EXAMEN EN COMMISSION

Mise en place de la mission d'information
Mercredi 11 octobre 2023

M. Jean-François Longeot, président. - [...] En ce qui concerne les travaux de contrôle de notre commission, l'actualité et les priorités politiques ont conduit notre Bureau à décider la mise en place de deux missions d'information internes à notre commission.

Je vous propose ainsi d'acter la création d'une mission flash pour examiner la situation de l'aéroport de Nantes-Atlantique à la suite du revirement du Gouvernement, qui a récemment annulé l'appel d'offres visant à renouveler la concession et à moderniser l'infrastructure, alors même qu'il s'était engagé, après l'abandon du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, en 2018, à mener ce chantier avec diligence. Un rapporteur pourrait être désigné dès la semaine prochaine, afin de pouvoir lancer nos travaux au plus vite et de rendre nos conclusions avant la fin de l'année. [...]

Désignation d'un rapporteur
Mercredi 18 octobre 2023

M. Jean-François Longeot, président. - Nous avons acté la semaine dernière la création d'une mission flash visant à examiner la situation de l'aéroport de Nantes-Atlantique. Notre décision faisait suite au revirement du Gouvernement, qui a annulé l'appel d'offres pour le renouvellement de la concession et la modernisation de l'infrastructure, alors qu'il s'était engagé en 2018, à la suite de l'abandon du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, à mener ce chantier à bien et avec diligence.

Nous devons à présent désigner un rapporteur pour cette mission, afin de lancer nos travaux au plus vite et de rendre nos conclusions avant la fin de l'année.

La commission désigne M. Didier Mandelli rapporteur de la mission flash sur la situation de l'aéroport de Nantes-Atlantique.

Examen du rapport d'information
Mercredi 20 décembre 2023

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mes chers collègues, j'ai le plaisir de vous présenter aujourd'hui les principales conclusions du travail que j'ai conduit en tant que rapporteur de la mission d'information « flash » relative à la modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique.

Cette mission a été lancée à la suite d'une énième volte-face sur ce dossier, à savoir la déclaration sans suite de l'appel d'offres sur la remise en concession de l'aéroport survenue le 29 septembre dernier, « faute de concurrence ». Nous aurons l'occasion d'y revenir, mais cette décision du Gouvernement est lourde de conséquences pour le territoire nantais et ses habitants, qui sont encore marqués par le souvenir de Notre-Dame-des-Landes et attendaient beaucoup de cet appel d'offres.

Le ministre chargé des transports, Clément Beaune, semble avoir pris la mesure de la situation : il s'est rendu à Nantes à plusieurs reprises depuis le mois d'octobre et s'était engagé à relancer, d'ici à la fin d'année, la procédure d'appel d'offres.

Toutefois, face aux errances passées, on peut craindre que cette urgence ne se change en hâte et conduise in fine à un nouvel « atterrissage forcé ». Cela ne serait pas acceptable au regard de la situation alarmante de l'aéroport de Nantes Atlantique et des nuisances sonores que continuent de subir quotidiennement ses riverains.

Conscient de cet enjeu, ma responsabilité était la suivante : faire la lumière sur les raisons ayant conduit à l'échec du précédent appel d'offres et identifier une « méthode » pour sortir de l'impasse et répondre enfin aux besoins du territoire.

De multiples auditions et deux déplacements en région nantaise, à la rencontre des acteurs locaux, m'ont permis d'y voir plus clair dans les causes des difficultés rencontrées aujourd'hui à Nantes Atlantique. Je dis bien « plus clair », car les zones d'ombre demeurent en réalité nombreuses sur ce dossier sinueux  ; j'ai moi-même, en ma qualité de rapporteur, eu des difficultés à obtenir certaines informations de la part de l'administration - précisément de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) -, à commencer par la principale pièce du dossier, le cahier des charges du précédent appel d'offres, alors même que ce document stratégique était central pour la conduite de mes travaux. Ma persévérance a été récompensée, mais cette expérience m'a permis de comprendre le sentiment d'opacité exprimé par de nombreux acteurs locaux sur la gestion du dossier.

