B. LANCEMENT DU PARTENARIAT ENTRE L'OFFICE, L'ACADÉMIE DES SCIENCES ET L'ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE

M. Pierre Henriet, député, président de l'Office. - Nous allons passer à la deuxième partie de journée, qui est consacrée au lancement du partenariat entre l'OPECST et les Académies des sciences et de médecine. À ce titre, je remercie Cédric Villani qui a lancé ce processus au cours du précédent mandat, et nous nous inscrivons donc dans une grande continuité avec l'ensemble des membres de l'Office et des Académies afin de consolider ces liens. L'objectif principal de ce partenariat est d'améliorer la compréhension mutuelle entre nos mondes scientifique et politique ; un jumelage ne va pas en sens unique, Alain Fischer l'a d'ailleurs rappelé. Je pense que les parlementaires ont tout intérêt à mieux comprendre l'atmosphère et le fonctionnement du monde scientifique et que les scientifiques doivent eux aussi acquérir une meilleure compréhension du monde politique. La dimension réciproque de ce jumelage me paraît donc importante. Par conséquent, nous allons brièvement vous présenter ce dont il est question ainsi que les premiers trinômes qui ont été proposés - dont le nombre sera complété après le renouvellement du Sénat en septembre prochain, avec l'arrivée de nouveaux membres de l'Office.

M. Alain Fischer, président de l'Académie des sciences. - Je me réjouis que ce partenariat soit renouvelé. Il existe depuis un grand nombre d'années, notamment sous la forme du jumelage dont nous allons parler dans un instant. Nous ferons en sorte que des scientifiques rencontrent des parlementaires et inversement. Ils seront d'âges différents, car il est important d'y associer de jeunes scientifiques et de mieux se connaître. Je pense qu'il s'agit d'une très bonne déclinaison pratique de tout ce qui a été discuté lors de la table ronde qui vient de s'achever.

La volonté d'organiser des colloques communs sur des travaux menés par vous ou par nous est aussi une façon de faire progresser l'interaction entre le monde politique et le monde scientifique. Ainsi, je me félicite de ce développement, dont nous devons tous attendre beaucoup.

M. Christian Boitard, secrétaire perpétuel de l'Académie nationale de médecine. - Tout ce qui a été dit dans la première partie de l'après-midi doit être répété. Il a notamment été mentionné que nous sommes en présence d'un déficit culturel. Je pense qu'il commence par l'école, par la remise en cause de la place de la science dans les pratiques scolaires, qui s'est encore aggravée au cours des dernières années. Aujourd'hui, nous le payons. Or, à mon sens, la transmission des connaissances est fondamentale au même titre que la recherche. J'estime que la mise en place des équipes - ces trinômes composés d'un scientifique, d'un jeune chercheur et d'un parlementaire - est primordiale. Nous connaissons l'insuffisance des connaissances scientifiques des hauts fonctionnaires de l'État et des personnels politiques en France - un député me disait que, sur la science, il a parfois l'impression de ne pas être compris par les personnes qui l'entourent à l'Assemblée. La médecine est dans une situation particulière, car elle ne doit pas être confondue avec la science, même si elle doit s'appuyer sur des sciences, au premier chef la biologie. Il ne faut pas croire qu'il peut y avoir de l'innovation technologique en médecine si l'on néglige le savoir sur lequel peut s'appuyer la médecine.

Je suis médecin, j'ai dirigé un service clinique et je considère que la recherche fondamentale est ce qui conduit au progrès bien que nous ne puissions anticiper ses résultats. Lorsque nous avions rédigé le rapport de l'Académie de médecine publié à l'occasion de la loi de programmation de la recherche, j'avais été frappé par l'audition de Jean-Pierre Bourguignon. Il avait cité un chiffre que j'ai repris : dans le cadre du programme Horizon 2020, l'Europe avait alloué 17 % de son budget de la recherche au Conseil européen de la recherche (ERC). Or, l'ERC a représenté 27 % des brevets issus des projets européens. Pourtant, aucun des financements n'était destiné directement à de la recherche appliquée et au dépôt de brevets. Je souligne que la médecine n'est pas une science et que tout commence grâce à la recherche fondamentale.

