Les chemins de fer en Europe


Nicolas About


Délégation du Sénat pour l'Union européenne

Table des matières






INTRODUCTION

L'organisation des chemins de fer en Europe est en train de subir des mutations profondes. Certains pays ont entrepris des réformes ambitieuses de leur système ferroviaire, tandis que la Commission européenne formule des propositions pour redonner au chemin de fer une vitalité nouvelle.

En avril dernier, j'ai présenté devant la Délégation du Sénat pour l'Union européenne un rapport sur les propositions de la Commission européenne visant à ouvrir davantage à la concurrence le transport ferroviaire. La Délégation, conformément à mes suggestions, a estimé que ces propositions étaient prématurées en l'absence de tout bilan des mesures communautaires déjà adoptées.

En préparant ce précédent rapport, j'ai pu constater à l'occasion des entretiens que j'ai conduits que, parmi les réformes entreprises ces dernières années par certains de nos partenaires européens, la réforme du système ferroviaire britannique suscitait une hostilité très générale en France, trop générale en vérité pour me convaincre pleinement.

J'ai donc souhaité me rendre sur place afin d'observer les conséquences de cette modification radicale de l'organisation des chemins de fer. Il me semble en effet que, même si les situations, les problèmes, les atouts de chaque pays sont différents, la comparaison ne peut qu'enrichir la réflexion.

J'ai accompli cette mission avec M. Paul CHOLLET, député, rapporteur de la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale, et nous avons pu rencontrer l'ensemble des acteurs intéressés par cette réforme.

Le présent rapport présente donc ce système ferroviaire britannique tant décrié en France et tente d'apporter quelques éléments d'appréciation sur cette réforme encore récente. Il contient également une analyse du Livre blanc de la Commission européenne : " Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires ", qui définit un certain nombre d'orientations importantes pour l'avenir.

Au moment où le Parlement français s'apprête à discuter un projet de loi important sur la création d'un établissement public chargé de la gestion des infrastructures ferroviaires et sur la régionalisation des services régionaux de transport ferroviaire, il m'a paru souhaitable que le Sénat dispose de ces informations qui pourraient contribuer à sa réflexion.

I. LE SYSTÈME FERROVIAIRE BRITANNIQUE : UNE RÉFORME AMBITIEUSE ET DÉSORMAIS CRÉDIBLE

Dans les années 1980, le gouvernement britannique a entrepris de manière méthodique la privatisation de nombreuses entreprises de service public, dans des secteurs tels que l'eau, les télécommunications, le gaz, l'électricité. Progressivement, le gouvernement a également envisagé un tel processus dans le secteur des chemins de fer. Une telle évolution a d'abord suscité un grand scepticisme, mais après la victoire des conservateurs aux élections de 1992, le gouvernement a publié un livre blanc sur ce sujet envisageant une réforme radicale de l'organisation des chemins de fer britanniques. En novembre 1993, l'adoption par le Parlement du Railways Act a concrétisé ce projet.

Il est nécessaire de préciser que le fonctionnement du système ferroviaire britannique était critiqué dans l'ensemble de ses aspects : réseau obsolète, service de mauvaise qualité, ponctualité très aléatoire... Le monopole national s'était progressivement constitué à partir de 1923. A cette date, en effet, le gouvernement avait décidé de regrouper les 100 compagnies ferroviaires privées en quatre grandes compagnies régionales. Puis, le réseau fut nationalisé en 1948, date de la création de British Railways. Depuis cette date, la part du marché du rail a constamment décliné.

Dans ces conditions, la réforme du système était devenue inévitable. Le gouvernement britannique a choisi une voie radicale, consistant en une séparation des diverses activités ferroviaires et en une privatisation de l'ensemble de ces activités. On verra cependant qu'il serait abusif de parler, à propos du système britannique, d'un abandon du rail aux lois du marché.

A. SÉPARATION ET PRIVATISATION

La loi de novembre 1993 a décidé la séparation du monopole intégré British Rail en une multitude d'entités autonomes dont les plus importantes sont les suivantes :

- une compagnie possédant et gérant le réseau, c'est-à-dire les voies, l'immobilier, la signalisation (Railtrack) ;

- trois compagnies possédant le matériel roulant et appelées Rolling Stock Companies ;

- 26 compagnies régionales exploitant les services de transport de passagers (y compris EPS, qui exploite Eurostar avec la SNCF et la SNCB) ;

- plusieurs compagnies de fret ;

- des sociétés de maintenance et de services divers.

L'élément le plus important de ce changement de structure est la séparation complète de l'infrastructure et de l'exploitation.

1. Des infrastructures séparées de l'exploitation

Une nouvelle société, Railtrack, possède et gère l'ensemble des infrastructures depuis le 1 er avril 1994. Cette société possède donc les voies, la signalisation, mais également les gares et les dépôts, qui sont loués aux exploitants. Quelques gares sont contrôlées directement par Railtrack, dans la mesure où elles accueillent plusieurs exploitants régionaux (il s'agit pour l'essentiel des grandes gares londoniennes, telles Victoria ou Waterloo).

Outre la gestion des infrastructures, Railtrack est chargée d'approuver les horaires proposés par les exploitants et d'en assurer la bonne exécution. L'entreprise doit également homologuer les matériels roulants à la circulation sur ses voies et les procédures de formation des conducteurs.

Les ressources de l'entreprise sont composées pour l'essentiel des redevances d'accès aux voies et bâtiments facturées aux compagnies d'exploitation. Ces redevances ont représenté 86% des recettes de Railtrack en 1995-1996, lesquelles se sont élevées à 2,3 milliards de Livres. Le reste des ressources provient du patrimoine immobilier de Railtrack.

Cette séparation complète entre infrastructures et exploitation est entrée en vigueur le 1 er avril 1994. Rapidement, le gouvernement a annoncé son intention de privatiser la nouvelle société, ce qui a semblé être une gageure pour de nombreux observateurs, compte tenu de l'état de délabrement du réseau ferroviaire britannique. Le gouvernement fit alors tout son possible pour crédibiliser cette idée. En premier lieu, l'entreprise fut mise en vente pour une somme inférieure à deux milliards de Livres, somme inférieure à toutes les évaluations qui avaient été faites auparavant. En second lieu, le gouvernement accepta de décharger Railtrack d'une part considérable de sa dette (1 milliard de Livres sur 1,6 milliard). Enfin, il annonça que les bénéfices de l'exercice 1995-1996 seraient versés aux nouveaux actionnaires, bien que l'Etat ait été le seul actionnaire pendant cet exercice.

Dans ces conditions, les actions réservées aux grands investisseurs institutionnels furent souscrites dix fois et la privatisation fut un réel succès. Il convient de noter que, face à cette situation, le parti travailliste est resté relativement discret, en particulier en ce qui concerne son attitude en cas de succès aux prochaines élections législatives. Il lui était difficile d'annoncer le rachat futur de l'entreprise, dans la mesure où une telle opération sera vraisemblablement très coûteuse. Le parti travailliste a néanmoins dénoncé à maintes reprises l'abandon à vil prix du patrimoine public.

En définitive, il est encore difficile de mesurer les effets de cette privatisation. La séparation des infrastructures et de l'exploitation présente l'avantage considérable de permettre une identification de l'ensemble des coûts du transport ferroviaire. La privatisation, quant à elle, a pour objectif d'inciter l'entreprise à rechercher un profit et donc à n'entreprendre des investissements que lorsque ceux-ci sont assurés d'une certaine rentabilité. Le risque évident est de voir les investissements limités au minimum dans un tel contexte. Cependant, dans la période précédente, le réseau ferroviaire britannique était loin d'avoir reçu les investissements qui lui auraient été nécessaires. Et Railtrack peut avoir intérêt, pour augmenter ses ressources en péages, à améliorer et développer le réseau. En décembre 1995, la société a d'ailleurs annoncé un plan d'investissement de dix milliards de Livres en dix ans, comprenant en particulier la rénovation de la West Coast Main Line, qui permet de relier Londres à l'Ecosse.

