7. Intervention de M. Yves Galland,
ministre délégué aux Finances et au Commerce extérieur

M. Yves Galland - Monsieur le Président, merci de votre invitation. Je suis heureux de conclure les débats consacrés aux enjeux des investissements français en Inde.

Vous venez de rappeler que les débats ont été très riches. Je n'en suis pas surpris : le sujet est d'importance ! L'Inde est un pays formidable, qui offre de nombreuses opportunités d'investissement à nos entreprises, mais le sujet n'est pas simple.

Je sais que cela fait suite à la très importante mission que vous-même avez menée en Inde en février dernier. Vos interventions ont été aujourd'hui d'une grande qualité. Cela s'inscrit dans le cadre général d'un regain d'intérêt de nos entreprises pour ce pays et cette région.

Je voudrais vous dire pourquoi j'estime que l'Inde doit être une priorité de nos entreprises, et la place que nous devons y avoir, en particulier dans le secteur de l'investissement...

Comme vous le savez, le Président de la République a placé l'Asie au coeur de ses préoccupations internationales. Il a fixé un objectif ambitieux à notre commerce extérieur, qui est de tripler d'ici dix ans nos parts de marché dans cette région. Cette volonté a été fixée par Jacques Chirac, tant à Singapour qu'à Bangkok. Elle s'applique bien évidemment à l'Asie du sud-est, mais aussi à l'Inde.

J'ai moi même approfondi cette orientation et sélectionné des pays d'action prioritaires pour le Gouvernement, en Asie, mais également ailleurs. Ils sont au nombre de huit. Il s'agit de l'Afrique du sud, du Brésil, de la Chine, de la Corée, de l'Indonésie, du Mexique, de la Russie et, naturellement, de l'Inde ! Votre colloque s'inscrit donc pleinement dans cette perspective.

De cette réunion, ressortent deux éléments essentiels : les transformations profondes de l'économie indienne depuis 1991 et le potentiel de marchés très important pour nos entreprises.

J'ai eu le plaisir d'accueillir en France le Premier ministre Rao, lorsqu'il est venu en visite officielle, il y a quelques mois, et j'ai participé à certains des entretiens qu'il a eus au plus haut niveau. Depuis 1991, M. Rao a fort judicieusement réformé une économie dont il faut reconnaître qu'elle était peu libéralisée et ouverte au commerce extérieur. Il en résultait une croissance inférieure au potentiel de la croissance de l'Inde...

Je suis convaincu que le nouveau Gouvernement va avoir à coeur de continuer ces réformes, en procédant aux adaptations nécessaires, dont certaines ont sûrement été évoquées au cours de la journée.

Cette continuité des politiques économiques est indispensable. L'Inde constitue la plus grande démocratie du monde, qui connaît un système politique extrêmement satisfaisant. Je suis sûr que la nécessité des réformes économiques transcende les clivages normaux qui peuvent exister dans une démocratie.

D'importantes réformes ont favorisé l'investissement direct en Inde ces dernières années. L'économie indienne s'est ouverte, on a constaté une baisse considérable des droits de douane de 1991 à 1995, l'économie indienne a été déréglementée et l'investissement a progressé, le secteur financier a été modernisé et cette politique a porté ses fruits.

Les perspectives de marchés sont considérables. Dans le secteur des infrastructures, l'objectif du Gouvernement est de faire progresser l'investissement annuel dans le domaine des infrastructures de 3,5 à 6 % du PIB, dans des secteurs aussi divers que l'énergie, le pétrole, les télécommunications, les transports ferroviaires, les routes, les ports...

De ce fait, le besoin d'investissement est estimé à 500 milliards de francs pour les cinq prochaines années. Pour répondre à ce défi, le Gouvernement indien s'efforce de promouvoir depuis 1991 la réalisation et le financement de projets d'infrastructures par des concessions, notamment dans des secteurs comme la production d'électricité ou les télécommunications.

La Banque mondiale a appuyé ses efforts avec des lignes de crédits, pour inciter l'intervention du secteur privé dans le financement de la création et de la gestion de ces nouvelles infrastructures.

Mais, dans le domaine de l'équipement des ménages et des biens de consommation, le marché indien se développe considérablement. L'Inde compte un milliard d'habitants, et une classe moyenne s'est constituée, avec des besoins nouveaux. Il semblerait qu'elle s'élève à 80 millions d'habitants, avec un pouvoir d'achat et des besoins de consommation.

En dépit des contraintes administratives et douanières qui pénalisent les bien de consommation, il est clair que les entreprises étrangères présentes dans ce pays auront un avantage sur ce marché en pleine expansion !

Comment agir ? ... Je crois que l'investissement direct est l'un des vecteurs privilégiés de notre présence en Inde. Depuis le début de la décennie, l'Inde enregistre une croissance régulière des entrées d'investissements directs étrangers, qui sont passés de 750 millions de francs en 1991 à 4,750 milliards en 1994, et à 6,5 milliards l'an passé. Le cap des 10 milliards a été franchi en 1995-1996.

