Mission d'information effectuée en Israël et dans les Territoires palestiniens du 25 au 29 novembre 1996


MM. Bertrand DELANOË et Maurice LOMBARD, Sénateurs


Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées - Rapport 159 - 1996 / 1997

Table des matières






CARTES

Mesdames, Messieurs,

Le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens reste l'une des clefs de la sécurité et de la stabilité au Proche-Orient. Le blocage des négociations, la montée des tensions dont les événements de septembre 1996 ont été les révélateurs, risquaient de peser sur les relations entre Israël et ses voisins. La reconnaissance du fait israélien par une majorité d'Etats arabes, les promesses de développement économique à l'échelle d'une région : toutes ces évolutions liées au grand ébranlement consécutif aux négociations d'Oslo et au-delà, sans doute, aux nouveaux équilibres issus de l'après-guerre froide, sont, aujourd'hui, en jeu.

La signature d'un accord sur Hébron le 15 janvier 1997 manifeste la force de la logique de paix. Cependant de nombreuses incertitudes demeurent : conditions du redéploiement militaire, négociation sur le statut permanent. Le maintien du bouclage des territoires constitue en outre un ferment d'explosion sociale dans les territoires palestiniens.

L'Europe et la France, grande puissance méditerranéenne, ne peuvent rester indifférentes aux risques présentés par la situation actuelle.

D'une part, notre sécurité apparaît directement concernée par les menaces d'une déstabilisation en Méditerranée orientale qui, pour s'en tenir à ce seul exemple, ferait le jeu des mouvements intégristes dont les ramifications s'étendent bien au-delà du Proche-Orient.

D'autre part, et à supposer même que les risques puissent rester circonscrits à la région, trois facteurs décisifs justifient l'intérêt européen et français :

- la densité des relations humaines et économiques qui nous lient à Israël ;

- le soutien apporté par les Européens aux aspirations des Palestiniens et l'appui donné aujourd'hui à l'émergence d'institutions et d'une économie palestiniennes ;

- les intérêts diplomatiques traditionnels (le Liban, notamment pour la France).

La Conférence de Barcelone de 1995 a permis d'ailleurs de traduire ces préoccupations sous la forme du partenariat euro-méditerranéen. Elle n'a pas voulu séparer, et ce fut d'ailleurs là son originalité, les enjeux économiques de leur dimension politique. Nos partenaires ont souscrit à cette double approche. Les accords d'association déjà signés (avec la Tunisie, Israël, le Maroc) ou en passe de l'être en apportent d'ailleurs le témoignage.

La perspective de l'examen par le Parlement de l'accord euro-méditerranéen entre l'Union européenne et Israël donne encore plus d'acuité à l'intérêt que présente pour notre pays l'évolution préoccupante du processus de paix entre Israéliens et Palestiniens. Le souci d'informer la Haute Assemblée sur une situation complexe a ainsi guidé une délégation de votre commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées lors d'une mission en Israël et dans les territoires palestiniens du 25 au 29 novembre dernier.

A cette occasion, votre délégation a pu rencontrer, en Israël, le Président de la Knesset, M. Dan Tichon, l'ancien premier ministre et président du parti travailliste, M. Shimon Pérès, plusieurs ministres, des parlementaires représentant l'ensemble de l'éventail politique, et enfin des hauts fonctionnaires. Dans les territoires palestiniens, votre délégation a été reçue par M. Yasser Arafat, président de l'Autorité palestinienne, ainsi que par certains de ses ministres. Par ailleurs, des rencontres ont pu être ménagées avec des acteurs de la vie économique et des parlementaires.

M.Jean-Noël de Bouillane de Lacoste, ambassadeur de France à Tel Aviv, MM. Stanislas de Laboulaye, Consul général de France à Jerusalem et Christian Jouret, consul général adjoint ont apporté un soutien constant à la délégation et contribué de façon décisive au succès de cette mission. Qu'ils en soient ici très vivement remerciés.

Votre délégation se félicite également de l'initiative prise par l'Ambassade de France d'associer un diplomate allemand au déroulement de la partie israélienne de cette mission et souhaite que de telles expériences puissent être renouvelées pour concrétiser le souci de rapprocher les diplomaties européennes.

*

Afin de mieux évaluer les perspectives de paix, votre délégation, après avoir pris la mesure des acquis comme des risques qui pèsent aujourd'hui sur le processus lancé à Oslo, s'interrogera sur le rôle joué par l'évolution des situations intérieures en Israël comme dans les territoires palestiniens puis sur l'influence que peut exercer la communauté internationale et la France en particulier.

*

I. LE PROCESSUS DE PAIX : LA CONFIANCE ÉBRANLÉE

Bien que l'évolution du processus ouvert à Oslo continue de susciter aujourd'hui de profondes inquiétudes malgré l'accord sur Hébron signé en janvier 1997, il importe de prendre la mesure des progrès considérables accomplis depuis 1993.

A. TROIS ANNÉES MARQUÉES PAR DE PROFONDES AVANCÉES

Reconnaissance mutuelle des deux ennemis israélien et palestinien, autonomie, certes partielle, des territoires, mise en place d'institutions à Gaza et Jéricho : il paraît difficile de revenir aujourd'hui sur ces acquis, même si le processus n'est aujourd'hui qu'à mi-chemin du terme fixé par les accords d'Oslo.

1. Les accords d'Oslo : le principe d'une reconnaissance mutuelle entre Israéliens et Palestiniens

Au cours de la guerre des Six jours (juin 1967), Israël s'était rendu maître d'un ensemble de territoires qui ont porté ses limites bien au-delà des frontières de la Palestine au moment du mandat britannique :

- les terres destinées, au terme du plan de partage de l'ONU de 1947, à former un Etat arabe palestinien : la bande de Gaza sous administration militaire égyptienne depuis 1949 (934 000 Palestiniens et près de 5 000 colons répartis dans une vingtaine d'implantations en 1995) et la Cisjordanie annexée par la Jordanie en 1950 (1,33 million de Palestiniens et 300 000 Israéliens installés dans 156 implantations en 1995).

- le Golan syrien , annexé le 14 décembre 1981 et peuplé de 16 000 Syriens (principalement des Druzes) et de quelque 14 000 Israéliens installés dans 36 colonies ;

- la péninsule du Sinaï rendue à l'Egypte dans le cadre du traité de paix du 26 mars 1979 signé à la suite des accords de Camp David.

Au Proche-Orient, historiquement, deux conflits sont imbriqués, qu'il faut prendre garde d'assimiler complètement.

Le premier oppose Israël et ses voisins arabes, le second met aux prises Israéliens et Palestiniens. Certes, ces deux contentieux présentent de multiples interactions. Cependant, ils ont, chacun, une dynamique propre ; ils ne posent pas en effet des problèmes de nature comparable : Arabes et Israéliens s'affrontent notamment sur des frontières, Palestiniens et Israéliens s'opposent pour une même terre.

Si le processus de paix ne soulève pas des enjeux identiques pour les pays arabes et les Palestiniens, il a paru, à ses débuts, animé d'un même élan et obéir aux mêmes ressorts.

a) Une " nouvelle équation stratégique "

Bien que la visite historique d'Anouar el Sadate à Jérusalem, le 19 novembre 1977, ait rompu avec le principe même du rejet d'Israël, ouvert la voie et annoncé le grand ébranlement des années 90, l'initiative égyptienne était demeurée isolée. Le processus de paix n'a pu s'instaurer, à l'échelle de la région dans son ensemble, quinze ans plus tard, que dans un contexte international bouleversé. Quels furent les éléments de cette nouvelle " équation stratégique " (Thierry de Montbrial) ?

Trois facteurs principaux de changement sont sans doute intervenus. En premier lieu, la rivalité Est-Ouest a tout à coup perdu son acuité au Proche-Orient, à la suite de l'effondrement de l'URSS. Dès lors, pour les pays arabes, l'immobilisme ne pouvait plus tenir lieu de seule diplomatie possible vis-à-vis d'Israël. De son côté, l'Etat hébreu se trouvait confronté depuis 1987 à la révolte quotidienne des jeunes Palestiniens (l'Intifada), et commençait à se résigner à une solution politique. Cette évolution levait une des hypothèques les plus sérieuses à l'ouverture d'un dialogue entre Israël et les Etats arabes attachés à la défense de la cause palestinienne. Enfin les Etats-Unis désormais maîtres du jeu dans la région pouvaient faire pression sur les différents acteurs pour promouvoir un règlement négocié et illustrer ainsi les vertus de la diplomatie américaine dans le " nouvel ordre mondial ".

· La Conférence de Madrid (30 octobre 1991)

La conférence de paix de Madrid fut le fruit de cette nouvelle donne stratégique. Elle s'est ouverte le 30 octobre 1991 sous le coparrainage des Etats-Unis et de la Russie, et a réuni autour d'une même table Israël, la Syrie, le Liban, l'Egypte et une délégation jordano-palestinienne. Les Européens se voyaient cantonnés à un rôle d'observateur. Deux acquis se dégagèrent des travaux de Madrid. D'une part, les parties reconnaissaient pour base de leurs discussions les deux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies :

- la résolution 242 (1967) demandant le retrait des forces israéliennes des territoires occupés et la reconnaissance d'Israël par ses voisins arabes ;

- la résolution 338 (1973) préconisant l'ouverture de négociations permettant de mettre en oeuvre la résolution précédente.

D'autre part, la conférence de Madrid a permis de mettre en place un cadre durable pour des négociations bilatérales (israélo-jordaniennes, israélo-libanaises, israélo-syriennes et israélo-palestiniennes) et multilatérales sur cinq questions fondamentales : coopération et développement économique, environnement, ressources en eau, réfugiés, contrôle des armements et sécurité régionale.

Cependant les négociations se sont enlisées. L'exclusion de l'OLP (Organisation de Libération de la Palestine) du cadre des négociations, à la demande des Israéliens, ne permettait pas d'avancer sur la question palestinienne. Dès lors, les discussions sur les autres sujets marquaient le pas. Il fallut la conjonction de trois nouveaux facteurs d'évolution pour aboutir au processus d'Oslo.

· Les négociations d'Oslo (été 1993)

Le pas décisif accompli par les négociations d'Oslo -la discussion directe entre Israël et l'OLP de Yasser Arafat- consacra l'évolution progressive des positions de chacune des deux parties. Du côté palestinien, l'appui donné par M. Yasser Arafat à Saddam Hussein, au moment de la guerre du Golfe, avait singulièrement entamé son crédit auprès de la communauté internationale et des Etats arabes en particulier. Une nouvelle initiative dans le processus de paix pouvait rendre au chef de l'OLP son rôle clé dans la région. Elle paraissait également indispensable pour lever un coin d'espoir pour les Palestiniens de l'intérieur que l'absence de toute solution politique pouvait conduire vers des tendances extrémistes comme celles incarnées par le Hamas (mouvement de résistance islamiste).

Du côté israélien, la montée de ces mouvements à base politico-religieuse, d'abord considérés sans défaveur comme un élément de division au sein de l'opinion palestinienne, paraissait désormais menaçante pour la sécurité d'Israël. Ce nouvel état d'esprit devait trouver une traduction concrète à la faveur du nouveau contexte politique instauré par la victoire du parti travailliste aux élections de 1992 sur un mandat posant clairement la paix comme le moyen d'assurer la sécurité. L'organisation de réunions secrètes à Oslo en 1993 aboutit le 13 septembre à la déclaration de principe.

Quelle que soit l'importance des facteurs dont l'influence vient d'être rappelée, rien n'aurait été possible sans la détermination de personnalités d'exception : Itzhak Rabin, Shimon Pérès et Yasser Arafat. Du côté israélien, " il fallait combiner l'imagination de Shimon Pérès et la crédibilité d'Itzhak Rabin. Sans Shimon Pérès, il ne se serait peut-être rien passé, sans Itzhak Rabin, ce qui s'est passé n'aurait pas abouti " (Dominique Moïsi) 1( * ) .

b) La déclaration de principe de 1993 : la naissance d'un climat de confiance

Qu'elle soit invoquée pour en stigmatiser le caractère vague ou pour en dénoncer les violations, la déclaration de principe Israël-OLP signée à Washington le 13 septembre 1993 demeure la référence centrale dans les relations entre Israéliens et Palestiniens. Certes le texte vaut sans doute moins par son contenu que par ce qu'il consacre et ce qu'il annonce. D'une part en effet il scelle le principe, essentiel, d'un dialogue direct entre les deux acteurs principaux. D'autre part, s'il prend soin de n'arrêter aucune option définitive sur l'avenir, il ouvre cependant un processus de négociation et en fixe le cadre.

A cet égard, il consacre avant tout la reconnaissance mutuelle des deux partenaires, mais il présente deux autres acquis incontestables.

En premier lieu, il prévoit, à l'issue d'une période transitoire n'excédant pas cinq ans, un accord permanent reposant sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité de l'ONU.

En second lieu, il prépare pendant cette période transitoire, la mise en place d'une autonomie progressive d'une partie des territoires palestiniens occupés en 1967 . A ce titre il fixe cinq étapes principales :

- le retrait des forces militaires israéliennes de la bande de Gaza et de la zone de Jéricho dans des conditions déterminées par un accord signé dans les deux mois suivant l'entrée en vigueur de cette déclaration de principe ;

- le transfert d'autorité, dès le redéploiement militaire, du gouvernement militaire israélien et de son administration civile aux Palestiniens désignés par l'OLP dans des domaines précisément délimités (éducation et culture, santé, affaires sociales, taxation directe et tourisme) ;

- la signature d'un accord sur la période intérimaire précisant notamment la structure d'un conseil élu pour les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza ;

- l'élection du conseil de l'autonomie dans les neuf mois suivant l'entrée en vigueur de la déclaration de principe ; cette institution chargée de l'ensemble des pouvoirs transférés aux Palestiniens pourra en outre mettre en place les structures nécessaires au développement économique et d'autre part établir une " puissante force de police ", Israël conservant une double responsabilité dans le domaine de la défense et de la " sécurité globale " des Israéliens ;

- les négociations sur le statut permanent prévues, au plus tard, au début de la troisième année de la période intérimaire ; elles doivent couvrir l'ensemble des questions en suspens, en particulier Jérusalem , les réfugiés , les implantations , les arrangements de sécurité, les frontières, les relations et la coopération avec les autres Etats voisins.

En outre la déclaration de principe institue deux instances de coopération commune : un comité conjoint de liaison pour traiter de l'ensemble des questions d'intérêt commun et un comité de coopération économique pour développer des programmes de développement commun. Ce dernier volet revêt une importance particulière comme en témoignent les deux annexes qui lui sont consacrées.

Les deux parties s'engagent notamment à coopérer dans le cadre des négociations multilatérales pour promouvoir un programme de développement à l'échelle de la région. L'économie constitue de la sorte le terrain privilégié d'une oeuvre commune à concrétiser.

En un mot, la déclaration de principe ne contient aucun engagement sur le devenir futur de l'entité palestinienne mais traduit une volonté politique forte . A cet égard le préambule de la déclaration mérite sans doute d'être cité : " (les parties conviennent) de mettre fin à des décennies de confrontation et de conflit, de reconnaître leurs droits légitimes et politiques mutuels, de s'efforcer de vivre dans la coexistence pacifique, la dignité et la sécurité, et d'aboutir à un accord de paix juste, total et durable ainsi qu'à une réconciliation historique ".

Le texte présente ainsi les forces et les faiblesses d'un contrat de confiance.

Les parties n'ont accepté de s'engager dans ce processus que parce qu'il ne fermait aucune voie. " Les accords obtenus durant la période intérimaire ne doivent pas porter préjudice au résultat des négociations sur le statut permanent, ou l'anticiper (article 5) ". Mais cette indétermination, condition indispensable pour qu'une dynamique de dialogue s'enclenche, ne permet pas d'opposer de garde-fou quand le processus s'enraie faute d'une réelle volonté.

2. Un processus à mi-chemin du terme fixé par la déclaration de principe de 1993

Bien que de nombreux retards aient ralenti le rythme prévu, le processus de négociation a permis des avancées décisives.

a) L'accord sur Gaza et Jéricho du 4 mai 1994 : un premier jalon

L'accord sur le retrait des forces israéliennes, dont la signature conditionnait le déroulement entier du processus annoncé par la déclaration de principe, n'a pu être signé au Caire que le 4 mai 1994, soit 5 mois après la date initialement prévue (le 13 décembre 1993).

Cet accord dit " Gaza-Jéricho d'abord " (ou Oslo 1), ouvre la voie d'une part au redéploiement de l'armée israélienne à Gaza et Jéricho et à l'entrée des forces de police palestiniennes dans la zone évacuée, et d'autre part au transfert partiel des pouvoirs civils de l'administration israélienne aux autorités palestiniennes dont les membres étaient désignés par l'OLP. Il marque ainsi officiellement l'entrée en vigueur de la période intérimaire de cinq ans.

Des accords intervenus le 29 août 1994 et le 27 août 1995 permirent de transférer des responsabilités en matière civile aux Palestiniens des secteurs de Cisjordanie non concernés par l'Accord sur Gaza et Jéricho.

Dès le 29 avril 1994, un " protocole sur les relations économiques " entre Israël et l'OLP signé à Paris, devait permettre un rapprochement entre les deux économies.

b) L'accord intérimaire israélo-palestinien de 1995 sur la Cisjordanie et la bande de Gaza et la naissance d'institutions palestiniennes démocratiques

· L'accord intérimaire de 1995

Le 28 septembre 1995, les négociations connaissent une autre étape décisive avec la signature à Washington d'un nouvel accord intérimaire dit " de Taba " ou Oslo II portant sur les modalités de mise en oeuvre de l'autonomie palestinienne. L'accord prévoit l'élection d'une autorité palestinienne autonome , le Conseil palestinien législatif, et du Président (Raïs) de l'autorité exécutive du Conseil. Il détermine également les conditions de transfert de pouvoir du gouvernement militaire et de l'administration civile israéliens au conseil. Enfin et surtout il fixe les modalités du redéploiement militaire et divise à cet égard la Cisjsordanie en trois zones.