L'originalité du dispositif britannique réside dans le fait que le gouvernement ne donne pas de subventions au gestionnaire de l'infrastructure, qui a pour vocation d'être équilibré et même profitable.

2. Des services de transport de voyageurs concédés

Pour le transport de voyageurs, la loi britannique prévoit une scission du réseau en 26 zones régionales destinées à être données en franchise à des entreprises volontaires après appel d'offres.

Le découpage a été effectué en distinguant trois catégories de lignes : les grandes lignes, les lignes régionales, les lignes de Londres et sa banlieue. La mise en franchise des réseaux a été entamée en 1995 et devrait être achevée au printemps 1997 selon les prévisions du gouvernement. Le tableau suivant décrit l'état du processus d'attribution des réseaux.

ETAT DU PROCESSUS D'ATTRIBUTION DES FRANCHISES

POUR L'EXPLOITATION DES SERVICES DE TRANSPORT DE VOYAGEURS

RÉSEAU CONCERNÉ

ENTREPRISE RETENUE

DURÉE DE LA FRANCHISE

(ANNÉES)

DATE D'ATTRIBUTION

DÉBUT DE L'EXPLOITATION

Island Line

Stagecoach

5

20.09.96

 
 
 
 
 
 

South West Trains

Stagecoach

7

19.12.95

04.02.96

ICEC

GNER Holdings

7

29.03.96

28.04.96

Connex South Central

Connex Rail*

7

12.04.96

26.05.96

Chiltern

M40 Trains

7

25.06.96

21.07.96

 
 
 
 
 

SW&W

Prism

7,5

17.09.96

 

Cardiff

Prism

7,5

17.09.96

 

Thames Trains

Victory Railways

7,5

19.09.96

 
 
 
 
 
 

Great Western

GW Holdings

10

20.12.95

04.02.96

Midland Mainline

National Express

10

22.04.96

28.04.96

 
 
 
 
 

Gatwick Express

National Express

15

03.04.96

28.04.96

LTS

Prism

15

09.05.96

26.05.96

South Eastern

Connex Rail*

15

21.08.96

 

* Connex Rail est une filiale de l'entreprise française C.G.E.A.

Treize franchises ont été pour l'instant attribuées. Le premier constat que l'on peut faire à la lecture du tableau est que ces 13 franchises ont été attribuées à 8 entreprises seulement, ce qui signifie que certaines entreprises ont obtenu deux ou même trois franchises. Il est donc tout à fait envisageable que le nombre d'exploitants ne soit guère supérieur à dix à la fin du processus d'attribution des franchises.

Les entreprises qui se sont portées candidates à l'exploitation des réseaux sont souvent des sociétés déjà fortement impliquées dans le transport de voyageurs puisqu'il s'agit de compagnies de bus. C'est le cas de Stagecoach, National Express et Prism Rail. Parfois, la franchise est attribuée à des consortia à la tête desquels se trouvent les cadres de l'ancienne compagnie issue de British Rail. Les autorités britanniques insistent sur le fait que ce processus d'attribution des franchises est un succès grâce aux précédents processus de privatisation. Les sociétés de bus candidates à la reprise des réseaux tirent en effet leur force de la libéralisation du transport par autobus réalisée quelques années auparavant.

Après une procédure d'appel d'offres, l'entreprise retenue se voit donc confier la gestion d'une zone géographique pour une période comprise entre sept et quinze ans. L'appel d'offres s'effectue sur la base d'un cahier des charges. L'entreprise prête à assurer les obligations de ce cahier des charges en demandant la subvention la plus faible obtient la franchise.

Le matériel roulant appartient à trois sociétés, appelées Rolling Stock Companies, qui le concèdent aux sociétés d'exploitation avec lesquelles elles ont des contrats. Une société d'exploitation peut envisager, au terme de ces contrats, de renouveler son matériel en passant directement commande à des entreprises de construction, mais de telles possibilités demeurent limitées compte tenu de l'incertitude dans laquelle se trouvent les sociétés d'exploitation quant au renouvellement de leur franchise. En revanche, de nouveaux intervenants pourraient jouer un rôle identique à celui des Rolling Stock Companies vis-à-vis des exploitants.

Il convient de signaler qu'une entreprise française, la C.G.E.A., par l'intermédiaire de sa filiale CONNEX, a obtenu deux franchises pour la gestion des réseaux Southcentral et Southeastern. Il s'agit de réseaux comportant pour l'essentiel des lignes de banlieue du sud de Londres, mais également quelques liaisons à plus longue distance comme Londres-Hastings. La C.G.E.A. dispose déjà d'une solide expérience dans le secteur des transports publics, qu'il s'agisse du transport par autobus, autocar, métro ou tramway, ou du transport ferroviaire, notamment à travers sa filiale C.F.T.A. qui gère quelques lignes en France. En ce qui concerne le réseau Southeastern, la C.G.E.A., à travers sa filiale CONNEX, prévoit d'investir 200 millions de francs destinés notamment à améliorer le service ainsi que l'accueil du public par la rénovation des gares. Le contrat a été conclu pour une durée de 15 ans, compte tenu des importants investissements auxquels devra procéder CONNEX, qui s'est engagée à rendre le réseau bénéficiaire à la fin de ce contrat.

Les obligations imposées aux sociétés d'exploitation tiennent d'abord aux services offerts. Une société titulaire d'une franchise n'a en aucun cas le pouvoir de fermer des lignes ou de les transférer sur la route. Elle est obligée de respecter au minimum le service tel qu'il était assuré auparavant par British Rail. De même, en matière tarifaire, les sociétés sont soumises à un encadrement destiné à protéger les usagers captifs. Elles sont en outre tenues d'accorder des tarifs préférentiels à certaines catégories de la population. Enfin, les sociétés sont tenues de respecter un programme d'investissements établi lors de la signature du contrat.

Ce système s'apparente donc à une concession de service public telle qu'il en existe beaucoup en France dans différents secteurs. La puissance publique garde la prérogative de définir les principaux éléments de la consistance des services et de la tarification au travers d'un cahier des charges, et sélectionne par appel d'offres l'opérateur qui, compte tenu de ces contraintes, demande la plus faible subvention. On verra plus loin qu'un encadrement assez rigoureux est censé éviter que cette évolution se traduise par une dégradation du service.

3. Le fret

Le transport ferroviaire de marchandises a connu un très fort déclin au Royaume-Uni au cours des dernières décennies et la loi de 1993 fixe notamment pour objectif à la réforme de relancer le transport de fret afin de désengorger les routes.

Le gouvernement a scindé les activités de British Rail en plusieurs compagnies, parmi lesquelles trois compagnies de fret lourd : Loadhaul, Mainline et Transrail, dont la privatisation a été entreprise. Ces trois compagnies ont été reprises par la même société américaine : Wisconsin, qui a rapidement annoncé qu'elle allait faire l'acquisition de 200 locomotives.

Les sociétés de fret négocient directement avec l'entreprise chargée de l'infrastructure, Railtrack, les conditions de leur accès au réseau, sous le contrôle du régulateur, dont votre rapporteur évoquera le rôle plus loin. Il est évident qu'une relance du transport ferroviaire de marchandises n'est susceptible d'intervenir que si les péages sont fixés à un niveau raisonnable.

De son côté, le gouvernement souhaite inciter au transfert de marchandises de la route au rail et verse pour cela des subventions aux transporteurs qui accomplissent cette démarche. Ces subventions ont été récemment augmentées et sont calculées en prenant en compte le nombre de camions évités sur la distance parcourue.

L'ancienne entreprise British Rail a donc été éclatée en de nombreuses sociétés distinctes et autonomes. La principale interrogation que peut susciter un tel système est celle de la coordination et de la régulation. Pour l'instant, tous les problèmes que pose une organisation de ce type ne sont pas encore pleinement résolus. Ainsi, la coexistence de nombreux exploitants disposant chacun d'un système tarifaire qui lui est propre, peut rendre très complexe l'établissement d'une tarification pour les déplacements impliquant la traversée de plusieurs réseaux. Un système central d'informations a été mis en place afin d'éviter que chaque réseau ne fournisse des informations parcellaires, favorisant ainsi ses propres services, mais la gestion de ces problèmes de coordination ne paraît pas encore satisfaisante.

