mairie-vannes.fr/histoire-des-cimetieres // Sources : ONACVG Office National des Anciens Combattants - Ministère des armées

* 24 De l'action 09 « politique de mémoire » du programme 169 « reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la nation ».

* 25 Par exemple : https://www.onac-vg.fr/une-exposition-numerique-sur-les-memoires-de-la-guerre-algerie.

* 26 https://www.youtube.com/channel/UCmQ3HwrZls62T0v4dguXQOg.

* 27 M. le Général d'armée Daniel Menaouine est le Directeur de la DSNJ. Il a été entendu par le rapporteur spécial.

* 28 38 000 euros de conception des supports, 15 000 euros de formation des animateurs, 15 000 euros en indemnités.

* 29 Audition du directeur du département de la mémoire et de la citoyenneté de l'ONACVG, le lundi 5 septembre 2022.

* 30 Deux autres entités partenaire sont également signataire de la convention, le centre national sport et défense et la fédération des clubs de défense.

* 31 Répartition des crédits : 200 000 € de tirés du programme 167 pour des « actions pédagogique », 330 000 € tirés de la quête du bleuet de France pour des actions en direction de la jeunesse (ex : rallyes mémoriels), 75 000 euros de participation au concours national de la résistance et de la déportation, 55 000 euros pour le concours bulles de mémoire

* 32 Les « actions pédagogiques » du programme 167 sont budgétées à hauteur de 350 000 euros, les 330 000 euros issus du bleuet de France sont constant, ainsi que les 75 000 euros du concours national de la résistance et de la déportation. Le cout du concours bulle de mémoire devrait lui être moins important, la session 2020-2021 ayant entrainé des surcouts du fait d'une relance post-Covid.

* 33 Source : https://www.onac-vg.fr/organisation-du-bleuet-de-france

* 34 400 ETPTs sont répartis sur 104 services locaux.

* 35 À hauteur de 60 % de la valeur du don et selon certaines conditions.

* 36 Il s'agit dans ce cas de dons réalisés contre une contrepartie directe telle que le droit d'user de la marque ou du don dans des campagnes de publicité réalisées par le donateur.

* 37 https://www.boutique-bleuetdefrance.fr/

* 38 Chiffres relatifs à la trésorerie globale, soit la trésorerie fléchée et non-fléchée.

* 39 Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle. / Une loi organique fixe les conditions dans lesquelles il est pourvu au remplacement des titulaires de tels mandats, fonctions ou emplois. / Le remplacement des membres du Parlement a lieu conformément aux dispositions de l'article 25.

* 40 Avis n° 399240, section de l'administration, séance du 14 janvier 2020.

* 41 Le Conseil constitutionnel indique qu'il ne peut pas être rajouté d'emplois non prévus par la Constitution par voie législative (84-177 DC, 30 août 1984, Statut de la Polynésie française).

* 42 L'article 4 de l'ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l'application de l'article 23 de la Constitution précisant par ailleurs que : « Le membre du Gouvernement titulaire d'un emploi public est remplacé dans ses fonctions et placé d'office, pendant la durée de ses fonctions, en position de disponibilité ou dans la position équivalente prévue par son statut ».

* 43 Dont le rapport a été publié le 17 mars 2021.

* 44 Article L. 611-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

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