SECTION IV : LES PERSONNALITÉS DES PAYS ASSOCIÉS ET EXTÉRIEURS À L'UEO

1) Les deux chefs d'État qui ont pris la parole devant l'Assemblée de l'UEO étaient M. GLIGOROV, Président de l'ancienne République yougoslave de Macédoine (le 20juin 1995) et M. BRAZAUSKAS, Président de la République de Lituanie (le 22 juin 1995), pays bénéficiant du statut d'associé partenaire à l'UEO Tous deux ont plaidé pour un ancrage plus rapide de leur pays à toutes les institutions européennes, principalement dans le domaine de la sécurité, en faisant valoir le contexte particulier qui prévalait dans leur région.

M GLIGOROV a mis l'accent sur la tragédie que la guerre en ex-Yougoslavie faisait peser sur la région des Balkans. Il a rappelé les principes de la politique extérieure de son pays : "le renforcement de la paix et de la stabilité dans les Balkans doit s'enraciner dans une nouvelle réalité politique".

M. GLIGOROV a affirmé : "Les six anciens États membres de la Fédération jouissent tous de la continuité juridique et sont les successeurs de l'ancienne République socialiste fédérative de Yougoslavie. Il n'est plus possible de procéder à des expériences en imposant par la force de nouvelles entités dans la région ; au contraire, la seule solution réside dans le soutien à l'indépendance de ces pays et dans leur rapide intégration aux structures économiques, politiques et militaires de l'Europe. C'est seulement ainsi que les Balkans, poudrière de l'Europe, ne seront plus une simple zone géographique mais deviendront une région européenne stable et sûre. "

Le Président lituanien, M. BRAZAUSKAS, a affirmé que l'accord européen qui venait d'être signé à Luxembourg par la Lituanie et les autres États baltes "crée une situation géopolitique nouvelle en Europe." Ayant rappelé que son pays ne peut assumer à lui tout seul sa sécurité, il a déclaré : "Ayant exprimé son désir de devenir membre de l'OTAN et de l'UEO, la Lituanie s'efforce de participer à des entreprises européennes communes visant à garantir la paix et la sécurité dans la région et en Europe. Nous sommes convaincus qu'un élargissement mûrement réfléchi de l'UEO, de l'OTAN et de l'Union européenne ne créera pas de nouvelles lignes de division en Europe Bien au contraire, il éliminera des zones d'incertitudes et des divisions qui subsistent encore depuis la guerre froide."

S'agissant du rôle de la Russie, M. BRAZAUSKAS a souligné que "le fait que les rapports entre la Lituanie et la Russie ne soulèvent aucun problème grave en ce qui concerne notamment les minorités ethniques et les frontières nationales constitue en soi une réussite notable pour les deux pays

Un accord de sécurité spécial entre les États occidentaux et la Russie, longuement débattu, est l'un des moyens d'éviter l'isolement de la Russie dans une situation où l'OTAN s'élargit. Le partenariat stratégique entre l'OTAN et la Russie devrait être renforcé par un partenariat économique entre l'Union européenne et la Russie."

2° Deux chefs de gouvernement ont également pris la parole au cours des sessions de 1995 : Mme CILLER, Premier ministre de Turquie, pays bénéficiant du statut de membre associé de l'UEO (le 20 juin 1995) et M. HORN, Premier ministre de Hongrie, pays associé partenaire (le 5 décembre 1995).

Mme CILLER a défendu la politique conduite par son gouvernement dans le domaine de la démocratie, des droits de l'homme et à l'égard du mouvement kurde "La Turquie a instaure une démocratie forte et vivante, dotée d'institutions démocratiques puissantes" a-t-elle affirmé. En ce qui concerne les problèmes avec la Grèce qui "portent essentiellement sur le statu quo en Mer Égée", Mme CILLER a indiqué que le gouvernement turc soutenait "le subtil équilibre des droits et des intérêts instauré entre ces deux pays par le Traité de Lausanne. Rappelant les efforts accomplis par la Turquie pour la stabilité et la sécurité de l'Europe, le Premier ministre a souligné le vide de sécurité provoqué dans toute la région par l'effondrement de l'Union soviétique

"L'intégration de la Turquie à l'Europe constituera une étape considérable pour la paix mondiale Mais un refus de laisser entrer dans le nouveau club européen la seule démocratie musulmane laïque du monde constituerait un message négatif pour le monde musulman tout entier et serait un signal négatif pour ceux qui sont engagés dans la lutte entre la laïcité et l'intégrisme, entre la modération et l'extrémisme." a déclaré Mme CILLER

Dans le débat qui a suivi cette intervention, M Jean VALLEIX, député (RPR) Président de la délégation française, a demandé à Mme CILLER comment la Turquie entendait contribuer à la stabilité dans la partie du continent composée de ses partenaires et voisins que sont les républiques islamiques de l'ex-URSS Mme CILLER a répondu en ces termes "M VALLEIX a posé une bonne question et le point est d'importance II est capital que nous reconnaissions que l'ancienne Union soviétique s'est effondrée et que les nouveaux pays en développement qui ont conquis leur indépendance sont actuellement en quête d'un modèle Nous entretenons des liens étroits avec ces pays, qu'il s'agisse de l'Azerbaïdjan, du Kazakhstan, du Turkménistan ou de tout autre Les turcophones sont nombreux dans cette région du monde Ce sont aussi des musulmans et ils viennent d'accéder à l'indépendance.