B. UN SYSTÈME TRÈS ENCADRÉ

Contrairement à ce qui est souvent expliqué, le système ferroviaire britannique n'a pas été laissé entièrement entre les mains du secteur privé sans aucune forme de contrôle, loin s'en faut. Le gouvernement a mis en place un dispositif destiné à préserver un service public de bon niveau. Cette mission repose en particulier sur deux institutions nouvelles : le régulateur (Office of Rail Regulator) et le directeur des franchises (Office of Passenger Rail Franchising). En outre, des mécanismes originaux ont été mis en oeuvre afin d'améliorer la qualité du service rendu.

1. Le régulateur (OFRAIL)

Le régulateur dispose d'un rôle-clé dans le nouveau système ferroviaire britannique. Ce type d'institution n'est pas inconnu en Grande-Bretagne puisque chaque privatisation a conduit à la mise en place d'un tel régulateur. Il existe ainsi des régulateurs dans les secteurs de l'eau, de l'électricité, du gaz, des télécommunications, du transport par autobus...

Le régulateur ferroviaire est en premier lieu chargé d'accorder des licences d'exploitation aux opérateurs susceptibles de recevoir une franchise pour l'exploitation d'un réseau de transport de voyageurs. Il vérifie donc la capacité des entreprises candidates à l'obtention d'une franchise. En revanche, la franchise elle-même est accordée par le directeur des franchises.

La mission la plus importante du régulateur est de superviser l'accès aux infrastructures et leur tarification pour l'ensemble du réseau. Cette mission est essentielle pour l'équilibre du système, dont le péage d'accès aux infrastructures est un élément déterminant.

Le régulateur est en outre chargé des missions suivantes :

- définir les règles de concurrence en matière ferroviaire et en surveiller l'application ;

- assurer le respect des intérêts des voyageurs ;

- assurer la promotion des chemins de fer.

Le régulateur a donc des pouvoirs très étendus qui lui permettent d'exercer une grande influence sur le système ferroviaire. Nommé pour cinq ans, il est indépendant du Gouvernement, mais doit mettre en oeuvre la politique définie dans la loi de 1993.

2. Le directeur des franchises (OPRAF)

Le directeur des franchises a également été créé par la loi de 1993. Sa mission essentielle est de mettre en appel d'offres et d'attribuer les contrats d'exploitation des réseaux. Pour ce faire, il est chargé de définir les niveaux de service et les performances minimum à remplir par les exploitants. C'est également lui qui détermine, négocie et règle aux exploitants les subventions de fonctionnement des services socialement nécessaires.

Une fois les franchises attribuées, le directeur des franchises et ses services doivent veiller à la bonne application par les exploitants du cahier des charges qu'ils ont accepté d'assumer.

3. Comités d'usagers et organisme chargé de la sécurité

Deux autres éléments doivent contribuer à assurer un fonctionnement correct du système.

· Il s'agit tout d'abord des comités d'usagers. Ceux-ci existent depuis 1948, date de la création de British Rail, mais sont appelés à jouer un rôle particulièrement important dans la période de transition que connaît le système ferroviaire britannique. Il existe des comités régionaux et un comité central (Central Rail Users Consultative Committee).

Ces comités représentent le point de vue des voyageurs en ce qui concerne le niveau des prestations de services. Ils sont appelés à se prononcer sur les chartes des passagers que doit publier chacun des exploitants.

· L'inspection pour la santé et la sécurité (Health and Safety Executive) doit veiller au respect des règles de sécurité et est chargée d'édicter les règles de conception, de construction et d'exploitation du matériel, des infrastructures et des équipements. En outre, elle vérifie l'application des règles et procédures de sécurité au travail et mène des enquêtes en cas d'accident.

4. Des mécanismes originaux destinés à préserver la qualité du service

Afin d'inciter les exploitants de services de passagers à maintenir une qualité de service satisfaisante, des mécanismes originaux ont été mis en place.

Les performances des entreprises font l'objet d'un suivi attentif, en particulier en ce qui concerne la ponctualité qui, dans l'ancien système, laissait fortement à désirer. Le directeur des franchises et ses services peuvent attribuer des subventions supplémentaires aux entreprises qui améliorent le service qu'elles rendent et infliger au contraire des pénalités en cas de détérioration de ce service. Ce mécanisme est très incitatif pour les nouveaux opérateurs.

Par ailleurs, un autre mécanisme permet de déterminer, en cas d'incident, les responsabilités respectives de l'exploitant et du responsable de l'infrastructure (Railtrack). Lorsqu'un incident quelconque se produit, provoquant par exemple un retard, la cause peut provenir de l'exploitant des trains, mais également de l'infrastructure, par exemple d'une signalisation défaillante. Une fois ces responsabilités déterminées, l'exploitant, s'il est responsable de l'incident, verse une pénalité au gestionnaire de l'infrastructure et réciproquement. Ce mécanisme permet d'inciter à une bonne coordination entre exploitation et infrastructures et de favoriser la concertation entre les entreprises chargées de missions différentes.

Le nouveau système ferroviaire britannique fait donc l'objet d'un encadrement important destiné à favoriser la mise en oeuvre d'un service public de bon niveau et à faciliter la coordination entre les différents acteurs.

C. UNE INTERVENTION DE L'ETAT APPELÉE À SE RÉDUIRE

Comme dans d'autres secteurs de l'économie, le Gouvernement a notamment recherché un désengagement de l'Etat en décidant la réforme de l'organisation des chemins de fer.

La plupart des sociétés issues de British Rail ont été ou seront privatisées et sont donc appelées à devenir profitables. Néanmoins, l'existence du service public impose le maintien de services déficitaires. Le Gouvernement accorde donc des subventions aux compagnies d'exploitation des services de transport de voyageurs. Toutefois, ces subventions sont appelées à se réduire progressivement pendant la durée des franchises, certaines d'entre elles devant même disparaître après une période de sept ans.

Les entreprises doivent donc être à même d'améliorer leur profitabilité pendant la durée des franchises. Le cahier des charges qu'elles doivent respecter étant précis et imposant le maintien d'un niveau de service satisfaisant, l'amélioration des résultats doit être recherchée par un accroissement du volume de personnes transportées et par une gestion plus efficace de l'entreprise.

A titre d'exemple, le tableau suivant retrace l'évolution prévue des subventions versées aux entreprises qui ont obtenu les premières franchises.

ÉVOLUTION PRÉVUE DES SUBVENTIONS PUBLIQUES AUX COMPAGNIES D'EXPLOITATION

 
 
 

SUBVENTIONS VERSÉES

(en millions de )

RÉSEAU CONCERNÉ

(Training Operating Company)

ENTREPRISE TITULAIRE DE LA FRANCHISE

DURÉE DE LA FRANCHISE

1 ère ANNÉE

7 e ANNÉE

MOYENNE ANNUELLE

(années 1 à 7)

South West Trains

Stagecoach Holdings plc

7

54,7

40,3

49

Great Western

Great Western Holdings Limited

10

53,2

35,2

43,3

LTS Rail

Prism Rail PLC

15

29,5

18,6

23,2

East Coast

Great Northern Railway Company Limited

7

64,6

0

23,7

Gatwick Express

National Express Group plc

15

(4,6)*

(11,7)*

(8,8)*

Midland Main Line

National Express Group plc

10

16,5

(4,4)*

2,1

Network SouthCentral

Connex Rail

7

85,3

34,6

51,4

* Certaines lignes étaient bénéficiaires dès l'attribution de la franchise, d'autres sont appelées à le devenir rapidement. Dans ces cas, c'est l'exploitant à qui est accordée la franchise qui verse une somme à l'Etat.

