B. DE GRANDES DIVERSITÉS DE SITUATIONS

Comme indiqué plus haut, la commune nouvelle est une pépite de liberté qui dépend entièrement de l'initiative locale. Cette dernière repose sur la volonté des élus et s'adapte donc aux réalités des territoires. C'est pourquoi les communes nouvelles sont à géométrie variable, s'agissant de leur superficie mais aussi du nombre d'habitants concernés.

Les résultats de la consultation témoignent parfaitement de cette hétérogénéité, tant en ce qui concerne le nombre de communes regroupées que le nombre d'habitants.

1. Diversité dans le nombre de communes regroupées

Les histogrammes ci-dessous illustrent que les situations sont variables s'agissant du nombre de communes regroupées au sein des communes nouvelles : ce sont avant tout les communes nouvelles composées de deux communes qui dominent largement (elles représentent la moitié de l'effectif), celles formées de 6 communes ou plus étant nettement plus rares (un peu plus de 1 sur 10).

Source : Sénat, à partir des données fournies par l'AMF
et des résultats de la consultation en ligne auprès des communes nouvelles

Relevons que la distribution des données de la consultation du Sénat est proche de celle de l'ensemble des communes nouvelles, ce qui illustre la représentativité de l'échantillon des communes nouvelles qui ont répondu à notre enquête.

2. Diversité dans le nombre d'habitants

La diversité des communes nouvelles se retrouve également dans la taille de leur population. Parmi les répondants, les communes nouvelles sont majoritairement (54 %) des communes rassemblant moins de 2 000 habitants, alors que 23,2 % réunissent plus de 4 000 habitants.

Les écarts de population apparaissent très importants parmi les communes qui ont pris part à la consultation : ainsi, les communes nouvelles d'Esplantas-Vazeilles (Haute-Loire) et de Surjoux-Lhopital (Ain) comptent respectivement 128 et 150 habitants, tandis que la commune nouvelle d'Annecy, la plus grande de France, regroupe plus de 135 000 habitants.

Cette diversité dans les réponses est, là encore, représentative de la situation générale, comme le montre le graphique ci-dessous :

Source : Sénat, à partir des données fournies par l'AMF
et des résultats de la consultation en ligne auprès des communes nouvelles

C. MUTUALISATIONS ET ÉCONOMIES D'ÉCHELLE : DES OBJECTIFS TRÈS RECHERCHÉS ET BIEN SOUVENT ATTEINTS

Dans le cadre de la consultation, les maires ont été interrogés sur les raisons qui les ont conduits à cette démarche de regroupement communal. Il ressort de l'enquête que leur objectif principal était de mutualiser les services et de réaliser des économies d'échelle. Les maires étaient donc mus par la volonté de rationaliser l'organisation communale et de rendre ainsi aux habitants un meilleur service au meilleur coût.

Notons aussi le motif « renforcement des habitudes de travail en commun » qui fait écho à ce qui a déjà pu être observé, à savoir que la commune nouvelle vient souvent consacrer un processus antérieur de mutualisation6(*)

Source : résultats de la consultation en ligne
auprès des communes nouvelles

Selon les maires répondants, les objectifs précités ont été largement atteints : en effet, 72 % des répondants estiment que la commune nouvelle a permis des économies d'échelle, et 88 % des mutualisations effectives, tant en matière de services que de personnel.

Lors des rencontres nationales des communes nouvelles, organisées au Sénat en septembre 2022, M. Philippe CHALOPIN, maire de Baugé-en-Anjou, commune nouvelle créée en 2012, avait souligné qu'un incendie, touchant 1 600 hectares, avait permis une prise de conscience des habitants quant au renforcement des capacités d'action des communes nouvelles : « Les habitants savent maintenant ce que c'est : ils savent que la commune nouvelle permet de mutualiser les moyens et d'aider les petites - celle qui a été frappée par l'incendie ne compte que 250 habitants. C'est dans ces moments difficiles que la commune nouvelle prend tout son sens. Sans elle, il aurait été difficile de s'en sortir ». Et le maire de conclure ainsi : « J'ai été déçu par le rapport de l'IGA, qui parle d'un bilan décevant. (...). Face aux crises financière, énergétique, écologique, que pourra faire une petite commune seule ? ».

Une large majorité des élus affirme que la commune nouvelle a effectivement permis de donner de nouvelles marges de manoeuvres financières, à la fois sur les volets « fonctionnement » et « investissement ». En effet, parmi les répondants, 77 % estiment que la commune nouvelle a permis de nouveaux investissements, et près de 70 % relèvent un impact positif sur les dépenses de fonctionnement. Les attentes financières initiales, exprimées lors de la création des communes nouvelles, semblent donc largement satisfaites.

Verbatim d'un maire lors des auditions :

« Collectivement nous sommes plus forts ! La commune nouvelle permet de préserver nos services publics et de les développer, d'accompagner nos associations, de dynamiser les centres bourgs, de faire face à la crise de l'énergie, du logement, de développer des politiques publiques qui nécessitent toujours plus d'expertises, de moyens humains et financiers ».

Certes, force est de reconnaître que la commune nouvelle est, dans un premier temps, génératrice de coûts, directs ou indirects (réorganisation administrative, préparation d'études, organisation de réunions, réflexion sur la nouvelle gouvernance...). Toutefois, la commune nouvelle permet, après un temps d'installation, de renforcer le pouvoir d'agir des communes, en mutualisant les moyens humains et financiers, tout en s'adaptant à la réalité démographique et géographique du territoire.

Cette nouvelle capacité d'agir permet bien souvent de répondre aux nouvelles demandes des habitants. Ces derniers aspirent notamment à plus d'équipements communaux ou à une plus grande accessibilité des services publics : ainsi est-il fréquent que les horaires de la piscine municipale ou des musées soient étendus sur ceux de la commune qui avait l'amplitude la plus large. Cet « alignement par le haut » a été maintes fois souligné lors des auditions. Bien souvent, les nouvelles attentes des usagers sont ainsi financées par les marges de manoeuvres dégagées par la création de la commune nouvelle. Ainsi, le maire de Baugé-en-Anjou, Philippe CHALOPIN, s'est réjoui, lors de son audition, que sa commune nouvelle puisse désormais disposer « d'une police municipale et d'éducateurs, ce qui n'était pas le cas auparavant ».

Toutefois, comme l'AMF l'a indiqué à vos rapporteurs, aucune étude n'a été menée pour chiffrer précisément les marges de manoeuvres dégagées par la création d'une commune nouvelle. Tout au plus peut-on relever que le coût des contrats d'assurance semble, en moyenne, divisé par trois dans de nombreuses communes nouvelles rurales.


* 6 « Peu nombreuses sont encore les communes nouvelles en capacité d'inscrire leur action dans un véritable projet de territoire (...). La création d'une commune nouvelle ne génère pas, en elle-même, une amélioration de l'efficience de l'action publique locale. La commune nouvelle vient davantage consacrer un processus antérieur de mutualisation qu'initier une démarche de rationalisation » : Rapport de l'Inspection générale de l'administration intitulé : « Les communes nouvelles : un bilan décevant, des perspectives incertaines » (21 septembre 2022) :

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