2. La mise en oeuvre de mesures opportunes au sein de la filière

Le groupe de travail a souhaité effectuer un bilan synthétique des propositions de la mission sénatoriale de 1993, au niveau tant national qu'international. Il a pu constater ainsi que certaines mesures avaient fait l'objet d'une traduction législative ou réglementaire .

a) Au niveau national

L'amélioration du statut fiscal et social

La mission sénatoriale, constatant l'inadaptation du statut social et fiscal des entreprises de ce secteur à la nature de l'activité exercée, avait proposé des mesures générales.

Plusieurs dispositions mises en oeuvre depuis 1993 répondent au souci exprimé par la mission sénatoriale.

Il s'agit, en premier lieu, de mesures sociales . Outre un dispositif conjoncturel d'échéanciers de cotisations sur salaires (part salariale) en faveur des producteurs touchés par la crise de 1996 , un effort important a été accompli pour alléger le coût du travail salarié .

La loi du 4 août 1995, relative aux mesures d'urgence pour l'emploi et la sécurité sociale, a prévu une réduction dégressive des charges patronales de sécurité sociale qui s'applique aux producteurs de fruits et légumes. Les exploitants agricoles bénéficient par ailleurs de taux de cotisations de prestations familiales favorables résultant d'une anticipation sur l'échéancier de la loi quinquennale pour l'emploi du 20 décembre 1993. Il est à souligner que, dans un souci de simplification, la loi de finances pour 1996 a prévu de fusionner les deux mesures ci-dessus indiquées, à titre expérimental du 1er octobre 1996 au 31 décembre 1997. La fusion s'opère sur la base du mécanisme de réduction mis en place par la loi du 4 août 1995, mais en élevant le plafond des salaires ouvrant droit à cette réduction de 1,2 à 1,33 SMIC.

Par ailleurs, l'amélioration du dispositif d'exonération partielle de la part patronale des cotisations sociales sur les travailleurs occasionnels bénéficie tout particulièrement au secteur des fruits et légumes.

En second lieu, au niveau fiscal , outre le maintien en 1996 du dispositif d'aménagement de la dette , ont été décidés, dans le cadre de la conférence annuelle agricole du 8 février 1996, des aménagements au régime d'imposition des agriculteurs . Ainsi, le régime de la déduction pour investissements (DPI) a été modifié, avec un dispositif consistant à augmenter de 60 % sur trois ans, dès les revenus 1997, le montant maximal déductible correspondant aux investissements pour risques climatiques ou économiques exceptionnels.

L'embauche a, en outre, été simplifiée récemment . La création, au mois d'avril 1997, du titre " emploi saisonnier agricole (TESA) " est inspirée du " chèque emploi-service " mis au point pour les particuliers. Il s'agit d'un carnet à souches qui permettra aux employeurs, notamment ceux du secteur des fruits et légumes, d'accomplir une dizaine de formalités en un minimum de temps. Cette disposition, au même titre que celle relative à l'abattement de cotisations sociales, vise à favoriser l'embauche comme saisonniers de la main d'oeuvre locale de proximité. En 1995, 8.988 non ressortissants de l'Union européenne ont été embauchés en France comme saisonniers en agriculture.

Le renforcement de l'interprofession

La mission sénatoriale avait considéré comme fondamental le renforcement de l'interprofession .

Une Charte de l'interprofession des fruits et légumes a été récemment établie par l'association nationale interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL), association reconnue par la loi du 10 juillet 1975, qui rassemble et représente paritairement les collèges des organisations professionnelles de la production et de la distribution des fruits et légumes.

La volonté qui s'exprime dans cette charte est de privilégier le dialogue interprofessionnel . Les objectifs sont le développement du marché des fruits et légumes, la croissance et la rentabilité des entreprises de la filière à chaque stade (production, expédition, commerce de gros, commerce de détail) et la défense des intérêts communs de la filière auprès des relais d'opinion et des autorités françaises et communautaires.

D'après ce texte, le développement de la filière est assuré par la promotion de la consommation nationale à travers des programmes de communication ambitieux, l'accroissement des parts de marché à l'exportation, la mise en place et le respect des accords interprofessionnels garants de la qualité des produits et services.

L'ambition commune affichée par cette Charte est d'assurer au consommateur santé, forme et plaisir par un approvisionnement en fruits et légumes sains et bons. En outre, elle doit permettre de fédérer les initiatives et de moderniser la filière par un développement harmonieux des relations entre les différents stades de la filière.

Le développement de la promotion

Afin de pallier les carences de la filière en matière de marketing, une campagne de promotion a été lancée avec un budget de 30 millions de francs pour l'année 1997. Son objectif est d'accroître la fréquence de la consommation, qui est en net recul depuis plusieurs années.