La réforme doit donc permettre à l'Etat de réaliser de substantielles économies. Pour l'heure, comme je l'avais noté dans mon précédent rapport sur l'évolution du transport ferroviaire en Europe (1( * )), les appréciations sur les conséquences de la réforme pour les finances de l'Etat sont assez contrastées. En 1995, la commission des transports (select committee) de la Chambre des Communes a estimé que, dans un premier temps, la réforme coûterait davantage à l'Etat que le maintien de l'ancien système, compte tenu de la nécessité d'assurer une profitabilité aux nouvelles entreprises intervenant sur le marché, mais que cette situation s'inverserait ensuite. Le parti travailliste estime pour sa part que la réforme en elle-même a coûté plus de 1,5 milliard de Livres aux contribuables (compte tenu de la reprise d'une part importante de la dette de Railtrack) et que le système actuel coûte beaucoup plus cher à l'Etat que le précédent. Il conviendra donc de suivre l'évolution du système afin de vérifier si la décroissance des subventions s'opère dans les délais prévus sans que l'équilibre financier des exploitants soit menacé.

En ce qui concerne le transport ferroviaire de fret, le développement de ce dernier fait explicitement partie des objectifs de la loi de 1993. Aussi le Gouvernement continue-t-il à accorder des subventions aux transporteurs qui recourent au rail plutôt qu'à la route.

L'une des principales interrogations que suscite ce nouveau système est celle des investissements futurs. En principe, l'Etat n'accorde de subventions qu'aux exploitants des services de transport qui versent ensuite un péage à Railtrack pour l'accès aux infrastructures. Le Gouvernement britannique est très attaché à la réalisation des investissements futurs par le secteur privé, notamment pour éviter que soient réalisés des investissements dont la rentabilité serait aléatoire. Dans ce contexte, on peut se demander si ce manque d'impulsion publique n'empêchera pas la réalisation d'investissements pourtant nécessaires.

Ainsi, le parti travailliste a estimé que le retard pris dans la réalisation du lien rapide entre Londres et le tunnel sous la Manche était le fruit de ce nouveau système dans lequel est privilégié l'investissement privé. La concession de cette ligne a été accordée en mars dernier au consortium London and Continental, qui comprend le groupe Virgin et la compagnie d'autocars National Express. La réalisation de cette ligne devrait coûter 3 milliards de Livres environ. L'Etat accordera une subvention de 1,7 milliard de Livres. La ligne devrait être achevée en 2003.

En tout état de cause, l'Etat reste libre de participer à des investissements qui ne pourraient être réalisés par les seules entreprises privées. En outre, Railtrack semble également souhaiter mettre en oeuvre des partenariats avec les collectivités locales pour la réalisation de certains investissements.

Là encore, l'image d'un Etat qui se désintéresserait totalement du transport ferroviaire doit être nuancée. Le Gouvernement britannique est convaincu que cette réforme permettra des économies importantes, mais n'entend pas renoncer pour autant à la conduite d'une politique des transports.

D. UNE CONCURRENCE LIMITÉE

Souvent présenté comme un exemple de libéralisme sans frein, le système ferroviaire britannique est pourtant caractérisé, au moins pour l'instant, par une concurrence mesurée. Dans un premier temps, le gouvernement avait envisagé un système totalement libéralisé avec privatisation et libre accès au réseau. Il est vite apparu qu'une telle hypothèse était peu réaliste et que les entreprises hésiteraient à demander des franchises pour la gestion de réseaux sur lesquels des concurrents n'assumant aucune mission de service public pourraient pénétrer.

Dans ces conditions, le régulateur a décidé de limiter, au moins dans un premier temps, la concurrence entre les sociétés d'exploitation de services de transport de voyageurs. La concurrence se fait au moment des appels d'offres, chaque franchise étant attribuée à l'entreprise demandant la subvention la plus faible pour réaliser le cahier des charges négocié avec le directeur des franchises. Selon les informations qu'a pu obtenir votre rapporteur, il semble que cette compétition, modérée lors de l'attribution des premières franchises, soit en train de s'accentuer.

Une fois la franchise attribuée, l'exploitant a seul accès au réseau correspondant à la franchise qu'il a reçue. En fait, ce système revient à créer de petits monopoles locaux pendant une durée limitée, la concurrence réapparaissant à chaque appel d'offres. Sur certains trajets cependant, il existe deux lignes qui peuvent être concédées à des opérateurs différents et sur lesquelles se déroule une concurrence directe.

Le régulateur a prévu que cette situation de concurrence très restreinte après l'attribution des franchises perdure jusqu'en 1999. A partir de cette date, des possibilités d'accès au réseau encore limitées pourraient être introduites. Elles seraient ensuite élargies à partir de 2002. Toutefois, l'une des caractéristiques de ce système est le pragmatisme avec lequel il a été bâti, et l'ouverture à la concurrence ne se fera que pour autant qu'elle n'accule pas à la faillite les exploitants détenteurs de franchises.

Par ailleurs, les autorités britanniques sont parfaitement conscientes du fait que l'éclatement de British Rail en une multitude de sociétés ne sera pas viable à long terme. D'ores et déjà, on constate que pour l'exploitation des services de transport de voyageurs, certaines entreprises ont obtenu deux ou trois franchises et comptent améliorer ce score avant la fin des appels d'offres. De même, dans le secteur du fret, les trois sociétés de fret lourd ont été rachetées par la même entreprise américaine. Récemment, l'entreprise de bus Stagecoach, détentrice de deux franchises, a entamé une procédure de rachat de l'une des trois compagnies de matériel roulant (Rolling Stock Companies), ce qui peut paraître contestable au regard de la philosophie initiale du projet gouvernemental consistant à séparer les différentes fonctions de la gestion des chemins de fer. Ce rachat est actuellement examiné par l'autorité chargée de la concurrence, la Mergers and Monopolies Commission. Il est donc clair qu'un certain processus de reconcentration est en cours et que le nombre d'acteurs sur le marché devrait se réduire au cours des prochaines années.

Votre rapporteur s'est rendu sans a priori en Grande-Bretagne pour examiner l'organisation et le fonctionnement du chemin de fer. Il a pu constater que le système se mettait en place dans des conditions satisfaisantes et que certains aspects de la réforme donnaient d'ores et déjà des résultats positifs :

- la séparation de l'exploitation et des infrastructures, défendue par la Commission européenne, a été mise en oeuvre de manière très radicale et a permis une véritable transparence dans la gestion du système ;

- la notion de contrat de service public permettra presque à coup sûr d'améliorer la gestion des chemins de fer ; dès le départ, les éléments du contrat sont clairement définis : l'exploitant a un cahier des charges à respecter en contrepartie duquel il reçoit si nécessaire une subvention appelée à diminuer progressivement ;

- on ne peut pas parler d'un abandon du service public, dans la mesure où le système demeure très encadré ; ce qui est exact, c'est que le service public n'est plus un concept flou aux contours incertains, mais qu'il correspond à un certain nombre de missions clairement définies et inscrites dans un cahier des charges.

En revanche, certaines interrogations demeurent, qui appelleront un réexamen du système après quelques années de fonctionnement :


- l'éclatement de l'ancienne British Rail en une multitude d'entités ne présentait probablement pas un caractère obligatoire, et l'on assistera vraisemblablement à une certaine reconcentration ;

- certains problèmes de coordination et d'organisation paraissent encore imparfaitement résolus ; ainsi, la nécessité de traverser plusieurs réseaux pour accomplir certains trajets conduit à une tarification complexe qui n'est pas toujours la plus avantageuse pour le client ;

- la privatisation de l'entreprise détenant les infrastructures est un choix politique, dont les conséquences à long terme mériteront d'être examinées attentivement ;

- enfin, le coût du nouveau système pour l'Etat ne peut être encore clairement établi ; il conviendra de suivre l'évolution du système afin de vérifier si la décroissance des subventions s'opère dans les délais prévus sans que l'équilibre financier des exploitants soit menacé.

En définitive, votre rapporteur salue le courage de cette réforme, dans un pays où le délabrement du réseau et la dégradation de la qualité du service étaient devenus insupportables. Il est souhaitable que les autres pays européens, et notamment la France, s'intéressent davantage à ce système, non pour l'imiter, car chaque pays a des impératifs qui lui sont propres, mais parce que la comparaison objective doit précéder la décision.

