B. UNE STRATÉGIE DIVERSIFIÉE

1. Des initiatives à développer

Le ministre des technologies de l'information et de la Poste a exposé à l'Assemblée nationale, le 27 octobre 1995, sa conception du rôle de l'Etat en matière d'autoroutes de l'information : " offrir aux acteurs une réglementation qui favorise leur développement, (...) une concurrence saine et le respect des obligations de service public ; assurer la régulation (...) ; inciter à la recherche les entreprises ; les services et les collectivités locales qui souhaitent innover ".

De son côté, le rapport Théry préconisait, outre le déploiement rapide de réseaux en fibre optique, la mise en place de plates-formes d'expérimentation de services, la promotion des logiciels de réseaux et de contenus, l'intensification de l'ATM, tout en marquant la nécessité de sensibiliser la société française aux enjeux de la société de l'information.

Le rapport Laffitte, au nom de l'Office parlementaire déjà cité, de même insistait sur l'urgence d'une véritable croisade pour lancer en France l'usage intensif de la télématique multimédia dans l'enseignement, à partir des collectivités locales et des départements ministériels et dans l'ensemble du tissu économique, associatif, culturel et social.

Ces différentes pistes, incontestablement fécondes, ont commencé d'être explorées. L'ambition de la mission d'information du Sénat sur l'entrée de la France dans la société de l'information est d'apporter une contribution supplémentaire à ce travail indispensable, comme l'expose l'introduction du présent rapport.

Les expérimentations de nouveaux services, menées à la suite du premier appel à propositions lancé en novembre 1994 par le ministre de l'industrie, permettent de tester les solutions techniques disponibles et les réactions du marché et constituent un premier pas avec une ampleur trop mesurée.

Il faudra aller plus loin.

2. L'Etat organisé en réseau, l'Etat numérisé, l'Etat donneur d'ordres

La mise en réseau de l'Etat doit être systématisée. Est-il admissible, lorsque l'on peut par un intranet ministériel s'adresser à tous les fonctionnaires intéressés au moyen de la messagerie électronique, de réunir de coûteux comités et commissions préparatoires marqués par des délais légaux qui rendent impossibles des décisions qu'il est urgent de prendre ? Est-il admissible d'obliger les usagers -et toute l'économie- à vivre au rythme de l'administration de Courteline en cette fin de siècle ? Il faut aussi que l'Etat assure véritablement deux autres aspects de son rôle peut-être insuffisamment mis en lumière jusqu'à présent : d'une part la démonstration du potentiel des nouvelles technologies en termes d'efficacité dans l'action et d'économie dans les moyens, d'autre part, l'éducation et la formation des citoyens à l'utilisation de ces technologies. Il est essentiel de favoriser l'appropriation des nouvelles technologies par le public et par le secteur productif. L'entrée dans la société de l'information passe d'abord et avant tout par l'évolution des esprits.

Le lancement d'applications dans les secteurs de la santé, de l'éducation et de la cohésion sociale doit jouer un rôle-clé à cet égard. La fourniture au public à l'initiative de l'Etat d'applications directement liées à la satisfaction de besoins d'intérêt général dont il a la charge apparaît en effet comme un des moyens les plus efficaces de donner au marché du multimédia l'impulsion nécessaire à la constitution d'une forte industrie française des contenus.

La nouvelle organisation de l'Etat et l'intervention de l'Etat comme donneur d'ordre en matière de contenus doit être conjuguée avec l'ensemble des mesures incitatives susceptibles, par ailleurs, spécialement en matière fiscale.

3. La nécessaire adaptation de la fiscalité

Au terme de ses auditions, votre mission d'information a en effet relevé que le niveau de la fiscalité indirecte pesant sur le matériel informatique et les produits multimédia constituait un obstacle sérieux à l'acquisition de ce matériel et de ces produits.

Votre mission d'information propose, en conséquence, d'étudier la diminution du taux de TVA applicable tant aux produits multimédia qu'au matériel informatique.

L'admission de ces produits au taux de 5,5 % peut se heurter à un certain nombre d'arguments juridiques et financiers qu'il convient d'analyser avant d'y répondre.

Le principal obstacle juridique à une admission au taux réduit de TVA des matériels informatiques et des produits multimédia, tient à la " législation " européenne en matière de TVA qui contient une liste limitative de ces biens . Or, ni les matériels informatiques, ni les produits multimédia ne figurent sur cette liste.

Cette liste est cependant révisable tous les deux ans par le Conseil des ministres européen, sur proposition de la Commission.

Pour arriver à ce résultat la France doit convaincre ses partenaires européens, qui souffrent eux aussi -à des degrés divers- d'un retard d'équipement et de " consommation " informatique par rapport aux Etats-Unis. La Commission pourrait inscrire cette révision à l'ordre du jour d'un conseil au sein d'un projet de directive, ce dernier devant ensuite être adopté à l'unanimité.

Une telle démarche aurait l'avantage de concorder avec la volonté, maintes fois exprimée par les autorités européennes, de promouvoir le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Sur le plan financier
, l'obstacle tient évidemment aux pertes de recettes qu'entraînerait, pour l'Etat, une admission au taux réduit de TVA de ces catégories de biens.

C'est pourquoi, dans le contexte budgétaire actuel, votre mission d'information considère nécessaire d'analyser avec précision les conséquences et les objectifs d'une telle mesure en distinguant le matériel d'une part et les produits avec valeur ajoutée intellectuelle d'autre part.

Tout d'abord, cette diminution de fiscalité est -par définition- ciblée sur l'utilisateur privé, sur le citoyen. En effet, les règles de déductibilité de la TVA font que seul le consommateur final acquitte la TVA . La charge pour le budget de l'Etat serait donc essentiellement liée à la "consommation" des particuliers. A cet égard, il convient aussi de mentionner que la charge supportée par l'Etat, en tant que consommateur final de biens informatiques, sera réduite du montant de la baisse de TVA acquittée sur ces biens.

Enfin, il convient de rappeler que la progression de la consommation induite par cet allégement de fiscalité, viendrait compenser partiellement les pertes de recettes fiscales.

Proposée dans cette perspective dynamique, l'admission au taux réduit de TVA du matériel informatique et des produits multimédia, constitue un "investissement" pour le budget de l'Etat qui, tout en restant proportionné à son objectif, donnerait au Gouvernement l'occasion de traduire en actes sa volonté de favoriser l'entrée de la France dans la société de l'information.

4. Les collectivités locales

Si, dans nombre de cas, les collectivités locales doivent relayer et compléter l'action de l'Etat sur le terrain de leurs propres compétences, il en est d'autres où elles sont en première ligne. Ce sont elles en particulier qui ont la responsabilité des infrastructures et investissements dans les établissements scolaires. L'intérêt spécifique qui s'attache pour elles au développement des réseaux et des services devrait puissamment encourager leur implication selon les axes très variés que la table ronde réunie par la mission d'information le mercredi 11 juin a permis d'identifier (cf. en annexe, le compte rendu de la table ronde) et que rappellent dans la première partie de ce rapport les développements consacrés à l'impact des nouvelles technologies sur l'aménagement du territoire.

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