RAPPORT D'INFORMATION N° 96 - PERSPECTIVES MACROECONOMIQUES A MOYEN TERME (1997-2002)


M. Bernard BARBIER


DELEGATION DU SENAT POUR LA PLANIFICATION - RAPPORT D'INFORMATION N° 96 - 1997/1998

Table des matières






RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation du Sénat pour la planification (1)
sur les
perspectives macroéconomiques à moyen terme (1997-2002),


Par M. Bernard BARBIER,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : MM. Bernard Barbier, président ; Bernard Hugo, Marcel Lesbros, Georges Mouly, René Régnault, vice-présidents ; Jacques Braconnier, Louis Minetti, secrétaires ; Mme Janine Bardou, MM. Michel Charzat, Roger Husson, Henri Le Breton, Daniel Percheron, Jean-Marie Poirier, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert.

Prévisions et projections économiques - Chômage - Consommation - Cotisations sociales - Croissance - Déficit public - Dépenses de santé - Dette publique - Dollar - Durée du travail - Echanges extérieurs - Emploi - Finances sociales - Inflation - Investissement - Modèles macroéconomiques - Politique budgétaire - Population active - Productivité - Rapports d'information - Salaires - Sécurité sociale - Taux de change - Taux d'intérêt - Union économique et monétaire - Rapports d'information.

PRÉSENTATION

Créée par la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification afin d'" informer (le Sénat) sur l'élaboration et l'exécution des plans " (article 2), la Délégation pour la Planification a ainsi été conduite à analyser et à discuter les travaux de prospective économique menés dans le cadre de la planification, et à les confronter aux travaux réalisés à la demande du Sénat.

Depuis l'abandon du XIe Plan et en l'absence, depuis lors, de Plan national, la Délégation a poursuivi, avec l'accord du Président et du Bureau du Sénat, sa mission d'information et a continué à présenter des éléments de réflexion sur les perspectives économiques à moyen terme, afin que le Sénat puisse profiter des moyens modernes d'analyse économique et de prévision.

Ce Rapport d'information vous soumet donc, comme les années précédentes, quelques éléments de réflexion et de synthèse de différents travaux de projection et de simulation réalisés à la demande du Service des Etudes du Sénat, sous l'égide de la Délégation.

Ceux qui sont présentés dans le premier chapitre et l' annexe n° 1 ont été réalisés à l'aide du modèle MOSAÏQUE de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Ils concernent une projection de l'économie française à l'horizon 2002.

Ils sont comparés aux prévisions à moyen terme de trois autres organismes : le Bureau d'Informations et de Prévisions Economiques (BIPE), l'Institut national de la Statistique et des Etudes économiques (INSEE) et le Centre de Recherches pour l'expansion de l'économie et le développement des entreprises (REXECODE).

Le deuxième chapitre et l' annexe n° 2 évoquent des questions de politique économique en Europe à la lumière des simulations réalisées à l'aide du modèle mondial MIMOSA commun au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) et à l'OFCE.

Enfin, le troisième chapitre et l' annexe n° 3 sont consacrés à une analyse de l'évolution de la durée du travail et à un inventaire des différentes questions qui se posent lorsqu'on simule, à l'aide de modèles macroéconomiques, les effets d'une réduction de la durée du travail.

CHAPITRE I

PERSPECTIVES MACROÉCONOMIQUES À MOYEN TERME

I. PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS D'UNE PROJECTION DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE À L'HORIZON 2002 (réalisée par l'OFCE)

L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a réalisé, à la demande du Service des Etudes du Sénat, une projection de l'économie française à l'horizon 2002, à l'aide de son modèle macro-économique MOSAÏQUE (voir Annexe n° 1 , page 63).

Cet exercice est de nature essentiellement macroéconomique, mais il a été demandé aux experts de l'OFCE d'en tirer le maximum d'indications sur l'évolution des finances publiques.

Votre Délégation rappelle une nouvelle fois qu'en présentant les principales conclusions de ces travaux, elle n'a d'autre souci que de mettre à la disposition du Sénat une illustration - grâce à l'éclairage que peut donner une projection à cinq ans - des choix et des questions de politique économique, et de baliser ainsi les cheminements possibles de l'économie française à l'horizon 2002.

A. LA DEMANDE ÉTRANGÈRE ET LES ÉCHANGES EXTÉRIEURS

1. L'environnement monétaire et international de l'économie française

Les résultats d'un exercice de projection réalisé à l'aide d'un modèle macroéconomique national sont étroitement liés aux hypothèses relatives aux taux de change, aux taux d'intérêt et à la croissance des économies partenaires. Celles qui ont été retenues par l'OFCE sont assez optimistes, du moins pour le court terme :

· Les auteurs de la projection ont tout d'abord considéré que la hausse du dollar depuis son point bas de la mi-1995 n'obéissait ni à des mouvements à caractère spéculatif, ni au décalage de conjoncture entre les Etats-Unis et l'Europe, mais à une amélioration fondamentale de la confiance des détenteurs mondiaux de capitaux dans la capacité de l'économie américaine à rembourser ses dettes (en raison notamment de la réduction structurelle du déficit public aux Etats-Unis).

Ainsi sur l'ensemble de la période 1997-2002, le cours du dollar est supposé s'établir en moyenne aux alentours de 6 francs, au lieu de 5,30 francs au cours des six années précédentes. Cette hypothèse a une incidence très favorable sur la compétitivité et la croissance en Europe.