Je vous propose d'entrer dans le vif du sujet. Je vous exposerai, dans un premier temps, les principaux constats de mon rapport d'information et, dans un second temps, les propositions que je souhaite adresser au Gouvernement pour tirer les leçons du passé et repartir de l'avant, dans l'intérêt du territoire.

Avant toute chose, évoquons le contexte de mes travaux. Je ne reviendrai pas dans le détail sur le fait générateur de la situation actuelle : l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes en 2018.

Cet évènement a toutefois son importance. La décision du Gouvernement de l'époque de passer outre les résultats de la consultation locale de 2016 a effectivement été un choc pour nombre d'élus locaux et habitants de l'agglomération nantaise. Beaucoup espéraient un transfert de Nantes Atlantique vers une autre plateforme plus capacitaire et éloignée des zones urbaines. Ce revirement a pu alimenter chez certains - ils sont nombreux - un sentiment de défiance vis-à-vis de l'État et de la crédibilité de la parole publique.

Il faut le noter, le Gouvernement d'alors a rapidement pris conscience de cette cassure. Il a formulé de nombreuses promesses en faveur de la modernisation de l'aéroport de Nantes et, plus largement, du développement et de l'attractivité de la région Pays de la Loire.

Ces promesses ont été traduites, en janvier 2019, par la signature d'un contrat d'avenir pour les Pays de la Loire entre la présidente de la région, Christelle Morançais, et le Premier ministre de l'époque, Édouard Philippe. Ce document comportait 37 engagements de l'État, qui, en majorité, concernaient le domaine des transports. L'amélioration de la desserte en transports collectifs de l'aéroport et la modernisation de la liaison ferroviaire entre Nantes et Paris, à travers l'installation du système de signalisation ERTMS 2, y figuraient comme des priorités.

Mais le premier engagement de l'État était, bien entendu, d'assurer la modernisation rapide de l'infrastructure aéroportuaire existante, déjà confrontée à des difficultés structurelles liées à sa saturation. Dans la continuité de cette promesse, une concertation publique autour du projet de réaménagement de l'aéroport a été organisée du 27 mai au 31 juillet 2019. Jean-Baptiste Djebbari, alors secrétaire d'État chargé des transports, a annoncé à la suite de cette concertation 31 mesures en faveur de l'aéroport et de la protection des riverains.

Quatre ans après, quel bilan tirer de ces nombreuses promesses ? Malheureusement, celui, d'abord, d'une déception renouvelée des acteurs locaux, face à des engagements insuffisamment honorés. Vous l'aurez compris, la modernisation de l'aéroport est repoussée aux calendes grecques du fait de l'abandon de l'appel d'offres, qui doit désormais repartir de zéro. Quatre ans ont été perdus ! En outre, les améliorations attendues s'agissant de la qualité de la desserte en transports collectifs de la région et de l'aéroport de Nantes ne se sont toujours pas concrétisées.

Cependant, il me semble que la plus grande déception des acteurs réside, non pas tant dans les résultats insuffisants de l'action gouvernementale, que dans la persistance de certains travers s'agissant de la méthode employée. Les élus locaux et riverains que j'ai rencontrés font le même constat : l'administration n'a pas fait preuve de la transparence et de l'esprit de dialogue requis sur un dossier lesté d'un historique aussi complexe. Ils estiment, pour employer leurs mots, que les « sachants » de l'administration centrale n'ont pas suffisamment su prendre en considération le point de vue des « empiriques » du territoire.

« État dans l'État », « opacité », « manque de communication », les expressions utilisées durant les auditions que j'ai menées pour qualifier l'attitude de l'administration chargée de ce dossier, la DGAC, sont nombreuses. Elles pointent toutes vers un même sentiment : l'État n'a pas su nouer les liens de confiance nécessaires avec les acteurs locaux dans la gestion de ce dossier.