II. LE LIVRE BLANC DE LA COMMISSION EUROPÉENNE : UNE CONTRIBUTION IMPORTANTE À LA RÉFLEXION SUR L'AVENIR DES CHEMINS DE FER EUROPÉENS

En juillet 1996, la Commission européenne a publié un Livre blanc intitulé : " Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires " (2( * )). Ce document, sans valeur normative, tente de dresser un état des lieux de la situation du transport ferroviaire en Europe et contient plusieurs propositions pour l'avenir. Votre rapporteur a estimé que la Délégation devait être informée du contenu de ce document, qui pourrait déboucher prochainement sur des propositions normatives.

A. UN CONSTAT : LE DÉCLIN CONSTANT DU TRANSPORT FERROVIAIRE EN EUROPE

La Commission européenne appuie sa réflexion sur le constat d'un déclin constant du transport ferroviaire depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Les chemins de fer assurent aujourd'hui 6% du transport de voyageurs et 16% du transport de marchandises. Une extrapolation des tendances observées au cours des dernières décennies pour les dix prochaines années amènerait ces chiffres respectivement à 4% et 9%. Le déclin pourrait même s'accélérer si, pour y faire face, les entreprises décidaient de réduire l'offre de services, ce qui pourrait conduire à une nouvelle réduction de la demande.

Pour la Commission européenne, plusieurs phénomènes expliquent ce déclin :

- en premier lieu, les transports routiers, plus souples et moins coûteux, se sont fortement développés au cours des cinquante dernières années, que ce soit pour le transport de voyageurs ou pour le transport de marchandises ; cette croissance a été favorisée par des conditions de concurrence favorables au transport routier en l'absence de prise en compte suffisante des coûts externes de chaque moyen de transport ;

- en second lieu, il n'existe pas de marché intérieur des services ferroviaires, ce qui ne peut que pénaliser le développement du chemin de fer, notamment dans le domaine du transport de marchandises sur longue distance ; dans ces conditions, les services offerts manquent de fiabilité, de flexibilité et de rapidité ;

- en troisième lieu, les relations entre les Etats et les compagnies de chemins de fer ont contribué à ce déclin, les Etats ayant souvent refusé aux compagnies de chemins de fer la liberté dont jouissent les entreprises commerciales ;

- enfin, le réseau ferroviaire est peu adapté aux nouveaux modes d'organisation de l'activité économique et de l'urbanisation, ainsi qu'aux changements qu'ils ont entraînés dans les flux de trafic.

La Commission européenne fait valoir que le rail dispose pourtant d'atouts importants qui devraient lui permettre de jouer un rôle considérable dans les décennies à venir. Parmi ces atouts figurent l'élargissement à l'Est, qui offrira de nouvelles perspectives aux chemins de fer, en particulier pour le transport de marchandises, et l'engorgement de certains axes routiers, en particulier la zone des Alpes, qui imposera tôt ou tard la recherche de solutions alternatives.

Votre rapporteur est largement en accord avec ce constat, qu'il avait lui-même dressé dans son précédent rapport et qui impose une action résolue afin d'éviter une nouvelle dégradation de la situation du transport ferroviaire.

B. DE MULTIPLES PROPOSITIONS POUR L'AVENIR

Le Livre blanc contient de nombreuses propositions, qui concernent le financement des chemins de fer, l'ouverture à la concurrence, les services publics, l'intégration des systèmes nationaux et les aspects sociaux.

1. Le financement des entreprises ferroviaires

La Commission européenne insiste longuement sur la nécessité de clarifier les rapports entre les Etats et les entreprises ferroviaires, ce qui implique une modification de leurs relations financières. La Commission note que dans l'organisation traditionnelle des chemins de fer " les aides d'Etat comblaient les déficits, mais elles ne poursuivaient aucun objectif défini. Les objectifs financiers n'étaient pas clairs et la gestion manquait d'incitation ; les pressions commerciales ne jouaient pas pour maîtriser les déficits et les emprunts, comme elles l'auraient dû. "

La directive adoptée le 29 juillet 1991 (directive 91/440) imposait un assainissement financier des entreprises ferroviaires, afin de leur permettre de se comporter véritablement comme des entreprises commerciales. Cette disposition a été suivie de manière très inégale par les Etats membres.

Dans son Livre blanc, la Commission européenne insiste sur la nécessité d'organiser le financement des chemins de fer selon les principes suivants :

- les Etats membres doivent décharger les chemins de fer du fardeau hérité du passé ;

- les chemins de fer doivent être exploités sur une base commerciale ;

- les Etats membres doivent assurer une compensation totale en ce qui concerne les services publics et les coûts sociaux exceptionnels ; ils peuvent également contribuer aux investissements d'infrastructure.

Pour faciliter l'assainissement des entreprises ferroviaires, la Commission se propose de prendre plusieurs mesures dans les années à venir. Elle envisage tout d'abord d'établir régulièrement un rapport sur les progrès réalisés par les Etats membres dans la réduction de la dette et l'amélioration des finances des chemins de fer. Surtout, elle envisage d'examiner la conformité au droit communautaire des aides d'Etat accordées aux chemins de fer depuis 1993 (date d'entrée en vigueur de la directive 91/440). Ainsi, les aides d'Etat pourraient n'être autorisées que si elles s'accompagnent d'un programme de restructuration destiné à améliorer la viabilité de l'entreprise concernée.

Naturellement, les règles relatives aux aides d'Etat ne s'appliqueraient pas aux compensations payées aux entreprises pour la fourniture de services publics ou pour faire face à des coûts sociaux exceptionnels.

En ce qui concerne le développement des infrastructures, la Commission reconnaît la responsabilité des Etats, tout en insistant sur le caractère prometteur des partenariats entre le secteur public et le secteur privé pour les investissements futurs. Il faut toutefois noter que la Commission ne reconnaît le bien-fondé des investissements publics que parce qu'ils peuvent compenser les coûts externes impayés dans le secteur routier ou parce qu'ils visent à réaliser des objectifs non liés aux transports, tels que le développement régional. En revanche, " à plus long terme, la Commission estime que, dans tous les modes de transport, les usagers devraient supporter le coût total des infrastructures. "

L'assainissement des entreprises ferroviaires et la clarification des relations financières entre Etats et entreprises paraissent effectivement être des conditions indispensables d'un renouveau du transport ferroviaire. Les réformes importantes mises en oeuvre dans les pays européens comportent toutes des éléments relatifs à la clarification des relations financières. Votre rapporteur se félicite donc que la France s'apprête à s'engager dans cette voie avec le projet de loi sur le Réseau Ferré National, qui permettra de décharger l'exploitant SNCF d'une dette de 125 milliards de francs correspondant à des investissements d'infrastructures. On peut toutefois se demander si cette clarification sera suffisante, compte tenu de l'importance de la dette laissée à la charge de la SNCF.

2. Renforcer la concurrence

La Commission européenne est convaincue depuis longtemps que le renouveau du transport ferroviaire passe par un renforcement des forces du marché dans ce secteur. La directive de 1991 a autorisé les entreprises participant à un regroupement international et les entreprises assurant des services de transport combiné à accéder aux réseaux des grandes entreprises ferroviaires.

·  En 1995, la Commission européenne a formulé une nouvelle proposition visant à accorder cet accès au réseau à toute entreprise offrant des services de fret ou des services de transport international de voyageurs. La Délégation du Sénat pour l'Union européenne, puis la commission des Affaires économiques avaient estimé que cette proposition était prématurée en l'absence de véritable bilan de la directive de 1991. Le Conseil de l'Union européenne n'a pas retenu cette proposition jusqu'à présent. Dans son Livre blanc, la Commission européenne renouvelle sa proposition et indique qu'elle s'emploiera à la faire adopter dans les plus brefs délais.

Votre rapporteur constate que le bilan de la directive 91/440 qu'il avait souhaité dans son précédent rapport n'a toujours pas été réalisé. La Commission indique, certes, que certains Etats n'ont pas complètement transposé la directive et qu'elle a engagé des procédures d'infraction à leur encontre, mais on ne peut qualifier de telles indications de bilan.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, les possibilités d'accès au réseau ouvertes par la directive de 1991 n'ont pas reçu la moindre application depuis l'entrée en vigueur de la directive. Il serait souhaitable de connaître les raisons de cette situation avant d'envisager un élargissement des droits d'accès.

