II. COMMERCE EXTERIEUR ET EMPLOI : UNE RELATION COMPLEXE ET STRATEGIQUE

L'internationalisation de l'économie apparaît très largement comme un phénomène irréversible auquel notre pays participe activement. Ce mouvement ne peut cependant pas constituer une fin en soi ; il s'agit en effet de veiller à maîtriser les effets de ce processus sur notre économie et, en particulier, sur nos emplois. Or, l'adaptation de notre pays à ce contexte soulève des problèmes dont l'importance justifie une réflexion sur les moyens de conduire notre intégration dans l'économie mondiale.

A. UN BILAN MITIGE

L'insertion de notre économie dans le commerce mondial rend un grand nombre d'emplois dépendants du commerce extérieur, la politique de désinflation compétitive suivie avec succès par notre pays ayant cependant limité, jusqu'à une date récente, le bénéfice que nous pouvions en retirer en matière de créations d'emploi.

1. Quatre millions d'emplois seraient liés à l'activité exportatrice

L'implication de notre pays dans les échanges internationaux est mise en évidence par le fait que 23 % de la richesse créée en France provient de la vente de biens et de services à l'étranger. Les différents observateurs du commerce extérieur français s'accordent pour considérer le chiffre de plus de 4 millions d'emplois liés à l'activité exportatrice, cité dans l'ouvrage du professeur Claude Vimont intitulé "Le commerce extérieur français, créateur ou destructeur d'emplois ?" comme une référence fiable en la matière.

A cet égard, il convient de rappeler que pour le professeur Claude Vimont, ces "4 millions d'emplois annuels à plein temps correspondent aux exportations de produits industriels, à la satisfaction de la demande des touristes étrangers en France et à des prestations de services d'entreprises françaises à l'étranger" . Il précise, par ailleurs, que dans cet ensemble, les exportations de produits industriels représentent plus de 3 millions d'emplois.

La direction des relations économiques extérieures souligne cependant que ce chiffre n'est pas un bilan net de nos échanges sur l'emploi. Les importations françaises représentent en effet, de leur côté, un peu plus de 20 % des richesses produites chaque année en France, soit un peu moins de 4 millions d'emplois. De fait, en adoptant une vision très réductrice consistant à considérer comme équivalent le "contenu en emploi" respectif de nos exportations et de nos importations, il apparaît que l'excédent dégagé par notre pays dans ses échanges de biens et services maintiendrait entre 100.000 et 500.000 emplois .

Une étude de la direction des relations économiques extérieures relève par ailleurs un certain nombre de faits intéressants sur la relation entre échanges extérieurs et emplois.

En ce qui concerne les grands contrats, les grandes entreprises relèvent qu'un milliard de francs supplémentaires d'exportations génère entre 500 et 1.000 emplois directs et 1.000 à 1.500 emplois induits, soit environ 2.000 emplois sur un an au total.

Pour les PME, qui sont concentrées dans le domaine des industries de main d'oeuvre, le même milliard de francs d'exportations supplémentaires représente a peu près 2.500 emplois sur un an.

Il est enfin souligné que l'activité exportatrice est très liée à la dynamique de l'emploi dans la mesure où les secteurs les plus actifs à l'exportation sont aussi ceux qui connaissent en moyenne l'évolution la plus favorable en termes d'emplois. De 1987 à 1994, en effet, il a été constaté que les seuls secteurs industriels qui ont créé de l'emploi, ou maintenu son niveau, sont généralement ceux pour lesquels la croissance des exportations a été la plus forte.

2. Un "carré magique" irréalisable ?

Les bienfaits de ces bonnes performances extérieures ne se vérifient cependant pas encore pleinement.

La réalisation de cette notion empirique de "carré magique", longtemps utilisée par les économistes tarde, en effet, à se vérifier dans notre pays. Au regard de ce "carré magique", qui définit une situation où doivent concorder l'équilibre extérieur, la maîtrise des prix, la croissance et le plein emploi, l'économie française n'obtient de très bons résultats que sur deux des côtés de ce carré.

Ainsi qu'il a été dit plus haut, notre économie réalise un "cercle vertueux" où s'enchaînent monnaie forte, excédent du commerce extérieur, faible niveau de l'inflation. Les effets positifs de ce cercle vertueux sur la croissance et l'emploi restent encore largement à démontrer.

a) Une relation croissance-excédent commercial devenue positive

En ce qui concerne la croissance, la signification de notre excédent commercial doit être précisée.

A cet égard, l'excédent enregistré par notre commerce extérieur en 1993, résulte très largement de la faiblesse de nos importations, qui elles-mêmes traduisaient l'atonie de notre demande intérieure, et, partant, celle de notre croissance.

L'année 1995 présente en revanche un bilan beaucoup plus satisfaisant, dans la mesure où l'excédent commercial que nous avons obtenu s'accompagne d'un fort mouvement d'importations.

Le raisonnement sur la signification du solde annuel de notre commerce extérieur doit ainsi être pondéré par l'examen de l'importance relative du mouvement des importations et des exportations.

Il faut néanmoins souligner que la progression de 22,8 milliards de francs de notre excédent entre les années 1994 et 1995, représente environ 0,3 % du produit intérieur brut, ce qui a constitué un réel apport à la croissance de notre économie en 1995.

Le rôle du commerce extérieur en tant que composante de la croissance doit être souligné dans la mesure où il contribue par ce biais au soutien du niveau de l'activité de notre économie et, par conséquent, à la préservation de l'emploi.

b) Un chemin de la croissance à dessiner au niveau européen

Notre pays se trouve toutefois encore bien éloigné de la réalisation du "carré magique".

Une des explications de la difficulté de notre pays à retrouver le chemin de la croissance et de l'emploi, tient au fait que, parmi nos principaux partenaires commerciaux, plusieurs pays pratiquent des politiques de désinflation compétitive.

Or, certains économistes soulignent que l'addition de telles politiques aux effets positifs sur le niveau des prix et la compétitivité, entraînent une hausse tendancielle du chômage dans chacun des pays pratiquant cette politique.

Cette analyse, qu'il convient de relativiser en rappelant que ces politiques conduisent à faire baisser les taux d'intérêt et à favoriser ainsi la reprise de l'activité et de l'emploi, a cependant le mérite de souligner l'importance pour les pays de l'Union européenne, de concrétiser véritablement une "initiative de croissance".

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