Une variante réalisée à l'aide du modèle MIMOSA, présentée et discutée dans le chapitre 2 de ce rapport, montre qu'une dépréciation de 10 % des monnaies européennes se traduit par une augmentation du taux de croissance de l'économie européenne comprise entre 0,3 et 0,9 point pendant deux ans (selon la réaction des autorités monétaires à une accélération de l' inflation consécutive à l'augmentation du prix des produits importés).

· Par ailleurs, les taux d'intérêt à court terme fluctueraient autour de 2 % en termes réels (c'est-à-dire les taux d'intérêt nominaux moins l'inflation), sur l'ensemble de la période de projection. Les taux d'intérêt réels à court terme seraient ainsi inférieurs au taux de croissance potentiel 1( * ) des économies européennes, ce qui correspondrait à une politique monétaire nettement plus accommodante que celle qui a été suivie depuis le début des années quatre-vingt-dix.

· Le ralentissement de l' économie américaine, que nombre d'économistes prévoyaient pour 1997, n'interviendrait véritablement qu'en 1999. Encore ce freinage de l'activité serait-il d'ampleur modérée et de durée limitée selon l'OFCE, contrairement aux épisodes de ralentissement cyclique que l'économie américaine a connus par le passé. La croissance des économies européennes , stimulée par la hausse du dollar et soutenue par la reprise de leur demande intérieure, s' accélérerait significativement en début de période (+ 3,1 % en 1998 et + 2,9 % en 1999 pour la moyenne européenne), avant de ralentir par la suite (+ 2 % en moyenne de 2000 à 2002).

Au total, la demande étrangère adressée à la France serait soutenue jusqu'en 1999 (+ 7,6 % par an en moyenne), avant de ralentir en fin de période (+ 5,5 % de 2000 à 2002).

ENCADRÉ N° 1

QUEL IMPACT DES INCERTITUDES ASIATIQUES
SUR LA CROISSANCE EN EUROPE ?

Pour schématiser les conséquences possibles sur la croissance européenne, des récentes difficultés apparues dans certains pays asiatiques jusqu'alors en forte expansion, on peut décrire trois types d'enchaînements : effets d'un ralentissement de la croissance économique en Asie, effet des dévaluations des monnaies asiatiques, effets d'un affaiblissement du dollar.

1. D'après une simulation, réalisée en 1996 à l'aide du modèle INTERLINK de l' OCDE , le ralentissement d'un point de pourcentage de la croissance en 1997 et 1998 dans les pays d'Asie non membres de l'OCDE (à taux de change nominal et taux d'intérêt fixes), a pour conséquence que le niveau du PIB serait en 1998 plus faible de 0,2 % dans l'Union européenne et aux Etats-Unis, et de 0,4 % au Japon.

L'impact sur l'économie française pourrait être proche de la moyenne européenne : d'un côté, la France exporte relativement peu vers l'Asie (en 1995, 32 milliards de francs vers le Japon, et 87 milliards de francs vers les pays d'Asie en développement rapide - Chine comprise -, soit respectivement 1,8 % et 4,8 % de nos exportations) ; de l'autre, nos exportations (biens de consommation de luxe, services touristiques, biens d'équipement de haute technologie) pourraient être particulièrement sensibles aux variations du revenu réel dans les pays d'Asie. Les crises de change en Asie pourraient donc avoir un impact marqué sur certains secteurs (vins fins et spiritueux notamment).

2. La dévaluation des monnaies des économies dynamiques d'Asie réduit la compétitivité des exportateurs européens. Ainsi, selon l'OCDE, une dépréciation de 10 % des monnaies de la Corée, de Hong-Kong, de Singapour, de Taïwan, de la Chine, de l'Inde, de la Malaisie, des Philippines et de la Thaïlande réduirait au bout de deux ans les exportations européennes de 1,5 % et le PIB européen de 0,3 %, ces effets s'inversant toutefois dès la quatrième année, les pertes de compétitivité étant peu à peu récupérées.

3. Les crises de change en Asie tendent à affaiblir le dollar, ce qui pénalise la reprise en Europe. En effet, le monde chinois d'un côté (Chine, Hong-Kong, Singapour, Taïwan), et la Thaïlande, la Corée, la Malaisie de l'autre, détenaient en stock en 1996 respectivement, 300 et plus de 100 milliards de dollars de réserves en devises, aux trois-quarts libellées en dollars, soit un quart des réserves mondiales en dollars. Ces pays sont devenus les premiers financeurs du déficit extérieur des Etats-Unis. La crise de change en Asie entraîne des ventes de dollars par les pays dont les monnaies sont attaquées d'une part, et hypothèque le financement futur des déficits américains d'autre part, ce qui concourt à déprécier le dollar.

Ces trois mécanismes pourraient toutefois être partiellement compensés par une détente des taux d'intérêt au niveau mondial : d'une part, la volatilité des marchés d'actions entraînerait un report des investisseurs vers les marchés d'obligations ; d'autre part, le ralentissement de la croissance réduirait les tensions inflationnistes aux Etats-Unis ; enfin, la fragilisation des systèmes bancaires et financiers inciterait les autorités monétaires à détendre les taux d'intérêt à court terme.

Au total, selon l'OCDE, l'effet négatif de la crise financière en Asie du Sud-Est sur la croissance serait de l'ordre de 0,1 à 0,2 point en Europe et aux Etats-Unis, cette année et l'an prochain, et le double au Japon.