Un sujet, certes un peu technique, permet d'illustrer mon propos. Il a un temps été envisagé d'allonger de 400 mètres la piste de l'aéroport afin de diminuer les nuisances sonores. Tous les candidats au renouvellement de l'appel d'offres ont été très clairs : dans le contexte conflictuel que l'on connaît à Nantes, et compte tenu des besoins fonciers impliqués par cette option, ils étaient réticents à s'engager sur un tel projet, de nature à faire naître de nombreuses oppositions pour des gains très limités en termes de réduction des nuisances sonores. Un consensus semblait donc se dégager sur ce sujet. Pourtant, le Gouvernement, pour des raisons que je ne suis toujours pas parvenu à comprendre - pas plus que les acteurs locaux -, a décidé de maintenir l'allongement de la piste dans le cahier des charges de l'appel d'offres.

J'en viens à un sujet central : la protection des riverains vis-à-vis des nuisances sonores liées à l'aéroport de Nantes. Celui-ci présente la particularité d'être implanté en zone périurbaine si bien qu'environ 126 000 personnes sont touchées par le bruit émis par l'activité de la plateforme. Je me suis d'ailleurs rendu au domicile d'un riverain dans la commune de Rezé, qui borde l'aéroport, je peux vous confirmer que les nuisances sonores aériennes ne sont pas une vue de l'esprit !

En réponse à cette situation sanitaire alarmante, le Gouvernement a mis en place un couvre-feu qui s'applique, depuis avril 2022, aux mouvements - décollages et atterrissages - effectués entre minuit et six heures du matin.

Cependant, l'arrêté est mal appliqué. La majorité des dossiers d'infractions sur lesquels se prononce l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), à l'échelle nationale et toutes règles confondues, concerne d'ailleurs la violation du couvre-feu de Nantes Atlantique. Les infractions à la réglementation sur les nuisances sonores sont trente fois plus fréquentes à Nantes qu'à Orly. Plusieurs causes peuvent être identifiées : outre le caractère insuffisamment dissuasif des amendes de l'Acnusa, l'arrêté imposant le couvre-feu semble comporter un flou juridique, s'agissant des clauses pouvant exonérer les compagnies du respect du dispositif en cas de « raisons indépendantes » de leur volonté.

Je prends acte de la promesse du ministre Clément Beaune de clarifier prochainement la rédaction de l'arrêté. Je me félicite par ailleurs que le Sénat ait voté, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, le doublement du plafond des amendes infligées par l'Acnusa. Cet apport a été confirmé par les députés lors de l'examen, en nouvelle lecture, de ce texte à l'Assemblée nationale en début de semaine.

En outre, afin d'atténuer l'impact des nuisances sonores sur le quotidien des riverains, des aides à l'insonorisation sont prévues ; elles ont même été renforcées à Nantes Atlantique grâce à un dispositif exceptionnel. Leur plafond, fixé en 2011, demeure cependant insuffisant, et même obsolète compte tenu du renchérissement du coût des travaux. Il y a donc urgence à réformer ces dispositifs. Le ministre s'est engagé à le faire, mais, malheureusement, les annonces sont encore en deçà des besoins.

Je viens maintenant aux préconisations de mon rapport, qui suivent trois axes.

Le premier axe invite à agir au plus vite pour la modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique, en étant à l'écoute des acteurs locaux.

Plusieurs propositions sont ici à mettre en avant.

Premièrement, avant même le renouvellement de la concession, des travaux urgents doivent être menés par le concessionnaire actuel de l'aéroport. J'ai pu le constater sur place, la plateforme est dans un état de vétusté réel, qui se traduit par une mauvaise qualité de service pour les voyageurs et les compagnies aériennes et, potentiellement, par des risques pour la sécurité des vols.

Ces travaux doivent être réalisés, ne serait-ce que pour améliorer les conditions d'accueil des passagers. C'est le sens de la première recommandation de mon rapport.

Deuxièmement, il me semble indispensable de lancer au plus vite la nouvelle procédure d'appel d'offres, en tirant, bien évidemment, les leçons du passé.

Selon les annonces du Gouvernement, l'appel d'offres doit être relancé avant la fin du mois. Si je me réjouis de ce volontarisme, un élément m'inquiète : l'administration a lancé à l'automne plusieurs appels d'offres d'accords-cadres à destination de cabinets privés pour l'accompagner sur ce dossier, pour un montant maximal de 12 millions d'euros. Je regrette que cette information, dont j'ai eu vent par la presse, ne m'ait pas été transmise par les services centraux lorsque je les ai entendus.