M. Pierre Henriet, député, président de l'Office. - La constitution des trinômes intègre la dimension géographique afin de permettre une meilleure compréhension puisque l'idée est, notamment, de pouvoir se rencontrer dans nos environnements respectifs. Plus globalement, le partenariat est fondé sur un triptyque : nos interactions seront le fruit d'échanges qui se tiendront à l'Assemblée nationale et au Sénat, mais également dans les circonscriptions et départements dans lesquels les sénateurs et députés sont élus, y compris dans les territoires d'outre-mer ; par ailleurs, les parlementaires iront aussi dans les laboratoires.

À ce stade, des appariements ont été réalisés entre parlementaires et académiciens - il s'agit donc pour l'instant de binômes, les jeunes chercheurs s'y joindront par la suite - et le fléchage est réalisé sur une thématique préalablement déterminée. Sur la base des candidatures reçues, je vais donc vous présenter ces binômes.

Christine Arrighi, députée de Haute-Garonne, sera en binôme avec Jean-Claude André, membre de l'Académie des sciences. Ils travailleront sur les enjeux liés la météorologie, du changement climatique, et du calcul scientifique pour l'industrie.

Philippe Berta, député du Gard, sera en binôme avec Laure Bally-Cuif, membre de l'Académie des sciences. Ils travailleront sur les enjeux liés aux cellules souches tissulaires. Philippe Berta s'est également proposé pour former un binôme avec Éric Vivier, membre de l'Académie de médecine. Ensemble, ils travailleront sur les enjeux liés à l'immunologie et à l'immunothérapie.

Philippe Bolo, député du Maine-et-Loire, sera en binôme avec Éric Karsenti, membre de l'Académie des sciences. Ils travailleront sur les enjeux liés à la biologie cellulaire, la biophysique, la biodiversité marine et l'océanographie biologique.

Yannick Neuder, député de l'Isère, travaillera avec Thierry Hauet, membre de l'Académie de médecine et avec Anne Houdusse-Juillé, membre de l'Académie des sciences.

Stéphane Piednoir, sénateur de Maine-et-Loire, sera en binôme avec Laure Saint-Raymond, membre de l'Académie des Sciences. Ils travailleront sur les enjeux liés aux modèles mathématiques de la dynamique des gaz et des fluides. Cela permettra de réviser un petit peu la mécanique des fluides.

Je profite de cette séance pour dire que nous sommes très heureux d'accueillir Mereana Reid Arbelot au sein de l'Office. Elle succède au député Moetai Brotherson, notre ancien collègue devenu président de la Polynésie française.

Mme Mereana Reid Arbelot, députée. - Merci à tous. Je succède effectivement à Moetai Brotherson. Depuis quelque temps, j'avais entendu parler de l'Office et je suis très heureuse de faire partie de cette instance. J'espère que nous allons pouvoir travailler et que je vais beaucoup apprendre.

M. Pierre Henriet, député, président de l'Office. - Merci beaucoup chère collègue.

Mereana Reid Arbelot, députée de la Polynésie Française, sera en binôme avec Lydéric Bocquet, membre de l'Académie des sciences. Ils travailleront sur les enjeux liés à la physique des fluides à l'échelle moléculaire.

Alexandre Sabatou, député de l'Oise, sera en binôme avec Pierre Braunstein, membre de l'Académie des sciences. Ils travailleront sur les enjeux liés à la chimie moléculaire et la chimie inorganique.

Huguette Tiegna, députée du Lot, sera en binôme avec Antoine Georges, membre de l'Académie des sciences. Ils travailleront sur les enjeux liés à la physique des matériaux quantiques, la supraconductivité et l'intelligence artificielle en physique quantique.