·  Dans l'attente d'une plus large ouverture à la concurrence, la Commission européenne propose, conformément à la recommandation d'un groupe consultatif mis en place par le commissaire européen chargé des transports (3( * )), de mettre en place quelques " corridors ferroviaires " transeuropéens. Il s'agirait de choisir certains itinéraires prometteurs pour le transport de marchandises et de favoriser le libre accès aux infrastructures correspondant à ces itinéraires pour le transport de fret. Sur ces trajets, le transport de marchandises pourrait bénéficier d'une priorité dans l'attribution des sillons et des guichets uniques seraient créés pour traiter les demandes de sillons le plus vite possible.

Cette proposition peut effectivement présenter un intérêt pour le renouveau du transport ferroviaire de marchandises, mais devrait être mise en oeuvre par la coopération entre les entreprises concernées par ces " corridors ferroviaires ".

·  En ce qui concerne les transports intérieurs de voyageurs, la Commission européenne reconnaît que le libre accès au réseau n'est pas forcément la meilleure solution pour les services offerts sur des réseaux denses et surexploités, tels que les réseaux urbains et régionaux. En effet, les mêmes infrastructures peuvent être utilisées pour de nombreux services, ce qui soulève des questions complexes d'attribution des sillons et de partage des coûts entre les opérateurs. Aussi, la Commission fait-elle valoir que " en ce qui concerne ces services, pour lesquels un libre accès n'est pas souhaitable ou faisable, il semble plus indiqué de maintenir des concessions exclusives. On pourrait introduire les forces du marché en attribuant ces concessions dans le cadre d'un appel d'offres communautaire ; cet appel d'offres indiquerait clairement le type de services exigé ainsi que les limites des concessions. "

C'est un système de ce type qu'a mis en oeuvre le Royaume-Uni, comme on l'a vu précédemment. Ce système implique en premier lieu une gestion régionale des réseaux régionaux qui ne peut avoir que des effets bénéfiques en termes d'efficacité et d'attention portée au client. L'expérimentation de la régionalisation dans le cadre du projet de loi français sur le Réseau Ferré National va donc dans la bonne direction et il est indispensable que chacun des acteurs s'attache à la réussite de cette expérience afin qu'elle puisse être rapidement généralisée. Car, comme l'a noté le groupe consultatif mis en place par le commissaire européen chargé des transports, les entreprises de chemins de fer " sont devenues trop monolithiques et ont perdu toute image ou dimension humaine. L'esprit d'innovation s'étouffe et les entreprises se retrouvent incapables de répondre aux besoins de leur clientèle. "

Pour l'avenir, un système d'appel d'offres pourrait effectivement permettre aux autorités régionales d'obtenir la gestion des services régionaux dans les conditions les plus avantageuses pour les finances publiques. Naturellement, la mise en place d'un tel mécanisme mérite une préparation et une réflexion approfondies, mais pourrait apporter des progrès sensibles dans l'efficacité des transports ferroviaires sans que le service public soit pour autant remis en cause. Votre rapporteur reviendra sur cette conciliation indispensable entre le maintien d'un service public de haut niveau et l'introduction d'une certaine concurrence qui pourrait stimuler les entreprises ferroviaires.

·  Enfin, la Commission européenne propose de renforcer les dispositions de la directive 91/440 en ce qui concerne la séparation entre l'exploitation des services de transport et la gestion des infrastructures. La directive de 1991 impose une séparation qui peut être organique ou simplement comptable. La Commission estime qu'il est indispensable de créer deux unités d'activités distinctes, avec des gestions et des bilans séparés dans les cas où les Etats membres maintiennent des compagnies de chemins de fer intégrées. L'actuelle réforme de l'organisation du système ferroviaire français va dans le sens de cette proposition, qui devrait permettre une meilleure gestion des infrastructures.

3. Rénover le service public

Le Livre blanc ne néglige pas la question du service public. L'action entreprise par la France, et notamment par le Parlement français, pour que cette notion soit davantage prise en compte dans les initiatives communautaires, porte aujourd'hui ses fruits. La Commission rappelle que l'article 77 du Traité de Rome, relatif aux transports, évoque explicitement la notion de service public et les servitudes qui lui sont inhérentes.

Toutefois, la Commission européenne observe que " les entreprises ferroviaires travaillent dans un environnement mal défini, où les objectifs ne sont pas clairs et dans lequel les initiatives au niveau de la gestion restent sans effet ". C'est pourquoi elle plaide pour une contractualisation du service public : " ces contrats indiqueraient clairement le service à fournir et la compensation à payer. La contribution financière des pouvoirs publics constituerait une compensation explicite et transparente des charges consécutives à la fourniture de services non rentables. L'aide serait convenue contractuellement par les Etats membres et l'entreprise ferroviaire concernée pour une durée déterminée. De cette manière, la responsabilité des coûts et des pertes serait transférée à l'entreprise ferroviaire, qui se verrait incitée à améliorer son efficacité. Il appartiendrait à chaque Etat membre de définir les services publics, notamment sous l'angle de la qualité, de la continuité, de la régularité, de la capacité, de l'accessibilité et des tarifs pratiqués. "

Votre rapporteur souscrit entièrement à ces orientations. Indépendamment de l'introduction de la concurrence, il est aujourd'hui indispensable de préciser la notion de service public. Le service public est trop souvent utilisé comme l'alibi de l'inefficacité de certaines entreprises. C'est pourquoi le service public doit cesser d'être un principe flou, aux contours mouvants, pour devenir un ensemble d'obligations clairement définies dans un contrat entre une collectivité publique et l'entreprise qui assure le service. Parmi ces obligations, l'obligation de continuité est un élément essentiel du service public. Celui-ci implique également la mise en oeuvre de tarifs qui le rendent accessible à tous.

Une telle contractualisation ne conduirait aucunement à une remise en cause du service public, dans la mesure où les collectivités publiques resteraient libres de définir un cahier des charges ambitieux à condition d'accorder les compensations adéquates aux entreprises chargées de mettre en oeuvre ce cahier des charges. A cet égard, la régionalisation prévue en France doit permettre d'instaurer de telles relations contractuelles entre les autorités régionales et la S.N.C.F. ; votre rapporteur est convaincu que cette réforme peut permettre d'améliorer substantiellement la qualité des services ferroviaires et d'augmenter le trafic sur les réseaux ferroviaires régionaux.

4. Intégration des systèmes nationaux

Le Livre blanc évoque également les difficultés d'intégration des systèmes de chemins de fer nationaux. Les disparités entre les infrastructures et le matériel roulant des différents pays ne facilitent pas le développement des échanges entre les pays de l'Union européenne, alors même que les distances transeuropéennes font partie des créneaux sur lesquels le chemin de fer peut manifestement être compétitif.

A ce propos, la Commission européenne rappelle que la Communauté a déjà pris certaines initiatives pour faciliter la circulation sur l'ensemble du réseau européen :

- pour le rail classique, la Commission a chargé les organismes de normalisation européens de proposer des spécifications techniques en ce qui concerne le matériel roulant et les composants des infrastructures, l'essai des véhicules, l'aérodynamique, la protection contre l'incendie, la sécurité électrique et la compatibilité électromagnétique. Les premières normes devront être mises en oeuvre en 1998 sous forme de normes européennes ;

- pour le train à grande vitesse, le Conseil a adopté, en juillet 1996, une directive relative à l'interopérabilité du réseau européen de train à grande vitesse. Cette directive devrait permettre d'engager un processus d'établissement de spécifications techniques contraignantes qui serviront de références pour les marchés publics et permettront de parvenir à l'interopérabilité.

Indépendamment de cette action communautaire, des accords entre entreprises ferroviaires ont permis des progrès importants dans l'harmonisation des conditions techniques de circulation sur les réseaux et, depuis longtemps déjà, il n'est plus nécessaire de changer de train aux frontières.

Pour l'avenir, la Commission européenne se propose de poursuivre les actions d'harmonisation tout en veillant à ce que ces actes permettent un gain réel de compétitivité.

