5. Intervention de M. A.S. Kasliwal, Vice-Président de la FICCI,
Président de S. Kumars

M. A. S. Kasliwal - Je vais essayer d'apporter quelques réponses...

Tout d'abord, lorsqu'on s'implante quelque part, c'est avec un certain investissement, et pour réaliser des bénéfices.

Par ailleurs, il est important qu'une centrale électrique fonctionne à sa pleine capacité ! Dans le cas contraire, on n'est pas payé !

En outre, un producteur d'électricité doit pouvoir sécuriser son investissement. Cependant, partout dans le monde -et pas seulement en Inde- des formules existent.

S'agissant de la création d'infrastructures pour la production d'électricité en Inde, 16 % de retour sur investissement avaient été garantis. Or, les coûts de production ont été malheureusement gonflés.

Il s'agit en fait de savoir si l'Inde est solvable, si l'argent investi peut être récupéré en fin de parcours ou à n'importe quel moment, si les dividendes peuvent être payés en temps voulu, et si la puissance produite sera consommée...

Il est certain que l'électricité sera consommée. Lorsque le pays est solvable, il n'y a pas de problèmes -et l'Inde est un pays solvable. Certains investisseurs n'ont d'ailleurs pas hésité.

C'est pourquoi je ne comprends pas certaines prises de position : les industriels n'ont pas à se préoccuper de savoir si les producteurs d'électricité perdent de l'argent, mais plutôt à réaliser des bénéfices !

M. le Président - Je remercie M. A.S. Kasliwal et je passe maintenant la parole à M. Yves de Ricaud, Conseiller économique et commercial.

6. Intervention de M. Yves de Ricaud,
conseiller économique et commercial de France en Inde

M. Yves de Ricaud - Je voudrais aborder les opportunités qui s'ouvrent sur le marché indien, en terminant par quelques conseils, fondés sur mon expérience à la tête du poste d'expansion.

Quelles opportunités, dans quels secteurs en Inde ? Fondamentalement, dans tous les secteurs, ou, plus exactement, dans tous les secteurs d'excellence de l'industrie française.

Aucune branche, aucune industrie, en Inde, n'est à exclure, d'abord parce que l'Inde constitue une économie très diversifiée, sinon équilibrée, dans toutes ses composantes.

A quelque chose malheur est bon : c'est en effet le résultat de la politique de développement auto-centré pratiquée depuis 1947, qui a eu pour objet, sous Nerhu et ses successeurs, de donner à l'Inde à la fois une industrie lourde, une industrie de transformation, mais également une industrie légère.

Aujourd'hui, toutes les entreprises qui s'intéressent à ce pays peuvent trouver des interlocuteurs, des opportunités d'investissements, des marchés dans la plupart des secteurs de l'économie indienne, alors qu'il n'en va pas exactement de même en Chine, par exemple, où il existe des secteurs sans réelle industrie développée...

Par ailleurs, l'Inde est une économie de marché, où la culture du marché est ancienne, où la classe capitaliste est nombreuse et dynamique - vous en avez des échantillons ici.

Cet après-midi, Deepak Banker nous beaucoup a parlé de l'Inde, sans nous dire qu'il est l'un des principaux industriels dans le secteur des équipements textiles ! Il souhaite d'ailleurs se diversifier dans le secteur de l'agro-alimentaire, et il faut que nous l'y aidions !

M. Kasliwal, quant à lui, est l'un des premiers industriels textiles en Inde. Il a également des projets majeurs dans le domaine de l'habillement et de la production d'électricité, comme vous avez pu vous en rendre compte. Lui-même et son groupe se présentent comme des capitalistes conservateurs...

L'Inde est un pays ouvert dans pratiquement tous les secteurs. Il est vrai que, dans le secteur des biens de consommation, l'importation reste difficile, pour ne pas dire impossible pour beaucoup de produits. Elle est néanmoins possible depuis plus d'un an, dans le domaine -stratégique pour nous- du textile, du fil, des tissus, de l'habillement, contrepartie que les Indiens ont acceptée en échange du démantèlement progressif de l'accord multifibres.

L'Inde est aussi un pays assoiffé de technologie et de coopération. Les Français sont positivement surpris de la qualité des contacts et de l'extrême curiosité des entrepreneurs indiens, qui cherchent des relations avec eux, à l'occasion des expositions ou des séminaires techniques que nous organisons en Inde.

Il n'y a donc pas d'interdits, et il ne devrait pas y avoir d'inhibition pour les entreprises françaises en Inde. Des PME bien organisées y ont toutes leurs chances, et toutes les formes d'investissement sont envisageables. De façon générale, on peut investir jusqu'à 51 % et contrôler son investissement sans autorisation préalable dans la plupart des secteurs qui nous intéressent. Au-delà, il est possible d'obtenir une autorisation...