Quoi qu'il en soit, ce recours extensif aux cabinets privés me semble la réactivation d'un mauvais « réflexe pavlovien » : comme l'avait fustigé le rapport de la commission d'enquête sénatoriale de 2022, l'État a pris l'habitude, sur les dossiers sensibles, de solliciter de l'aide à l'extérieur des administrations auprès de cabinets privés, plutôt que de s'appuyer sur des compétences en interne. Cette pratique, sauf à juger que les compétences recherchées n'existent plus, est choquante. En outre, le recours accru aux cabinets privés ne favorise pas la confiance des administrés. Je vous soumettrai donc une recommandation visant à limiter au strict nécessaire le recours à ces cabinets sur le dossier de la modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique et à assurer la transparence de ces prestations dans un souci d'exemplarité.

Dans le prolongement de cette idée, un changement de méthode de la part du Gouvernement me semble indispensable, au profit de davantage de concertation. Clément Beaune semble aller dans cette direction, ce dont je me réjouis.

J'irai plus loin en disant qu'une véritable « co-construction » avec les acteurs du territoire m'apparaît nécessaire. Je vous proposerai de suivre cet objectif à travers trois recommandations : conduire des réunions de concertation régulières tout au long de la procédure d'appel d'offres, soumettre le projet de cahier des charges pour consultation aux élus locaux et, bien sûr, assurer la publicité de ce document.

C'est d'ailleurs le voeu formulé par les maires des communes de la métropole de Nantes, qui appellent à une nouvelle approche selon trois mots d'ordre : « transparence, clarté, confiance ».

Ce travail de concertation avec le territoire nantais doit se poursuivre pendant la période d'exploitation de l'aéroport. À cet égard, une communauté aéroportuaire pourrait utilement être créée à Nantes pour associer tous les acteurs locaux à sa gouvernance. Je vous soumettrai une proposition en ce sens.

Le deuxième axe de propositions invite à mieux maîtriser l'impact environnemental de l'activité de l'aéroport de Nantes.

Le prochain cahier des charges se devra d'être exemplaire d'un point de vue environnemental. L'aéroport est situé à proximité immédiate du lac de Grand-Lieu, plus grand lac de plaine d'Europe, au sein duquel a été créée une réserve naturelle nationale. Je me suis rendu sur place et je peux vous confirmer le caractère exceptionnel de ce patrimoine naturel, dont il importe d'assurer la protection. Je vous soumettrai plusieurs propositions allant dans ce sens.

Enfin, le troisième axe de propositions invite à faire de la santé des populations riveraines une priorité.

Plusieurs mesures concrètes pourraient être prises.

Tout d'abord, je vous propose de prévoir un renforcement pragmatique du couvre-feu : sans en étendre l'amplitude horaire, je propose d'interdire les atterrissages avant sept heures du matin et les décollages après vingt-et-une heures, afin de réduire au maximum l'impact du bruit sur la santé des populations. Une telle proposition me semble équilibrée, car elle permettrait d'abaisser les nuisances sonores sans porter atteinte aux conditions d'exercice des compagnies aériennes basées à Nantes.

Le renouvellement des flottes d'aéronefs utilisées à Nantes Atlantique doit aussi être encouragé.

À ce jour, le droit européen empêche de réserver l'usage d'une plateforme aux aéronefs les plus vertueux. La directive en vigueur, qui n'a pas été mise à jour depuis 2008, permet seulement l'interdiction de l'usage d'aéronefs qui ne sont, dans les faits, plus utilisés à Nantes de nos jours. Certains aéroports urbains énumérés en annexe de la directive peuvent certes interdire de plus larges catégories d'aéronefs bruyants, mais Nantes Atlantique n'a pas été inclus dans cette liste.

En attendant une révision de cette directive, que j'appelle de mes voeux, je vous propose un recours plus large aux redevances aéroportuaires pour inciter les compagnies aériennes à utiliser des avions de dernière génération à Nantes Atlantique. Une modulation de ces redevances, avec un malus en défaveur des avions les plus bruyants et un bonus en faveur des plus performants acoustiquement, pourrait être mise en place. Ce barème aurait vocation à être rendu progressivement plus exigeant afin d'inciter les compagnies aériennes à s'engager dans une trajectoire de renouvellement des flottes d'aéronefs.

