IV. LES ANTAGONISMES RÉLIGIEUX

L'Inde est un pays profondément religieux.

La Constitution a certes affirmé la laïcité de la République de l'Union Indienne. Dans le respect de l'héritage spirituel de Gandhi et de Nehru, soucieux de permettre à tous les cultes de coexister, les rites religieux n'en rythment pas moins les actions, comme la vie spirituelle des Indiens. Ceux-ci ont à peu près tous une appartenance religieuse.

L'image de violence qui se dégage de la vie politique indienne est associée aux affrontements qui opposent sporadiquement les grandes communautés religieuses.

La coexistence est particulièrement difficile entre l'Hindouisme, religion dominante dans laquelle se reconnaissent 82,6 % d'Indiens, et la forte minorité musulmane (11,4 % de la population).

Les difficultés d'intégration de cette minorité sont aggravées par le traumatisme qu'a causé la partition entre l'Inde et la République islamique du Pakistan au moment de l'Indépendance.

En septembre 1947, au lendemain de cette partition, 5 millions de réfugiés se jetèrent sur les routes pour rejoindre, du bon côté de la frontière, la majorité de leurs coreligionnaires. Dans le Penjab 500.000 d'entre eux qui n'avaient pas eu la chance d'arriver à destination furent tués dans un massacre mutuel de Sikhs, d'Hindous et de Musulmans.

D'autres explosions à caractère religieux ou ethnique se sont produites depuis lors.

Des guérillas ont éclaté au cours des deux dernières décennies au Penjab entre Sikhs et Hindous et au Cachemire entre Hindous et Musulmans, sans parler des rebellions tribales dans le nord-est de l'Inde.

Deux événements plus saillants qui sont dans toutes les mémoires ont aussi été potentiellement les plus dangereux.

Le premier a opposé les Sikhs et les Hindous. Ce fut, en octobre 1984, l'assassinat d'Indira Gandhi par deux de ses gardes du corps Sikhs, après le drame du Temple d'Or d'Amritsar, haut lieu du Sikhisme, auquel l'armée avait donné l'assaut sur son ordre, faisant 2.000 à 3.000 morts.

Choc en retour, son assassinat déclencha des pogromes perpétrés par les Hindous contre les Sikhs à Delhi et dans les grandes villes du nord.

Le second drame a mis aux prises les Hindous et les musulmans. L'enjeu en était la Mosquée désaffectée d'Ayodhya qui aurait été construite sur l'emplacement d'un temple Hindou dans l'Uttar Pradesh. Après une campagne d'agitation savamment orchestrée entre 1985 et 1992 réclamant la démolition de la Mosquée, des groupes extrémistes hindous sont parvenus à leur fins, le 6 décembre 1992, en présence de forces de police qui se sont gardées d'intervenir. Les émeutes qui ont suivi ont fait plus de 1.400 morts et entraîné le départ de 60.000 personnes, en particulier à Bombay, à Bangalore et à Mysore. L'événement a eu de profondes répercussions dans les pays musulmans, à commencer par le Pakistan et le Bangladesh, où des centaines de temples Hindous furent détruits.

Il n'en demeure pas moins que ces accès de violence sont maîtrisés les uns après les autres, témoignant de la capacité de l'Inde à surmonter ses antagonismes.

Certes, les retombées politiques de ces affrontements n'ont pas disparu. La montée du fondamentalisme hindou, les aspirations séparatistes des Sikhs, les réactions de la communauté musulmane influent sur la stratégie des partis politiques.

Pour le parti du Congrès, qui a fait de la laïcité, depuis Gandhi et Nehru, une des pierres angulaires de sa doctrine et de la République indienne, la nécessité de prendre en compte le fait religieux dans toute sa complexité a représenté un important défi. Manifestant son refus de la dérive, le Premier ministre démissionnaire M. Rao, dans son discours de commémoration de l'Indépendance du 15 août 1993, déclarait « la transformation de la religion en communalisme, par l'alchimie de la politique doit être rejetée ».

Reste que le Bharatiya Janata Party (BJP), qui se réclame explicitement du nationalisme hindou, a vu son audience s'élargir tout au long des années 80.

Son implantation est forte dans les États du nord et du centre où les Hindous sont fortement majoritaires. Défendant les valeurs de la classe moyenne, et notamment des petits commerçants, il ne soutient la réforme économique que pour autant qu'elle assure la dérégulation des mécanismes internes de l'économie. Il est, en revanche, hostile aux investissements étrangers susceptibles de mettre en difficulté les entreprises indiennes, notamment dans le secteur des biens de consommation durable où l'apport de la technologie étrangère est faible et l'impact culturel fort.

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