La Turquie a fait un grand sacrifice, même pendant la crise économique Le fardeau économique de la guerre du Golfe a été considérable et la Turquie a dû réduire ses échanges commerciaux et le débit de ses pipelines Néanmoins, même au plus fort de la crise économique, nous avons consenti des crédits à nos voisins. Nous avons donné des produits alimentaires, en particulier du blé, sans discrimination à l'Azerbaïdjan, à l'Arménie et à tous les pays nouvellement indépendants Dans cette région du monde, aujourd'hui, tous sont en quête d'un modèle à suivre Or, ils ont le choix entre deux modèles

D'une part, le modèle démocratique et laïque de la Turquie et son économie de marché ouverte. Je tiens à souligner que l'ouverture de la Turquie n'est pas simplement politique, elle est aussi économique. Nous appliquions les règles de l'économie de marché bien avant que les pays d'Europe orientale ne le fassent. Nous sommes l'une des économies les plus libérales du monde en termes d'échanges commerciaux, de mouvements de capitaux, d'infrastructure, etc. Comme je l'ai dit, le choix se situe donc entre, d'une part, le modèle ouvert et laïque de la Turquie, qui n'est pas fondé sur les principes intégristes et d'autre part, le modèle intégriste de l'Iran La concurrence entre ces deux modèles est intense et décisive et se poursuit à l'heure où nous parlons II faut choisir

La Turquie est favorable à un partenariat avec l'Europe II existe de formidables possibilités d'avantages réciproques pour ces nouveaux pays, pour la Turquie et pour l'Europe. L'intégration de la Turquie à l'Europe nous donnera les moyens d'atteindre nos objectifs, dans le domaine économique comme dans celui de la paix, un enjeu capital pour les années à venir

Je voudrais faire une dernière remarque La décision que doivent prendre nos amis européens ne porte pas simplement sur la question de savoir si la Turquie sera ou non intégrée à l'Europe, elle concerne l'avenir même de l'Europe et de la paix dans la région, il s'agit de savoir si l'Europe aura pour voisin une région stable La Turquie est le seul pays stable, indépendant, toujours ouvert et toujours démocratique. C'est le seul pays à pouvoir fournir le modèle à suivre", a affirmé Mme CILLER

Dans son discours devant l'Assemblée de l'UEO, M. HORN, Premier ministre de Hongrie, a indiqué que la tâche de la construction européenne était compliquée par le fait que "l'Europe centrale et orientale constitue la seule région au monde qui ne possède aucune organisation locale ou régionale " Il convenait toutefois de noter la création récente de la CEFTA (association de libre échange en Europe centrale). La Hongrie veut adhérer aux différentes organisations européennes et atlantiques, notamment à l'Union européenne, à l'OTAN et à l'UEO, a affirmé M HORN, la question majeure demeurant la contribution que doit apporter la Hongrie afin de faciliter son adhésion à ces structures européennes Le Premier ministre hongrois a déclaré que son pays était "fermement décidé à atteindre dès 1998 le niveau actuel de l'Union européenne en ce qui concerne les principaux indices macro-économiques."

Par ailleurs, M HORN a déclaré "notre marché et les possibilités d'investissement et de placement que notre pays offre à l'Union constituent des sources de profit dont l'importance dépasse largement le montant de l'aide que l'Union devrait accorder aux nouveaux pays membres."

Quant à l'UEO, le Premier ministre estime qu'elle constitue un pont entre l'Union européenne et l'OTAN II souhaite "l'intensification et l'institutionnalisation, avec une certaine régularité, de la communication et des consultations entre l'Europe occidentale et les associés partenaires, dont la Hongrie, dans les domaines les plus variés."

En ce qui concerne les relations entre la Hongrie et l'OTAN, M HORN a estimé que le partenariat pour la paix "ne signifie pas forcément que nous disposons d'une garantie de sécurité "Ce sont les nouvelles démocraties, la Hongrie et les autres pays d'Europe centrale et orientale, qui ont d'abord manifesté leur volonté d'adhésion à l'OTAN, a rappelé M HORN

Après avoir évoqué les difficultés rencontrées dans les relations de la Hongrie avec la Slovaquie et la Roumanie, M HORN a conclu en soulignant l'importance des nouveaux défis qu'il convenait de relever : la possibilité d'une prolifération des armes nucléaires dans l'est européen, l'écart économique, l'inégalité technique, scientifique et sociale entre l'Est et l'Ouest, la criminalité internationale

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