La zone A comprend les sept grandes villes palestiniennes (Djénine, Qalqiliya, Tulkarm, Naplouse, Ramallah, Bethléem et Hébron -sans la vieille ville-), soit 20 % de la population de la Cisjordanie mais seulement 4 % du territoire. A l'exception d'Hébron, dont l'évacuation est prévue en janvier 1997, l'armée israélienne s'est retirée des six autres villes à la fin de 1995. La sécurité intérieure, l'ordre public et les affaires civiles ont été confiés à l'Autorité palestinienne. Le statut de la zone A pourrait se comparer aux zones autonomes de Gaza et de Jéricho si l'armée israélienne ne conservait dans ces six villes un pouvoir d'intervention dans le cadre de patrouilles conjointes.

La zone B couvre la quasi-totalité des 450 villages palestiniens de Cisjordanie , soit environ 23 % de sa superficie. Elle se distingue d'une part par le pouvoir plus limité de l'Autorité palestinienne, responsable des pouvoirs civils et de l'ordre public, et d'autre part par le droit unilatéral et permanent d'intervention de l'armée israélienne chargée du maintien de la sécurité.

Enfin la zone C représente 73 % de la superficie de la Cisjordanie et couvre les zones non peuplées, les zones dites stratégiques et les colonies. Cet ensemble reste placé sous le contrôle exclusif d'Israël -à l'instar de la partie de la bande de Gaza encore non évacuée (soit 30 à 40 % de ce territoire)- bien qu'un calendrier ait prévu un redéploiement en trois étapes tous les six mois, débutant six mois après les élections palestiniennes. Cependant les Israéliens avaient refusé de négocier les modalités de ce retrait jusqu'au début de l'année 1997.

Dans le cadre de l'accord sur Hébron, la lettre d'assurance américaine détermine un redéploiement dans les zones rurales, en trois étapes de mars 1997 à la mi-1998, sans préciser toutefois l'étendue et les conditions de ces retraits.

S'agit-il de redéploiements dans les zones B et C assimilées dès lors au statut de la zone A ou, dans une perspective plus restrictive, de transferts de parties de zone C en zone B ? Pour les Palestiniens les retraits devraient concerner 90 % de la Cisjordanie avec une présence israélienne maintenue dans les colonies et les sites militaires. En revanche, selon certaines sources israéliennes, l'Etat hébreu garderait le contrôle de 40 à 50 % de la Cisjordanie. D'après la lettre d'assurance américaine, il appartiendra à Israël de déterminer, seul, les détails des redéploiements. Ces incertitudes apparaissent source de nombreuses difficultés pour les discussions à venir.

Les zones A et B où s'exerce la compétence de l'Autorité palestinienne constituent un espace morcelé en une centaine d'enclaves entre lesquelles la circulation demeure placée sous le contrôle des Israéliens , responsables par ailleurs du contrôle des frontières extérieures (entre Gaza et l'Egypte comme entre la Cisjordanie et la Jordanie).

· Les élections palestiniennes du 20 janvier 1996

Le retrait, certes partiel, des territoires palestiniens, achevé à la fin de l'année 1995, a levé l'obstacle à l'organisation d'élections directes pour un Conseil palestinien de l'autonomie, prévues, en principe, neuf mois au plus tard après l'entrée en vigueur de la déclaration de principe, soit le 13 juillet 1994. Le Conseil d'autonomie et le président de l'autorité exécutive ont pu être élus, en fait, le 20 janvier 1996 par la population palestinienne de Cisjordanie, de Jérusalem (selon des dispositions particulières) et de la bande de Gaza pour une période transitoire n'excédant pas cinq ans à dater de la signature de l'accord sur Gaza et Jericho du 4 mai 1994.

M. Arafat a réuni plus de 88 % des suffrages. Le scrutin s'est caractérisé par l'importance du taux de participation (entre 75 et 80 % en Cisjordanie et 93 % à Gaza) malgré le refus des partis islamistes de prendre part au vote.

· L'abrogation de la Charte palestinienne (24 avril 1996)

Le Conseil national palestinien, organe législatif de l'OLP s'est résolu, conformément aux engagements souscrits dans l'accord intérimaire, à abroger tous les passages de la Charte appelant à la destruction de l'Etat d'Israël. Cette décision, acquise par 504 voix de majorité (contre 54 voix et 14 abstentions), a permis en retour au parti travailliste lors de sa convention, réunie le lendemain, de lever son opposition à l'instauration d'un Etat palestinien.

Trois mois plus tard devait débuter à Taba, avec l'ouverture officielle des négociations sur le statut permanent des territoires autonomes, la dernière étape, décisive, du processus initié à Washington. Ce statut, aux termes de la déclaration de principe, devait entrer en vigueur avant le 4 mai 1999 et régler l'ensemble des questions exclues des négociations de la période intérimaire (Jérusalem, les colonies, les réfugiés, les accords de sécurité, les frontières, les relations de coopération).

Les négociations se sont effectivement ouvertes le 5 mai 1996 mais ont été suspendues immédiatement compte tenu du contexte électoral en Israël. Elles devraient reprendre deux mois après le redéploiement à Hébron.

A la suite de l'arrivée au pouvoir du Likoud, les discussions sur le processus de paix n'ont pu être relancées que tardivement et dans un climat de grande incertitude.

B. LES VOIES DIFFICILES DE LA NÉGOCIATION

1. Un contexte défavorable

Deux facteurs déterminants ont contribué à paralyser le processus de paix : la montée des violences et l'arrivée d'une nouvelle majorité en Israël.

a) La montée des violences

Nul ne doutait au moment de la signature de la déclaration de principe de Washington que les extrémistes de tous bords tenteraient de saboter le processus de paix. Le 4 novembre 1995, le Premier ministre, Itzhak Rabin, a payé de sa vie son engagement pour la paix. L'assassin, Yigal Amir, un étudiant de 25 ans, représentait la frange la plus extrémiste de cette opposition israélienne, marginale mais irréductible, au processus de paix, qui puise une partie de ses forces dans les milieux religieux.

Les violences devaient trouver leur point d'orgue lors de la vague d'attentats qui, entre le 25 février et le 4 mars 1996, coûtèrent la vie à 66 civils israéliens. Fomentés par le Hamas, ces actes terroristes illustrent du côté palestinien cette fois, le fanatisme d'un groupe, ici encore marginal mais prêt à tout pour briser la logique de la paix.

b) Une nouvelle donne politique en Israël

Les élections israéliennes du 29 mai 1996 ont naturellement été dominées par l'impératif de sécurité. M. Shimon Pérès, nommé Premier ministre après l'assassinat de Itzhak Rabin, se trouvait, dans ce contexte, moins à même de faire valoir les bénéfices pourtant indiscutables, de son action en faveur de la paix.

Le double scrutin de mai donna une courte majorité de voix, d'une part à M. Benyamin Netanyahou, chef du Likoud, premier chef de gouvernement directement élu au suffrage universel (avec 50,3 % des suffrages contre 49,7 % pour M. Pérès), et, d'autre part, à une coalition de droite à la Knesset. Les prises de position du gouvernement de M. Netanyahou ont ébranlé la confiance entre les deux partenaires. L'immobilisme, voire la remise en cause des acquis, ont mis à bout la patience des Palestiniens et débouché sur les violences de septembre 1996.

· Les prises de position sur l'avenir

Les " directives du gouvernement d'Israël " publiées en juin 1996 prennent en effet clairement position sur plusieurs points.

En premier lieu, si le gouvernement se déclare prêt à " négocier avec l'Autorité palestinienne en vue d'aboutir à un arrangement permanent à condition que les Palestiniens respectent leurs engagements ", il " s'opposera à l'établissement d'un Etat palestinien et au " droit au retour " de populations arabes sur n'importe quelle partie d'Eretz [grand] Israël à l'ouest du Jourdain ". En second lieu, " Jérusalem, la capitale d'Israël, est une ville sacrée et indivisible et elle restera pour toujours sous la souveraineté d'Israël ". Enfin, le gouvernement s'assigne, parmi ses priorités, " le renforcement, l'élargissement et le développement des implantations en Israël ".

Alors même que les accords d'Oslo avaient ménagé l'avenir et laissé à dessein nombre d'incertitudes sur le contenu de l'accord définitif -condition jugée indispensable pour favoriser le processus de paix- le gouvernement rompt ainsi avec l' "ambiguité constructive " chère à M. Pérès.

Pour l'ancien premier ministre, M. Rabin, la forme juridique de l'entité palestinienne importait moins que la démilitarisation et la séparation des deux peuples coexistant dans la même région , cette division dut-elle entraîner la disparition de colonies. Pour M. Netanyahou, hostile par principe à l'établissement d'une frontière et au démantèlement des colonies, le statut final se résume plutôt à un régime d'autonomie des personnes, sur un territoire discontinu , dans le respect du contrôle israélien jusqu'au Jourdain.

· De la défiance aux violences

Au dialogue a ainsi succédé un climat de défiance : M. Netanyahou reproche aux Palestiniens de ne pas respecter les accords passés, notamment les clauses relatives à la sécurité. M. Arafat met au défi le premier ministre israélien de préciser les dispositions violées et fait valoir l'arrestation massive de suspects du Hamas, menée par les forces de police palestiniennes, en coopération avec Israël.

Autre exemple : les Israéliens observent avec inquiétude que les articles de la Charte de l'OLP hostiles à l'Etat israélien, supprimés par le Conseil national palestinien, n'ont pas été remplacés par des dispositions positives reconnaissant Israël.

M. Netanyahou a jusqu'à présent maintenu la plus grande partie de ses orientations initiales : report sine die des négociations sur le statut permanent ouvertes le 5 mai 1996, levée de la construction du gel dans les territoires, durcissement du contrôle israélien sur Jérusalem...

La décision du gouvernement israélien d'ouvrir l'ancien tunnel asmonéen longeant le site de la mosquée d'Al-Aqsa à Jérusalem, a servi de détonateur aux tensions accumulées . Elle a déclenché le 25 septembre une protestation violente en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem au cours de laquelle 68 Palestiniens, 15 Israéliens et 3 Égyptiens ont trouvé la mort.

Le tournant pris par les événements a toutefois contraint les deux parties à renouer le dialogue. Le ler octobre 1996, MM. Netanyahou et Arafat ont rencontré le président Clinton et convenu de poursuivre la négociation sur les points de l'accord intérimaire encore en suspens. En outre, le président Ezer Weizman a reçu M. Arafat lors de son premier voyage officiel en Israël, le 9 octobre 1996.

Enfin la signature d'un accord sur Hébron en janvier 1997, premier texte signé entre un gouvernement du Likoud et l'Autorité palestinienne, peut marquer un nouveau départ même si de nombreux points demeurent en suspens.

2. La signature de l'accord sur Hébron : un nouveau départ pour le processus de paix ?

a) L'application des accords passés

Le respect des accords passés supposait, en premier lieu, un retrait militaire d'Hébron. Prévu pour mars 1996 aux termes de l'accord intérimaire, le redéploiement a été différé jusqu'à la signature de l'accord du 15 janvier 1997.

La ville d'Hébron se singularise, en effet, par la présence de quelque 450 colons israéliens au sein d'une population palestinienne estimée à plus de 100.000 personnes. Hébron abrite le tombeau des patriarches (sépulture d'Abraham et de sa descendance jusqu'à Jacob) vénérés par les juifs comme par les musulmans. L'antagonisme israélo-palestinien, attisé encore par le souvenir du massacre de la mosquée d'Abraham (l'assassinat par un colon juif de 29 musulmans en prière) revêt donc ici une forte dimension religieuse.

L'accord intérimaire, tenant compte de la situation particulière de cette ville, n'avait prévu qu'un retrait partiel. Cependant la division des responsabilités en matière de sécurité devait rester sans conséquence sur le statut de la ville dont l'unité demeurait préservée. Le gouvernement de M. Netanyahou a souhaité entourer de garanties supplémentaires le redéploiement militaire. La négociation s'est déroulée dans des conditions difficiles . Les parties sont finalement parvenues à un texte proche des termes de l'accord intérimaire : l'armée israélienne se retirant des quatre cinquièmes du territoire d'Hébron, placés sous le contrôle de quatre cents policiers palestiniens.

Surtout, la partie palestinienne souhaitait qu'à l'occasion d'un accord sur Hébron, Israël s'engage à poursuivre le processus de paix. A cet égard, la négociation n'aurait sans doute pas abouti sans les "lettres d'assurances" américaines sur les redéploiements à venir dans les zones rurales et la "note pour mémoire" sur les engagements futurs des parties. Six sujets restent en effet à l'ordre du jour :

- libération des prisonniers selon les principes fixés par l'accord intérimaire ;

- concrétisation du droit de passage entre Gaza et la Cisjordanie fondé sur le principe d'unité territoriale entre ces deux territoires, reconnu lors de précédents accords (avec toutes ses implications, comme par exemple le droit pour les étudiants de Gaza d'étudier en Cisjordanie) ;

- levée des entraves à l'aide internationale (matériels bloqués, autorisations refusées...) ;

- respect du volet économique des accords qui entraîne la levée du blocage, l'accès des travailleurs palestiniens en Israël, la levée des obstacles à l'exportation et à l'importation ;

- conclusion d'un accord pour l'ouverture de l'aéroport de Gaza et la mise en chantier du port (pour lequel la France a prévu d'accorder 100 millions de francs) ;

- détermination d'une date pour l'ouverture des négociations sur le statut permanent.

La "note pour mémoire" comprise dans l'accord sur Hébron prévoit l'ouverture de discussions immédiates sur le "passage protégé" entre Gaza et la Cisjordanie pour les biens et personnes palestiniens, ainsi que sur le port et l'aéroport de Gaza. Les négociations sur le statut permanent reprendront dans les deux mois suivant le redéploiement à Hébron.

Les Palestiniens s'engagent pour leur part à continuer leur lutte contre le terrorisme, à compléter la révision de la charte nationale de l'OLP, à respecter les limites des effectifs de police (à 30.000 hommes), à s'abstenir de toute activité hors de la zone autonome (notamment à Jérusalem) et enfin à traiter les demandes d'extradition de suspects.

b) Le statut permanent

Les négociations sur le statut permanent devront aborder, en principe, trois points particulièrement critiques : le statut de Jérusalem, les implantations, les réfugiés.

· Jérusalem

Aucun rapprochement ne s'est réellement dessiné sur la question de Jérusalem entre Israéliens et Palestiniens depuis le début des négociations. Pour comprendre l'ampleur du différend, il convient de l'inscrire dans son contexte historique.

En 1947, le Conseil de sécurité avait prévu (résolution 189) le partage de la Palestine " mandataire " en un Etat juif et un Etat arabe, Jérusalem constituant une entité séparée ("corpus separatum") placée sous le contrôle des Nations Unies. La première guerre israélo-arabe en décida autrement : Jérusalem fut coupée en deux, sa partie ouest annexée en 1949 par Israël qui en fit sa capitale, tandis que la partie orientale revenait à la Jordanie.

En 1967, la guerre des "six jours" permit à Israël de conquérir, avec la Cisjordanie, la partie orientale de Jérusalem annexée le 28 juin 1967 (les limites de la municipalité passant de 607 à 7285 ha).

Enfin, aux termes de la loi fondamentale du 30 juillet 1980, Jérusalem devenait la "capitale éternelle d'Israël". Malgré la condamnation du Conseil de sécurité (résolution 478 du 20 août 1980), Israël entreprit d'intégrer la ville à l'Etat juif à travers notamment une ambitieuse politique de construction : un cordon de quartiers modernes israéliens ceinturent désormais la partie Est de la ville.

Parallèlement, les autorités n'ont accordé qu'avec une extrême parcimonie des permis de construire aux Palestiniens (1 pour 1000). De la sorte 40 % des terrains situés dans les limites municipales de Jérusalem appartiennent aux Israéliens et 25 % aux Palestiniens - répartition inverse de celle qui prévalait en 1948.

L'équilibre démographique à Jérusalem Est a progressivement évolué au profit des Israéliens qui représentent désormais 152 600 habitants de Jérusalem contre 150 600 Palestiniens. Ces derniers ont conservé leur nationalité et leur passeport jordaniens. A partir du printemps 1993, l'accès à la ville comme à Israël est subordonné pour les Palestiniens des territoires occupés ou autonomes à la présentation d'un permis spécial.

En outre, les bouclages répétés des territoires palestiniens achèvent de couper Jérusalem-Est de la partie palestinienne pour conforter au contraire son intégration à l'Etat d'Israël.

L'ouverture du tunnel sous le quartier arabe de Jérusalem, dans la nuit du 23 au 24 septembre dernier, destiné à prolonger le Mur des Lamentations sur quelque quatre cent mètres constitue le dernier exemple, en date, de la volonté israélienne d'affirmer sa souveraineté sur Jérusalem. Considérée comme une provocation par l'opinion publique palestinienne qui y voit une atteinte au statu quo de la cité, elle a suscité les émeutes les plus meurtrières depuis 1967.

L'appartenance " non négociable " de Jérusalem dans son ensemble à Israël fait aujourd'hui l'objet d'un large consensus au sein de l'opinion israélienne quelles que soient, par ailleurs, les appartenances politiques.

Les Palestiniens souhaitent de leur côté, avec une même unanimité, que Jérusalem devienne la capitale de l'Etat auquel ils aspirent, même si cette revendication, dans la formulation retenue par la partie palestinienne, se borne à Jérusalem-Est.

M. Hassan Tahboub, titulaire du portefeuille des cultes au sein de l'Autorité palestinienne, seul ministre officiellement installé à Jérusalem, a plaidé devant votre délégation pour une " coresponsabilité " des Israéliens et des Palestiniens sur la ville sainte.

Comment, dès lors, sortir d'une impasse qui fait planer une lourde hypothèque sur le processus de paix ?

Sans doute une première approche doit-elle s'attacher à régler d'abord le libre accès aux lieux de culte de la ville sainte des trois religions monothéistes. La dimension religieuse ne constitue que l'un des aspects, certes capital, du problème de Jérusalem. La question la plus difficile apparaît d'ordre politique. Elle tient au statut des habitants arabes de la ville, de leurs droits, de leurs institutions politiques et de leurs relations avec les territoires palestiniens.