2. Les échanges extérieurs : Quel excédent pour l'économie française ?

L'environnement monétaire et international, tel qu'il vient d'être décrit, est très favorable à notre commerce extérieur en début de période :

- l'hypothèse d'une poursuite de la hausse du dollar entraîne une amélioration de la compétitivité à l'exportation (de l'ordre de 2,9 points par an en moyenne sur 1997 et 1998).

- le dynamisme de la demande adressée à la France par ses partenaires en 1997 et 1998, entraîne une progression plus rapide des exportations que celle des importations.

- il en résulte une contribution élevée des échanges extérieurs à la croissance, surtout en début de période : ceux-ci expliqueraient 1,6 point de croissance en 1997 (pour une croissance totale de 2,1 %), 0,9 point en 1998 (pour une croissance de 3,2 %) et 0,5 point en 1999 (pour une croissance de 2,9 %).

L' excédent commercial passerait de 203 milliards de francs en 1997 à 288 milliards de francs en 2002 (soit de 2,5 % à 3 % du PIB) et la capacité de financement de la Nation s'accroîtrait : de 2,3 % du PIB en 1997 à 3,1 % en 2001.

L'augmentation des excédents commerciaux décrite par la projection est-elle réaliste ?

L'excédent commercial français, apparu au début des années 90, a souvent été interprété comme un " mauvais excédent ", c'est-à-dire un excédent consécutif à une croissance de l'économie française inférieure à celle de ses partenaires. Effectivement, la France a connu un taux de croissance inférieur de 0,6 point à celui de l'ensemble de ses partenaires entre 1990 et 1996, ce qui pourrait expliquer que ses importations aient augmenté moins rapidement que ses exportations.

Néanmoins, les résultats de la projection ainsi que des simulations réalisées par l'INSEE (à l'aide de son modèle AMADEUS) 2( * ) ne confirment pas ce diagnostic. En effet, même en comblant son écart de croissance avec ses principaux partenaires, la France continuerait, selon la projection de l'OFCE, à dégager d'importants excédents. Ceux-ci iraient même croissants à l'horizon 2002.

Semblable évolution est cependant liée à des hypothèses (hausse du dollar et dynamisme de la demande étrangère), qui peuvent être mises en cause, comme l'a montré la crise financière récente. Aussi, afin de neutraliser l'effet sur le solde commercial d'hypothèses de cette nature, l'INSEE a calculé une balance commerciale "structurelle", qui traduit en quelque sorte le niveau structurel de compétitivité de l'économie française, indépendamment des mouvements de change et du décalage conjoncturel entre la France et ses partenaires de l'OCDE 3( * ) . L'INSEE évalue ainsi à 2 % du PIB en 1996 l'excédent commercial structurel de la France. Ces travaux, combinés aux résultats de la projection réalisée par l'OFCE, appellent deux observations :

- cet excédent structurel traduit le niveau élevé de compétitivité de l'économie française (niveau de la compétitivité-prix, niveau de qualité des produits et de la compétitivité hors-prix...) ;

- même si l'environnement monétaire et international de l'économie française devenait moins favorable que celui décrit par la projection de l'OFCE (en raison d'une baisse du dollar par exemple), l'économie française continuerait à dégager, sur le moyen terme, d'importants excédents extérieurs.

Ces travaux dessinent donc une inversion durable de tendance depuis le début des années 90 : l'économie française accumule désormais des excédents par rapport au reste du monde.

D'un point de vue comptable, l'augmentation de la capacité de financement de la Nation correspond à un excédent de l' épargne nationale sur l' investissement.

Ainsi, la projection de l'OFCE met-elle en évidence un atout pour les prochaines années : la possibilité pour l'économie française de croître plus vite que son potentiel ou que ses partenaires sans buter sur des contraintes de financement. Elle n'indique pas, en revanche, comment cet atout pourrait être exploité...

B. LA DEMANDE INTÉRIEURE

1. Quelle reprise pour l'investissement des entreprises ?

La projection élaborée par l'OFCE décrit un " cycle d'investissement " caractéristique d'une période de reprise économique. Celui-ci serait cependant bref et d'ampleur modérée. L'amélioration des perspectives de débouchés en début de période entraîne un redressement de l'investissement en 1998 et 1999 (respectivement + 3,4 % et + 3,7 %). Par la suite, le ralentissement de la demande mondiale conjugué à une progression modérée de la consommation se traduirait par une stabilisation de la progression de l'investissement autour de 2 % par an en moyenne. La reprise de l'investissement ainsi décrite est beaucoup moins dynamique que celle qu'a connue l'économie française dans les périodes précédentes de redémarrage de l'activité (en particulier à la fin des années quatre-vingt).

Cependant, l'évolution de l' endettement des entreprises et les conséquences de l' unification monétaire de l'Europe constituent deux facteurs d'incertitude dont les modèles ne peuvent guère rendre compte. Or, les économistes ne parviennent pas à expliquer la faiblesse de l'investissement observée à partir de 1992, à partir de ses deux déterminants traditionnels dans les modèles, que sont l'évolution des perspectives de débouchés et des profits anticipés par les entreprises. C'est pourquoi, il est parfois avancé que l'excès d'endettement est à l'origine du " sous-investissement " observé. Cette explication semblerait validée par des travaux économétriques récents de l'INSEE 4( * ) . Ces mêmes travaux tendraient à l'inverse à montrer que le désendettement en cours des entreprises entraînerait une reprise de l'investissement plus forte que celle décrite par la projection de l'OFCE.