Ainsi, la campagne de communication programmée à la télévision cherche à compenser le manque de savoir-faire culinaire des consommateurs en apportant des recettes faciles et rapides. Elle sera complétée par une communication auprès des médecins généralistes sur les effets pour la santé des fruits et légumes. L'action auprès des enfants, entreprise en 1996, a été prolongée cette année à travers la presse pour enfants. Enfin, un service " consommateurs " sera prochainement ouvert par l'interprofession.

Les relations entre l'aval et l'amont de la filière

La mission sénatoriale avait souligné en 1993 " le poids écrasant de la grande distribution ". Les grandes et moyennes surfaces (GMS) ont souvent cherché à faire du " chiffre ", aux dépens des producteurs, sur un rayon très rentable.

Pourtant, alors que la récession économique a atteint ces dernières années la grande distribution elle-même, un dialogue semble s'amorcer. Deux exemples illustrent cette tendance.

En premier lieu , la réforme de l'ordonnance de 1986 par la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales tente de rééquilibrer, à terme, les relations entre distributeurs et producteurs.

Deux raisons majeures justifiaient une telle réforme :

- d'une part , la modification du contexte économique. L'ordonnance de 1986 a été prise à une époque où la lutte contre l'inflation constituait toujours une priorité gouvernementale et où le commerce était encore dispersé ;

- d'autre part , l'évolution du rapport de force entre distributeurs et fournisseurs. La forte concentration de la grande distribution s'impose aux entreprises, qui n'ont souvent pas d'autre alternative que d'accepter des conditions commerciales toujours plus dures, sans contrepartie réelle.

De façon générale, la loi porte sur la clarification de la facturation et le renforcement de l'interdiction de revente à perte, la suppression de l'interdiction du refus de vente et la condamnation des pratiques abusives telles que le chantage au déréférencement et la fausse coopération commerciale 2( * ) .

Les produits agricoles et alimentaires font l'objet de dispositions spécifiques comme l'encadrement des promotions, la suppression de l'exception d'alignement dans les magasins de plus de 300 m² et la reconnaissance de la possibilité de s'organiser de façon particulière. En outre, la notion de prix abusivement bas est introduite .

Par ailleurs, deux décrets publiés le 11 juin 1996 au Journal officiel , autorisent les ententes entre producteurs bénéficiant de " signes de qualité " ou victimes de " situations de crise ".

Par le premier décret , les ententes entre producteurs agricoles et entre producteurs et entreprises bénéficiant d'un label, d'une appellation d'origine contrôlée (AOC) ou portant la mention agriculture biologique sont autorisées pour une durée maximale de trois ans (sont exclues les entreprises qui détiennent une position dominante sur le marché).

Ces ententes peuvent permettre une régulation de la production (volume, capacité des outils), une restriction temporaire à l'accès de nouveaux opérateurs et la fixation de prix de cession ou de prix de reprise des matières premières, mais d'aucun autre prix.

Pour ce qui est des crises agricoles , le second décret les définit comme une " inadaptation de l'offre à la demande révélant une perturbation grave du marché ", caractérisée par trois au moins des conditions suivantes : " l'augmentation du volume d'offre ", " la baisse de la consommation ", " la baisse de la moyenne des cours " ou " l'augmentation des stocks ou invendus ", dans les quatre cas " pendant deux campagnes ou années successives ou par rapport à la moyenne des trois campagnes ou années précédentes ".

Les accords visés ne peuvent concerner que " la réduction durable des outils de production " et " le renforcement des exigences de qualité, ayant pour conséquence une limitation du volume de la production ". Conclus au plus pour un an et reconductibles, il devront être notifiés au ministre de l'économie et à celui de l'agriculture.

Il semblerait que si la nouvelle loi sur la concurrence a, parfois, un effet positif sur les prix, notamment dans le secteur des fruits et légumes, en déplaçant la bataille des distributeurs sur le terrain de la qualité, les pratiques de prix abusivement bas soient encore souvent la règle .

Une telle réforme était nécessaire à un meilleur équilibre des relations entre producteurs et distributeurs. Cependant, le groupe de travail tient à souligner l'importance du suivi de la mise en oeuvre de cette réforme afin que celle-ci ne se retourne pas contre les producteurs. Les pratiques qui ont resurgi lors de la période de froid de l'hiver dernier, les événements survenus encore récemment et certaines informations statistiques, accréditent la thèse selon laquelle le rééquilibrage des relations entre grandes et moyennes surfaces et producteurs est une longue bataille dont l'issue est souvent loin d'être favorable au secteur de la production.