· Les implantations israéliennes

Les implantations israéliennes dans les territoires palestiniens constituent, sans doute, à moyen terme, la menace la plus préoccupante pour la paix.

C'est au lendemain de la guerre des "six jours" en 1967, que les travaillistes, alors au pouvoir, entreprirent un programme de construction dans Jérusalem-Est et la vallée du Jourdain sans pouvoir maîtriser par ailleurs le développement parallèle de premières colonies à Hébron puis en "Judée-Samarie". Cependant avec le retour au pouvoir du Likoud, cette politique de colonisation fut systématisée afin de donner à l'occupation israélienne un caractère irréversible.

Les travaillistes, revenus au pouvoir en 1992, infléchirent ces orientations. Certes, le gel décrété par le gouvernement excluait Jérusalem, la vallée du Jourdain, les implantations frontalières de la ligne verte et ne portait en outre que sur le soutien financier apporté par l'Etat. Cependant aucune colonie nouvelle ne fut créée.

Aujourd'hui les colonies israéliennes en territoires palestiniens représentent près de 140 sites en Cisjordanie et une vingtaine à Gaza. La population des colons (315.000 personnes) se répartit assez inégalement. Une majorité (165.000) se concentre à Jérusalem, l'autre partie (145.000 en Cisjordanie et 5.000 à Gaza) réside dans des établissements de taille variable : certains constituent de véritables villes (20.000 habitants à Maaleth Adoumin, 15.000 à Ariel), tandis que d'autres ne sont que de petites localités fortifiées. Si au sein de cette population existent les ferments d'un nationalisme radical, certains colons accepteraient sans doute un retour en contrepartie d'une indemnisation.

Le gouvernement actuel a annoncé sa volonté de construire plus de 10.000 nouveaux logements dans une centaine de colonies existantes à Gaza comme en Cisjordanie, afin de porter la population juive des territoires de 140.000 à 500.000 d'ici l'an 2000. En principe ce développement devait passer par la " densification " des installations existantes mais depuis l'arrivée au pouvoir du Likoud, deux colonies ont déjà fait l'objet d'une extension.

Ces orientations s'accompagnent en outre du développement , pour les seuls Israéliens, de routes de contournement des zones placées sous responsabilité palestinienne. Ces voies autour desquelles les colonies sont appelées à se développer naturellement selon le voeu exprimé par le premier ministre pourraient à terme favoriser une unité territoriale des implantations.

Or, une telle orientation soulève une double objection de nature juridique et politique. D'une part, en effet, la colonisation des territoires occupés contrevient à la quatrième convention de Genève sur la protection des populations civiles, pourtant ratifiée par Israël, dont les dispositions interdisent notamment toute modification de la composition démographique des territoires occupés. D'autre part, bien que le principe du gel de la colonisation n'ait pas été explicitement formulé pas les accords d'Oslo, l'esprit de ces textes suppose que pendant la période intérimaire, les parties s'abstiennent de toute initiative unilatérale susceptible d'hypothéquer le processus de paix.

· La question des réfugiés

L'impasse demeure également sur les autres sujets inscrits à l'ordre du jour des négociations relatives au statut permanent. Le problème des réfugiés (près de 3,2 millions de Palestiniens recensés au Liban, en Jordanie, en Syrie et dans les territoires occupés) reste entier. La plate-forme gouvernementale du Likoud a exprimé son opposition à l'exercice d'un " droit au retour " de populations arabes sur toute partie de la " terre d'Israël à l'Ouest du Jourdain ".

Alors qu'un règlement politique et diplomatique paraît éloigné, les conditions de vie des réfugiés, surtout dans les camps du Liban, apparaissent très difficiles. Dans ce contexte, les difficultés financières de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens au Proche-Orient (OSTNU ou UNRWA en anglais) créé en 1948, constituent un grave sujet de préoccupation. Cet organisme, financé pour la quasi-totalité de son budget, par des donations internationales volontaires, emploie près de 22 000 personnes -médecins, infirmiers, enseignants, techniciens... En 1995 les contributions sont passées de 268 à 235 millions de dollars. La France a beaucoup tardé à verser sa contribution en 1996 (11,50 millions de francs contre 18,3 millions de francs en 1994).

*

De nombreuses incertitudes continuent de peser ainsi sur le contenu d'un statut permanent. L'écart entre les positions en présence apparaît aujourd'hui considérable : d'un côté la revendication d'un Etat palestinien, de l'autre la reconnaissance d'une autonomie très limitée. Trois années suffiront-elles pour parvenir à un accord ? Depuis 1993, il ne faut pas l'oublier, bien des changements, inconcevables quelques années plus tôt, sont intervenus.

Aujourd'hui, afin de favoriser la perspective d'un règlement de paix permanent, il importe avant tout que soit relancée la dynamique de la négociation israélo-palestinienne. A cet égard, la signature de l'accord sur Hébron constitue un signal encourageant. Ainsi, la confiance, indispensable, pourrait être restaurée.

La relance du processus de paix demeure toutefois très dépendante de l'évolution intérieure en Israël et dans les territoires palestiniens.

*

* *

II. LES INCERTITUDES DE LA SITUATION EN ISRAËL ET DANS LES TERRITOIRES PALESTINIENS

Votre délégation s'est attachée, lors de sa mission, à s'informer sur les évolutions politiques et économiques qui pèseront de façon décisive sur le cours des négociations.

A. LES NOUVEAUX DÉFIS D'ISRAËL

En moins de deux décennies, Israël a connu de profondes transformations : une modernisation économique rapide et d'importantes vagues d'immigration -d'origine russe notamment.

Les Israéliens ont eux aussi changé. Sans doute conservent-ils un attachement irréductible aux valeurs qui fondent leur identité, mais ils aspirent désormais au mode de vie que connaissent toutes les sociétés occidentales modernes. L'esprit pionnier s'est émoussé. La sécurité, indispensable pour tirer parti des fruits d'une croissance vigoureuse et mener une existence normale, s'est imposée comme la préoccupation prioritaire de la population.

1. Quelle réponse apporter au souci prioritaire de sécurité ?

La modernisation de la société israélienne a suscité de nouveaux clivages et des réactions de refus. Dans l'ordre politique, les différences s'organisent autour de la réponse à apporter au souci de sécurité : pour les travaillistes, le processus de paix constitue la plus forte des garanties. Pour le Likoud, aujourd'hui au gouvernement, l'émergence d'un pouvoir palestinien est porteur de risques qu'il convient d'endiguer.

a) Les clivages de la société israélienne

L'appartenance de 80 % de la population au judaïsme, la pratique généralisée de l'hébreu, les effets indéniables de puissants facteurs d'intégration (au premier chef le sionisme mais aussi l'école et l'armée), sont autant d'éléments qui ont cimenté un puissant sentiment d'identité nationale. Mais la société israélienne connaît aujourd'hui plusieurs clivages.

De longue date, culture, modes de vie et pratiques religieuses séparent les ashkénazes, originaires d'Europe centrale, des séfarades venus principalement d'Afrique du Nord et installés d'ailleurs plus tardivement en Israël. De nos jours, alors même qu'au fil des ans des mariages ont permis de rapprocher les deux communautés, certains décalages demeurent difficiles à surmonter. Ainsi, bien qu'ils représentent la moitié de la population, les séfarades comptent moins du quart des étudiants israéliens.

Cependant cette césure traditionnelle paraît désormais présenter moins d'acuité que trois clivages dont l'évolution s'avérera sans doute déterminante pour l'avenir d'Israël.

En premier lieu, les différenciations sociales tendent à s'accuser à l'heure où le pays a connu une croissance supérieure à 6 % depuis 5 ans et constitue, avec un revenu par habitant de 16 300 dollars, un pôle de prospérité au Proche-Orient. En 1996, en effet, près de 20 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

En outre, la société israélienne connaît un phénomène de "communautarisation" dont certaines formes paraissent nouvelles. L'Etat juif compte depuis sa naissance une minorité arabe forte, aujourd'hui, de 850.000 personnes, soit 18 % de la population. Même si la plénitude des droits civiques lui est reconnue, la communauté arabe est exemptée des obligations militaires. En outre, elle reste en retrait par rapport au niveau de développement économique de la population juive. Il convient en particulier de souligner l'insuffisance générale des équipements collectifs liés à la faiblesse des subventions publiques accordées aux municipalités arabes.

Mais, désormais, la majorité juive apparaît elle-même traversée par des divisions ethniques nées des vagues d'immigration successives . L'Etat israélien s'est assigné la vocation d'accueillir les juifs du monde entier. Ainsi, Israël s'est enrichie de l'apport des juifs éthiopiens. Aujourd'hui au nombre de 80.000, ces derniers pourraient, grâce au dynamisme de leur démographie, compter 250.000 personnes dans 25 ans. En outre, près de 700.000 juifs russes se sont installés en Israël au cours des 5 dernières années avec des motivations souvent plus économiques que politiques. Peu soucieux d'apprendre l'hébreu, leur intégration se révèle parfois problématique.

L'intégration de ces communautés et, bien sûr, au premier chef celle de la minorité arabe, passerait-elle par la promotion d'une identité qui ne se réclame pas de la seule judéité mais repose également sur l'ensemble des facteurs qui distinguent Israël de son environnement, qu'il s'agisse de la langue, de la démocratie, du libéralisme et du degré de développement économique ?

Toutefois, précisément, une telle orientation se heurte à la pression des milieux religieux.

Le phénomène communautaire ne se résume pas aux seules divisions ethniques, il se traduit aujourd'hui de plus en plus par la fracture qui sépare la partie laïque de la population du monde du religieux ou "harerims" dont le choix de vie -vouée à l'étude du Talmud - les éloigne de la vie "dans le monde" à travers le refus, notamment, du service militaire.

Le débat s'est récemment cristallisé sur le problème de la rue Bar-ilan à Jérusalem, dont les partis religieux réclament la fermeture pendant le shabbat alors même qu'elle sert de voie de transit à quelque 60.000 automobilistes. Après le rejet de ces prétentions par la Cour suprême, les ultra orthodoxes ont jeté leur vindicte sur le président de cette juridiction. L'atmosphère de haine a naturellement exacerbé l'antagonisme avec les milieux laïcs.

Si, depuis plusieurs années, les religieux ne réussissent pas à réunir plus de 15 % des suffrages, leur poids politique reste déterminant dans la composition des équilibres gouvernementaux. Plus généralement, ces clivages de la société israélienne se retrouvent au sein du gouvernement et constituent une hypothèque pour l'entreprise de modernisation politique tentée en Israël dans la période récente.

b) La quête d'une modernisation politique

Le choix du suffrage universel direct pour mode d'élection du premier ministre devait, dans l'esprit des initiateurs de cette réforme adoptée en 1992 et applicable au scrutin de 1996, favoriser un effet de bipolarisation et rompre avec l'éparpillement des voix, source de fragilité institutionnelle. Cependant, le maintien de la proportionnelle intégrale pour les législatives a, en bonne partie, effacé les effets attendus de cette réforme. Le Likoud et le parti travailliste n'ont recueilli à eux deux que 47 % des suffrages (soit 56 sièges) tandis que les petits partis amélioraient leur audience et leur représentation au sein de la Knesset (notamment les partis religieux avec 23 sièges, soit un gain de 40 % par rapport à 1992).

Ces différents mouvements, avant tout soucieux de promouvoir les intérêts qu'ils représentent, acceptent d'entrer dans toute coalition qui prenne en compte leurs aspirations. Le morcellement de la scène politique leur confère une influence sans commune mesure avec leurs résultats électoraux.

Le gouvernement actuel ne dispose que d'une majorité théorique de 8 voix. Il associe aux représentants d'une droite dominée par le Likoud, des ministres issus des trois partis religieux (Shass, Parti national religieux, Parti unifié de la Torah), du groupe Yisrael Ba Aliya, défenseur de la communauté d'origine russe et animé par l'ancien dissident Nathan Chtcharanski, et enfin de la Troisième voie, une dissidence du parti travailliste, hostile à la cession du Golan.

A la merci d'une défection de l'un de ses alliés, le gouvernement de M. Netanyahou doit, en outre, concilier les tendances contradictoires des uns et des autres. Les partisans du processus de paix comme M. Lévy, ministre des affaires étrangères, ou M. Meridor, ministre des finances, côtoient les défenseurs du mouvement des colons, tels les anciens généraux Sharon et Eytan. Les trois partis religieux, hostiles en général à toutes concessions aux Palestiniens, s'opposent cependant à M. Eytan, chef de file du courant laïc quand il s'agit des mesures de judaïsation. Les divergences ne se recoupent donc pas toujours et cette situation ouvre une marge de manoeuvre à M. Netanyahou mais le contraint également à un difficile exercice d'équilibre. Or la cohésion du cabinet est menacée par trois dossiers délicats : le processus de paix, les exigences des partis religieux, le plan de réduction des dépenses publiques (et les coupes qu'il prévoit en particulier sur les allocations familiales).

Le redéploiement militaire à Hébron donne un bon exemple des difficultés auxquelles le gouvernement israélien peut se trouver confronté de façon récurrente. Sept membres du gouvernement ont refusé de joindre leurs voix aux onze ministres qui ont approuvé l'accord sur Hébron.

Un gouvernement d'Union nationale permettrait-il d'éviter les écueils et de franchir une passe dangereuse ?

M. Shimon Pérès plaide pour cette formule mais demeure minoritaire, sur ce point, au sein du parti travailliste, qui préfèrerait dans sa majorité, comme l'a indiqué à votre délégation son secrétaire général, M. Zvili, un soutien sans participation.

Au moment où votre délégation se trouvait en Israël, le parti travailliste a adopté une formule de compromis pour la succession de M. Pérès. Ce dernier demeurera à son poste jusqu'au printemps 1997, date à laquelle les travaillistes procèderont à l'élection de leur président. En outre jusqu'en septembre de l'année 1997, M. Pérès est assuré de diriger la représentation travailliste au sein de ce gouvernement d'Union nationale dans l'hypothèse où M. Netanyhaou devrait se résoudre dans l'intervalle à une telle initiative.

L'avenir politique reste donc ouvert. M. Netanyahou n'est prisonnier de sa coalition politique que dans une certaine mesure. D'autres formules gouvernementales restent possibles.

D'après un récent sondage, rendu public le 8 décembre 1996, près de 58 % des personnes interrogées approuveraient la formation d'un gouvernement d'unité nationale (contre 36 % opposés à cette solution). C'est parmi les électeurs des deux principaux partis que la proportion recueille l'adhésion la plus forte (63 % chez les électeurs du Likoud, 64 % chez ceux du parti travailliste).

2. La pérennité de la croissance en question

a) Une économie dynamique

Par le revenu par habitant (16 300 dollars en 1995), Israël se classe au même rang que le Royaume-Uni. Israël présente aujourd'hui les structures d'une économie moderne, fruit d'une croissance ininterrompue depuis 1990.

· Les bases de l'économie

L'agriculture qui emploie 5 % de la population active mais assure 9 % du PNB se signale de longue date par ses résultats remarquables malgré la rigueur des conditions naturelles. L'eau demeure ici en effet une ressource rare -l'agriculture représente 75 % de la consommation d'eau- et un enjeu stratégique. Le Golan constitue le château d'eau d'Israël. Malgré ces contraintes, le secteur primaire peut se prévaloir de la variété de ses productions et de sa rentabilité dans de nombreux domaines : les rendements de lait s'élèvent ainsi à 9 839 litres par an et par vache (contre 5 395 litres pour la France). Israël par ailleurs figure au premier rang des producteurs mondiaux d'agrumes par habitant (995 000 tonnes).

Placées sous le régime de la propriété collective , les terres relèvent du " Fonds national juif ", l'exploitation en est confiée à part égale entre des coopératives de production (les moshavim) et des collectivités économiques dépositaires de l'ensemble des ressources et des moyens de production (les kibboutzim).

Malgré les résultats obtenus, la balance agricole reste déficitaire (de l'ordre de 949 millions de dollars, soit 1,2 % du PNB en 1994).

L'industrie occupe 28 % de la population active et contribue à hauteur de 40 % au PNB. Le secteur des machines et matériels de transport représente 31 % de la valeur ajoutée industrielle totale.

Les structures de production se singularisent ici encore par la part réservée à la collectivité (55 % de l'appareil industriel appartiennent au privé, 20 % à l'Etat et 25 % aux coopératives, principalement à la centrale syndicale Histadrout).

· Une croissance remarquable

De 1990 à 1995, Israël a connu une croissance régulière et forte de l'ordre de 6 % par an. Cette croissance résulte d'une conjonction de plusieurs facteurs favorables :

- l'assainissement des bases économiques grâce au plan d'ajustement mis en oeuvre de 1985 à 1990 qui a permis de juguler l'hyperinflation, de limiter les déficits publics et enfin de ramener la part de la dette extérieure à moins de 30 % ;

- le dynamisme de la consommation du fait des augmentations salariales accordées dans le secteur public : entre 1990 et 1995 les salaires publics ont progressé en moyenne de 4,7 % par an (avec des hausses de 9,4 % et de 6 % en 1994 et 1995) ; à l'inverse, dans le secteur privé les salaires se sont réduits sur l'ensemble de la période de 9,1 % en termes réels du fait, d'une part de l'afflux de main-d'oeuvre, et d'autre part, de l'appréciation du shekel qui a contraint les entreprises à rechercher des gains de productivité ;

- la progression du taux d'investissement aujourd'hui égal à 25 % du PIB ; cette évolution doit beaucoup aux grandes entreprises internationales soucieuses notamment de tirer parti du formidable potentiel scientifique et technologique d'Israël ;

- l'arrivée des immigrants russes qualifiés et prêts à accepter de bas salaires ;

- la remise en cause de facto du boycott économique décrété par la Ligue arabe en 1950.