La Commission européenne évoque également la réalisation de nouvelles infrastructures et rappelle qu' " en ce qui concerne le rail, la priorité va à l'achèvement du réseau à grande vitesse, et notamment à la réalisation des projets prioritaires approuvés par le Conseil européen d'Essen ". Une telle affirmation paraît aujourd'hui quelque peu incantatoire. Récemment, le Conseil des ministres des Finances s'est opposé à l'augmentation des crédits consacrés à la réalisation de ces grands réseaux et les fonds disponibles ne semblent pas en mesure de permettre une avancée importante de ces projets prioritaires.

De fait, les Etats membres de l'Union tentent de réduire les déficits publics, notamment pour respecter les critères de convergence définis par le Traité sur l'Union européenne pour le passage à la monnaie unique et la réalisation des projets prioritaires paraît aujourd'hui moins prioritaire.

Dans ces conditions, peut-être conviendrait-il de réviser ces projets afin de les adapter à la situation actuelle. Faute de quoi, il existe un risque important qu'ils ne voient pas le jour.

En ce qui concerne plus particulièrement la France, le récent rapport de M. Philippe ROUVILLOIS sur " les perspectives en matière de création de nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse " a démontré qu'un certain nombre de révisions à la baisse des projets devraient être faites : " à l'évidence, un redimensionnement des ambitions exprimées au schéma directeur de 1992 s'impose : il ne sera pas possible de tout faire, encore moins de tout faire tout de suite. Les projets à très faible rentabilité devront être abandonnés, ou à tout le moins durablement différés. Il convient ensuite de s'interroger sur la possibilité de substituer en tout ou partie à la construction des lignes nouvelles un aménagement des infrastructures existantes et des performances du matériel roulant, dont la combinaison permettrait, pour un coût nettement moins élevé, de réduire substantiellement les temps de parcours (...) ".

Par ailleurs, la Commission européenne fait valoir que certaines adaptations des infrastructures ferroviaires destinées au transport de marchandises pourraient contribuer au développement de cette activité et se propose de répertorier les goulets d'étranglement qui existent afin d'envisager les aménagements qui permettront de les résorber.

Enfin, la Commission européenne se penche également sur la recherche communautaire dans le secteur du transport ferroviaire. Dans le cadre du quatrième programme-cadre de recherche, la Communauté a entrepris de nombreuses actions intéressant les chemins de fer. Ainsi, des recherches sont en cours pour la mise en place d'un Système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS), qui pourrait non seulement renforcer la sécurité et l'interopérabilité, mais également réduire les coûts d'exploitation et améliorer la gestion des infrastructures.

Dans son Livre blanc, la Commission rappelle également qu'elle met en place depuis 1995 des " Task forces " destinées à améliorer l'efficacité des activités de recherche et de développement de la Communauté. Elle a créé une task force sur les " systèmes de chemin de fer du futur " destinée à permettre aux opérateurs du secteur ferroviaire de conduire ensemble une réflexion sur les technologies d'avenir.

5. Des aspects sociaux brièvement évoqués

Dans son précédent rapport, votre rapporteur avait évoqué l'absence de volet social dans les propositions de la Commission européenne visant à renforcer la concurrence dans le secteur ferroviaire. Dans le Livre blanc, la Commission prend soin de consacrer une section à ce problème.

En dix ans, entre 1985 et 1995, le nombre d'emplois dans le secteur ferroviaire en Europe est passé de 1,55 million à 1,05 million. Les pays qui ont entrepris des réformes ambitieuses de leur système ferroviaire ont tous procédé à des réductions d'emplois importantes pour renforcer la compétitivité des entreprises. Selon les informations fournies à votre rapporteur par des représentants d'un syndicat britannique, la réforme ferroviaire dans ce pays aurait entraîné 24.000 suppressions d'emplois. Toutefois, dans la période ayant précédé cette réforme, les effectifs avaient déjà sensiblement diminué. Les avantages des salariés en matière de régime de retraites ont été maintenus dans le cadre de la réforme. En Allemagne également, les réductions d'effectifs ont été importantes. Dans un entretien récent accordé à un quotidien français, M. Heinz DÜRR, président du directoire de la Deutsche Bahn observait : " nous devons investir pour l'avenir, mais nous devons en même temps réduire nos charges courantes si nous voulons être compétitifs par rapport aux autres modes de transport. En trois ans, notre productivité par salarié a augmenté de 50%. Nous avons réduit nos effectifs de 372.000 début 1994 à 290.000 aujourd'hui " (4( * )). La Commission européenne rappelle que la diminution des effectifs s'est faite alors qu'aucune mesure de libéralisation communautaire n'était encore en vigueur et on ne peut que lui en donner acte.

La Commission européenne observe dans le Livre blanc que les causes de ces réductions d'emploi (hausse de la productivité, stagnation de la demande du fait de la concurrence des autres modes de transports...) ne disparaîtront pas dans les années à venir, alors que l'innovation technique continue également à réduire les besoins de main-d'oeuvre. La Commission ajoute que les contraintes budgétaires vont très probablement s'intensifier, en particulier avec la mise en place de l'Union économique et monétaire. A cet égard, on peut regretter que la Commission invoque cet argument à propos des aspects sociaux alors qu'elle n'en fait pas état à propos de la mise en oeuvre des grands travaux destinés à la réalisation des réseaux transeuropéens.

Dans ces conditions, le raisonnement de la Commission européenne est le suivant : " ... seul un gain d'efficacité spectaculaire pourra garantir l'avenir à long terme des transports ferroviaires et de l'emploi dans ce secteur. Comme il ressort du présent Livre blanc, la politique de la Communauté a pour objet de favoriser cette évolution. En cas d'absence d'action, la situation des chemins de fer sur le marché des transports ne manquerait pas de se détériorer encore, ce qui compromettrait leur présence dans des secteurs importants de l'économie. L'emploi ne pourra se stabiliser que si une action énergique est entreprise pour rétablir la compétitivité ; les emplois dans le secteur ferroviaire seront certes moins nombreux, mais ils seront plus stables dans un secteur performant ".

De fait, le refus de toute évolution des systèmes ferroviaires sous prétexte que les réformes conduisent à des réductions d'emploi ne pourra perdurer que pendant un temps limité. Et les évolutions seront probablement beaucoup plus brutales si elles sont constamment retardées.

En revanche, et la Commission européenne le reconnaît, il existe des possibilités de mieux utiliser la main-d'oeuvre, de réorganiser les modalités de travail afin de renforcer la productivité. Pour offrir de meilleurs services aux passagers, il peut être souhaitable de disposer d'un personnel plus nombreux pour les fonctions d'accueil, d'information.... A cet égard, la régionalisation peut, là encore, être utile, dans la mesure où les problèmes spécifiques de chaque réseau régional, voire de chaque ligne, pourront être pris en compte de manière plus personnalisée avec des solutions différentes et plus souples pour l'organisation de la gestion du personnel.

Les transports ferroviaires ont déjà consenti des efforts importants en termes de réduction d'emplois et la réforme de l'organisation des chemins de fer doit naturellement permettre un nouveau développement de ce mode de transport, qui favorisera l'emploi. Le statu quo, au contraire, conduit à un cercle vicieux caractérisé par une baisse de la fréquentation, une réduction des services et une réduction d'emplois.

En ce qui concerne l'action communautaire, la Commission européenne se montre peu précise dans son Livre blanc. Elle fait notamment valoir qu' " elle est disposée, en cas de nécessité, à assurer l'harmonisation des conditions de travail et des exigences en matière de formation et de certification du personnel ". Votre rapporteur estime que ces problèmes, en particulier celui de l'aménagement du temps de travail, méritent des analyses approfondies. Ces aspects prendront en effet une grande importance dans le cadre d'un système davantage ouvert à la concurrence et doivent être étudiés dès maintenant. La Commission envisage de publier un Livre blanc sur les secteurs (y compris le secteur ferroviaire) qui ne figurent pas dans la directive communautaire relative à l'aménagement du temps de travail.