Le groupe Air France a d'ailleurs déployé une stratégie ambitieuse en ce sens à Nantes Atlantique ; il serait essentiel que les autres compagnies lui emboîtent le pas.

Enfin, je vous soumettrai plusieurs propositions pour renforcer les aides destinées aux riverains. Nombreux sont ceux qui renoncent aujourd'hui à effectuer des travaux d'insonorisation en raison d'un reste à charge trop élevé. Je vous proposerai, notamment, de rehausser le plafond de ces aides afin d'éviter ce phénomène d'éviction.

Ensuite, je vous proposerai d'élargir le droit de délaissement créé à la suite de l'abandon de Notre-Dame-des-Landes pour permettre à certains riverains particulièrement touchés par les nuisances sonores de revendre leur logement à l'État. Pour l'instant, cette possibilité n'est ouverte qu'à ceux qui ont acheté leur logement entre décembre 2010, date d'approbation du contrat de concession de Notre-Dame-des-Landes, et janvier 2018, date de l'abandon du projet. Une ouverture de ce droit aux habitants ayant acheté leur logement avant 2010 me semble souhaitable. Le coût de cet élargissement serait raisonnable, puisqu'une quarantaine de logements supplémentaires seulement serait concernée.

Pour terminer, à l'heure où je vous parle, les avions qui atterrissent à Nantes Atlantique utilisent une procédure de navigation dérogatoire, afin d'éviter de survoler directement le centre-ville de Nantes. Or, cette procédure pose de réels problèmes de sécurité et n'est pas tenable à long terme. Le Gouvernement envisage de mettre en place un système d'aide à l'atterrissage dans le cadre d'une double approche, qui consisterait à survoler le centre de Nantes par mauvais temps, de manière plus sûre, et à le contourner comme c'est la pratique actuelle par beau temps. Cette solution conduirait toutefois à exposer des dizaines de milliers de personnes supplémentaires aux nuisances sonores des aéronefs. Le Gouvernement a donc déclaré un moratoire sur cette option jusqu'en 2027, afin de conduire une étude d'impact préalable.

En 2027, le survol de Nantes sera donc inévitable, sauf si l'administration déploie une solution technologique permettant des trajectoires d'atterrissage courbes et sûres, indépendamment des conditions météorologiques : il s'agit de l'approche satellitaire dite « RNP AR », déjà utilisée dans certains aéroports, comme à Ajaccio. La mise en place de cette procédure nécessitera un temps d'adaptation et des investissements des compagnies aériennes. Je vous soumettrai une proposition tendant à mettre en place cette procédure « RNP AR » de manière obligatoire à compter de 2027 à Nantes Atlantique ; entre temps, son usage sera bien entendu à encourager.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, les difficultés qui se posent actuellement à Nantes Atlantique ne datent pas d'hier : elles prennent leur source dans une succession de décisions, parfois hasardeuses, qui n'ont permis d'apporter que des solutions partielles et souvent pas à la hauteur des problèmes rencontrés. Il est urgent d'agir. Les mesures que je vous propose se veulent à la fois pragmatiques et ambitieuses. Elles visent à fixer un cap clair au Gouvernement : prendre le dossier de la modernisation de Nantes Atlantique à bras le corps et assurer, par des mesures concrètes, une intégration durable de cet aéroport dans son environnement et dans son territoire.

Si vous l'adoptez, je transmettrai un exemplaire du rapport d'information au ministre chargé des transports en guise de cadeau de Noël. Il m'a déjà offert le mien : l'avis de concession a été publié en fin de semaine dernière.

Je vous remercie de votre attention ; ce sujet est important pour le Grand Ouest et pour la France entière.

M. Stéphane Demilly. - Vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, par une décision unilatérale de l'État survenue voilà près de six ans, le projet de modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique s'est substitué au projet de construction de Notre-Dame-des-Landes. À ce jour, les travaux n'ont pas débuté, la situation est à l'arrêt, alors que cette modernisation est absolument essentielle, notamment au regard des nuisances sonores subies par les riverains.