Malgré ces progrès, l'attractivité de l'Inde en matière d'investissements étrangers demeure modeste, si on la compare à celle de la Chine 170 milliards de francs 1994- ou des pays de l'ASEAN -entre 12 et 22,5 milliards de francs- pour l'Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande en 1994.

Je pense cependant que l'Inde devrait devenir l'un des premiers pays au monde pour l'accueil des investissements directs internationaux, pour deux raisons...

Tout d'abord, le Gouvernement indien a mis en place une politique orientée vers la libéralisation et la déréglementation des investissements étrangers -approbation automatique jusqu'à 51 % de participation dans 34 secteurs prioritaires, constitution d'un " foreign investment promotion board ", qui simplifie les démarches des entreprises...

En outre, l'Inde a besoin d'investissements pour assurer sa croissance. En effet, ce pays reste en retrait par rapport à l'Asie du sud-est, où les investissements directs étrangers représentent en moyenne 9 % de la formation de capital.

Depuis le début de la décennie, on observe en Inde une contribution croissante de l'investissement direct étranger à la formation brut de capital fixe, multipliée par 8 entre 1991 et 1995, et qui est passée de 0,3 % à 2,5 %.

Devons-nous renforcer la place de la France et comment faire face à cette croissance prévisible ? La France, en flux cumulé, se situe au huitième rang seulement des investisseurs étrangers, avec 1,5 % des opérations, loin derrière le Royaume-Uni -11 %- les Pays-Bas -5 %- et l'Allemagne -4 %... L'année dernière, pour être franc, n'a pas été très brillante, puisque nous ne figurions plus parmi les dix premiers investisseurs.

C'est une situation qui se révèle paradoxale lorsqu'on sait que, depuis le début de la décennie, nous sommes, nous, Français, au troisième rang des investisseurs internationaux, derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni, et au quatrième rang mondial pour le stock de capital investi à l'étranger !

Cette faible présence en Inde est d'autant plus regrettable que nous disposons d'atouts importants dans ce pays. La tradition de présence des entreprises françaises en Inde est ancienne, et il existe d'importants projets dans les biens d'équipement professionnels -d'autres ont d'ailleurs été annoncés ou mis en perspective aujourd'hui...

Un quart des entreprises françaises implantées en Inde sont des PME. Vous connaissez l'importance qu'attache le Gouvernement au développement des PME sur les marchés lointains émergents spécifiques. C'est ainsi que j'ai lancé, il y a six semaines, l'association " Partenariat France ", opération dans laquelle se sont engagés 57 groupes français internationaux, qui, en amont, facilitent l'implantation des PME et des PMI françaises.

Par ailleurs, un accord bilatéral d'encouragement et de protection des investissements, qui doit être prochainement conclu entre la France et l'Inde, manifeste notre volonté de rattraper ce retard.

D'autre part, un nouveau poste d'expansion économique substantiel doit être créé à Bangalore. L'ensemble du dispositif d'appui et de soutien à notre commerce extérieur est en outre mobilisé au profit de notre présence en Inde. Six actions d'envergure ont été programmées cette année par le CFME et cinq séminaires ACTIM, très spécifiques et pointus, concerneront l'Inde...

Enfin, l'année prochaine, une grande manifestation commerciale se tiendra en Inde pour la première fois depuis de nombreuses années, l'" India engineering trader ", début 1997.

Ma volonté est de donner un nouvel élan aux relations franco-indiennes. La dernière commission mixte entre nos deux pays a eu lieu en novembre 1991, dans un climat difficile, en raison de contentieux bilatéraux. J'étais prêt à venir à Delhi et à tenir une nouvelle commission mixte en novembre dernier, dans le cadre d'un voyage que nous avions soigneusement préparé et ouvert aux entreprises, comme aux Philippines, en Croatie ou en Turquie...

Malheureusement, certains " irritants " ont conduit nos partenaires à annuler cette commission. Je souhaite toutefois, si le Gouvernement indien le désire, pouvoir tenir le plus rapidement possible cette commission mixte, accompagné par de très nombreuses entreprises françaises, car je suis désireux de me rendre en Inde avec tous ceux qui m'ont fait part de leur désir de m'accompagner -et qui sont extrêmement nombreux !

C'est là un élément de confirmation parmi d'autres du très grand intérêt qui existe dans notre pays pour le développement des relations bilatérales, politiques et économiques, entre nos deux pays...

Il est temps de redynamiser les relations bilatérales avec l'Inde : en ma personne, et par votre intermédiaire, Monsieur le Président, le Gouvernement français y est déterminé, et je suis sûr que 1996 et 1997 verront fleurir de nouvelles relations franco-indiennes, que nous appelons de nos voeux !

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