C. OUVERTURE DU PUBLIPOSTAGE ET DU COURRIER TRANSFRONTALIER : AU PRIX DU SERVICE PUBLIC ?

Comme on l'a vu, la proposition de directive envisage que le publipostage et le courrier transfrontalier entrant puissent être réservés jusqu'à l'an 2000 et que la Commission puisse décider seule, dès 1998, de leur libéralisation éventuelle après cette date. Il ressort clairement de l'ensemble des documents publiés par la Commission européenne (Livre vert, lignés directrices, proposition de directive) que celle-ci souhaite la libéralisation de ces services, dont elle attend une amélioration du service rendu aux consommateurs. Pourtant, l'ouverture de ces secteurs à la concurrence pose des problèmes très sérieux qu'il convient d'examiner.

1. Le publipostage

Le publipostage peut être défini comme un objet de correspondance constitué du même message envoyé à un nombre significatif d'adresses à des fins publicitaires ou de marketing.

Comme le note la Commission européenne, ce marché est en forte croissance et représente en moyenne dans la Communauté 17 % du volume et 12 % des recettes des postes pour le service des lettres. Il s'agit naturellement d'un secteur intéressant particulièrement les entreprises qui utilisent beaucoup ce service, à destination le plus souvent des particuliers. Pour l'instant, ce secteur demeure peu développé en Europe. On compte actuellement 51 envois annuels par habitant dans l'Union européenne, contre 270 aux États-Unis.

La libéralisation de ce marché pose plusieurs problèmes. D'une part, il est impératif de préserver l'équilibre financier de l'opérateur chargé du service universel ; or, le publipostage fait partie des services qui permettent aux opérateurs postaux d'assurer cet équilibre. Surtout, le publipostage est aujourd'hui de plus en plus personnalisé et accompagne souvent des messages personnels tels que l'envoi d'un relevé de compte. En pratique, si l'on ouvre à la concurrence le publipostage, il sera impossible de faire la différence entre les messages personnalisés et les autres. De sorte que les opérateurs postaux perdraient non seulement des parts de marché sur le publipostage proprement dit, mais risqueraient également de perdre la clientèle des grandes entreprises ou des banques.

À cet égard, on doit regretter le peu d'importance qu'accorde la Commission européenne à ces difficultés pourtant graves. Elle indique ainsi à l'article 10 de la proposition de directive que « les États membres peuvent prévoir un système d'identification du publipostage permettant son contrôle lorsque celui-ci sera libéralisé » . Une telle affirmation ne donne guère d'indications sur la méthode permettant une telle identification.

Dans ces conditions, la libéralisation du publipostage apparaît porteuse de risques graves pour l'avenir du service universel. Toute réflexion à ce sujet ne pourrait intervenir que s'il était établi qu'une telle ouverture ne remettait pas en cause l'équilibre du prestataire du service universel et si des moyens fiables d'identification du publipostage étaient prévus.

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