Ce soir, nous examinerons en séance publique un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne, dont l'article 20 vise à déroger au principe de modération tarifaire lors du changement d'exploitation d'un aéroport concédé. Or, ce principe constitue une des seules barrières existantes dans le contexte monopolistique aéroportuaire.

Dans le cas précis de l'aéroport de Nantes, les compagnies aériennes ont déjà payé et continuent de le faire pour une modernisation qui n'a jamais été mise en oeuvre. Elles financent le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes depuis 2011, malgré son abandon en 2018. Le contrat de concession prévoit en plus des évolutions tarifaires annuelles réglementées des redevances, une majoration systématique de 2 % de leur montant. Ces augmentations que les compagnies ont subies année après année ont permis de constituer un fonds de réserve, évalué selon certains professionnels à 121 millions d'euros à la fin de 2017. Confirmez-vous le montant de cette cagnotte, Monsieur le rapporteur ? Celle-ci permettra-t-elle enfin le financement d'une remise à niveau et d'un développement des infrastructures aéroportuaires nantaises ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'application de l'article 20 précédemment mentionné sera encadrée par l'Autorité de régulation des transports (ART) ; c'est à mon sens une garantie suffisante pour éviter tout excès.

Par ailleurs, il existe effectivement un fonds d'un montant légèrement supérieur à 100 millions d'euros versés par les compagnies aériennes en vue de préfinancer le projet de Notre-Dame-des-Landes. Ces sommes pourraient permettre de prendre en charge les travaux urgents évoqués dans le cadre de mon premier axe de recommandations. J'ajoute que le concessionnaire est aujourd'hui en conflit juridique avec l'État, à la fois pour l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes - pour lequel il réclame 1,5 milliard d'euros - et au sujet de l'utilisation de ce fonds.

M. Ronan Dantec. - Je salue la grande qualité du rapport de Didier Mandelli, qui comporte de nombreuses propositions très pertinentes. Nous le voterons.

Je tiens à souligner plusieurs points remarquables.

D'abord, nous avons un problème national avec la DGAC. Pour reprendre l'expression utilisée, cette structure se comporte comme un « État dans l'État », refusant de donner ses informations aux élus locaux et aux parlementaires. Au demeurant, je le dis sans changer ma position de fond sur ce dossier, elle a de toute évidence une responsabilité dans l'échec du projet de Notre-Dame-des-Landes, qu'elle a largement contribué à fragiliser. Quatre ans après ce scandale, absolument rien ne semble avoir changé ! Nous devons donc, en tant que parlementaires, mettre l'État devant sa responsabilité, qui est de casser cet « État dans l'État », et je remercie Didier Mandelli pour la clarté de ses constats sur ce sujet.

Ensuite, je rejoins pratiquement toutes les propositions en matière de lutte contre les nuisances. Je soutiens en particulier la mesure très ambitieuse concernant les vols de nuit et les décollages matinaux, qui posent des problèmes particulièrement aigus. Malgré la diminution du nombre de vols depuis 2019, certes déconnectée de la hausse du nombre de passagers, c'est bien l'acceptabilité de l'aéroport qui suscite les plus grandes difficultés : il faut donc réduire les vols de nuit et réagir fermement au fait que les compagnies à bas coûts se permettent à Nantes des pratiques qu'elles ne se permettent pas ailleurs.

S'agissant du dialogue avec les élus locaux, la création d'une communauté aéroportuaire serait tout à fait positive. Un aéroport aussi inséré dans le tissu urbain et soumis à autant de contraintes ne peut être qu'un aéroport partagé ! Il ne peut pas être géré sans le territoire et les collectivités territoriales.

Enfin, les nouveaux systèmes d'atterrissage et d'approche devront être mis en place en 2027. Il ne faut pas attendre cette échéance pour engager les investissements.