Par ailleurs, à moyen terme, l'unification monétaire de l'Europe va modifier l'environnement des entreprises, et en particulier supprimer les incertitudes sur les taux de change intra-européens particulièrement évidentes depuis le début des années quatre-vingt-dix. Il pourrait en résulter une modification des comportements d'investissement des entreprises que les modèles macroéconomiques ne peuvent pas prendre en compte.

2. Le revenu et la consommation des ménages

L'évolution du pouvoir d'achat des ménages décrite par la projection est sensiblement plus dynamique que celle enregistrée au cours de la période récente : + 2 % par an en moyenne entre 1997 et 2002, contre 1,6 % par an entre 1990 et 1996 (et + 0,1 % en 1996). La même inflexion apparaît quand on compare ces résultats avec ceux de la projection présentée l'année dernière par votre Délégation, dans laquelle le revenu des ménages ne progressait que de 1 % par an en moyenne sur le moyen terme.

Deux facteurs expliquent cette inflexion dans le scénario 1997-2002 :

- la progression du pouvoir d'achat du salaire par tête serait de l'ordre de 1,5 % par an en moyenne (contre 0,1 % par an en moyenne dans la projection réalisée l'année dernière) : la baisse du chômage en début de période renforcerait en effet les revendications salariales (relation dite de " Phillips "), de telle sorte que l'évolution des salaires serait plus dynamique qu'au cours des années récentes ;

- aucun prélèvement nouveau sur les ménages n'est nécessaire pour rééquilibrer les comptes sociaux (cf. p. 22).

On constate ainsi que l'accélération de la croissance en début de période, impulsée par le dynamisme de la demande étrangère et la hausse du dollar, entraîne en projection des enchaînements macroéconomiques favorables au revenu des ménages. En outre, comme leur taux d'épargne serait stable sur le moyen terme, leur consommation évoluerait parallèlement au pouvoir d'achat de leur revenu (soit + 2 % par an en moyenne).

3. L'évolution des salaires : Quels enseignements des modèles ?

Le débat économique s'est récemment focalisé sur l'évolution du partage de la valeur ajoutée entre revenus du travail et revenus du capital. En effet, après avoir sensiblement augmenté au milieu des années soixante-dix, la part des salaires dans la valeur ajoutée a reculé au cours des années quatre-vingt, pour se stabiliser depuis le début des années quatre-vingt-dix à un niveau nettement inférieur à celui du début des années soixante-dix.

Dans la projection à moyen terme de l'OFCE, le partage de la valeur ajoutée se stabilise au niveau d'aujourd'hui, les salaires par tête évoluant comme la productivité du travail 5( * ) .

A cet égard, on peut s'interroger sur les conséquences qu'aurait un rééquilibrage du partage de la valeur ajoutée plus favorable aux revenus du travail, ce qui correspond à une évolution des salaires plus rapide que celle décrite par la projection. Mais une simulation de cette nature n'a d'intérêt que si elle est réalisée à l'aide d'un modèle multinational, qui permet de mettre en évidence les phénomènes d' interdépendance entre économies. Deux variantes de hausse des salaires en France et en Europe ont ainsi été élaborées à l'aide du modèle mondial MIMOSA 6( * ) .

Les principaux résultats de ces variantes (présentées dans l'annexe n° 2, page 97) sont résumés ci-après.

· Une hausse des salaires de 2 % uniquement en France exerce des effets contradictoires :

- une augmentation de la consommation des ménages,

- une hausse du taux d'épargne des ménages en raison du supplément d'inflation engendrée par la hausse des salaires (" effet d'encaisse réelle "),

- une baisse de l'investissement des entreprises en raison de la baisse du taux de marge,

- une dégradation de la compétitivité.

A court terme (un an), l'effet de l'augmentation de la consommation l'emporte légèrement : le PIB augmente de 0,2 %. Par la suite, les effets décrits ci-dessus se compensent et l'impact sur l'activité est nul. Les effets sur le chômage sont en conséquence négligeables 7( * ) .

Ces résultats sont très peu différents de ceux des autres modèles macroéconomiques français : effet légèrement expansionniste ou nul à court terme, effet nul ou légèrement restrictif au bout de deux à trois ans.

· Dans les enchaînements ainsi décrits, un rôle majeur est joué par la dégradation de la compétitivité : compte tenu du degré d'ouverture élevé des pays européens sur leurs partenaires de l'Union, une hausse salariale limitée à un seul pays pénalise fortement ses échanges extérieurs.

Par contre, l'économie européenne constituant un ensemble peu ouvert sur l'extérieur, une hausse des salaires dans l' ensemble des pays européens devrait avoir, semble-t-il a priori, des effets expansionnistes plus sensibles (les conséquences des pertes de compétitivité de l'ensemble européen sont en effet plus limitées). Pourtant, une simulation modélisée d'une hausse des salaires (de 2 % du PIB) dans l'ensemble de l'Union européenne ne confirme pas cette intuition. En effet, si la perte de compétitivité a une incidence restrictive plus faible que dans une variante " nationale ", l'impact inflationniste de la hausse des salaires entraîne une augmentation des taux d'intérêt par les Banques Centrales. Cette mesure limite l'effet expansionniste de l'augmentation de la demande intérieure européenne. Finalement, la hausse du PIB en Europe est donc faible (+ 0,2 % à un an, + 0,4 % à trois ans et + 0,2 % à cinq ans) et l'impact sur le chômage peu significatif (- 0,1 point pour le taux de chômage au bout de deux ans et pas d'effet à cinq ans).

