2. L'anarchie du câble

Le câble est un marché très dynamique à Taïwan. A Taïpeh, il est possible qu'un appartement soit câblé dans les 24 heures, alors que plusieurs semaines sont nécessaires à Paris...

On estime à au moins 40 le nombre de chaînes reçues par câble dans un foyer câblé type à Taïwan. Ce nombre semble même s'accroître de plus de trois chaînes par mois ! Ces chiffres sont cependant difficiles à préciser car les chaînes sont diffusées illégalement par des opérateurs souvent individuels.

On compte près de 400 câblo-opérateurs, des individuels aux plus grands. Les abonnés à ces multiples réseaux câblés seraient déjà près de 1,5 million pour un nombre de foyers câblés d'environ 2,6 millions. La situation évolue cependant en fonction de la première loi sur le câble, adoptée en 1992.

Parmi les grandes chaînes, il convient de citer Star Mauvaise, lancée début 1994 en anglais et en chinois, TVBS, joint-venture entre le groupe hongkongais TVB et ERA (un grand groupe taïwanais de production et distribution vidéo), lancée également en 1993. Cette société a signé un accord avec 50 chaînes du câble ayant ainsi accès à 1,2 million de foyers. HBO et ABN sont également présentes via TVBS.

Les chaînes par câble ne représentent que 3 à 4 % des ressources publicitaires à la télévision qui s'élèvent à NT$ 8( * ) 26 milliards. Près de 90 % de la population regardent les télévisions hertziennes pour les informations, mais 70 % les considèrent comme progouvernementales.

La mise en application de la loi sur le câble, adoptée en janvier 1992, a considérablement modifié l'environnement des chaînes par câble : elle doit aboutir à la mise en place de réseaux légaux en lieu et place des nombreux opérateurs " pirates ", souvent individuels, qui servent actuellement les 2,6 millions de foyers. Des licences seront données à un opérateur pour chacun des 51 districts de diffusion. Les premières stations émettront en 1996. Ce sera donc l'occasion pour les câblo-opérateurs " illégaux " de régulariser leur situation.

Cependant, cette loi sur le câble n'a véritablement été appliquée qu'à partir de juillet 1993, en raison de la volonté marquée par le Gouvernement de réglementer et légaliser la télévision par câble. Aussi des licences ont-elles été accordées, par district, à des câblo-opérateurs. L'investissement étranger ne pourra dépasser 20 %. Par contre, seuls 20 % des programmes devront être produits localement.

Chaque district n'aura qu'un seul opérateur. Chaque station devra investir un minimum de NT$ 1,7 milliard (US$ 68 millions) dans les zones urbaines et NT$ 800 millions (US$ 31 millions) dans les zones rurales. L'ensemble des programmes seront soit produits localement, soit achetés légalement, preuve de la volonté du Gouvernement d'assainir le système et de lutter contre le piratage des droits. Les opérateurs sans licence sont passibles d'amendes de US$ 45 000 ou de peines de prison allant jusqu'à 7 ans.

Cette loi, destinée à assainir le marché et à supprimer le piratage, que les chaînes étrangères dénoncent, n'est pas toujours bien acceptée par les câblo-opérateurs. En effet, ceux-ci se voient contraints de payer ce qu'ils avaient jusqu'alors gratuitement ou à faible coût. Ils ont cependant renoncé à brouiller les signaux et l'un d'entre eux a même signé un accord exclusif avec Star Mauvaise.

Tous les diffuseurs étrangers, voyant les problèmes de piratage disparaître, souhaitent être présents à Taïwan ; les plus nombreux sont les Américains comme HBO, ESPN, CNN et Discovery. Par ailleurs, la télévision payante a été légalisée.

Le marché est cependant moins facile qu'il n'y paraît en raison de pratiques commerciales peu définies : les chaînes passent par des distributeurs locaux qui vendent aux câblo-opérateurs et versent en échange aux fournisseurs de programmes une somme souvent assez réduite. Ils font souvent baisser les prix pour des programmes sans sous-titres chinois ou trop marqués par la culture occidentale.

De plus, Taïwan n'a jamais signé aucune des grandes conventions internationales pour la protection des droits d'auteur. Par contre, le principe de la réciprocité est généralement admis. C'est le cas des États-Unis (accord signé en juillet 1993), et du Royaume-Uni, qui a promulgué dès 1985 le " Copyright Taiwan Order ", assurant aux producteurs taïwanais un traitement équivalent aux nationaux. Or, pour la France, il existe un vide juridique, dans la mesure où notre pays n'a jamais donné de garantie expresse pour la protection des oeuvres taïwanaises.

Comme conséquence à la loi sur le câble de janvier 1992, le marché devrait progressivement s'assainir. Les nouvelles chaînes ainsi réglementées ont commencé à émettre en 1996. Le nombre de leurs abonnés devrait rapidement atteindre les 4 millions. Beaucoup de majors d'Hollywood prévoient d'émettre ; TVBS envisage de créer une chaîne inspirée de Play-Boy et également une chaîne d'information.

La démarche pour un diffuseur désirant s'implanter à Taïwan sera peut-être plus longue et plus coûteuse que prévu si l'on en croit les déclarations de TVBS affirmant : " nous essayons de survivre jusqu'à ce que le marché soit plus transparent " ou de HBO, plus optimiste : " au moins, je suis là et je progresse ".

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