En second lieu , deux organisations professionnelles, l'une représentative des producteurs de fruits et légumes, l'autre regroupant des grandes enseignes de la distribution ont récemment créé une " cellule d'observation des fruits et légumes saisonniers ", afin d'anticiper " autant que faire se peut " les éventuelles crises conjoncturelles, dans le cadre de l'application des accords signés en 1995.

Cette cellule d'observation concernerait des produits aussi " sensibles " que la pêche, la nectarine, le raisin, le melon, la tomate et le concombre. Ce travail doit s'effectuer en concertation avec l'ONIFLHOR. Selon les termes de cet accord, en cas de crise, pourront être décidées des opérations de dégagement du marché.

b) Au niveau international

La mission sénatoriale de 1993 était convaincue que l'amélioration du fonctionnement des règles communautaires ne pourrait avoir un rôle positif qu'à la condition qu'un système efficace de contrôle et de gestion des importations en provenance des pays tiers soit mis en place. Ainsi, la mission avait proposé à la fois d'améliorer le contrôle de l'application des accords préférentiels et d'assurer la complémentarité des importations, la question centrale étant le niveau des droits d'importation afin que ceux-ci soient à un niveau dissuasif sans constituer pour autant une concurrence déloyale.

Tout en reconnaissant que la situation actuelle est loin d'être satisfaisante en la matière , le groupe de travail a considéré que la mise en place, pour certains produits, des certificats d'importation et des clauses de sauvegarde constituait une première démarche positive, pour autant qu'elle ne soit pas remise en cause chaque année .

Avant d'examiner les instruments de protection existant au niveau communautaire, il convient de rappeler en quoi consiste le régime de la protection extérieure instauré par les accords du GATT dans le secteur des fruits et légumes.

Le régime actuel de la protection extérieure

Les accords du GATT concernent le secteur des fruits et légumes sous trois aspects : la réduction des exportations subventionnées, celle du soutien interne, et la conciliation entre les importations en provenance des États tiers et l'affirmation de la préférence communautaire.

Jusqu'en 1994 , les marchés communautaires des fruits et légumes étaient protégés par deux types d'instruments tarifaires :

- l'ensemble des fruits et légumes était couvert par des droits de douane ad valorem ;

- dix-sept produits bénéficiaient d'un système basé sur des prix de référence. Lorsque le prix déclaré par l'importateur communautaire -souvent difficile à évaluer- était inférieur au prix de référence, le droit de douane ad valorem s'alourdissait d'une taxe compensatoire variable.

Le régime mis en place en 1995 apporte de nombreuses modifications :

- les droits de douane ad valorem doivent être réduits de 20 % d'ici l'an 2000 ;

- Le système de prix de référence a disparu pour laisser la place à un mécanisme basé sur des prix d'entrée minimum (uniquement pour quatorze produits). Lorsque le prix déclaré par l'importateur est inférieur au prix d'entrée minimum, la taxation normale est augmentée d'un équivalent tarifaire.

Rappelons pour mémoire que le prix d'entrée est une reconstitution du prix CAF. En ce qui concerne le prix d'entrée minimum, il est égal au niveau des prix de référence sur la période 86-88 (voir annexe n° 5). L'équivalent tarifaire est fixe et égal à la différence entre le plus haut niveau de prix d'entrée minimum dans le calendrier et le prix de marché intérieur.

FONCTIONNEMENT DU MÉCANISME DE PRIX D'ENTRÉE MINIMUM
ET D'ÉQUIVALENT TARIFAIRE

Ainsi, on peut analyser ce graphique de la manière suivante :

Si le prix d'entrée d'un produit est supérieur au prix d'entrée minimum (PEM), ce produit n'est soumis qu'au droit de douane.

Si le prix d'entrée d'un produit est inférieur au PEM, il est prélevé, en sus des droits de douane, un équivalent tarifaire (ET) dont le montant varie en fonction de la différence entre le prix d'entrée calculé et le PEM.

- Lorsque le prix d'entrée est compris entre 100 % et 98 % du PEM, l'ET est égal à 2 % du prix d'entrée, et ainsi de suite, par tranches de 2 % jusqu'à 92 % du PEM.

- Lorsque le prix d'entrée est en dessous de 92 % de la valeur limite du PEM, l'équivalent tarifaire maximum est prélevé.

Les licences d'importation

Cette mesure permet de remédier à la méconnaissance, tout à fait anormale, des flux d'entrée réels, en disposant enfin de statistiques douanières fiables sur les volumes de marchandises entrant dans la Communauté.