· Ces simulations illustrent la complexité des liens entre salaires, croissance et emploi. Des hausses de salaires (au-delà de l'évolution de la productivité) n'auraient qu'une incidence faible (ou nulle) sur la croissance alors que, par ailleurs, la tendance de l'économie française à l'" enrichissement du contenu en emplois de la croissance " serait compromise, en raison de l'incitation à substituer du capital au travail que constitue l'augmentation du coût du travail.

Par ailleurs, les analyses sur la déformation du partage de la valeur ajoutée au détriment des salaires s'appuient sur une évolution moyenne du taux de marge des entreprises et ne prennent pas en compte l'hétérogénéité des situations, par secteurs d'activité ou selon la taille des entreprises.

Ainsi la déformation du partage de la valeur ajoutée au bénéfice des revenus du capital a-t-elle été particulièrement nette dans les grandes entreprises du secteur industriel, concourant ainsi à l'augmentation du niveau moyen du taux de marge dans l'ensemble de l'économie. Or les grandes entreprises du secteur industriel sont celles qui " économisent " le plus le facteur travail et substituent le plus facilement du capital au travail : des hausses trop rapides ne feraient qu' accélérer ce mouvement. Inversement, dans les autres secteurs ( services et surtout bâtiment ) et dans les petites entreprises, la situation financière est souvent beaucoup moins favorable. Là aussi, des hausses trop rapides de salaires interrompraient l'amélioration de l'emploi constatée dans ces entreprises et ces secteurs depuis une dizaine d'années, explicable pour partie par la modération du coût du travail.

L'évolution des salaires que décrit la projection de l'OFCE semble ainsi obéir à un " bon équilibre " entre des hausses salariales trop faibles qui brident dangereusement la demande et des hausses trop fortes qui dégradent la compétitivité et l'investissement et favorisent la substitution du capital au travail.

Les conclusions de cette projection sont ainsi moins pessimistes que celles qui se dégageaient des exercices présentés les années précédentes par votre Délégation. Sur le moyen terme, l'économie française échapperait ainsi à ce que les experts gouvernementaux, dans la note adressée aux participants à la Conférence nationale sur l'emploi, les salaires et le temps du travail du 10 octobre dernier, décrivent comme une " faiblesse structurelle " : " En période de ralentissement, l'austérité salariale excessive pèse sur la consommation et accentue la faiblesse de l'activité. En période de reprise, il existe toujours le risque de voir les salariés ayant un emploi essayer de rattraper de façon excessive le manque à gagner des années de faible activité, alors que la priorité devrait être accordée aux créations d'emplois ".

ENCADRÉ N° 2

UNE SIMULATION DE LA HAUSSE DU SMIC

Le Centre d'Observation Economique (COE) de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris a réalisé, à l'aide du modèle macroéconomique international OEF (Oxford Economics Forecasting), des simulations qui évaluent l'impact en 1997 et 1998 de la hausse du SMIC intervenue au 1er juillet 1997 1 .

Cette augmentation s'élève à 4 % -le "coup de pouce" gouvernemental représente 2,3 %-, ce qui porte la hausse du SMIC en pouvoir d'achat à 3,1 %.

La simulation retient deux hypothèses de diffusion de la hausse du SMIC au taux de salaire horaire ouvrier (TSHO) et au salaire moyen. La première suppose qu'une augmentation de 1 % du SMIC entraîne une hausse du TSHO de l'ordre de 0,1 point. La seconde hypothèse suppose un effet de diffusion double, soit 0,2 point. Enfin, l'élasticité du salaire moyen au TSHO est proche de 1 (une augmentation de 1 % du TSHO entraîne une hausse de 1 % du salaire moyen).

Par ailleurs, le coût pour les finances publiques de la réduction dégressive des cotisations patronales pour les salaires inférieurs ou équivalents à 1,33 SMIC est accru de 6 milliards de francs : la hausse du SMIC entraîne une hausse du nombre de smicards, une hausse du nombre de salariés en dessous du plafond de 1,33 SMIC et une hausse des salaires, donc de la réduction de charges correspondante.

Quelle que soit l'hypothèse de diffusion retenue, les résultats du tableau ci-dessous montrent les effets macroéconomiques à la fois réduits et contradictoires de la hausse du SMIC.

On constate en effet que le PIB est au plus augmenté de 0,1 %. La consommation des ménages est accrue en raison de l'évolution du revenu réel. Mais la croissance du salaire moyen affecte les prix à la consommation. Cette pression inflationniste réduit l'effet positif sur l'activité et dégrade les gains de pouvoir d'achat. L'emploi se contracte : la hausse du coût salarial, malgré les allégements de charges existants, se traduit par une accélération de la substitution du capital au travail, dont l'incidence négative sur l'emploi est supérieure à l'incidence positive de l'augmentation de l'activité.

1. Voir "Modèles et diagnostics", COE, juillet et août 1997.

INCIDENCE MACROÉCONOMIQUE DE LA HAUSSE DU SMIC

(N.B. Les chiffres sont donnés pour une hausse de 4 % au 1er juillet 1997, mais la hausse " délibérée ", c'est-à-dire allant au-delà de l'obligation légale, n'a été que de 2,3 %.)

 

Hypothèse de diffusion 1

Hypothèse de diffusion 2

Ecart en pourcentage sur les niveaux du :

1997

(2e sem.)

