CHAPITRE I L'ÉCONOMIE INDIENNE AVANT 1991 « LE TAUX DE CROISSANCE INDIEN »

Les perspectives économiques qui s'ouvrent à l'Inde au moment où elle accède à l'indépendance sont moroses. Une longue suite de famines a marqué la première moitié du XXe siècle : la plus terrible, celle qu'a connu le Bengale en 1943, est encore dans les esprits. Les trois-quarts des 352 millions d'habitants que compte l'Inde vivent dans une pauvreté absolue. L'espérance de vie à la naissance est de 32 ans.

L'Inde hérite, il est vrai, d'une industrie dont le potentiel est loin d'être négligeable, mais qui, édifié par quelques grandes familles, est centré sur le textile : 50 % des salaires versés en 1946 le sont par l'industrie cotonnière, 15 % par celle du jute.

Nehru et son entourage, frappés par la crise sans précédent qui ébranle les économies capitalistes dans les années 1930 et impressionnés par les réalisations du système soviétique, choisissent la voie d'un « socialisme autocentré » pour sortir l'Inde de son sous-développement. Cette orientation ne changera pas, mais les priorités sectorielles de la politique économique s'adapteront aux défis à relever.

I. ÉTATISME ET PROTECTIONNISME.

L'aspiration à l'indépendance, qui a marqué l'action politique de la génération qui se reconnaît en Gandhi et en Nehru, façonne aussi sa pensée et son action en matière économique. D'où le rôle primordial assigné à l'État qui est charge d'inscrire l'autonomie dans les structures de l'économie indienne Les pouvoirs publics mettront en oeuvre, à cet effet, trois instruments :

- la planification, qui oriente et rythme le développement de toute l'économie ; Nehru assume lui-même la présidence de la Commission du Plan :

- l'extension du secteur public, auquel on reconnaît un rôle d'impulsion majeure et dont les effectifs doublent entre 1961 et 1981 (date à laquelle il emploie deux fois plus de salariés que le secteur privé). Une liste des industries est dressée où toute intervention nouvelle est réservée à l'État Une deuxième liste établit des « secteurs prioritaires » où les entreprises peuvent intervenir parallèlement aux pouvoirs publics : industrie pharmaceutique, transports, aluminium, machine-outil, etc. Les entreprises en difficulté sont peu à peu reprises par les pouvoirs publics. En 1969 Indhira Gandhi nationalise les 14 plus grandes banques ;

- le contrôle du secteur privé complète ce dispositif ; l'économie indienne reste en effet caractérisée par l'existence d'empires industriels familiaux, dont la production est souvent intégrée verticalement et très diversifiée. La fermeture des frontières favorise leur croissance, ainsi que le développement d'un tissu d'entreprises moyennes, qui travaillent en liaison avec une myriade de micro-entreprises du « secteur informel ». Cet appareil de production est enserré dans un carcan d'autorisations préalables, qui s'appliquent à la quasi-totalité de la gestion des entreprises : création d'emplois et de nouvelles unités industrielles, emprunts, importations et exportations, etc.

L'objectif poursuivi est d'atteindre à l'autonomie sinon à l'autarcie. Aussi l'État limite-t-il rigoureusement l'entrée de capitaux : les investisseurs étrangers ne sont pas autorisés à détenir plus de 40 % des sociétés indiennes auxquelles ils s'associent et leur rôle restera négligeable jusqu'à la réforme de 1991. Ceci n'empêche pas l'Inde de dépendre dans une large mesure, au cours de ces années, de l'aide étrangère. Celle-ci émane des États-Unis (à concurrence de 70 % dans les premières années et de 50 % par la suite) et prend, pour l'essentiel, la forme d'une aide alimentaire dont l'Inde est incapable de se passer. La Banque Mondiale est, aux côtés de l'Amérique, un des principaux bailleurs de fonds. Quant à l'URSS, dont l'aide, inexistante à l'indépendance, s'accroît peu à peu pour atteindre 12 %, elle joue un rôle symbolique et politique très important.

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