La croissance soutenue garantit une situation proche du plein emploi. En effet, malgré la présence de 200.000 travailleurs immigrés en Israël et de 35 000 Palestiniens titulaires d'un permis de travail, le taux de chômage ne dépassera pas 6 % en 1996 et sans doute 6,5 % en 1997.

b) Une économie en transition

L'économie israélienne, malgré une situation encore largement favorable, laisse paraître aujourd'hui des signes de tension qui pourraient s'aggraver dans un contexte d'incertitudes politiques. Les réformes entreprises par le gouvernement suffiront-elles à surmonter ces difficultés ?

· Les signes de tension

Un déficit commercial et une inflation élevée : ces deux maux endémiques de l'économie israélienne paraissent aujourd'hui prêts à se réveiller. Le maintien d'une consommation importante dans un contexte d'activité désormais ralentie constitue ici le principal facteur de risque.

L'inflation s'est élevée à 12 % en 1996 contre 8 % en 1995.

En conséquence, la politique monétaire a pris un tour restrictif en 1994 et 1995. En juin 1996, les taux ont été portés de nouveau à 17 %. La hausse des taux d'intérêt s'est traduite mécaniquement par la baisse du cours des actions et des obligations (les épargnants ont dès lors arbitré au profit de placements à court terme et au détriment d'une épargne longue orientée vers les fonds de prévoyance et les fonds d'investissements).

La place financière de Tel Aviv a fait, à cette occasion, démonstration de sa fragilité, liée à l'étroitesse d'un marché dominé par le quasi-monopole de l'Etat sur les émissions de titres longs et la prépondérance des fonds de prévoyance et de placements collectifs.

En outre cette politique monétaire a entraîné une appréciation du shekel qui risque ainsi de compromettre encore davantage l'équilibre de la balance commerciale, déjà hypothéqué par le dynamisme de la consommation. Au cours des neuf premiers mois de l'année 1996, le déficit commercial s'est accru de 12 % par rapport à la même période de 1995 pour atteindre 8,2 milliards de dollars.

Le déficit de la balance des paiements (qui intègre notamment les services) s'est également dégradé (de 4,2 milliards de dollars en 1996, soit 4,5 % du PIB). Les recettes touristiques se sont contractées de 16 % au cours du premier semestre 1996 à la suite de la reprise des actes de terrorisme : entre février et juillet, le nombre de touristes est passé de 170 000 à 130 000 par mois tandis que parallèlement les Israéliens se déplacent de plus en plus souvent hors de leurs frontières (de 500 000 en 1995, leur nombre est passé à 1 million en 1996).

Pour remédier en partie au déficit courant, Israël a besoin des investissements étrangers . Jusqu'à présent, ces derniers n'ont pas fait défaut : les investissements directs (1,3 milliard de dollars) devraient dépasser le montant atteint en 1995, les investissements de portefeuille pourraient s'élever quant à eux à 1,5 milliard de dollars. L'ensemble des investissements des non-résidents (près de 3 milliards de dollars) contribueraient ainsi à financer la moitié du déficit courant. Toutefois, ces flux restent étroitement dépendants de la confiance qu'inspire Israël aux opérateurs étrangers. Or cette confiance pourrait se trouver ébranlée si le processus de paix devait continuer à connaître des retards.

A ces deux sujets de préoccupation s'ajoute l'incertitude que fait peser la conjoncture immobilière sur la pérennité de la croissance. En effet si la baisse de 20 % des prix de l'immobilier observée au cours des deux derniers mois devait se confirmer, elle pourrait enrayer la croissance économique dont l'immobilier a constitué l'un des principaux ressorts depuis cinq ans. En outre, une telle inversion de tendance pèserait sur les banques largement engagées dans ce secteur.

Il convient cependant de relever qu'une partie du secteur de la construction ne dépend pas des lois du marché. Ainsi le gouvernement accorde son soutien financier aux nouveaux immigrants à la recherche d'un logement. Le développement des implantations relève principalement de fonds privés même si les pouvoirs publics prennent en charge la mise en place des infrastructures nécessaires.

· Une adaptation suffisante ?

L'économie parviendra-t-elle à surmonter ces difficultés et à poursuivre sur les tendances favorables qu'elle a connues jusqu'à présent ? Le gouvernement israélien a entrepris de réduire le déficit budgétaire et de lancer un programme de privatisation. Cette double orientation suffira-t-elle ?

Le déficit budgétaire devrait représenter 4 % du PIB en 1996 contre 3,5 % en 1995. Même si cette dégradation s'explique moins par des dépenses excessives que par des recettes inférieures aux prévisions compte tenu du ralentissement de l'activité, le gouvernement de M. Netanyahou a décidé de procéder à d'importantes coupes budgétaires sur l'exercice 1997 afin de ramener la part des dépenses publiques au sein du PIB de 48 % à 46,7 %. L'effort devrait porter en particulier sur les prestations sociales et les retraites. Le projet de budget se heurte à une double opposition : politique et syndicale. M. Dan Meridor, le ministre des finances, n'a d'ailleurs pas caché devant votre délégation que des résistances s'exprimaient au sein même de la coalition au pouvoir. Le débat budgétaire s'est achevé au début de l'année 1997 à la suite de discussions très difficiles.

Depuis plusieurs années, Israël conduit une réforme de ses structures dont le socle repose sur la privatisation des grandes entreprises publiques (la compagnie aérienne El Al ou les Télécom...). Cependant, alors que les cessions d'actifs publics avaient rapporté 533 millions de dollars en 1995, quatre opérations seulement auront été menées à bien en 1996 pour un montant de 198 millions de dollars (la vente à des investisseurs non-résidents de 16 % du capital de la banque Discount a procuré à elle seule près de 160 millions de dollars). S'il est encore trop tôt pour évoquer un mouvement de défiance des investisseurs, ce risque, une fois de plus, ne peut être totalement écarté.

L'économie israélienne a su tirer parti des promesses d'avenir qu'ouvraient pour les investisseurs les développements du processus de paix. La politique économique pourra-t-elle aujourd'hui compter sur ses seuls mérites pour ranimer l'intérêt des investisseurs ?

B. LES TERRITOIRES PALESTINIENS : L'INCONNUE DE LA RÉACTION DE L'OPINION FACE À L'ÉVOLUTION DU PROCESSUS DE PAIX

Depuis 1993, les Palestiniens vivent une situation paradoxale : au moment même où ils obtenaient les moyens, certes limités, de retrouver prise sur leur destin, ils devaient subir une grave crise économique liée principalement à la politique de fermeture des territoires mise en oeuvre par Israël. Dans quelle mesure cette situation pourra-t-elle se perpétuer ? Tout dépendra des réactions de la population à la dégradation de leurs conditions de vie et de l'ascendant, aujourd'hui indiscutable, dont dispose M. Arafat sur son opinion publique.

1. L'émergence des structures institutionnelles malgré une autonomie limitée

a) Une autonomie limitée

L'autonomie des territoires palestiniens se trouve bornée dans son principe : relations et sécurité extérieures échappent à l'Autorité palestinienne. Cette limitation n'empêche toutefois pas les responsables palestiniens de déployer une intense activité internationale. Votre délégation a d'ailleurs pu rencontrer l'un des plus éminents acteurs de cette politique d'ouverture sur l'étranger, M. Nabil Shaath, ministre de la planification et de la coopération internationale. Toutefois, dans la zone B, la sécurité intérieure elle-même ne relève pas de l'autorité palestinienne mais dépend entièrement d'Israël.

En outre, aux termes de la déclaration de principe, l'Autorité palestinienne ne peut prendre aucune décision sur les questions abordées dans le cadre de la négociation sur le statut définitif (Jérusalem, implantations, réfugiés).

Borné dans son principe, le régime d'autonomie, il convient de le rappeler, l'est encore dans son champ géographique. Et cette restriction vient comme redoubler la limitation des attributions de l'Autorité palestinienne. En effet la zone A où les responsabilités s'exercent en principe à leur plus haut degré ne couvre guère que 5 % de la superficie de Gaza et de la Cisjordanie. La zone B représente quant à elle 25 % de ces territoires. Au total, le tiers seulement des territoires palestiniens destinés, aux termes des accords d'Oslo, à bénéficier du statut d'autonomie, relèvent aujourd'hui effectivement de l'Autorité palestinienne.

Encore les zones A et B constituent-elles un ensemble morcelé à l'extrême, comme le montre très clairement la carte des territoires palestiniens. Seule la bande de Gaza présente une certaine continuité territoriale.

En Cisjordanie, les sept principales villes de la zone A et la multitude des " confettis " territoriaux formés par les villages palestiniens de la zone C, constituent autant d'enclaves dans un territoire encore largement placé sous l'emprise d'Israël. Le retrait militaire de certaines parties de la zone C à partir du 7 septembre 1996 aurait sans doute permis de dessiner une carte plus homogène. On le sait, la mise en oeuvre du redéploiement a été différée à septembre 1997.

b) La naissance d'une organisation démocratique, enjeu de la mise en place des institutions palestiniennes

Malgré ce morcellement, les territoires palestiniens ont su se doter, depuis la mise en oeuvre des accords d'Oslo, d'une réelle identité. Ce fait, surprenant si l'on devait s'en tenir aux acquis, limités, en matière d'autonomie, s'explique sans doute par un double facteur : la personnalité du président Arafat, l'enracinement des institutions de l'Autorité palestinienne.

M. Arafat s'est imposé aujourd'hui comme seul interlocuteur capable de parler au nom des Palestiniens sur la scène internationale. Cette position, le président de l'Autorité palestinienne la doit à la conjugaison de deux facteurs.

En premier lieu, le président Arafat peut se prévaloir aujourd'hui d'une double légitimité , historique d'abord, liée à son rôle dans l'Organisation de libération de la Palestine, dont le comité exécutif est placé sous sa présidence, démocratique ensuite, depuis son élection au suffrage universel avec 88 % des suffrages le 20 janvier 1996, à la tête de l'Autorité exécutive palestinienne.

En outre malgré les vicissitudes du processus de paix, Yasser Arafat a su conserver la confiance des Palestiniens.

Ainsi, les émeutes de septembre dernier provoquées par l'ouverture du tunnel dans la vieille ville de Jérusalem paraissent, en définitive, avoir renforcé l'autorité de M. Arafat aux yeux des Palestiniens qui lui sont reconnaissants d'avoir pris le risque d'ordonner aux forces de sécurité d'affronter Israël.

Doté d'une légitimité incontestable, investi de la confiance de la population palestinienne, Yasser Arafat pourrait-il céder à une tentation autoritaire ?

Un tel risque peut être conjuré par la montée en puissance de l'institution démocratique dont se sont dotés les territoires : le Conseil de l'autonomie, élu le 20 janvier 1996. Cette institution réunit 88 représentants des résidents palestiniens des territoires occupés et autonomes. Le dispositif institutionnel présente aujourd'hui une certaine complexité liée aux relations entre le Conseil et l'autorité exécutive d'une part, les institutions de l'autonomie et l'OLP d'autre part.

Les membres de l'Autorité exécutive sont choisis par son président au sein du Conseil ou hors de cette instance (à condition que le nombre des personnalités extérieures n'excéde pas 20 % des effectifs de l'Autorité exécutive). Le Président partage, avec le Conseil, le droit d'initiative législative. Il promulgue les lois et prend les décrets d'application des lois adoptées par le Conseil.

S'il n'existe pas de réelle coupure organique entre le Conseil législatif et l'Autorité exécutive, les parlementaires -votre délégation en a eu des témoignages- s'estiment chargés d'un pouvoir de contrôle vis-à-vis de l'exécutif.

En effet, bien que le Fatah, le mouvement politique de M. Arafat, dispose de 64 des 88 sièges du Conseil législatif, les parlementaires paraissent se prononcer davantage en fonction de leurs convictions personnelles que de consignes politiques. En outre, les élus indépendants ont su faire entendre leurs voix ; quatre d'entre eux président d'ailleurs des commissions.

La définition des procédures a déjà donné lieu à quelques escarmouches : le Conseil législatif s'est refusé à prêter serment au Raïs et a voté en faveur de l'investiture individuelle des ministres. En outre, il a rejeté en avril 1996 la tentative présidentielle de remettre en cause l'immunité de certains des membres qui auraient critiqué l'Autorité exécutive.

Bien qu'il n'ait adopté pour l'instant aucun texte législatif, le Conseil palestinien s'est engagé dans deux chantiers d'importance : l'élaboration de la constitution d'une part, la rédaction d'un texte relatif aux associations d'autre part. Ce dernier projet, en particulier, constitue un enjeu décisif : le tissu associatif a servi de support aux aspirations palestiniennes, il offre encore un réseau et des structures qui pallient les insuffisances d'un Etat en gestation. Le régime réservé aux associations constituera le premier témoignage décisif de la volonté de l'Autorité palestinienne de s'engager dans la construction d'un Etat de droit. D'après les informations que votre délégation a pu recueillir, des discussions assez vives opposent sur ce sujet certains élus du Conseil de l'autonomie, tenants d'une ouverture libérale, et les représentants de l'exécutif, même si l'institution parlementaire soucieuse de présenter un front uni laisse filtrer peu de choses de la vigueur des débats.

Pour s'affirmer, le Conseil devra sans doute également marquer sa distance avec les institutions de l'Organisation de libération de la Palestine. L'OLP a assuré, depuis sa création en 1964, la représentation de facto de 6 millions de Palestiniens des territoires occupés comme de la diaspora. Ses institutions comprennent une commission exécutive et le Conseil national palestinien qui tient lieu d'organe législatif. Le risque de confusion avec l'Autorité palestinienne paraît double. La présidence de l'Autorité exécutive, comme celle de la commission exécutive de l'OLP, revient à M. Arafat. De plus, aux termes de la loi électorale, les membres du conseil législatif de l'Autorité palestinienne siègent automatiquement au Conseil national palestinien.

Les membres du Conseil législatif se sont opposés au souhait de M. Arafat de les intégrer au sein du conseil national palestinien et de les lier ainsi aux décisions prises par cet organe.

L'OLP continuera de jouer un rôle décisif dans l'avenir, dans la mesure où l'Autorité palestinienne ne dispose pas d'une personnalité juridique internationale . Il appartiendra donc à l'OLP de négocier avec Israël sur le statut permanent prévu par l'accord intérimaire.

L'émergence d'un pôle de vie démocratique constitue un signal encourageant mais encore fragile. L'Autorité palestinienne s'incarne encore pour une large part dans la personne de M. Arafat. Il y a là pour les territoires un facteur de force mais aussi de vulnérabilité dans un contexte politique et économique très difficile.

L'audience des groupes extrémistes, et surtout du Hamas, le mouvement de la résistance islamiste, n'a pas faibli. Ce mouvement, apparu au début des années 1990, dénie aux juifs le droit de disposer d'un Etat et considère toute négociation avec Israël comme une trahison de la cause palestinienne. Il n'hésite pas à recourir au terrorisme pour ruiner les chances de paix. Près de 10 % des Palestiniens se reconnaissent dans ce parti, responsable pourtant des attentats perpétrés contre Israël dans les premiers mois de l'année 1996 et ainsi, du bouclage des territoires par lequel Israël entend défendre sa sécurité.

Les passions peuvent-elles s'apaiser au moment où la situation désastreuse de l'économie palestinienne fait le jeu de tous ceux qui sont décidés à rompre avec un processus de paix dont ils n'ont jamais accepté les promesses ?

2. Les risques d'une explosion sociale

a) Un potentiel économique paralysé par le bouclage des territoires

Bien que dépourvus de richesses naturelles, les territoires palestiniens ne sont pas sans atouts.

En premier lieu, l'agriculture dégage des excédents appréciables pour certains produits tels que l'olive. Les fleurs et certains fruits comme les fraises pourraient constituer par ailleurs une source non négligeable d'entrées de devises, s'ils pouvaient être exportés. Toutefois l'agriculture palestinienne manque d'eau : seuls 11,5 % des surfaces cultivées bénéficient de l'irrigation (contre 47 % en Israël).

En second lieu, quelques sites privilégiés comme Bethléem ou même Jéricho, présentent un potentiel touristique encore insuffisamment exploité.

Les Palestiniens n'accueillent que 7 % des 2 millions de touristes qui se rendent chaque année en Israël.

D'autre part, l'industrie s'est développée autour d'un nombre restreint d'activités : le secteur du marbre et de la pierre emploie près de 8 000 personnes et assure des exportations vers les pays arabes et l'Italie.

Mais le principal atout de l'économie palestinienne réside sans doute dans la qualité d'une main-d'oeuvre bien formée et la présence de responsables dynamiques. Votre délégation a pu s'entretenir longuement avec des représentants du secteur économique privé palestinien et prendre la mesure, à cette occasion, à la fois du remarquable esprit d'initiative et du sens des responsabilités des chefs d'entreprise, mais aussi des difficultés rencontrées, redoublées par les bouclages des territoires. L'activité économique peut se déployer dans des domaines requérant savoir-faire et expérience tels que la pharmacie générique comme l'a expliqué à votre délégation M. Khoury, directeur de la principale société opérant dans ce secteur.

Enfin, l'existence d'une diaspora palestinienne constitue un atout décisif, en raison d'une part du soutien financier qu'elle apporte aux Palestiniens de l'intérieur et d'autre part, de l'ouverture internationale que procure cette présence à travers le monde. Ainsi les marchés extérieurs de l'entreprise de médicaments génériques, Pharmacare -le Proche-Orient, certains pays membres de la Communauté des Etats indépendants, des pays africains-, reposent sur l'action, l'entregent et le dynamisme économique des Palestiniens de la diaspora.

L'activité industrielle reste le fait de petites entreprises dont les effectifs dépassent rarement plus de 100 personnes.

Non dépourvue d'atouts, l'économie palestinienne apparaît cependant aujourd'hui exsangue.

b) Une économie exsangue

Les difficultés rencontrées ne sont pas toutes liées au bouclage des territoires. Quatre autres facteurs principaux peuvent être mis en avant.

· Une situation de dépendance

En premier lieu, l'économie palestinienne se trouve dans un étroite dépendance à l'égard d'Israël.