Toutefois, on ne peut tout faire, et il faut peut-être savoir où porter notre effort. On peut le déterminer à partir de ce que nous faisons déjà : cela nous donnera des indications sur ce qu'on peut y développer.

Que vendons-nous en Inde ? ... Nous vendons à peu près pour 5,5 milliards de francs de produits chaque année. Cela nous place au seizième rang des fournisseurs de ce pays. Ces exportations représentent moins de 2,5 % des importations indiennes et consistent pour les trois-quarts en produits manufacturés, le reste étant constitué de produits intermédiaires.

Nous vendons très peu de biens de consommation. Ceci est lié à la fermeture traditionnelle de ce marché, qui n'est encore que très partiellement ouvert : 6 % seulement de nos exportations sont des exportations de produits de consommation, essentiellement dans le secteur pharmaceutique, qui est une priorité pour le Gouvernement indien. A titre d'exemple, nous vendons moins d'automobiles en Inde que les Indiens ne nous en vendent en France, ce qui donne la mesure des difficultés qui existent pour vendre des produits de cette nature !

Au-delà de ce que nous faisons, essayons de voir ce que nous pouvons faire et qu'on ne fait pas encore -ou pas assez...

Je distinguerai trois catégories de secteurs : les marchés porteurs, les marchés prometteurs et les marchés potentiels.

Les marchés porteurs sont ceux pour lesquels la demande est immédiate. C'est tout ce qui concourt à la modernisation de l'industrie indienne, en particulier exportatrice. Certes, l'Inde se développe de 6 ou 7 % par an, sa production industrielle augmente de 12 % par an, mais ses importations augmentent de 25 ou 30 % par an et ses exportations, qui ont besoin d'intrants et de techniques étrangères, se développent également de 25 à 30 % par an -et il semble que ce soit une tendance assez lourde.

Cette industrie exportatrice a besoin d'améliorer la qualité de ses produits et de ses procédés. Je ne dresserai pas la liste de tous les secteurs de modernisation de l'industrie indienne où l'on peut apporter quelque chose, mais, dans le secteur de l'emballage, du matériel électrique, du matériel textile, du matériel pour l'industrie de l'habillement, de la manutention, de la machine-outil, les importations et les besoins sont considérables.

Autres segments porteurs de l'industrie indienne : ceux qui bénéficient de l'effet d'entraînement des grands projets, ainsi que de nos financements. Notre programme de financement vise tout ce qui est service urbain, en particulier eau et assainissement. Il y a là un marché porteur, mais il y en a dans le secteur de l'automobile : aucun producteur de composants automobiles français ne peut se permettre le luxe d'ignorer l'Inde aujourd'hui, avec l'investissement Peugeot et les projets de Renault dont on vient de parler.

Il en est de même pour la chimie et la pharmacie pour les communications, en particulier dans le secteur du téléphone cellulaire, puisque l'Inde s'équipe à très grande vitesse. Les producteurs français d'équipement se battent contre leurs concurrents européens et américains.

De la même manière, Ugine a un programme majeur d'investissement en Inde pour fabriquer de l'inox avec un grand groupe privé indien. Il faut donc que tous les fournisseurs d'équipement de ce secteur suivent ce type de projet !

Il en va naturellement de même pour les projets très ambitieux que peut avoir Saint-Gobain, et dont parlait Jean-Louis Beffa.

La seconde catégorie de marchés pour lesquels les choses sont moins évidentes -mais la demande apparaît néanmoins intéressante- concerne des marchés prometteurs qui touchent l'infrastructure, comme les télécommunications -davantage le service téléphonique de base et les centraux publics, que le téléphone cellulaire.

Ce type de marché est plus difficile et plus long, et concerne également l'électricité. Les projets sont quelquefois difficiles, mais certains arrivent à maturité. Cela touche aussi les autres secteurs d'infrastructures, comme la construction de routes ou de logements, le chemin de fer, secteur dans lequel les besoins sont considérables, et sur lequel nous avons une coopération avec les chemins de fer indiens qui ne demande qu'à être réactivée.

Enfin, le troisième secteur est celui des marchés potentiels. Il s'agit pour l'essentiel de marchés qui viennent de s'ouvrir, ou qui vont s'ouvrir. J'ai parlé du textile, de l'habillement, des biens de consommation, je voudrais également parler de l'assurance...

Le nouveau Gouvernement indien vient d'annoncer que le secteur des assurances, fermé jusqu'à présent aux entreprises privées indiennes, mais aussi étrangères, sera ouvert aux entreprises étrangères et privées.