Pour aller plus loin, je soulignerai le caractère central de la contrainte urbanistique dans ce dossier. Si le déplacement de l'aéroport a été envisagé à un moment donné, c'est pour ne pas bloquer le développement économique de la métropole de Nantes, et notamment de l'île de Nantes, du fait de l'application d'un plan d'exposition au bruit (PEB). Il faut aller au bout de cette logique, en ajoutant dans l'appel d'offres un PEB à respecter : du fait de la saturation de l'aéroport, cela amènera à faire le choix de liaisons aériennes pertinentes pour le territoire. À cet égard, se pose aussi la question du dialogue avec les autres plateformes aéroportuaires de l'Ouest, notamment l'aéroport de Brest. C'est à cette échelle que doit être envisagée la gestion de l'offre aéroportuaire car il y aura, à un moment ou à un autre, un problème de saturation. Cela serait un moyen de renforcer la coopération entre les territoires.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'échéance du plan d'exposition au bruit est fixée à 2025 ; il sera donc possible, dans le cadre du nouvel appel d'offres, de retravailler sur ce plan.

Je veux souligner un point sur la question des nuisances sonores. On peut relever certains plafonds d'aide à l'insonorisation, mais n'oublions pas que les travaux d'isolation phonique ont une utilité pour les intérieurs, toutes fenêtres et portes fermées, mais absolument pas pour les extérieurs !

S'agissant de la DGAC, je peux expliquer en toute transparence les difficultés rencontrées pour récupérer certains documents. Les services de l'État ont refusé de nous transmettre le contenu de l'appel d'offres qui avait été abandonné. Le jour où nous examinions en séance les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », alors que l'administration m'avait à nouveau fait part de son refus, j'ai eu un échange avec Clément Beaune, présent dans l'hémicycle, lui expliquant que j'envisageais de demander au président du Sénat de confier à la commission les prérogatives d'une commission d'enquête. Le soir même, j'avais confirmation de sa part que nous aurions l'ensemble des documents, et nous les avons effectivement reçus dès le lendemain midi. Je salue donc la volonté de transparence du ministre, mais le blocage était tel qu'il a fallu recourir à ces moyens de pression pour avoir les documents.

Cela en dit long sur la situation vécue par les élus locaux et les riverains depuis de nombreuses années. Songez que l'appel d'offres abandonné, lancé en 2019, devait permettre de choisir rapidement un concessionnaire et d'engager sans délai les travaux ; nous sommes déjà quatre ans après et, compte tenu de l'ensemble des processus administratifs, les premiers travaux sont difficilement envisageables avant 2027. Comment les élus locaux peuvent-ils avoir confiance en l'État dans ces conditions ? Le ministre actuel a pris le dossier à bras le corps. Cependant, un an avant l'annulation de l'appel d'offres, on savait au sein de la DGAC qu'il allait probablement être abandonné. Il y a eu un an de perdu pendant lequel le candidat a répondu à plus de six cent questions, ce qui a mobilisé du temps et des ressources, de son côté et de celui de l'administration.

Ce dossier souffre donc de beaucoup d'atermoiements et d'un manque de transparence. Le travail que nous avons mené apporte quelques éclaircissements, même si des zones d'ombre demeurent, comme, par exemple, sur la question de l'allongement de la piste.

M. Hervé Gillé. - Merci au rapporteur pour cet exposé. Certes, nous avons manqué de temps pour analyser en profondeur toutes les propositions, mais celles-ci semblent aller dans le bon sens. On pourrait d'ailleurs mettre en perspective certaines d'entre elles : il existe d'autres aéroports enclavés en milieu urbain, comme celui de Bordeaux Mérignac, par exemple, qui est confronté à des problématiques similaires. Il pourrait être intéressant de partager un certain nombre de méthodes et de principes d'accompagnement pour l'ensemble de ces aéroports enclavés. Il serait possible de poursuivre cette réflexion concernant l'aéroport de Nantes Atlantique à l'échelle nationale. Les problèmes posés par le manque d'information des parties prenantes sont préoccupants.

Une fois encore, nous soulignons l'intérêt du travail réalisé et voterons le rapport.

M. Jean-François Longeot, président. - Je félicite à mon tour le rapporteur pour le travail qu'il a réalisé, dans un délai relativement court, sur ce dossier complexe.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.

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