La vulnérabilité de la position palestinienne se décline sur trois modes différents :

- le poids d'Israël avec lequel se font 90 % des échanges commerciaux et le lourd déficit commercial supporté par les territoires ;

- l'orientation de l'industrie vers la sous-traitance d'entreprises israéliennes ;

- la maîtrise exercée par Israël sur l'emploi des Palestiniens à travers les permis de travail octroyés (120 000 en 1993, 35 000 aujourd'hui).

En second lieu plusieurs années d'Intifada ont entraîné la dégradation des infrastructures publiques . Ainsi dans une région où l'eau constitue une ressource de prix, l'état détérioré des conduites d'eau entraîne la perte de 60 % des volumes transportés.

Ensuite, les incertitudes du cadre juridique , la fragilité des structures administratives, constituent un handicap certain pour le développement des entreprises palestiniennes.

Enfin, à rebours de l'esprit des accords d'Oslo où la coopération économique devait jouer un rôle décisif, Israël n'a pas hésité à multiplier les entraves au développement des territoires : restriction à l'extension des infrastructures, lourde taxation des activités et en particulier toutes celles dont la concurrence pourrait menacer les produits israéliens, réduction des terres disponibles du fait de l'extension des colonies.

· La paralysie provoquée par les bouclages

Les bouclages des territoires constituent toutefois, de l'aveu de tous les Palestiniens rencontrés, l'entrave la plus préoccupante pour l'économie palestinienne Cette politique, décidée par Israël pour se prémunir des menaces terroristes à partir de 1993, et maintenue jusqu'à présent malgré des allégements ponctuels, se traduit sur le terrain par la mise en place de postes de contrôle sur les voies d'accès entre les territoires et Israël, d'une part, et sur les liaisons entre les grandes villes palestiniennes au sein même des territoires d'autre part. Elle a entraîné un ralentissement de l'activité et un appauvrissement de la population des territoires.

La politique de fermeture des territoires traduit un net recul par rapport aux résultats auxquels le groupe de négociation multilatérale sur la coopération économique -mis en place à la suite de la conférence de Madrid- était parvenu dès l'été 1994 à Paris. Les parties s'étaient alors accordées sur trois sujets principaux : dans le domaine agricole, libre circulation des marchandises et quasi-abolition des taxes et droits de douane ; pour les produits industriels, libre exportation sans accord préalable des autorités palestiniennes ; dans le secteur bancaire, droit de créer une institution qui corresponde, sans en porter le nom, à une " banque centrale ".

L'activité économique s'est trouvée paralysée par les bouclages consécutifs qui entravent tout à la fois l'importation des produits nécessaires à l'industrie des territoires et l'exportation des productions palestiniennes. Les entreprises palestiniennes demeurent très dépendantes d'Israël pour leurs approvisionnements.

Quant à la commercialisation des productions, qu'il s'agisse des exportations ou de la vente dans les territoires, elle doit supporter surcoûts (liés aux transbordements sur les camions israéliens) et délais de toute sorte. Or dans la mesure où les ventes se concentrent sur des produits périssables -fruits ou fleurs- ces retards peuvent se traduire par des dommages irréparables sur les marchandises.

D'après des sources palestiniennes, les pertes directes journalières pour la seule bande de Gaza s'élèvent à un million de dollars. S'ajoute en outre la baisse du prix des fruits et légumes de l'ordre de 50 %.

Aux obstacles apportés à la circulation des marchandises, se sont ajoutées les entraves à la circulation des hommes . Le nombre de Palestiniens employés en Israël a chuté de 120 000 en 1993 à environ 35 000 aujourd'hui (17 500 pour Gaza, 17 500 pour la Cisjordanie).

Bien que régulièrement annoncée depuis septembre, l'augmentation de 50 000 autorisations de travail supplémentaires ne s'est pas concrétisée.

Ainsi le chômage touche-t-il aujourd'hui, d'après l'autorité palestinienne, 60 % de la population active à Gaza et 40 % en Cisjordanie. Le pouvoir d'achat s'est profondément dégradé depuis le début de l'année 1996 : moins 10 % pour les Palestiniens qui continuent de travailler en Israël, moins 16 % à Gaza et moins 23 % en Cisjordanie. Singulièrement, malgré la disparité du revenu par habitant entre Gaza (600 dollars) et la Cisjordanie (800 dollars), la rive occidentale du Jourdain a pâti plus fortement du bouclage qui interdit l'accès à Jérusalem où se concentrent l'emploi et l'activité, tandis que Gaza, du fait notamment de la présence des instances de l'Autorité palestinienne et de son président, bénéficie prioritairement de l'aide internationale.

Les entraves à la circulation des biens et des personnes ont provoqué une baisse de 25 % du produit national brut palestinien depuis l'entrée en vigueur des accords d'Oslo . Les effets de cette récession ont été d'autant plus douloureux que dans le même temps la population est passée de 2 à 2,6 millions d'habitants. Le revenu par habitant s'est donc contracté de 40 % (de 2 425 dollars à 1 480 dollars).

La population a dû s'adapter à ces nouvelles conditions d'existence. Les enfants travaillent ainsi de plus en plus tôt pour tenter de compléter les revenus du foyer. Cette évolution est lourde de conséquences pour l'avenir. Ne risque-t-elle pas en effet de favoriser l'analphabétisme et de remettre en cause la position avantageuse dont les Palestiniens peuvent êre fiers dans le domaine de l'éducation ?

Bien que placés dans une position très précaire, les Palestiniens ne sont pas réduits à la misère. L'aide internationale représente en effet une ressource indispensable pour les territoires autonomes.

· Le concours indispensable de la communauté internationale

La communauté internationale s'était engagée sur un montant de 1,4 milliard de dollars sur la période 1994-1995, mais seulement 542 millions de dollars ont été effectivement décaissés. En 1996, l'aide multilatérale s'est élevée à 551,9 millions de dollars et à ce jour 49 % de cette somme ont été versés. En novembre dernier à Paris, les donateurs ont confirmé leur engagement pour un montant de 845 millions de dollars pour 1997 afin de financer principalement les infrastructures (42 %) et les secteurs sociaux (32 %).

L'aide provient principalement de l'Union européenne (31 %), des pays du Golfe (23 %) et des Etats-Unis (16 %).

Le budget de l'Autorité palestinienne, arrêté par la Conférence de Paris pour 1996, avec l'accord des bailleurs de fonds, s'élevait à 554 millions de dollars. Le déficit pourrait dépasser 127 millions de dollars à la fin de cette année (au lieu de 100 millions de dollars en 1995).

Si les recettes restent en deçà des espérances du fait notamment des manquements israéliens aux engagements souscrits, par exemple la rétrocession promise des recettes ficales, les dépenses publiques , bien qu'elles ne représentent qu'une part encore limitée du PNB (15 %), se sont accrues de 50 % depuis la mise en oeuvre des accords d'Oslo. Cette tendance pourrait encore s'accuser sous l'effet conjugué de la dégradation de la situation économique liée aux bouclages et de la baisse de la dotation destinée à l'UNWRA.

La communauté internationale et l'Europe en particulier, s'efforcent de donner aux Palestiniens les moyens d'un développement économique autonome. Aussi favorisent-elles les liens directs entre les territoires palestiniens et le monde extérieur. La signature, à la fin de l'année 1996, d'un accord intérimaire d'association entre l'Union européenne et l'Autorité palestinienne, s'inscrit tout à fait dans cette perspective. Revu au terme d'un délai de deux ans, il pose les bases d'une libération progressive des échanges entre les deux partenaires pour les produits agricoles et industriels. En outre, il prévoit le renforcement de la coopération, en particulier dans le domaine de l'éducation.

La mise en place d'infrastructures donnant à l'économie palestinienne l'assise nécessaire constitue une autre priorité. Le port et l'aéroport de Gaza -construit mais empêché de fonctionner faute des autorisations israéliennes- représentent à cet égard les deux projets décisifs. Le port desservira, dans un premier temps, la seule bande de Gaza (300 000 tonnes) ; sa profondeur devrait lui permettre à terme d'accueillir les gros navires céréaliers. Le financement du port apparaît d'ores et déjà assuré grâce aux concours de la France (20 millions de dollars), des Pays-Bas (25 millions de dollars) et de la Banque Européenne d'Investissement (28 millions de dollars). Toutefois, le décaissement de ces fonds demeure subordonné à la conclusion d'un accord israélo-palestinien sur la construction.

Aujourd'hui, en effet, seules les études ont fait l'objet d'un accord avec l'Etat hébreu. Bien que le Président Arafat et le Premier ministre néerlandais aient posé la première pierre du port le 18 janvier 1996, les négociations sur la construction ont dû être suspendues après que le gouvernement israélien eut décidé de différer l'application des dispositions de l'accord intérimaire restant à mettre en oeuvre. Enfin, un troisième accord sera nécessaire pour l'exploitation du port.

L'accord sur Hébron devrait permettre de relancer les discussions sur ces différents points.

La France est appelée à jouer un rôle déterminant auprès des deux parties pour que ce dossier essentiel pour le développement économique des territoires puisse trouver une issue favorable.

III. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE : UN RÔLE POSITIF À JOUER DANS LE PROCESSUS DE PAIX

Quelle influence l'environnement international exerce-t-il sur le processus de paix ? Il n'existe sans doute pas de réponse univoque à cette question.

D'une part, le processus de paix n'a réellement avancé, malgré la mobilisation de la communauté internationale et le coparrainage de la Russie et des Etats-Unis, que lorsque les deux parties ont entrepris de nouer un dialogue direct, dans le plus grand secret, à Oslo. Les questions soulevées par la négociation représentent en effet des enjeux vitaux pour les Israéliens comme pour les Palestiniens. Des intervenants extérieurs peuvent s'entremettre, favoriser le rapprochement. Sont-ils cependant vraiment en mesure de faire pression ?

D'autre part, il faut également prendre la mesure des évolutions de la société israélienne. L'esprit pionnier s'est émoussé. Les Israéliens, comme toutes les populations habituées à la prospérité et aux facilités d'une société de consommation, s'accommodent moins des rigueurs imposées par l'état de " forteresse assiégée ".

Dans ce contexte, la pacification des relations avec une partie des Etats arabes, la fin de l'ostracisme dont Israël demeurait la victime ont répondu partiellement aux attentes de la population.

Le durcissement de la position de certains Etats comme l'Egypte ou la Jordanie, avec lesquels Israël a signé des accords de paix, ne laissera pas dès lors indifférent. La volonté de sécurité intérieure et l'aspiration à la paix aux frontières ne sont pas divisibles. L'une comme l'autre constituent des facteurs décisifs de la confiance accordée par l'opinion au gouvernement.

L'environnement extérieur d'Israël s'inscrit dans trois cercles distincts par la logique qui les anime : les pays arabes d'une part, l'Europe, d'autre part, les Etats-Unis, enfin. L'Europe et son rôle dans le processus de paix feront l'objet du rapport de notre commission qui sera consacré à l'accord euro-méditerranéen entre Israël et l'Union européenne. C'est la place de la France dans cette région du monde qui retiendra ici notre attention.

A. LES DIVIDENDES DE LA PAIX AUJOURD'HUI MENACÉS ?

L'état de guerre larvée entre Israël et ses voisins privait les pays arabes de tout moyen de peser réellement sur l'évolution des relations israélo-palestiniennes. N'est-ce pas précisément au moment où l'Etat hébreu commence à bénéficier sur la scène internationale des dividendes procurés par le processus de paix, qu'il peut se montrer plus sensible aux souhaits des pays arabes modérés. Jadis, Israël n'avait rien à perdre, aujourd'hui les acquis des trois dernières années pourraient se trouver remis en question. Quel rôle peuvent jouer, dans ce contexte, les coparrains du processus de paix et, bien sûr, plus particulièrement les Etats-Unis ?

1. Les relations avec les pays arabes : espoirs et déceptions

a) L'acceptation du fait israélien dans la région

A la faveur du processus de paix, Israël a amélioré ses relations avec certains pays arabes.

En premier lieu, Israël a pu signer avec la Jordanie, le 26 octobre 1994, un traité de paix, le second conclu avec l'un de ses voisins après l'accord israélo-égyptien de 1976.

Ce traité règle six questions principales :

- il fixe la frontière conformément au tracé du mandat britannique "sans préjudice aucun du statut de tout territoire passé sous contrôle militaire israélien en 1967" entérinant ainsi la rupture des liens administratifs et juridiques entre le Royaume hachémite et la Cisjordanie décidée par le Roi Hussein en 1988 ;

- il répartit de façon équitable les ressources en eau ;

- il ouvre la voie à l'établissement de relations diplomatiques complètes et à une coopération dans le domaine de la sécurité fondée sur des mesures de confiance mutuelle ;

- il favorise la coopération économique ;

- il reporte la question des réfugiés (65 % de la population jordanienne est d'origine palestinienne) à des discussions conduites dans un cadre multilatéral ;

- il reconnaît le rôle historique de la Jordanie sur les sites musulmans de Jerusalem.

En second lieu, Israël a pu obtenir une levée progressive du boycott voté par la Ligue arabe en août 1950. Les Etats arabes avaient alors prohibé les échanges directs avec l'Etat hébreu ainsi que toute relation avec des "sociétés ou institutions étrangères qui contribuent à la consolidation de l'économie israélienne". D'après des sources israéliennes, ce boycott a représenté depuis sa mise en oeuvre un manque à gagner de près de quarante milliards de dollars.

La Jordanie a de facto renoncé au boycott en signant le traité de paix avec Israël. Quant aux Etats membres du Conseil de coopération du Golfe 2( * ) , ils ont cessé de mettre en pratique le boycott indirect.

Ces changements de positions ont dessiné de nouvelles perspectives pour une économie de la paix , dont M. Shimon Pérès s'est fait l'ardent défenseur. Le développement des liens économiques permettrait, à l'image de la construction européenne au lendemain de la guerre, de créer des solidarités nouvelles renforçant le processus de paix. La Conférence économique, réunie à Casablanca à l'automne 1994, a permis d'évoquer plusieurs projets liés à ce dessein ambitieux : mise en chantier d'un gazoduc traversant la péninsule arabique pour alimenter Israël, création d'une banque régionale dotée d'un capital initial de 10 milliards de dollars ...

b) Les promesses déçues

Les espoirs soulevés par cette " économie de la paix" ne se sont pas -encore- concrétisés. La Conférence du Caire organisée à la fin de l'année 1996 et destinée à renouveler l'exercice de Casablanca, s'est d'ailleurs conclue par des résultats décevants. Trois facteurs continuent d'hypothéquer des avancées réelles en matière de coopération économique.

En premier lieu, à l'exception des monarchies du Golfe dont l'économie est du reste déjà bien intégrée à l'économie internationale, nombre d'Etats répugnent encore à abandonner le protectionnisme et à exposer des structures productives souvent fragiles aux risques de la concurrence.

Le commerce régional représente aujourd'hui des flux très faibles. Les interlocuteurs israéliens de votre délégation ont tous également regretté à plusieurs reprises que la normalisation des relations au niveau gouvernemental soit restée sans réel écho au sein des populations jordaniennes ou égyptiennes.

En second lieu, Israël n'a toujours pas réglé ses contentieux avec le Liban et la Syrie . La paix avec cette dernière passe par le règlement de la question du plateau du Golan. Les Israéliens peuvent-ils abandonner un avantage stratégique certain contre ce qui n'est qu'une promesse de paix ? Cette incertitude fondamentale explique que les gouvernements successifs (Shamir, Rabin, Pérès) se soient refusés à toute concession unilatérale sans contrepartie en termes de garanties de sécurité et de paix totale. Les positions de M. Netanyahou -dont le gouvernement compte plusieurs représentants de la Troisième voie (associant des anciens travaillistes hostiles à une restitution du Golan)- ne permettent pas d'envisager, à ce stade, des évolutions rapides sur cette question. La montée récente des tensions sur le terrain (mouvements de troupes syriennes en septembre, auxquels ont répondu un renforcement des forces israéliennes et l'organisation de manoeuvres) a pu être maîtrisée. Elle pourrait toutefois conduire les parties à mieux mesurer les risques encourus et, partant, à infléchir leurs positions.

Enfin, les difficultés du processus de paix depuis l'arrivée au pouvoir du Likoud risquent, en outre, de peser sur les relations entre Israël et les pays arabes. Certes, M. Netanyahou paraît très désireux de ne pas compromettre les bénéfices du processus d'Oslo sur le plan régional : ses déplacements au Caire et à Amman en témoignent.

Aucun front arabe anti-israélien ne s'est d'ailleurs formellement reconstitué. La Ligue arabe a indiqué cependant, lors de sa dernière réunion interministérielle, que la normalisation des relations et la poursuite des négociations multilatérales seraient remises en cause en l'absence de toute avancée dans le processus de paix.

L'Egypte, par la voix du président Moubarak a condamné la politique de renforcement des implantations israéliennes. Si la Jordanie demeure soucieuse de tirer le meilleur parti de l'accord de paix avec Israël, elle doit tenir compte également des sentiments d'une opinion encore largement hostile au rapprochement avec l'Etat hébreu. Les manifestations hostiles à l'organisation de la première foire industrielle israélo-jordanienne à Amman en janvier 1997 en ont d'ailleurs apporté le témoignage. Le Maroc et la Tunisie ont pris également leurs distances.

Les monarchies du Golfe ont manifesté à leur tour leur désapprobation. Le sultanat d'Oman dont le rôle pionnier s'était traduit par l'ouverture d'un bureau commercial à Tel Aviv a menacé de revenir sur cette décision. Le Conseil de coopération du Golfe a condamné le 9 décembre dernier une politique "qui représente un véritable danger pour la paix et un prélude au retour à la violence".

La signature d'un accord de coopération militaire entre Israël et la Turquie en février 1996 n'a pas été remise en cause mais elle doit se comprendre à la lumière de l'antagonisme entre Ankara et Damas qui échappe à la logique du conflit israélo-arabe.