Le régime de certification est généralement identique pour l'ensemble des secteurs :

- le certificat est délivré par les États membres à tout intéressé établi dans la Communauté ;

- le certificat est valable dans toute la Communauté ;

- la délivrance du certificat est subordonnée au dépôt d'une garantie qui n'est pas remboursée intégralement si l'opération (importation ou exportation), sauf cas de force majeure, n'est pas entièrement réalisée ;

- les modalités d'application, y compris la période de validité et la liste des produits (lorsque le certificat n'est pas rendu obligatoire par l'OCM), sont définies par la Commission en comité de gestion.

Cependant, le régime d'importation des fruits et légumes reste très particulier.

Comme le montant des droits à l'importation inscrit dans le tarif douanier commun (TDC) dépend, pour certains produits, du prix d'entrée, la réalité du prix d'entrée sera vérifiée sur la base d'une valeur forfaitaire à l'importation, elle-même calculée par la Commission par origine et par produit sur la base de la moyenne pondérée des cours des produits concernés sur les marchés représentatifs d'importation.

Depuis le 1er septembre 1996, un système de licences à l'importation a été mis en place pour les importations de tomates, oranges, clémentines, mandarines, citrons, pommes, poires et concombres.

Malgré certaines réserves justifiées à l'encontre des modalités de ce système , le groupe de travail considère ce mécanisme comme une première étape concrète. N'étant en aucun cas une entrave aux échanges, il est le seul moyen fiable et rapide de suivre les importations en provenance des pays tiers.

En effet, la mise en place de ces certificats permet de s'assurer que les importations dont les droits de douane ont été réduits rentrent bien sur le sol communautaire en dehors des périodes de commercialisation des produits européens.

Le déclenchement de la clause spéciale de sauvegarde

La clause traditionnelle de sauvegarde est utilisable si, du fait d'importations (ou d'exportations), le marché d'un produit subit des perturbations graves susceptibles de mettre en péril l'un des objectifs que le Traité de Rome assigne à la Politique Agricole Commune (PAC). L'accord agricole du cycle d'Uruguay prévoit, dans son article 5 , la création d'un nouvel instrument de protection aux frontières pour certains produits agricoles (ceux qui ont été " tarifés "), la clause spéciale de sauvegarde.

Le régime général de la clause spéciale de sauvegarde

Cette clause de sauvegarde n'entre pas en vigueur lorsque les importations concernées ne risquent pas de perturber le marché communautaire ou si les effets de protection sont disproportionnés par rapport à l'objectif recherché par la clause spéciale de sauvegarde.

Les OCM décrivent succinctement le régime de la clause de sauvegarde en précisant les prix et les volumes de déclenchement.

Deux conditions peuvent déclencher l'application de la clause de sauvegarde et les droits additionnels :

- lorsque le prix mondial du jour se situe au-dessous d'un prix de référence mondial, une clause de sauvegarde " prix " peut être déclenchée ;

- lorsque les importations annuelles dépassent un certain volume, une clause de sauvegarde " volume " peut être mise en place. Le niveau de déclenchement de la clause de sauvegarde est fonction du niveau des importations déjà réalisées par le pays exportateur.

Les modalités d'application, y compris la liste des produits soumis à perception de droits additionnels de la clause de sauvegarde, sont définies par la Commission en comité de gestion.

Votre groupe de travail considère que la lenteur, souvent observée, dans le déclenchement de la clause spéciale de sauvegarde est particulièrement regrettable lorsque cette réglementation a pour but de protéger la production communautaire contre les importations abusives.

La nécessité d'une clause de sauvegarde volume

Concernant les importations de pommes et de poires, l'instauration d'une clause spéciale de sauvegarde " prix " n'est techniquement pas appropriée : en effet, la clause de sauvegarde prix est soumise à un prix de déclenchement qui, en l'espèce, est souvent inférieur au prix de déclenchement de l'équivalent tarifaire (c'est-à-dire au prix d'entrée).

Par contre, la clause spéciale de sauvegarde " volume " est l'instrument idoine . Si les importations à un moment donné se révèlent trop importantes et risquent de déséquilibrer gravement le marché national et communautaire, cette clause spéciale de sauvegarde " volume " peut s'appliquer. C'est le cas depuis la fin de l'année 1996 notamment dans le secteur des pommes et des poires.

Le groupe de travail souhaite , toutefois, une application effective de cette clause de sauvegarde . Ainsi, la procédure décisionnelle communautaire relative à cette clause de sauvegarde prévoit une certaine automaticité dans la mise en oeuvre de cette clause, dès lors que les conditions de déclenchement sont réunies. Or, le mode de calcul des seuils de déclenchement de la clause pour la pomme est vivement contesté par les professionnels. Il est en effet basé sur le principe que la consommation varie presque autant que la production, ce qui est rarement le cas.

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