À la rentrée, d'autres jumelages viendront compléter ce tableau. Nous sommes très heureux de concrétiser ce partenariat, davantage encore en cette journée anniversaire de l'Office. Dans ce cadre, il est également prévu une rencontre annuelle de haut niveau qui portera sur une actualité qui aurait été identifiée par les Académies ou un rapport, réalisé par elles au cours de l'année et susceptible d'être ensuite discuté au sein de l'Office. Je pense même que nous pourrions organiser cette rencontre sur la « semaine anniversaire » de l'Office, au mois de juillet, ce qui permettrait d'instituer tous les ans une semaine de la science au sein du Parlement, ce qui serait très profitable.

M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office. - Ce partenariat résulte d'une volonté partagée de l'Office, de l'Académie nationale de médecine et de l'Académie des sciences. Il a fonctionné d'une façon régulière. Nous avons toujours été remarquablement accueillis par nos Académies qui nous ont associés à des petits déjeuners d'échanges en qualité de représentants des élus. Pour être honnête, étant à l'époque président de l'Office, je dois reconnaître que nous avons parfois souffert d'une insuffisance de participation de la part des parlementaires. Toutefois, j'ai maintenant une expérience parlementaire assez longue qui me conduit à penser que ce taux de participation est rarement de 100 %. Nous pouvons considérer qu'un quart régulier - c'est ce que l'on peut constater à l'Office - est satisfaisant. Ce noyau d'élus est stable. Ils travaillent, participent à des auditions, rédigent des notes, rassemblent des documents et interviennent. Je relève cependant que nous ne mobilisons que trop peu le conseil scientifique dont l'Office est doté, mais ceci est un autre sujet.

Le fait de créer ces binômes avec des académiciens, qui intégreront ensuite des jeunes chercheurs, confère aux parlementaires un sens de la responsabilité et de l'implication beaucoup plus fort. En outre, les liens personnels sont indispensables pour appréhender la démarche de l'autre. Comprendre un parlementaire est difficile pour un scientifique et l'inverse est vrai aussi. Même entre nous, il n'est pas aisé de nous appréhender... Cédric Villani évoquait tout à l'heure ce qui motivait son engagement scientifique : le goût de l'inconnu, le souhait d'aller de l'avant et de voir de l'autre côté du mur. Il est utile de bien cerner les motivations de son prochain.

Aujourd'hui, le scientifique travaille de manière beaucoup plus collective que par le passé. Il s'agit peut-être d'une question de génération. Si je ne connais pas en détail l'histoire de la science aux XVIIIe, XIXe et XXe siècles en France, je suis conscient que des personnages s'imposent qui vivent de la connaissance des autres mais qui sont assez solitaires et dont les démarches créatrices sont donc personnelles. Ceci est beaucoup moins vrai de nos jours. De fait, il est opportun que les parlementaires connaissent les différents réseaux, le fonctionnement des systèmes et leur dimension internationale. J'ajoute qu'une des faiblesses de l'homme politique français est qu'il préfère se préoccuper de son pays - ce qui est louable - et de ses électeurs - ce qui est nécessaire à sa survie - plutôt qu'au reste du monde. De ce point de vue, travailler avec les Académies, outre une meilleure compréhension de leurs contraintes et des perspectives que leur action peut ouvrir, contribuera à donner une dimension internationale à nos travaux.

M. Pierre Henriet, député, président de l'Office. - Je veux faire remarquer que l'Office a ouvert à l'ensemble des parlementaires la possibilité de participer à ce jumelage. Je pense qu'il serait pertinent de solliciter le retour de certains de nos collègues, notamment sur ces enjeux internationaux.

Je remercie nos deux Académies d'avoir pu sceller cet après-midi ce partenariat renouvelé. Celui-ci est, pour nous, une formidable opportunité d'acquérir une meilleure compréhension du monde scientifique afin d'exercer notre rôle de la meilleure des façons au sein de l'Office, de manière à éclairer la représentation nationale.

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