Les Etats arabes modérés n'ont pas lancé d'anathème : leur mise en garde n'en ont eu que plus de crédibilité. C'est la légitimation de la place d'Israël dans la région qui est en cause, et le gouvernement israélien peut difficilement ne pas en tenir compte. La médiation du roi Hussein n'est sans doute pas étrangère à la signature de l'accord sur Hébron. Pour la première fois, la politique mesurée de la Jordanie comme de l'Egypte paraît en mesure d'infléchir la position israélienne dans la négociation avec les Palestiniens.

Même si la cause palestinienne n'est parfois mise en avant par certains Etats arabes que pour des objectifs répondant à la défense d'intérêts purement nationaux, les progrès des discussions israélo-palestiniennes demeurent la clef de la paix dans la région .

2. Le rôle contrasté des grandes puissances

a) L'effacement de la Russie de la scène régionale

La Russie n'a pas retrouvé son influence passée dans la région. Elle continue toutefois de faire valoir le rôle de co-parrain du processus de paix qui lui avait été reconnu lors de la Conférence de Madrid de 1991. Son ambition se limite toutefois, aujourd'hui, dans cette perspective, à encourager les parties à formaliser leur engagement de respecter les accords de Madrid et ceux conclus depuis lors sous l'égide des Etats-Unis et de la Russie

Moscou cherche à se faire entendre d'Israël. La présence d'une forte communauté juive d'origine russe peut constituer à cet égard un atout.

b) La position américaine : la fin de l'expectative

Les Etats-Unis ont, depuis l'effondrement de l'URSS, retrouvé une influence incontestée au Proche-Orient. Leur position diplomatique repose traditionnellement, d'une part, sur les relations très privilégiées nouées avec Israël (auquel Washington apporte une aide de 3 milliards de dollars par an -dont 1,8 milliard d'aide militaire-) et, d'autre part, sur l'influence américaine dans les pays arabes modérés. Elle leur permet de jouer un rôle de médiateur qu'aucune autre puissance n'a aujourd'hui les mêmes moyens d'assumer.

Il est vrai, par ailleurs que les Etats-Unis, en 1996, dans un contexte marqué par l'échéance électorale présidentielle, ont adopté une position d'attente à l'égard des évolutions du processus de paix.

La diplomatie américaine s'est toutefois exprimée en faveur d'un allégement du bouclage des territoires. Elle s'est par ailleurs refusée à donner un nouvel élan aux négociations multilatérales organisées dans le prolongement de Madrid, sans avancées notables dans les discussions israélo-palestiniennes.

La réélection de Bill Clinton, la réorganisation de l'équipe présidentielle avec la désignation de Mme Madeleine Albright au poste de secrétaire d'Etat donnent aujourd'hui à la diplomatie américaine tous les moyens de jouer un rôle moteur dans le processus de paix.

L'accord sur Hébron où les Etats-Unis ont pris une part décisive, constitue à cet égard un signal fort ; les Américains renouent avec leur vocation de garant du processus de paix que le parrainage des accords d'Oslo leur avait assignée.

B. UNE RELATION ÉQUILIBRÉE ENTRE LES DEUX PARTIES : CONDITION NÉCESSAIRE POUR FAIRE ENTENDRE LA VOIX DE LA FRANCE DANS CETTE RÉGION

La France peut contribuer utilement à un triple objectif dans la région :

- contribuer au succès du processus de paix ;

- asseoir la légitimation de l'Etat hébreu dans la région ;

- favoriser la stabilisation de l'entité palestinienne.

Elle dispose à cet égard de plusieurs atouts :

- la qualité des relations qu'elle entretient avec les Etats arabes lui permet de jouer en faveur d'Israël un rôle d'intercesseur écouté ; au-delà, elle pourrait contribuer à un déblocage du problème sud-libanais où le gouvernement israélien s'est déclaré prêt à faire des concessions territoriales ;

- elle peut encourager l'intégration régionale dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen ou des négociations multilatérales lancées à la suite de la Conférence de Madrid.

Pour faire valoir ces possibilités, la France doit entretenir une relation équilibrée avec Israël et les territoires palestiniens.

1. Les relations franco-israéliennes : un partenariat à développer

Israël et la France ont noué un partenariat privilégié jusqu'en 1967. Par la suite, les relations bilatérales ont traversé des moments difficiles sans toutefois que jamais leur densité ne faiblisse. Cette proximité doit beaucoup à la part jouée par les relations humaines.

Outre les liens profonds tissés par l'histoire, il existe aujourd'hui entre nos deux pays une réelle convergence d'intérêts stratégiques (montée de l'intégrisme en Méditerranée, risque de prolifération...) et économiques (l'Europe représente le premier partenaire d'Israël en fournissant la moitié de ses importations et en recevant 30 % de ses exportations).

Toutefois, les relations bilatérales se heurtent encore à plusieurs handicaps : le soupçon, ravivé par la visite présidentielle d'octobre 1996, d'une certaine partialité française en faveur des Arabes, le partenariat privilégié d'Israël et des Etats-Unis.

Aussi, pour surmonter ces difficultés, convient-il de faire fructifier la richesse des liens humains et de développer trois différentes formes de coopération.

a) La nécessaire intensification des formes de coopération existantes

. Le poids du facteur humain

Les liens humains reposent d'une part sur la communauté juive en France, la deuxième du monde par ses effectifs et, d'autre part, sur la présence francophone en Israël. En effet, plus d'un Israélien sur vingt a le français pour langue d'origine - tandis que deux sur 10 le pratiquent à des degrés divers. Au total, la francophonie concerne près de 500.000 personnes . Cette communauté francophone se compose pour une part essentielle des personnes venues d'Afrique du Nord et de leurs enfants. Cependant parmi cette population -composée quasi exclusivement de binationaux - les générations nées en Israël délaissent parfois le français - ignoré par 20 à 30 % de nos compatriotes.

Au-delà de la seule pratique de notre langue, votre délégation a pu observer la familiarité du monde politique et administratif israélien avec la société française.

. La coopération culturelle

Compte tenu de ces liens humains exceptionnels, on ne s'étonnera pas que le domaine culturel constitue un champ privilégié de coopération.

Celle-ci repose sur un réseau de centres culturels d'une densité remarquable (Nazareth, Bersheva, Tel-Aviv, l'Alliance française de Jérusalem et le centre culturel à l'Est, gérés l'un et l'autre par le Consulat général à Jérusalem). Cependant, soucieux d'élargir l'audience de la culture française, notre pays s'efforce d'utiliser les relais que constituent le câble (support des trois chaînes francophones : France 2, TV5 et Arte) et même le réseau Internet.

Le souci de toucher un large public n'interdit pas une coopération de haut niveau que traduisent l'organisation de nombreux colloques universitaires et l'action d'institutions spécialisées telles que le centre de recherche français de Jérusalem, placé sous la double autorité du ministère des affaires étrangères et du centre national de recherches scientifiques (CNRS), spécialisé dans l'archéologie et les sciences sociales - notamment les études juives.

Malgré ces acquis indéniables, une double incertitude pèse sur notre coopération culturelle :

- la position du français 3( * ) comme seconde langue pourrait se trouver menacée par le développement d'ailleurs compréhensible de l'apprentissage de l'arabe dans les années à venir ;

- le pouvoir attractif de la culture anglo-saxonne s'exerce sans véritable contrepoids dans la société israélienne.

Aujourd'hui, Israël a vocation à participer au mouvement francophone et la France pourrait s'employer à convaincre ses partenaires de l'intérêt de compter l'Etat hébreu parmi les membres actifs de la francophonie.

. La coopération scientifique

La recherche scientifique constitue de longue date l'un des fleurons de notre coopération. Aujourd'hui, après les Etats-Unis et l'Allemagne, la France se classe au troisième rang des partenaires scientifiques d'Israël.

La coopération scientifique bilatérale s'est principalement nouée à travers deux instruments auxquels la France consacre 15 millions de francs par an :

- l'association franco-israélienne pour la recherche scientifique et technologique (AFIRST) qui soutient les quatre grands programmes de recherche conjoints d'une durée de deux ans (en 1996, les matériaux avancés, l'immunologie et l'immunothérapie, les autoroutes de l'information, la gestion de l'eau).

- le cofinancement d'échanges de chercheurs dans le cadre du programme de projets concertés de coopération scientifique "Arc en ciel" dans des domaines que ne couvre pas l'AFIRST.

A ce dispositif, il convient d'ajouter les nombreux accords signés directement entre organismes de recherche français et israélien (l'Institut Pasteur et l'Institut Weizmann, le CNRS et le ministère de la science).

Par ailleurs, depuis la création en avril 1995 de l'association franco-israélienne pour la recherche industrielle et l'innovation (AFIRII) la coopération s'est ouverte sur la recherche appliquée et encourage notamment des partenariats technologiques entre petites et moyennes industries françaises et israéliennes.

Le ministre de la science et de la technologie, M. Zeev Begin, aujourd'hui démissionnaire, a confirmé à votre délégation tout l'intérêt qu'il accordait à la coopération entre nos deux pays. Toutefois, il ne faut pas se le dissimuler, Israël s'interroge désormais sur ses contributions financières dans le cadre de la coopération bilatérale au moment où sa participation au quatrième programme de recherche de l'Union européenne devrait s'élever à 30 millions d'écus.

. La coopération militaire

La coopération militaire peut se prévaloir d'un riche passé. Depuis 1967, elle a perdu sa substance alors même qu'elle demeure pour les Israéliens le véritable critère d'une confiance mutuelle.

Les deux partenaires ont renoué un dialogue dans un cadre officiel depuis 1994 avec des rencontres semestrielles. Les points de convergence ne manquent pas. En particulier, Israël a paraphé en septembre dernier le traité d'interdiction complète des essais nucléaires et donné ainsi un gage en faveur de l'apaisement des tensions régionales.

b) Des échanges économiques encore trop modestes

Si nos échanges commerciaux paraissent en retrait par rapport aux relations nouées entre Israël et ses autres partenaires économiques, les investisseurs français ont montré ces deux dernières années un mouvement d'intérêt pour le marché israélien.

Les exportations françaises en Israël se sont stabilisées autour de 5,6 milliards de francs. Nos entreprises n'ont pas encore pris la mesure d'un marché dynamique, notre deuxième débouché au Proche-Orient (derrière l'Arabie Saoudite) mais le premier en termes de solvabilité , où nous avons enregistré un excédent de 1,9 milliards de francs en 1995.

En effet, la part de la France dans les importations israéliennes ne dépasse pas 5 % - si l'on exclut le commerce très spécifique de diamants-. Notre pays se classe ainsi au cinquième rang des fournisseurs derrière les Etats-Unis (21,7 %), l'Allemagne (12,4 %), l'Italie (9,4 %) et le Royaume-Uni (8 %).

Nos investissements apparaissent également en net retrait par rapport aux autres partenaires d'Israël. En 1995 et sur le premier semestre 1996, les sociétés françaises n'ont investi que 50 millions de dollars contre 200 millions pour les entreprises allemandes... et 2 milliards pour les groupes américains. Cependant l'intérêt pour le marché israélien s'est aiguisé comme peut en témoigner l' augmentation du nombre de nouvelles délégations ou bureaux de représentation passés de 10 à 38 depuis 1995 . Plusieurs exemples illustrent l'intensification des relations économiques : GEC Alsthom , après avoir remporté plusieurs contrats d'équipements de centrales, de sous-stations électriques et de matériel ferroviaire, participera - ainsi que d'autres entreprises françaises - aux appels d'offre pour le métro de Tel-Aviv et les lignes ferroviaires. Par ailleurs, France Telecom paraît bien placé pour obtenir la licence de communications internationales dans le cadre de la dérégulation des télécommunications. La Lyonnaise des Eaux comme la Compagnie générale des Eaux préparent plusieurs projets d'investissement dans le domaine du traitement et de la distribution de l'eau.

Sans doute le développement de nos investissements en Israël passerait-il aujourd'hui par une présence plus active des PME françaises innovantes sur un marché dont le potentiel demeure ignoré.

2. Les relations franco-palestiniennes : un lien très dense, ouvert sur l'avenir

Les Palestiniens considèrent la France comme un partenaire privilégié. Votre délégation en a eu maints témoignages au cours de sa mission. Notre pays se singularise en effet par la constance de son soutien au cours des deux dernières décennies. Cet appui présente une triple dimension : politique, institutionnelle, économique.

a) Un soutien politique et institutionnel

En premier lieu, notre pays a admis, l'un des premiers, la représentativité de l'OLP et de son chef et a encouragé les évolutions de leurs positions - la renonciation au terrorisme et la volonté de paix - qui à partir de 1988 a valu à l'organisation une reconnaissance internationale.

Le soutien français s'est manifesté très concrètement quand la France a porté secours à Y. Arafat à deux reprises, au moment de la guerre du Liban et lui a ainsi, sans doute, sauvé la vie. Le fidélité de la France à sa ligne de conduite -soutien à l'arrêt de la colonisation des territoires, à la préservation de l'unité territoriale, au règlement de la question des réfugiés, à la création d'un Etat palestinien, rappelée avec éclat lors de la visite du président de la République en octobre 1996 -vaut à la France un très large crédit, d'ailleurs reconnu bien au-delà des cercles du pouvoir.

Ce crédit toutefois n'est pas sans limite. Aux yeux des Palestiniens, la France n'emploie pas tous les moyens en son pouvoir pour influencer Israël. Les propos tenus à votre délégation par M. Y. Arafat lors de l'entretien qu'il lui a accordé apparaissent sans aucune ambiguïté à cet égard.

Le soutien politique se traduit sur le plan institutionnel à Jérusalem, à travers les attributions du Consulat général de France , comparables à celles d'une ambassade, compétent sur la bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem.

La coopération culturelle traduit le souci d'inscrire dans la durée l'influence que nous confèrent nos prises de position politiques. Ainsi, notre diplomatie cherche à promouvoir le français, promis à devenir la deuxième langue étrangère dans les programmes de l'enseignement prévus dans les années à venir. Dans cette perspective, les besoins de formation en français pour les futurs enseignants apparaissent considérables alors même que notre langue ne fait pas encore l'objet d'un enseignement à un niveau approprié au sein de l'université. Pour l'heure, les initiatives françaises n'ont pas manqué dans le domaine scolaire avec la création d'une filière bilingue au sein de quatre écoles pilotes choisies par les autorités palestiniennes -deux à Gaza, une à Naplouse, une à Bir Zeit). Onze enseignants et conseillers pédagogiques coopèrent à cette action.

En outre, dans le cadre de la coopération culturelle, la France cherche également à renforcer les structures de la future entité palestinienne à travers la formation des cadres. Cette orientation s'est manifestée notamment par la création du centre de droit de l'université de Bir Zeit destiné à devenir le principal organe de consultation législative et juridique des territoires et par la mise en place d'un programme spécial de formation des jeunes cadres palestiniens.

b) Une aide économique importante qu'il convient de conforter

Les échanges commerciaux , difficilement séparables des échanges avec Israël, se caractérisent par leur déséquilibre : les exportations françaises s'élèvent sans doute à 250 millions de francs tandis que les ventes de produits palestiniens en France ne dépassent pas 2 à 3 millions de francs. L'économie palestinienne relève aujourd'hui, en effet, d'une logique d'aide. L'appui de la France s'est traduit par un engagement financier de l'ordre de 385 millions de Francs en 1995 (115 MF pour les actions bilatérales et 155 MF pour l'aide multilatérale) : cette aide classe notre pays au 6e rang des donateurs.

L'aide bilatérale présente deux volets principaux :

- un soutien au secteur privé (25 MF sur la période 1993-1996) à travers le financement de 11 projets dans les secteurs de la santé (équipement des hôpitaux et industries pharmaceutiques), tourisme (hôtels), agro-alimentaire et bâtiment ;

- une aide au secteur public (217,5 MF) : eau et assainissement, équipement pour la police, la santé, les infrastructures municipales et la télévision.

Le port de Gaza constitue cependant le projet phare mais le montant qui lui était destiné - 100 millions de francs - n'a pu être décaissé faute des autorisations israéliennes nécessaires.

Bien que soucieuse avant tout de concentrer son soutien sur des projets de développement nécessaires au renforcement du cadre économique et institutionnel de la future entité palestinienne, la France a consenti, à titre exceptionnel, en 1995 un versement de 10 millions de francs pour financer le déficit budgétaire de l'autorité palestinienne.

Parallèlement à l'aide bilatérale, les concours de la France dans un cadre multilatéral revêtent deux formes principales :

- une contribution, à hauteur de 19 % sur la période 1994-1998, aux actions communautaires (dons de l'Union européenne et prêts de la Banque européenne d'Investissements) soit 149 millions de francs d'aide annuelle ;

- la participation au financement de l' UNRWA (11,5 MF en 1996).

Les fonds engagés de source bilatérale ou multilatérale ouvrent de nombreuses opportunités pour les entreprises françaises. Certains groupes intervenus dans les territoires à la faveur des procédures de financement françaises ont pu faire valoir leur savoir faire auprès des bailleurs de fonds multilatéraux et des pouvoirs publics palestiniens. Ainsi, la Lyonnaise des Eaux a été choisie par l'Autorité palestinienne de l'eau pour améliorer les services d'eau et d'assainissement dans l'ensemble de la bande de Gaza. Le contrat porte sur 9 millions de dollars. D'autres perspectives intéressantes se présenteront à l'avenir.

CONCLUSION

Dans l'hypothèse où le bouclage des territoires se maintiendrait avec une même rigueur, et où le processus de paix connaîtrait encore de nouveaux retards, la double impasse économique et politique pourrait conduire la population palestinienne à la désespérance.

Cette situation ferait le jeu de tous les extrémismes et conduirait à une reprise des violences. Il n'est pas difficile d'imaginer alors le cycle néfaste qui pourrait se former : répression - fermeture renforcée - redoublement des tensions. Les ressorts du processus de paix ne seraient-ils pas dès lors définitivement brisés ?

La signature d'un accord sur Hébron en janvier 1997 vient de soulever un nouvel espoir pour le processus de paix. La logique ouverte par les accords d'Oslo, l'accord sur Hébron en témoigne, a pu surmonter le poids des parti-pris idéologiques. Cependant, il ne faut pas se le dissimuler, les questions extrêmement difficiles demeurent à négocier. Dans quel état d'esprit les deux partenaires aborderont-ils les échéances à venir ?

