II. LA SURVEILLANCE DES MICROPOLLUANTS

A. DES DIFFICULTÉS ANALYTIQUES

La présence généralisée de micropolluants dans l'environnement étant susceptible d'emporter de lourdes conséquences en termes de santé publique, leur surveillance paraît essentielle. Comme l'ont rappelé plusieurs des personnalités entendues au cours de l'audition publique, nous disposons aujourd'hui de méthodes et d'instruments analytiques de plus en plus perfectionnés, qui permettent de détecter et de quantifier des présences toujours plus faibles de polluants. Pour autant, la surveillance des micropolluants continue de se heurter à plusieurs difficultés pratiques.

Ø Un nombre démesuré de composés à surveiller

Une première difficulté repose sur la quantité de substances susceptibles d'être présentes dans l'environnement, qui s'accroît chaque année avec la mise sur le marché de nouvelles molécules. Alors que plus de 110 000 substances chimiques sont commercialisées sur le marché communautaire - auxquelles il faut ajouter les sous-produits et impuretés involontairement formés lors de leur production, ainsi que les produits de transformation générés lors de leur dégradation -, seules quelques centaines de molécules peuvent être suivies de manière routinière. Si des analyses non-ciblées peuvent parfois être réalisées de manière prospective27(*), un travail de priorisation est nécessaire afin d'identifier les principales molécules à rechercher et quantifier.

Ø Des produits de dégradation difficiles à surveiller

La surveillance des produits de transformation présuppose de connaître la structure chimique de ces molécules. Or, si ces données figurent dans les dossiers d'enregistrement ou d'autorisation soumis par les industriels aux autorités nationales et européennes, celles-ci ne sont pas rendues publiques.

De plus, les méthodes de quantification nécessitent de disposer de molécules étalons, dont les propriétés physico-chimiques sont proches des composés recherchés, afin de fournir des résultats fiables. Or, pour les produits de dégradation, ces molécules sont insuffisamment disponibles ou ont des coûts prohibitifs.

Ø La nécessité de méthodes analytiques adaptées

En raison de propriétés physico-chimiques spécifiques, certaines molécules peuvent être particulièrement difficiles à détecter et nécessiter le développement de méthodologies d'analyse adaptées. C'est notamment le cas des produits dits « persistants mobiles », évoqués par Hélène Budzinski au cours de l'audition publique.

Ø Le choix crucial de la stratégie d'échantillonnage

À l'intérieur d'une masse d'eau, les concentrations en micropolluants peuvent varier spatialement et temporellement. Des stratégies d'échantillonnage - c'est-à-dire la définition de modalités de collecte des données adaptées - sont donc nécessaires afin d'acquérir des résultats à la fois fiables et représentatifs des éventuelles pollutions.

Ø Pour les laboratoires, des délais de montée en compétence

En raison de ces difficultés pratiques et de la complexité des analyses, l'intégration de nouveaux polluants aux programmes de surveillance et de contrôle peut requérir une période de montée en compétence pour les laboratoires agréés, qui doivent s'approprier pleinement les techniques d'analyses nécessaires à l'obtention de résultats fiables. C'est ce qui explique que l'ajout des PFAS aux analyses sanitaires de l'eau de consommation, introduit par la révision de la directive européenne 2020/2184, ne soit rendu obligatoire qu'à partir de 2026. Il en est de même pour le chlorothalonil R471811, mis en évidence par la dernière campagne exploratoire de l'Anses28(*), qui devrait être prochainement intégré au contrôle sanitaire.

Pour faire face à l'ensemble de ces défis et renforcer l'expertise française dans ce domaine, un laboratoire national de référence pour la surveillance des milieux aquatiques, dénommé Aquaref, a été mis en place en 200729(*). Il établit des protocoles pour définir des règles communes de prélèvement et d'analyse afin de fiabiliser les données de surveillance.


* 27 C'est cette démarche qui a permis à une équipe suisse de mettre en évidence la présence du chlorothalonil R471811, métabolite issu de la dégradation dans l'environnement du chlorothalonil. Voir : K. Kieffer et al., Water Research 2019, 165, 114972 ( https://doi.org/10.1016/j.watres.2019.114972).

* 28 Anses, « Campagne nationale de mesure de l'occurrence de composés émergents dans les eaux destinées à la consommation humaine. Pesticides et métabolites de pesticides - Résidus d'explosifs - 1,4-dioxane. Campagne 2020-2022. », Rapport d'appui scientifique et technique, 2023 ( https://www.anses.fr/fr/system/files/LABORATOIRE2022AST0255Ra.pdf).

* 29 https://www.aquaref.fr/propos-aquaref

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