Encore un mot sur l'agro-alimentaire, qui réunit les trois caractéristiques que je viens d'exposer... Ce marché est effectivement encore fermé pour l'essentiel en ce qui concerne les produits. Il est en réalité ouvert aux investisseurs qui veulent produire -on l'a bien vu avec Danone- ainsi qu'aux producteurs d'équipements et aux bailleurs de procédés. Il est frappant de constater l'écart qui existe entre le potentiel que représente l'Inde dans ce secteur, du fait de la diversité de ses climats, de ses produits, de ses cultures, et la discrétion dont les entreprises françaises font preuves dans ce secteur, Danone naturellement mis à part !

Il est également frappant de constater l'agressivité d'Israël, des Etats-Unis, du Danemark ou de la Hollande, alors que les entreprises françaises montrent moins de présence et d'agressivité. Un effort considérable est donc à faire, et nous aiderons les entreprises françaises à le faire...

Je voudrais terminer par quelques conseils de nature commerciale : je voudrais d'abord dire que nous disposons maintenant en Inde, dans les deux postes d'expansion économique de Delhi et de Bombay -et j'espère bientôt dans celui de Bangalore- de tout un appareil d'information, également disponible au CFCE, qui permet d'approcher le marché indien en connaissance de causes.

Nous avons en effet une série de documents, dont je ne vous donnerai pas la liste, mais qui vous permettront à la fois de faire la connaissance des grands groupes indiens, qui sont extrêmement dynamiques et diversifiés, et de prospecter les Etats.

Il est indispensable de ne pas se limiter à Delhi et à Bombay : il faut aller dans les Etats, dans le sud, voir Deepak Banker à Madras, qui vous aidera, et M. Kasliwal à Bombay. Il a, lui aussi, beaucoup de projets, et vous aidera également !

M. le Président - Je salue l'arrivée de M. Yves Galland, ministre du commerce extérieur, et j'invite la salle à intervenir...

Un intervenant - Nous avons beaucoup parlé des difficultés des PME, et je voudrais poser une question à M. de Ricaud... Je suis président d'une société de conseil, Alliance stratégique internationale, qui a été fondée par des Français et des Indiens pour aider les PME.

Voyez-vous un rôle pour une entreprise comme la nôtre en Inde ou non ?

M. Yves de Ricaud - Non seulement je vois un rôle pour des entreprises comme la vôtre, mais, de plus, nous en avons besoin ! Il est vrai qu'il y a beaucoup de consultants en France et en Inde, mais nous manquons cruellement de relais.

Pratiquement aucune société de commerce française n'est présente en Inde -sauf exception marquante- à l'inverse de l'Asie, alors que nous avons besoin de ce véhicule pour développer notre présence.

Les sociétés industrielles pratiquent pour certaines le " piggy back " (représentation d'une société par une autre). On en parle beaucoup en ce moment... Il y a effectivement aussi des possibilités dans ce domaine.

Quant aux PME déjà présentes en Inde, une bonne façon d'équilibrer leurs comptes et de justifier l'existence d'une représentation serait de développer une forme de " piggy back ", qui aurait pour objet de compléter la gamme de leurs produits en vendant les produits des autres PME qu'elles représentent auprès d'un réseau de commercialisation qu'elles ont déjà constitué...

Vous êtes en tout état de cause le bienvenu chez nous, ainsi qu'en Inde, et tout ce qui nous permettra d'apporter une aide aux PME et à leurs transferts de technologie sera évidemment bien accueilli !

M. Paul Mentré - Je remercie les intervenants et rend maintenant la présidence à M. Jean François-Poncet...

M. Jean François-Poncet - J'accueille à présent M. Yves Galland, ministre délégué chargé des finances et du commerce extérieur, qui est évidemment plus qu'à sa place ici. Il connaît l'Inde et vient conclure notre journée de travail.

Je voudrais avant qu'il ne conclue lui dire que nous avons eu une journée bien remplie. J'ai le sentiment qu'un grand nombre des problèmes qui se posent aux chefs d'entreprise français ont été traités. Certes, on aurait pu entrer dans plus de détails, mais il me semble qu'on a à peu près abordé les interrogations, les promesses et les perspectives, tout en débattant sans concession des obstacles et des difficultés qu'on peut rencontrer.

C'est ce qu'il était souhaitable de faire, et non de dresser un tableau idyllique des perspectives qui peuvent attendre les entreprises françaises qui s'intéressent à l'Inde, Il faut en effet regarder les choses telles qu'elles sont, et nous l'avons fait, mais il vous appartient de tirer les leçons de l'avenir de nos relations avec l'Inde...

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