Le rôle majeur de l'opinion publique

Les responsables israéliens peuvent-ils renouer avec le grand dessein qui conduisit aux accords d'Oslo ? Sans doute la "révolution des mentalités" appelée de leurs voeux par Itzhak Rabin et Shimon Pérès demeure inachevée. Fallait-il, comme l'a indiqué M. Elie Barnavi devant votre délégation, forcer le destin au moment d'Oslo et signer dans le même souffle un accord permanent ? D'après lui, le choix d'un processus par étapes donnait prise aux manoeuvres des adversaires de la paix. L'incertitude sur les concessions nécessaires au terme de la période intérimaire a entretenu les inquiétudes.

Mais l'opinion continue d'évoluer. Les risques actuels lui font mieux percevoir les mérites de la paix, et au premier chef, sans doute, la reconnaissance du fait israélien dans la région, garantie de la sécurité aux frontières. En Israël même, la poursuite du processus de paix demeure le meilleur gage d'une quiétude que la fermeture des territoires ne peut procurer que dans le court terme : l'opinion s'en convainc progressivement.

M. Netanyahou apparaît attentif aux aspirations des Israéliens. Il s'est montré pragmatique et n'a pas craint d'affronter l'hostilité de certains de ses alliés au gouvernement pour leur imposer un accord sur Hébron. Il ne faut jamais l'oublier, c'est un Premier ministre du Likoud, M. Begin, qui a signé les premiers accords de paix avec l'Egypte.

Restaurer la confiance

Quels peuvent être aujourd'hui les moyens de relancer le processus de paix ? Sans doute importe-t-il en premier lieu de promouvoir réellement la coopération économique entre les deux parties, chantier encore en jachère malgré la place que lui accordait la déclaration de principes de 1993. Si les oppositions se cristallisent aujourd'hui sur les questions d'ordre politique, qu'il faudra certes bien aborder dans la perspective du statut permanent, le détour par l'économie peut favoriser un déblocage des discussions.

La difficulté de la négociation, dès l'origine, s'est trouvée résumée dans la formule "la paix contre les territoires" : Israël doit consentir des sacrifices en termes de pouvoirs et de territoires contre la paix. La dissymétrie des positions entre Israël et ses voisins arabes, comme entre Israéliens et Palestiniens peut expliquer bien des hésitations et nourrir bien des soupçons.

Pour permettre à Israël d'avancer, il convient de lui donner tous les gages qui fondent sa confiance et répondent à son souci légitime de sécurité. Les Palestiniens s'étaient engagés dans cette voie, notamment en montrant une grande fermeté dans la lutte contre le Hamas au moment des attentats perpétrés contre Israël au début de l'année 1996. Pour que la confiance puisse se restaurer, les deux parties doivent accepter de renouer les fils du dialogue . La signature de l'accord sur Hébron, si elle n'a pas suffi à restaurer encore un climat de confiance, constitue toutefois une promesse qui engage les deux partenaires.

Une présence française inscrite dans un souci d'équilibre

Quelle place notre pays peut-il occuper dans le processus en cours ? Les interlocuteurs israéliens de votre délégation ont regretté, à des degrés divers, les orientations adoptées par le Président de la République au cours de sa visite dans la région en octobre dernier. A l'inverse, les personnalités palestiniennes se sont félicitées des positions prises par M. Jacques Chirac. M. Yasser Arafat a toutefois observé, pour s'en étonner, que notre pays, et l'Europe en général, hésitait à faire pression sur Israël, notamment à travers des moyens économiques.

Si la France aspire à jouer un rôle de médiation dans cette région, conforme à sa vocation de puissance européenne et méditerranéenne et aux intérêts de sa diplomatie, elle doit développer des relations équilibrées avec les deux parties .

Nos échanges comme notre coopération avec Israël demeurent encore trop limités, alors même que nous nous devons de renforcer notre crédibilité auprès d'Israël quand nous plaidons pour le processus de paix.

S'agissant des territoires palestiniens, l'appui accordé au renforcement d'institutions démocratiques apparaît inséparable de l'aide économique destinée à forger les bases d'un futur Etat. Tout mérite d'être fait par ailleurs pour favoriser l'autonomie économique des territoires : développement des infrastructures (port et aéroport de Gaza) et des échanges directs entre les territoires et le reste du monde. Votre délégation se félicite à cet égard de la signature d'un accord intérimaire entre l'Union européenne et l'OLP.

La France ne peut être absente d'une scène où se joue la stabilité d'une région avec laquelle elle a tissé de longue date des liens historiques et humains d'une rare intensité, et qu'un proche avenir promet en outre à une intégration plus forte encore avec les économies européennes.

Pour préserver ou restaurer son influence, notre pays doit s'attacher à se faire entendre des différentes parties en présence. Il y a là pour notre diplomatie un défi qui mérite d'être relevé.

ANNEXE 1 -
PROGRAMME DE LA DÉLÉGATION EN ISRAËL
(DU 25 AU 27 NOVEMBRE)
ET DANS LES TERRITOIRES PALESTINIENS
(DU 28 AU 29 NOVEMBRE)

- Lundi 25 novembre

21 heures : dîner à Jérusalem avec M. Elie Barnavi, professeur d'université, M. Jean-Noël de Bouillane de Lacoste, ambassadeur de France en Israël et M. Stanislas de Laboulaye, consul général de France à Jérusalem.

- Mardi 26 novembre

10 heures : visite de AVX, fabrique de microprocesseurs.

11 heures 30 : entretien avec M. Nissim Zvili, secrétaire général du parti travailliste.

12 heures 30 : entretien avec M. Dan Tichon, Président de la Knesseth.

13 heures : déjeuner offert par M. Rafael Edry, Président du groupe d'amitié Israël-France. Participation de MM. Avraham Porat (Meretz) et Aviner Hai-Shaki (Parti National Religieux).

14 heures 30 : visite de la Knesseth.

15 heures : visite au Yad Vashem.

- Mercredi 27 novembre

10 heures - 11 heures 45 : réunion de travail dirigée par M. Michael Bavli, Directeur général adjoint au ministère des Affaires étrangères.

12 heures : entretien avec M. Dan Meridor, Ministre des Finances.

13 heures : déjeuner offert par M. Zvi Tenney, Directeur d'Europe pour les questions économiques au ministère des Affaires étrangères.

16 heures : entretien avec M. Benny Zeev Begin, Ministre de la Science et de la Technologie.

18 heures : entretien avec M. Shimon Pérès, Président du parti travailliste à Tel-Aviv.

20 heures : dîner offert par M. l'Ambassadeur Jean-Noël de Bouillane de Lacoste avec des membres du corps diplomatique de l'Union européenne.

- Jeudi 28 novembre

9 heures 30 : entretien avec M. Nabil Shaath, Ministre de la planification et de la coopération internationale, à l'American Colony, à Jérusalem.

11 heures : entretien avec M. Yasser Arafat, Président de l'Autorité palestinienne, à Jéricho.

18 heures : entretien avec MM. Bishara Daoud et Mitri Abou Aita, membres du Conseil législatif palestinien, à Bethléem.

20 heures : entretien avec M. Bassam Khouri, industriel (médicaments génériques), et d'autres chefs d'entreprise palestiniens à Ramallah.

Vendredi 29 novembre

10 heures : entretien avec M. Hassan Tahboub, Ministre des Cultes, à son domicile, à Jérusalem.

11 heures : entretien avec M. Thierry Béchet, représentant de la Commission européenne, à Jérusalem.

12 heures : déjeuner à la résidence du Consul général, à Jérusalem.

ANNEXE 2
COMPTE RENDU
DES ENTRETIENS DE LA DÉLÉGATION

A. ENTRETIEN DE LA DÉLÉGATION AVEC DES PERSONNALITÉS ISRAÉLIENNES

1. Entretien avec M. Dan Tichon, président de la Knesset

Revenant sur le déplacement du président de la République française en Israël, M. Dan Tichon a jugé qu'il s'agissait d'une bonne visite.

Après s'être étonné que le Président Jacques Chirac n'ait pas prévu, à l'origine, prononcer un discours devant la Knesset, M. Dan Tichon a souligné le rôle et l'importance de la Knesset dans la vie politique israélienne.

Il a ajouté qu'elle constituait la seule instance parlementaire démocratique au Moyen-Orient. Il a noté à cet égard que le gouvernement serait obligé de soumettre à la Knesset le résultat auquel il aboutirait avec les Palestiniens sur Hébron et que sa responsabilité pouvait être engagée sur ce sujet.

M. Dan Tichon a ensuite présenté l'organisation de la Knesset. Il a indiqué que l'Assemblée formait une seule Chambre, comprenait 120 membres, 66 députés appartenant à la coalition et 52 à l'opposition, 2 députés fluctuant entre majorité et opposition. Il a ajouté que l'objectif de passer de 52 à 61 députés constituait la fondement du jeu politique en Israël.

M. Dan Tichon a présenté l'ensemble des partis représentés à la Knesset :

- au sein de la coalition gouvernementale : le Likoud (23 sièges), le Guesher (5 sièges), Tsomet (droite nationaliste - 4 sièges), le Shass (Parti religieux orthodoxe séfarade - 10 sièges), le parti national religieux (9 sièges), le Parti du Judaïsme unifié de la Torah (Parti religieux orthodoxe ashkénaze - 4 sièges), le parti d'Israël par l'Aliya (Parti des immigrants russes 7 sièges), la Troisième voie (dissidents du Parti travailliste opposés à la cession du Golan - 4 sièges)

- à l'extrême droite, le Moledet (2 sièges)

- dans l'opposition : le Parti travailliste (34 sièges), le Meretz (coalition composée du Mouvement pour le droit des citoyens, du Mapam et du Shinui - 9 sièges), le Hadash (Front démocratique pour la paix et l'égalité, communiste - 5 sièges), le parti démocratique arabe (4 sièges).

M. Dan Tichon a souligné que sa préoccupation à court terme portait sur le comportement des citoyens arabes et leur radicalisation politique.

Le président de la Knesset a souligné que le Likoud, comme le parti travailliste, cherchait à mettre en oeuvre le processus de paix mais sans mettre l'accent sur les mêmes aspects. D'après lui, le Likoud souhaitait parvenir à la paix en mettant l'accent sur la sécurité et la prudence observée apparaissait indispensable pour ne pas commettre d'erreurs qui pourraient être payées d'un prix très lourd à l'avenir.

Il a souligné que nous entrions maintenant dans une étape critique de la négociation et s'est étonné que l'on n'y soit pas parvenu plus tôt. Il a relevé que de nouveaux délais provoquaient des tensions mais que certaines mesures prises par l'OLP apparaissaient préoccupantes et méritaient une réponse.

M. Dan Tichon a relevé que la situation au Proche-Orient, et ses subtilités, n'étaient pas toujous bien comprises en Europe et en France.

Il a affirmé cependant son total optimisme sur l'évolution du processus de paix en soulignant que le Likoud parviendrait à la paix avec ses propres méthodes et que les accords tiendraient compte de la sécurité.

Abordant ensuite l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël, M. Dan Tichon a souligné qu'il avait été l'un de ceux qui avaient participé au débat parlementaire sur la ratification du précédent accord de 1975. Il a considéré que si l'accord avait été envisagé de façon très positive à l'époque, il n'avait pas permis d'obtenir des résultats très marquants pour le développement du commerce israélien en Europe. Il s'est demandé si on avait pris la mesure exacte des raisons pour lesquelles les résultats n'avaient pas été à la hauteur des espérances et si ces facteurs avaient été pris en compte dans le nouvel accord.

Il a regretté pour sa part que l'accord n'aille pas plus loin et ne prévoit pas un statut de membre associé à l'Union européenne.

M. Dan Tichon a enfin conclu sur les relations entre Israël et les Etats de la région en rappelant les espoirs qu'avait soulevés la Conférence du Caire de 1994.

Il a observé cependant que les accords économiques signés avec l'Egypte n'avaient pas permis de développer les échanges après 17 ans de paix. Sans doute, a-t-il remarqué, 60 % des importations israéliennes d'essence proviennent d'Egypte. De même, le nombre de touristes israéliens en Egypte progressait, mais toutes ces relations demeuraient sans réciprocité. Le Président Anouar al-Sadate avait été le premier et le dernier dirigeant arabe à se rendre à Jérusalem. Il a relevé qu'il n'y avait pas de relations sportives et que la dernière rencontre entre une équipe égyptienne de hand-ball et une équipe israélienne s'était conclue par des violences.

Il s'est demandé enfin pourquoi le Proche-Orient, qui pourrait tant gagner à développer ses relations avec Israël n'avait pas su tirer parti du processus de paix.

2. Entretien avec M. Shimon Pérès, ancien premier ministre, président du parti travailliste

M. Shimon Pérès a tout d'abord indiqué qu'il ne pouvait y avoir de paix sans concessions.

Il a regretté que M. Netanyahou ait pris plusieurs décisions (ouverture du tunnel sous l'esplanade des mosquées, renégociation du redéploiement à Hébron...) qui, sans permettre aucun gain en termes politiques, ont au contraire placé Israël dans une position difficile, tant à l'égard des Palestiniens qu'à l'égard de la communauté internationale.

Après avoir exprimé l'espoir que puisse être trouvée une solution au problème d'Hébron, M. Shimon Pérès a insisté sur la difficulté que présenteraient les futurs thèmes de la discussion, qu'il s'agisse du statut permanent ou de la négociation avec la Syrie.

Il s'est déclaré convaincu que M. Benyamin Netanyahou souhaitait obtenir un accord sur Hébron bien que l'absence de confiance mutuelle constituait, aujourd'hui, un handicap majeur.

M. Shimon Pérès a répondu à M. Maurice Lombard qui l'interrogeait sur le rôle de l'économie dans le processus de paix que l'on observait le passage d'un monde ennemi vers un monde de menaces où l'intégrisme et les armes nucléaires constituaient aujourd'hui les vrais dangers. Il a souligné qu'on ne pouvait arrêter l'intégrisme par les armes mais plutôt par l'amélioration de la situation économique et l'éducation.

A M. Delanoë qui l'interrogeait sur la situation dans les territoires palestiniens, M. Simon Pérès a précisé que les aspects politiques et économiques étaient étroitement liés. Il a souligné la gravité du chômage et insisté sur la nécessité de développer les industries à Gaza et en Cisjordanie. Il a précisé en outre que le gouvernement d'Israël devait favoriser l'ouverture du port de Gaza.

Après que M. Delanoë se soit interrogé sur un éventuel durcissement de la position de Yasser Arafat, M. Shimon Pérès a répondu que les deux parties devaient satisfaire les attentes de leurs opinions respectives. Il a noté que si l'existence d'un ennemi commun unifiait, la paix changeait la donne et introduisait de nouvelles contraintes politiques.

S'il était vrai, a observé M. Shimon Pérès, que les relations d'Israël avec les pays arabes se dégradaient, la clé du problème au Proche-Orient restait la relation entre Israël et les Palestiniens. Si le monde arabe aidait les Palestiniens comme la Diaspora juive soutenait Israël, a-t-il ajouté, une partie des problèmes économiques des territoires pourrait se trouver résolue.

M. Shimon Pérès a souligné enfin que l'Union européenne et les Etats-Unis devaient s'associer pour conduire une politique concertée.

Il a précisé en effet que si l'OTAN n'avait plus de véritable objet dans sa sphère géographique actuelle, le Proche-Orient posait un défi demeuré sans réponse qui pouvait appeler une réponse atlantique à la fois sur les plans politique et économique. Il s'est dit persuadé à cet égard que les Américains commençaient à comprendre la nécessité d'une présence européenne.

3. Entretien avec M. Dan Meridor, ministre des Finances

M. Dan Meridor a d'abord précisé que la visite des sénateurs français intervenait à un moment dramatique dans le processus de paix.

Il a relevé que plusieurs problèmes se posaient avec une particulière acuité, notamment la question de Jérusalem et des réfugiés.

Il a ajouté que, dans l'immédiat, l'un des problèmes importants auxquels il se trouvait confronté était la réduction du déficit budgétaire. Il avait l'espoir, cependant, que le projet de budget puisse être adopté avant la fin de l'année et permette de réduire de façon drastique le déficit malgré les difficultés que pouvait soulever cet effort de rigueur au sein même d'une majorité de coalition composite.

Le ministre des finances a insisté ensuite sur l'importance du volet économique du processus de paix. Il a admis les conséquences très difficiles des bouclages des territoires sur l'économie palestinienne, tout en soulignant que ce dispositif était inspiré par des raisons de sécurité. Il a souhaité que ces mesures puissent faire l'objet d'allégements et s'est déclaré prêt à aller à Ramallah pour rencontrer ses interlocuteurs palestiniens.

M. Dan Meridor a insisté sur la nécessité de mettre en oeuvre des zones industrielles communes entre Gaza et Israël, avec l'assistance de la Banque mondiale. Il a également noté qu'Israël envisageait une augmentation du nombre de permis de travail pour les Palestiniens, sous réserve d'une amélioration des relations entre les deux parties.

Le ministre des finances a déploré que les Palestiniens aient interrompu le dialogue en septembre et a craint que la situation actuelle ne conduise au désespoir les masses palestiniennes.

M. Bertrand Delanoë a alors souhaité connaître la position du gouvernement israélien sur le développement économique des territoires, en particulier la mise en oeuvre du chantier du port de Gaza, la délivrance des autorisations nécessaires concernant l'aéroport de Gaza et l'ensemble des décisions permettant la libre circulation des productions palestiniennes.

M. Dan Meridor a précisé qu'il n'avait pas d'opposition de principe sur ces différents points. Il a relevé que les dossiers du port, comme de l'aéroport de Gaza, étaient réglés mais que les conditions de sécurité, s'agissant notamment de l'aéroport, ainsi que les problèmes douaniers, devaient être réglés dans l'esprit des accords signés. Il a souligné que le dialogue devait être relancé de façon impérative.

M. Maurice Lombard a proposé que la délégation sénatoriale se fasse l'écho de cette offre de dialogue auprès de ses interlocuteurs palestiniens.