1998

1997

(2e sem.)

1998

PIB

Consommation des ménages

Exportations

0,00

0,02

- 0,03.

0,05

0,15

- 0,07

0,01

0,04

- 0,08

0,08

0,30

- 0,18

Emploi

Chômage (en milliers)

- 0,04

8,10

- 0,04

11,80

- 0,09

18,60

- 0,11

29,60

Prix à la consommation

0,03

0,22

0,07

0,56

Solde public (en % du PIB)

Solde public (en milliards de francs)

- 0,02

- 1,97

- 0,06

- 6,13

- 0,02

- 1,87

- 0,08

- 8,06

Source : COE avec le modèle macroéconométrique international OEF.

4. La croissance, l'emploi et le chômage

Le profil de croissance à moyen terme de l'économie française, décrit par la projection, peut être décomposé en trois phases :

- un redémarrage de l'activité sur les années 1997 à 1999, avec un taux de croissance du PIB de 2,1 % pour 1997, 3,2 % en 1998 et 2,9 % en 1999. Cette reprise s'expliquerait par le dynamisme de l'environnement international, l'amélioration de la compétitivité consécutive à l'appréciation du dollar et des comportements de dépense des entreprises plus vigoureux ;

- un ralentissement en 2000 et 2001 (avec respectivement 2,1 % et 2,3 % de croissance du PIB) en raison de la dégradation relative de l'environnement international, d'une phase de dépréciation du dollar et du ralentissement de l'investissement des entreprises. La consommation des ménages se redresse progressivement et concourt à la stabilisation de la croissance au-dessus de 2 % par an ;

- une accélération de la croissance en fin de projection (+ 2,5 % en 2002), liée à la reprise de l'activité chez nos principaux partenaires.

· L' emploi total augmenterait de 0,5 % par an en moyenne (soit 128.000 créations nettes d'emplois) ce qui représente 770.000 créations nettes d'emplois de 1997 à 2002.

Ce résultat tient compte d'une hypothèse de création de 350.000 " emplois-jeunes " en trois ans dans le secteur non marchand, ce qui ne correspondrait cependant qu'à la création nette de 280.000 emplois, l'OFCE faisant l'hypothèse que 20 % des emplois-jeunes auraient été créés même en l'absence du dispositif incitatif contenu dans la loi du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes.

Il faut souligner que les gains de productivité associés à cette évolution de la croissance et de l'emploi sont sensiblement plus élevés sur le moyen terme que ceux qui ont été constatés au cours des dernières années (+ 2 % par an de 1997 à 2002 contre 1,5 % par an de 1990 à 1996). Cette évolution de la productivité, peu favorable en projection à celle de l'emploi, s'expliquerait par deux facteurs :

- la projection est marquée par deux périodes de reprise, au cours desquelles les entreprises n'ajustent leurs effectifs qu'avec retard, ce qui contribue à l'augmentation de la productivité moyenne sur la période de projection ;

- la croissance est principalement tirée par les exportations en début de période, ce qui profite au secteur industriel où la productivité est la plus forte : il en résulte une augmentation de la productivité moyenne dans l'ensemble de l'économie.

· Selon l'hypothèse retenue par l'OFCE, les ressources en main d'œuvre augmenteraient de 154.000 par an.

Toutefois, l'augmentation de l'emploi attirerait sur le marché du travail des personnes jusqu'alors " découragées " de telle sorte que la population active effective augmenterait de 170.000 par an.

Le nombre de chômeurs s'élèverait ainsi de 25.000 par an en moyenne sur la période 1998-2002.

Le taux de chômage baisserait de 12,5 % en 1997 à 12 % en 2000, mais rejoindrait son niveau initial en fin de période.

· On peut ainsi considérer que, selon le modèle MOSAÏQUE, le taux de croissance potentiel 8( * ) de l'économie française se situe autour de 2,5 %, puisque ce taux de croissance correspond sur le moyen terme à une stabilisation du chômage.

C. LES FINANCES PUBLIQUES

Le modèle MOSAÏQUE de l'OFCE, utilisé pour réaliser cette projection, ne permet qu'une approche globale des finances publiques. Il a néanmoins été demandé aux experts de l'OFCE d'en tirer le maximum d'indications sur l'évolution détaillée des finances publiques (présentée dans l' annexe n° 1 ). Votre rapporteur s'attachera ci-après à celles qui lui paraissent les plus significatives.

1. Les hypothèses relatives aux dépenses

La définition des hypothèses sur l'évolution des dépenses publiques présuppose :

- un pronostic sur l'orientation délibérée de la politique budgétaire et l'évolution des dépenses publiques autres que les prestations sociales (masse salariale publique, dépenses courantes et investissements des administrations) ;

- un diagnostic sur l'évolution tendancielle des prestations sociales , dont l'évolution à moyen terme est plus difficile à maîtriser par les pouvoirs publics.

· Sur le premier point, les experts de l'OFCE ont retenu l'hypothèse d'un ralentissement de l'évolution des dépenses publiques ( hors prestations sociales) : celles-ci progresseraient en francs constants de 2,5 % par an en moyenne de 1997 à 2002, contre 2,8 % de 1990 à 1996.