Par ailleurs, la Commission européenne propose également d'étudier la possibilité de consacrer des contributions du Fonds social européen à la reconversion des salariés licenciés dans le cadre des restructurations de l'industrie ferroviaire. Compte tenu du caractère très général de la proposition, il paraît difficile de porter pour l'heure un jugement sur son utilité éventuelle.

Un Livre blanc n'a pas de valeur normative, mais est destiné à alimenter le débat avant qu'interviennent, le cas échéant, des propositions formelles. En ce sens, le Livre blanc sur les chemins de fer mérite l'attention des autorités des Etats membres engagées dans une réflexion sur la réforme de leur système ferroviaire. Ce document contient des propositions importantes :

- la clarification des relations entre l'Etat et les entreprises ferroviaires qu'il suggère est engagée dans la plupart des Etats membres ; en particulier la séparation des infrastructures et de l'exploitation est aujourd'hui très généralement admise, sous des modalités diverses ;

- la contractualisation du service public qu'il préconise est destinée à permettre un renforcement de l'efficacité des entreprises ferroviaires sans que le service public, caractérisé notamment par la continuité et la mise en oeuvre de tarifs sociaux, en subisse les conséquences ; l'argent public doit désormais servir à payer des services lorsque c'est nécessaire et non à combler un déficit global.

Concernant le renforcement de la concurrence par un plus large accès au réseau, il est à souligner que les dispositions relatives à la concurrence de la directive adoptée en 1991 n'ont fait l'objet d'aucune application et que cette directive n'a donné lieu à aucun bilan exhaustif.

Votre rapporteur a souhaité, à travers cette présentation du Livre blanc, que le Sénat soit informé des initiatives communautaires dans le secteur du transport ferroviaire. Il n'a en revanche pas souhaité évoquer les projets français de réforme du système ferroviaire, dans la mesure où il n'entre pas dans les missions de la Délégation de porter des appréciations sur ce sujet.

ENTRETIENS DU RAPPORTEUR

1. A LONDRES (en commun avec M. Paul CHOLLET, député, rapporteur de la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale)

- M. John WATTS, minister of state chargé des routes et des chemins de fer ;

- M. John SWIFT, régulateur du rail ;

- M. John RHODES, directeur (Office of the Rail Regulator) ;

- M. John O'BRIEN, (Office of Passenger Rail franchising) ;

- M. Paul MOORE, (Office of Passenger Rail franchising) ;

- M. Tony GREYLING, directeur de la politique de l'environnement et des transports au parti travailliste ;

- M. Mark WALKER (Syndicat RMT) ;

- M. David BERTRAM, président du comité central des usagers (Central Rail Users'Consultative Committee) ;

- M. PATTERSON, secrétaire général du comité central des usagers ;

- M. Philip DEWHURST, directeur des relations publiques de Railtrack ;

- M. Jean-Michel DITNER, Managing director de French Railways Ltd (filiale de la SNCF en Grande-Bretagne) ;

- M. Antoine FRÉROT, directeur général de C.G.E.A. ;

- M. Colin WEBSTER, président de CONNEX Rail Ltd ;

- M. François PETER, président de C.F.T.A. ;

- M. Antoine HUREL, vice-président de CONNEX Rail Ltd ;

- M. Michel QUIDORT, directeur de la communication internationale et institutionnelle de C.G.E.A. et CONNEX ;

- M. Richard FEARN, directeur de South Eastern ;

- M. Geoff HARRISON-MEE, directeur de CONNEX South Central.

Le rapporteur tient à remercier M. Olivier LOUIS, ministre conseiller responsable des questions économiques à l'ambassade de France, et M. Jean-Yves PARÉ, chef du secteur Energie-Environnement-BTP-Infrastructures au service économique et commercial de l'ambassade de France, pour les informations qu'ils lui ont fournies et pour l'aide qu'ils lui ont apportée dans la préparation et la conduite de cette mission.

2. A PARIS

- M. Louis GALLOIS, président de la S.N.C.F.

EXAMEN DU RAPPORT

· La délégation a examiné le présent rapport lors de sa réunion du 6 novembre 1996.

Au cours du débat qui a suivi l'exposé du rapporteur, M. Philippe François s'est interrogé sur la manière dont les syndicats de la SNCF pourraient percevoir ce rapport d'information.

M. Nicolas About a alors indiqué que ce rapport ne préconisait en aucun cas l'imitation par la France du système ferroviaire britannique, mais fournissait des éléments d'information sur ce système et sur le Livre blanc de la Commission européenne. Il a souligné qu'il était important que tous les acteurs du transport ferroviaire français, et notamment les syndicats, soient informés des évolutions qui interviennent chez nos principaux partenaires européens. Il a enfin observé que la France devait être prête si une plus grande ouverture à la concurrence intervenait dans quelques années.

M. Xavier de Villepin a déclaré avoir été frappé par l'état de vétusté du réseau ferroviaire britannique. Il a fait valoir que la SNCF connaissait une situation financière très dégradée, mais que les chemins de fer en France étaient de très bonne qualité.

M. Nicolas About s'est déclaré en accord avec ces propos et a estimé que la vétusté du réseau ferroviaire britannique avait joué un rôle important dans la décision d'entreprendre une réforme radicale du système. Il a souligné que la privatisation de Railtrack avait suscité des inquiétudes, dans la mesure où l'on se demandait qui voudrait acheter un réseau aussi délabré. Le Gouvernement britannique a donc pris des mesures qui ont permis la privatisation de l'entreprise et lui ont donné une capacité à investir dans la réhabilitation du réseau. De même, les exploitants de services de transport de voyageurs ont pris des engagements importants en matière d'investissements. Dans le domaine du fret, une même entreprise américaine a pris le contrôle des trois sociétés de fret lourd créées dans le cadre de la réforme et a immédiatement annoncé l'achat de deux cents locomotives neuves.

Le rapporteur a ensuite souligné que l'Allemagne avait également entrepris une réforme très importante de son système, l'Etat ayant consenti un effort exceptionnel pour reprendre la dette de la Deutsche Bahn et prendre en charge les surcoûts liés aux statuts des personnels.

M. Christian de La Malène s'est interrogé sur le contenu et l'étendue du service public en Grande-Bretagne. Il a observé qu'il n'existait pas de critères concrets pour définir le service public et a fait valoir qu'il ne servait à rien d'avoir des cahiers des charges précis si ceux-ci ne contenaient que des prescriptions minimales en matière de service public. Il a souligné que l'on avait parfois l'impression que la SNCF avait une conception étriquée du service public et a souhaité savoir ce qu'il en était en Grande-Bretagne.

M. Nicolas About a indiqué que les cahiers des charges imposaient aux exploitants de services de transport de voyageurs de maintenir au moins le niveau de service assuré par l'ancienne entreprise British Railways et que, naturellement, les exploitants étaient invités à entreprendre davantage de manière à conquérir une nouvelle clientèle. Il a en outre fait valoir que les cahiers des charges contenaient également des prescriptions en matière tarifaire limitant fortement la possibilité d'augmenter les tarifs des services.

Après un large débat, auquel ont participé MM. Paul Masson, Christian de La Malène, Denis Badré, Yves Guéna, Philippe François, Jacques Genton, président, James Bordas et Robert Badinter, le rapporteur a proposé, compte tenu du report de l'examen par le Sénat du projet de loi portant création de l'établissement public " Réseau ferré national ", d'apporter des modifications à sa conclusion.

La délégation a alors décidé de réexaminer la conclusion du rapport d'information au cours de sa prochaine réunion.

·  La délégation a adopté le rapport au cours de sa réunion du 12 novembre 1996.

ANNEXE

Synthèse et calendrier des actions envisagées par la Commission européenne dans son Livre blanc :

" Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires "



(1) " L'Europe : une chance pour la SNCF ? ", Délégation du Sénat pour l'Union européenne, n° 331, 24 avril 1996.

(2) Livre blanc - " Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires " - Commission européenne, COM (96) 421 final.

(3) Rapport VINCENT sur " l'avenir du transport ferroviaire en Europe ", Agence Europe, n° 2006/2007, 11 octobre 1996.

(4) Le Monde, 16 octobre 1996

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