Evoquant les relations entre Israël et l'Europe, M. Dan Meridor a d'abord noté que l'Etat hébreu avait entretenu des relations privilégiées avec la France jusqu'en 1967 et qu'il s'était tourné ensuite vers les Etats-Unis mais que de nouveaux changements s'étaient produits dans les dernières années.

Il a souligné la proximité non seulement géographique, mais culturelle de l'Europe et signalé sa préoccupation à l'égard de l'américanisation de la culture israélienne.

Il a considéré que l'Europe avait des intérêts au Proche-Orient, même si Israël n'avait pas toujours été satisfaite des positions prises par l'Union européenne. Il a relevé qu'il appartenait aux Israéliens et aux Palestiniens de trouver, par un dialogue direct, une solution à leurs problèmes, et noté à cet égard que les avancées du processus de paix avaient reposé sur une relation à laquelle ne pouvait se substituer aucune médiation.

Toutefois il a ajouté que les pays arabes hostiles à la paix pouvaient, et devaient être sensibilisés aux intérêts d'Israël par l'Union européenne.

M. Dan Meridor a souligné qu'il importait de développer les relations économiques avec la France en regrettant que les hommes d'affaires entre les deux pays ne se connaissent pas assez encore.

Il a indiqué que l'immigration russe avait constitué le plus important défi auquel la société israélienne avait été confrontée depuis dix ans, mais que cet apport humain avait également illustré la raison d'être de l'Etat juif.

M. Dan Meridor a conclu en insistant sur la bonne volonté d'Israël et sur l'importance de la prise de risques consentie afin d'obtenir la paix et la stabilité.

La réalité n'avait pas toujours été à la mesure des espoirs, a-t-il reconnu en citant la montée de l'intégrisme islamiste et du nationalisme arabe.

Il a regretté à cet égard que le Président Hafez el-Assad n'ait donné aucun signe d'ouverture malgré les offres de négociation israéliennes.

4. Entretien avec M. Benni Zeev Begin, ministre de la science et de la technologie

M. Begin a d'abord souligné devant la délégation les succès accomplis par Israël dans le domaine scientifique, malgré un contexte difficile de terrorisme et de conflits (les scientifiques ne peuvent commencer leurs études qu'à l'âge de 21 ans après avoir accompli leurs obligations nationales, et sont tenus ensuite de servir dans la réserve à intervalles réguliers) : création d'une université hébraïque, importance des publications scientifiques (qui ont progressé de près de 30 % en cinq ans), mise au point de satellites spatiaux ...

M. Begin a observé que dans le domaine scientifique, Israël et les pays européens avaient noué de longue date un partenariat privilégié. Il a rappelé qu'Israël avait apporté une contribution financière importante pour pouvoir participer au quatrième programme-cadre de recherche et de développement (" 4ème PCRD ") de l'Union européenne.

A M. Maurice Lombard qui l'interrogeait sur la part respective de l'Etat, de l'Université et des entreprises dans le financement de la recherche, M. Begin a relevé que le secteur privé prenait en charge moins de 40 % des dépenses de recherche, à la différence de la situation européenne où la part de l'industrie dans le financement de la recherche-développement dépassait 50 %. La recherche fondamentale, a-t-il ajouté, relevait quasi exclusivement de l'Etat, tandis que les universités décidaient, selon leurs propres priorités, de l'allocation de leur budget de recherche.

M. Begin a précisé, à l'intention de M. Bertrand Delanoë, que le gouvernement israélien, s'il tenait à préserver la liberté scientifique des savants, avait choisi cependant de fixer plusieurs domaines privilégiés qu'il soutenait en priorité (l'informatique, l'électronique, la biotechnologie et les matériaux avancés). Il a relevé, s'agissant des relations franco-israéliennes, que des programmes communs ainsi que des échanges de chercheurs avaient pu être organisés dans le cadre de l'Association franco-israélienne pour la recherche scientifique et technologique (AFIRST). Il a souhaité que la coopération entre nos deux pays puisse servir à Israël de "tremplin" pour une association avec d'autres pays européens. Les relations les plus anciennes, a-t-il ajouté, avaient été tissées avec l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni.

M. Begin, en conclusion, a rappelé l'intensité des relations israélo-françaises jusqu'en 1967. Il s'est réjoui que les Européens attachent une importance désormais déterminante au partenariat scientifique noué avec Israël et souhaité que cette coopération puisse échapper aux controverses politiques.

5. Entretien avec M. Nissim Zvili, secrétaire général du parti travailliste israélien

Evoquant en premier lieu les retards dans la mise en oeuvre du processus de paix, M. Nissim Zvili a d'abord souligné que la situation commençait à devenir dangereuse et qu'elle plaçait, en particulier, M. Arafat dans une position délicate vis-à-vis des Palestiniens.

En l'absence de résultats préalables obtenus par la négociation, une rencontre entre M. Netanyahou et le président de l'Autorité palestinienne ne lui paraissait pas souhaitable pour ne pas courir le risque d'afficher un échec.

Le secrétaire général du Parti travailliste a fait part de son optimisme sur deux des prochaines étapes du processus de paix : le redéploiement militaire israélien dont l'ampleur restait à négocier, et l'ouverture de discussions sur le statut permanent. Il a souligné que les implantations, constituaient en revanche, à l'heure actuelle, un problème très difficile. Il a observé que, dans l'esprit de M. Netanyahou, le statut permanent des territoires palestiniens ne se distinguait pas de l'autonomie déjà accordée et il a souhaité que la droite évolue en faveur d'une véritable séparation entre Israël et les territoires palestiniens.

Revenant sur la fermeture des territoires, M. Zvili a précisé que cette politique visait à rassurer la population israélienne mais qu'elle ne saurait être, ni pour la droite ni pour la gauche, une solution. Il a relevé que la main-d'oeuvre palestinienne employée en Israël constituait une ressource de grande qualité et que le recours aux travailleurs immigrés pourrait soulever, à terme, des problèmes pour l'Etat hébreu.

M. Zvili a souligné l'importance qu'il convenait d'accorder à l'aide au développement économique des territoires palestiniens. Il a insisté en particulier sur le dynamisme et la qualité des chefs d'entreprise palestiniens. La construction d'un port à Gaza pouvait cependant, d'après lui, fournir aux Palestiniens la tentation d'accroître leur capacité militaire. Il ne répondait pas, en outre, à un réel besoin économique dans la région, même s'il satisfaisait à l'aspiration d'une autonomie économique.

Evoquant une rencontre entre des délégations de la Knesset et du conseil législatif palestinien, M. Zvili a précisé que la classe politique de son pays commençait à s'habituer à la nouvelle donne introduite par le processus de paix. De son point de vue, les avancées du processus de paix n'apparaissaient pas irréversibles. Toutefois, si le gouvernement actuel d'Israël s'engageait réellement en faveur du processus de paix, le Parti travailliste serait prêt à le soutenir. M. Zvili a rappelé à cet égard le précédent constitué par le soutien apporté par les travaillistes au gouvernement, minoritaire, de M. Begin en 1978. En revanche, tout recul du gouvernement sur le processus en cours entraînerait l'opposition du Parti travailliste.

M. Zvili a souligné qu'une crise serait inévitable si le gouvernement devait continuer à baser son action sur son idéologie ou sa plate-forme politique. La négociation supposait un accord politique avec les Palestiniens et le Likoud devrait prendre une plus juste mesure des marges de manoeuvre don il disposait vis-à-vis des Palestiniens.

Abordant ensuite la situation du Parti travailliste, M. Zvili, a relevé que si le Parti travailliste parvenait à unifier les différentes sensibilités politiques qui le composaient et réussissait à proposer une réelle alternative, il pouvait espérer revenir au pouvoir dans un délai rapide

M. Zvili a précisé la position de M. Shimon Pérès en indiquant que le président du Parti travailliste pensait parvenir, dans le cadre d'un gouvernement d'union nationale, à former une majorité en faveur du processus de paix. M. Zvili a noté que, pour sa part, il ne croyait pas à cette formule : la marge de manoeuvre laissée à M. Pérès serait nécessairement plus étroite que celle dont il disposait avec M. Rabin. D'après lui, les travaillistes seraient obligés de quitter le gouvernement d'Union nationale quelques mois après sa formation.

M. Zvili a relevé que M. Barak représentait, au sein du Parti travailliste, la tendance d'Itzhak Rabin et qu'il se situait plutôt " à droite " vis-à-vis du processus de paix. Les travaillistes demeuraient toutefois pragmatiques : l'évolution du parti sur la formation, désormais admise, d'un Etat palestinien ainsi que son évolution sur le plateau du Golan en témoignait. M. Barak pouvait également évoluer, tout en donnant peut-être plus de poids aux éléments de sécurité.

M. Zvili a ensuite évoqué l'impact du voyage du Président de la République française en Israël, en soulignant que les déclarations de M. Chirac ne permettaient pas de penser qu'il observait une position de neutralité dans le processus de paix. Il a regretté cette situation en faisant valoir que la France pouvait jouer un rôle très utile dans la région, notamment vis-à-vis de l'Irak, de la Syrie et du Liban. Il s'est référé à la position des Etats-Unis soucieux, avant tout, de soutenir les positions acceptées par les parties israéliennes et palestiniennes. Il a précisé que l'Europe avait un rôle important à jouer en faveur du développement économique des territoires palestiniens. Il a relevé que les pays arabes avaient implicitement décidé de geler les relations économiques avec Israël tant qu'aucune avancée n'avait été enregistrée sur le processus de paix. Les Etats arabes, a-t-il rappelé, ont toujours établi un lien entre la sphère économique et politique, même si les Israéliens récusent cette relation.

Il a relevé, pour conclure, que dans la vie politique israélienne et notamment les élections, les facteurs économiques jouaient un rôle beaucoup moins important que les enjeux liés à la sécurité et à la paix.

B. ENTRETIEN DE LA DÉLÉGATION AVEC DES PERSONNALITÉS PALESTINIENNES

1. Entretien avec M. Yasser Arafat, président de l'Autorité palestinienne

M. Yasser Arafat a d'abord indiqué à M. Maurice Lombard, qui l'interrogeait sur les perspectives du processus de paix, que le gouvernement israélien demeurait prisonnier de son programme électoral. Il a regretté qu'Israël récuse une intervention internationale, et notamment européenne. Il a observé que les propos d'ouverture tenus par M. Netanyahou à ses différents interlocuteurs, MM. Chirac, Moubarak, le roi Hussein de Jordanie, n'avaient pas été suivis d'effet.

M. Yasser Arafat a relevé que l'Europe, premier partenaire économique d'Israël, n'utilisait pas la carte économique pour influencer les Israéliens. Il a souligné à cet égard que si l'Etat israélien n'avait aucun doute sur la reconduction des différents accords qui le liaient à l'Europe, il n'avait aucune raison de prendre en considération les positions politiques européennes.

A M. Delanoë, qui souhaitait savoir si la solution ne passait pas par la signature d'accords bilatéraux avec les représentants palestiniens, comparables à ceux conclus avec Israël, M. Yasser Arafat a relevé que, pour l'heure, seul un accord intérimaire était envisagé entre l'Union européenne et les territoires palestiniens. Il a ajouté que les exportations palestiniennes demeuraient subordonnées à un passage par les territoires israéliens ou égyptiens tant que le port de Gaza restait à l'état de projet faute des autorisations israéliennes nécessaires. M. Yasser Arafat a précisé que les fleurs cultivées sur les territoires finissaient en pâture pour les animaux parce qu'elles ne pouvaient être exportées. Il a noté que l'économie palestinienne perdait de la sorte plusieurs millions de dollars par jour, au risque de susciter une explosion sociale dans les territoires. Il a observé que le calme et la patience auxquels il appelait les populations rencontreraient bientôt leurs limites.

Le président de l'Autorité palestinienne a indiqué à M. Maurice Lombard, qui l'interrogeait sur la position des Etats-Unis, que le président démocrate confronté à un Congrès dominé par les Républicains, pouvait rencontrer certaines difficultés à arrêter la position américaine au Proche-Orient.

M. Bertrand Delanoë a noté qu'une intensification de la coopération entre l'Union européenne et les territoires palestiniens pouvait conforter la place de ces derniers dans la région.

M. Yasser Arafat a observé que la Palestine figurait parmi les membres de plein droit de la Ligue arabe et de la Conférence islamique. Il a rappelé que le processus de paix avait favorisé la position diplomatique d'Israël à travers le monde, de la Chine au Sénégal.

Après que M. Lombard lui ait fait part du souhait manifesté devant la délégation par M. Dan Meridor, ministre des finances israélien, de renouer le contact avec la partie palestinienne, le président de l'Autorité palestinienne a souligné que beaucoup de rencontres avaient déjà eu lieu sans résultat. Il a relevé que les difficultés économiques constituaient un terreau favorable pour le développement de tous les fanatismes, et rappelé les propos de Henry Kissinger, selon lesquels il ne pouvait y avoir de paix pour le peuple israélien sans que la paix ait été faite avec les Palestiniens.

M. Yasser Arafat a précisé, à l'intention de M. Bertrand Delanoë, qu'Israël souhaitait s'écarter des engagements contenus dans l'accord initial signé sous le co-parrainage des Etats-Unis et de la Russie, en présence de M. Felipe Gonzales, représentant de l'Union européenne, et approuvé par la Knesset. D'après le président de l'Autorité palestinienne, cette position s'expliquait par la volonté du gouvernement israélien de surenchérir sur les concessions déjà accordées par les Palestiniens. M. Yasser Arafat a cité à cet égard les positions défendues par Israël dans les négociations sur Hébron. Les Palestiniens devaient-ils demeurer désarmés dans le cadre de patrouilles conjointes avec les Israéliens, s'est interrogé M. Yasser Arafat en affirmant qu'il voulait éviter les risques d'une humiliation pour les forces palestiniennes.

2. Entretien avec M. Nabil Shaath, ministre de la planification et de la coopération internationale

M. Nabil Shaath s'est d'abord félicité des progrès remarquables des négociations pour la signature d'un accord d'association intérimaire entre l'Union européenne et l'OLP. Il a relevé que l'Europe, et la France en particulier, constituait le meilleur soutien des Palestiniens dans le processus de paix. Il a souligné que la visite du président Chirac avait tout à la fois soulevé des espérances et suscité la patience nécessaire pour poursuivre dans les voies de la paix.

M. Nabil Shaath a craint que l'accord sur Hébron, lorsqu'il sera signé, demeure sans lendemain. Il a ajouté que M. Arafat avait rencontré des colons juifs installés à Hébron, et qu'il s'apprêtait à recevoir des membres du Likoud, témoignant ainsi d'une volonté d'ouverture vers la paix, d'ailleurs partagée par les Israéliens.

M. Nabil Shaath a toutefois souligné l'importance des blocages qui demeuraient. Il a attiré l'attention sur l'aéroport de Gaza qui attend les autorisations nécessaires pour fonctionner et le port, pour lequel les financements sont déjà trouvés mais qui demeure à l'état de projet, faute d'un aval israélien.

M. Nabil Shaath a relevé que les positions européennes présentaient des nuances : l'Allemagne et, dans une moindre mesure, les Pays-Bas, paraissent les plus réticents à exercer une pression sur Israël. Le Royaume-Uni, comme l'a d'ailleurs laissé entendre son ministre des affaires étrangères, M. Malcolm Rifkind, lors d'une récente visite en Israël et dans les territoires palestiniens, a exprimé sa réprobation sur la politique de développement des colonies et évoqué la perspective d'un Etat palestinien. Ainsi les Britanniques se rapprochaient des positions françaises, tout en marquant leur souci de ne pas se trouver en opposition avec les Etats-Unis.

3. Entretien avec M. Hassan Tahboub, ministre des cultes

Après avoir rappelé que la présence des Palestiniens à Jérusalem pouvait se prévaloir de près de 5 000 ans d'ancienneté, M. Hassan Tahboub a rappelé la dimension religieuse que revêtait Jérusalem pour les musulmans. Il a souhaité que Jérusalem puisse être une ville ouverte et que les Palestiniens puissent exercer la souveraineté sur la partie de la ville qui leur revient, même s'il ne doit pas y avoir de séparation entre la ville juive et la ville arabe.

M. Hassan Tahboub a précisé qu'il était le seul ministre de l'Autorité palestinienne à résider à Jérusalem et qu'il se voyait à ce titre dénier toute reconnaissance de la part d'Israël, qui toutefois ne prendrait pas le risque d'une expulsion.

Le ministre des cultes a souligné que l'accès aux lieux saints était rendu extrêmement difficile par la fermeture des territoires, et que seuls les résidents à Jérusalem pouvaient accéder librement aux lieux de culte, sous réserve toutefois des mesures de sécurité prises par les autorités israéliennes. Il a précisé à cet égard que les doubles nationaux pouvaient être contraints de choisir entre l'accès à Jérusalem et la remise de leur passeport aux autorités israéliennes.

M. Hassan Tahboub a indiqué que Jérusalem, selon lui, ne devait pas être divisée même si elle devenait la capitale de deux Etats. La cohabitation entre populations demeurait possible dans une ville qui pourrait être régie sous un régime inspiré par un statut de " copropriété ".

Le ministre des cultes a évoqué les difficultés de la vie quotidienne des Palestiniens et le besoin d'un soutien européen et en particulier d'une aide de la France -notre pays demeurant, d'après lui, le meilleur défenseur des intérêts palestiniens. Il a rappelé, pour conclure, que les Palestiniens nourrissaient trois aspirations fondamentales : vivre en paix, en justice, et en tant que nation. Il a souhaité enfin que les partenaires d'Israël puissent appeler l'Etat hébreu au seul respect de ses engagements.



1 B. Kodmani-Darwish et D. Moïsi, Arabes et Israéliens : la paix avant la réconciliation, in Politique étrangère, hiver 93/94.

2 Le Conseil de coopération du Golfe regroupe l'Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweit, Oman et Qatar.

3 Jusqu'à la première guerre mondiale, le français constituait dans la Palestine mandataire la première langue d'enseignement au sein des écoles juives.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page