Surtout, les dépenses publiques (hors prestations sociales) augmenteraient en projection comme le PIB, alors que sur la période 1990-1996, leur progression a été sensiblement plus rapide que celle du PIB (2,8 % contre 1,2 %). Néanmoins cette hypothèse d'augmentation des dépenses publiques traduit une inflexion par rapport aux contraintes imposées au cours des trois dernières années (1995, 1996 et 1997). Ceci est particulièrement vrai de l'évolution de la masse salariale publique : l'OFCE a ainsi supposé que l'augmentation annuelle moyenne des effectifs publics (+ 40.000 par an) se prolongerait à l'horizon 2002 et que le pouvoir d'achat de l'indice brut des traitements de la fonction publique augmenterait de 0,7 % par an en moyenne de 1998 à 2002 (après - 0,7 % en 1996 et 1997). La masse salariale publique augmenterait ainsi en francs constants de 2,8 % par an en moyenne entre 1997 et 2002, contre 2,3 % par an de 1990 à 1996.

· L'évolution à moyen terme des prestations sociales est conditionnée par la réponse à la question suivante : le ralentissement très marqué de l'évolution des prestations maladie en 1996 et 1997 (respectivement + 0,7 % et + 0,1 % en pouvoir d'achat , contre 1,8 % par an en moyenne de 1990 à 1996) sera-t-il durable ?

Dans les exercices réalisés les années précédentes à la demande du Sénat 9( * ) , les experts de l'OFCE avaient considéré que les plans de maîtrise des dépenses de santé ne modifiaient pas la tendance " lourde " de leur taux de croissance , même si leur effet immédiat sur le niveau de la dépense restait durablement acquis.

L'incidence de la dernière réforme (qui ne se limite pas à une réduction des remboursements mais met en œuvre une nouvelle politique de gestion des soins) sur l'augmentation des prestations-maladie en 1996 et 1997, a conduit l'OFCE à nuancer cette analyse.

Les auteurs de la projection ont ainsi examiné une première hypothèse d'évolution des dépenses de santé à mi-chemin entre, d'une part les évolutions récentes et l'objectif fixé par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 1998 (+ 2,2 % d'augmentation en francs courants ) et, d'autre part, la tendance de longue période. Sous cette hypothèse, l'augmentation des prestations-maladie sur le moyen terme se stabiliserait autour de 1,4 % par an en francs constants à partir de 1998.

Une deuxième hypothèse a également été envisagée : elle suppose un retour des dépenses de santé vers leur rythme de croissance tendanciel (soit + 2,5 % par an en francs constants à partir de 1999).

Dans la première hypothèse (ralentissement durable de l'évolution des dépenses de santé), le pouvoir d'achat de l'ensemble des prestations sociales augmenterait de 1,7 % par an en moyenne ; dans la seconde hypothèse (retour de la progression des dépenses de santé vers leur rythme d'évolution tendanciel), le pouvoir d'achat de l'ensemble des prestations sociales augmenterait de 2 % par an en moyenne.

2. L'équilibre à moyen terme des régimes sociaux

· Sous l'hypothèse d'un ralentissement durable de l'évolution des dépenses de santé, l'augmentation annuelle moyenne de l'ensemble des prestations sociales entre 1997 et 2002 (+ 3,3 % en valeur) serait inférieure en projection à celle du PIB (3,7 % par an en valeur) et à celle des salaires (qui évoluent en projection sensiblement comme le PIB), ce qui serait favorable au rééquilibrage progressif des comptes sociaux.

Ainsi, l'équilibre à moyen terme des comptes sociaux serait atteint sans apport de recettes supplémentaires.

· Une hypothèse de retour des dépenses de santé vers leur rythme d'augmentation tendanciel aurait une incidence défavorable sur les comptes sociaux dont le solde serait dégradé d'un montant égal à 0,2 % du PIB en 2002.

3. Le besoin de financement des administrations publiques et la dette publique

· Exprimé en pourcentage du PIB, le besoin de financement des administrations publiques (au sens de la comptabilité européenne) se réduit en projection de 0,1 point par an, pour atteindre 2,7 % en 2002.

Le tableau figurant dans l'encadré ci-dessous décrit la variation du déficit public et analyse les différentes contributions à cette variation.

On peut en déduire que le déficit public exprimé en pourcentage du PIB se réduirait en début de période essentiellement grâce à l'accélération de la croissance. En fin de période, le ralentissement de la croissance entraîne une aggravation du ratio déficit public/PIB, compensé toutefois par l'orientation de la politique budgétaire, qui contient l'augmentation des dépenses à un rythme inférieur à la croissance du PIB.



ENCADRÉ N° 3

CONTRIBUTIONS À LA VARIATION DU RATIO DÉFICIT PUBLIC / PIB
(calculs réalisés par l'OFCE)

En %

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Ratio déficit / PIB (au sens de Maastricht)

5,6

5,6

5,0

4,2

3,1

3,0

2,9

2,8

2,6

2,7

Variation du ratio déficit/PIB (au sens de la Comptabilité nationale) par rapport à l'année précédente



+2,3



- 0,5



- 0,7



- 1,2



- 0,4



- 0,7



- 0,2



- 0,1



- 0,1



0,0

dont :
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
effet du taux de pression fiscale

- 0,4

- 0,1

- 0,5

- 1,4

- 0,3

+0,1

+0,1

- 0,1

+0,1

+0,2

effet de l'écart de croissance du PIB


+1,8


- 0,2


+0,2


+0,4


+0,2


- 0,3


- 0,2


+0,2


+0,2


0,1

effet de l'écart de croissance des dépenses


+0,6


- 0,4


- 0,7


- 0,2


- 0,3


- 0,4


- 0,2


- 0,3


- 0,3


- 0,2

effet des charges d'intérêt

+0,3

+0,2

+0,3

+0,1

0,0

0,0

0,0

0,0

- 0,2

0,0

Source :Comptabilité nationale, prévisions OFCE, modèle MOSAÏQUE.

