2. Coût et financement du service universel

En fait, la définition du service universel n'est plus aujourd'hui le problème essentiel dans l'élaboration du cadre réglementaire des télécommunications. La question la plus importante est celle du calcul du coût et du financement du service universel. Or, à cet égard, les textes présentés par la Commission européenne présentent un certain nombre de risques non négligeables.

En effet, la Commission semble avoir une vision très restrictive du calcul du coût des obligations de service universel. Dans le sixième considérant de la proposition de directive relative à l'interconnexion, elle indique que « le calcul du coût net du service universel doit tenir dûment compte des dépenses et des recettes, ainsi que des externalités économiques et des profits immatériels découlant de la fourniture du service universel, mais ne devrait pas inclure d'éléments découlant d'anciens déséquilibres tarifaires, afin de ne pas gêner l'actuel processus de rééquilibrage des tarifs » . Une telle méthode de calcul tend à ignorer les investissements qui ont été effectués pour la construction du réseau.

Parallèlement, dans le projet de directive relatif à l'ouverture complète du marché des télécommunications, la Commission invite les États à poursuivre la politique de rééquilibrage des tarifs en fonction des coûts et semble attendre un rééquilibrage complet avant 1998. Elle indique notamment que « les États membres devront supprimer toutes les restrictions injustifiées au rééquilibrage des tarifs de la part des organismes de télécommunications, et en particulier celles empêchant l'adaptation des tarifs qui ne sont pas liés aux coûts et qui accroissent la charge de la fourniture du service universel ».

En 1994, pour se préparer à la libéralisation complète des services de télécommunications, France Telecom a entrepris une réforme ambitieuse. La tarification est désormais fondée sur des zones tarifaires glissantes, les zones locales élargies, qui se sont substituées aux anciennes circonscriptions tarifaires. La taille des zones locales élargies est variable, mais toutes comprennent plus de 150.000 abonnés. Par ailleurs, la cadence de l'impulsion téléphonique pour une communication locale est passée de 6 à 3 minutes aux heures de plein tarif et celle des communications nationales de 17 à 19 secondes. Enfin, le tarif de l'abonnement a également été modifié puisqu'un tarif unique, fixé à 45 francs, a remplacé les trois tarifs antérieurs (39, 33 et 28 francs).

Cette réforme a permis à France Telecom de rapprocher ses tarifs des coûts réels. Cette politique doit naturellement être poursuivie. Cependant, les exigences posées par le projet de directive pourraient conduire à un rajustement très brutal pour les consommateurs. Il faut savoir qu'une partie importante des coûts fixes du réseau local n'est pas prise en charge par l'abonnement à France Telecom. Actuellement, le niveau de l'abonnement de France Telecom est un des plus bas d'Europe ; ainsi l'abonnement allemand s'élève à 83 francs par mois et l'abonnement anglais à 66 francs. L'équilibre financier de l'opérateur est assuré par des transferts financiers massifs en provenance notamment des communications interurbaines. Dans un environnement libéralisé, la nécessité de financer les coûts fixes du réseau conduira nécessairement à de nouveaux rééquilibrages tarifaires. Il convient que ces réajustements soient progressifs. En outre, il ne paraît pas injuste que les opérateurs qui utiliseront le réseau local contribuent eux aussi à la prise en charge des coûts fixes.

L'affirmation du principe de l'existence d'un service universel ne suffit pas à en faire une réalité. Un rééquilibrage brutal des tarifs ne pourrait se faire qu'au détriment des populations les plus défavorisées, ce qui ne peut être accepté. La politique de rapprochement des tarifs et des coûts doit naturellement être progressive.

Par ailleurs, dans son projet de directive sur l'ouverture complète à la concurrence des télécommunications, la Commission, dont on sait l'importance qu'elle attache à la libre concurrence, tient, à propos du financement du service universel, un raisonnement qui ne peut être suivi, Elle estime en effet, et on ne peut que l'approuver, que la méthode de répartition du financement du service universel entre opérateurs doit être fondée sur des critères objectifs et non discriminatoires. Mais elle ajoute de manière surprenante que conformément au principe de proportionnalité « il pourrait êtr e justifié d'exempter les nouveaux entrants dont la présence dans le marché n'est pas encore significative » .

Il paraît difficilement acceptable que de nouveaux opérateurs puissent concurrencer les opérateurs existants sans assumer les frais afférents au service universel, jusqu'à ce que leur part du marché soit « significative », notion qui mériterait par ailleurs de plus amples précisions.

On voit donc qu'il convient d'être très vigilant. Il ne s'agit pas de défendre un monopole mais des missions fondamentales pour l'irrigation complète de notre territoire par les services de télécommunications, missions qui ont un coût et qui doivent être financées par l'ensemble des acteurs présents sur le marché.

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