La première ligne décrit l'évolution du ratio déficit public/PIB au sens de la Comptabilité européenne . Pour les années 1997 à 2002, le résultat est celui de la projection réalisée à l'aide du modèle MOSAÏQUE de l'OFCE.

La deuxième ligne décrit la variation du ratio déficit public/PIB au sens de la Comptabilité nationale par rapport à l'année précédente. Cette ligne peut ainsi ne pas être cohérente avec la ligne précédente en raison de la mesure différente du ratio de déficit public selon la Comptabilité nationale et selon la Comptabilité européenne (comptabilisation différente des coupons courus sur les obligations d'Etat, des opérations de crédit-bail des administrations, des avances accordées par l'Etat aux entreprises du secteur aéronautique et, enfin, de certaines opérations des hôpitaux publics).



Les lignes suivantes décrivent les différentes contributions à la variation du ratio de déficit public, mesuré au sens de la Comptabilité nationale. Un signe - traduit une contribution à la réduction du ratio de déficit public. Une signe + traduit une contribution à l' augmentation du déficit public.

La troisième ligne met en évidence l'incidence de l'augmentation des taux d'imposition décidés en 1993, 1995, 1996 et 1997, sur la réduction du déficit public.

La quatrième ligne montre l'effet de la divergence entre la croissance effective et la croissance potentielle de l'économie française (évaluée ici à 2,5 % par an). Celle ligne permet d'analyser l' incidence de la conjoncture sur le déficit public. Sur la période 1993-1997 , la croissance de l'économie française est inférieure à son potentiel (excepté en 1994), ce qui contribue à l' augmentation du déficit public (notamment en 1993). La croissance des années 1998 et 1999 résultant de la projection de l'OFCE est favorable à la réduction du ratio de déficit public. Le ralentissement en fin de période contribue au contraire à son augmentation.

La cinquième ligne décrit l'effet de l'écart entre l'évolution des dépenses publiques et la croissance potentielle du PIB. C'est une façon d'apprécier l'incidence de l' orientation délibérée de la politique budgétaire . Une augmentation des dépenses publiques inférieure à la croissance potentielle du PIB (évaluée ici à 2,5 %), contribue ainsi à la réduction du ratio de déficit public. C'est le cas pour toutes les années présentées dans le tableau, à l'exception de 1993.

La sixième ligne montre enfin l'incidence de l'évolution des charges d'intérêt . Celle-ci contribue nettement à l'aggravation du ratio de déficit public de 1993 à 1996, en raison de l'augmentation de la dette publique et de la hausse des taux d'intérêt. En projection (1997-2002), les charges d'intérêt n'ont pratiquement pas d'incidence sur la variation du ratio de déficit.

Il faut rappeler que ces calculs sont fortement tributaires de l'évaluation de la croissance potentielle de l'économie française. Celle qui est retenue ici (2,5 %) se situe à l'extrémité haute de la fourchette des estimations de la croissance potentielle.



· La dette publique , exprimée en pourcentage du PIB, s'accroît en projection de 0,7 point par an , pour atteindre 60 % en 2002.

Un déficit public inférieur à 3 % ne peut ainsi être considéré comme un objectif de moyen terme satisfaisant pour l'économie française, dans la mesure où il ne suffit pas à stabiliser le ratio de dette publique, comme il conviendrait de le faire dans une période de reprise conjoncturelle.

Par rapport à la politique budgétaire simulée en projection, le montant des mesures correctrices nécessaires pour parvenir à stabiliser le ratio dette/PIB représenterait, selon le modèle MOSAÏQUE, l'équivalent de 1,5 point de Contribution Sociale Généralisée. Un prélèvement de ce montant (ou une réduction équivalente des dépenses publiques) ramènerait le déficit public en 2002 à 2,1 % du PIB 10( * ) .

· En plus des considérations macroéconomiques, il convient d'avoir à l'esprit les effets de l'augmentation de l'endettement public sur l'efficacité et l'équité du système fiscal.

L'accroissement de la dette publique se traduit instantanément par une augmentation des créances pour le même montant, sous forme d'émission de titres de la dette publique. Si la dette publique ne constitue pas de ce fait un " report de charges sur les générations futures ", elle opère néanmoins une redistribution au profit des porteurs de la dette publique. Lorsque les charges d'intérêt de la dette atteignent, comme aujourd'hui, un montant supérieur à celui de l'impôt sur le revenu, les réflexions sur l'évolution de la dette publique ne peuvent donc s'abstraire de considérations sur l'équité fiscale.

II. SYNTHÈSE COMPARATIVE DE DIFFÉRENTES PRÉVISIONS À MOYEN TERME

La projection de l'OFCE, telle qu'elle vient d'être présentée constitue une extrapolation des tendances à l'œuvre dans l'économie française, sur la base d'une prolongation des comportements observés sur le passé. Cela peut être considéré comme une limite de ce genre d'exercice, dans la mesure où il pose plus de questions pour le moyen terme qu'il n'apporte de réponses. Mais ceci obéit également à ce que votre Rapporteur considère comme la finalité des projections réalisées à l'aide de modèles. Ceux-ci offrent en effet un cadre global où les évolutions et les comportements macroéconomiques sont cohérents entre eux : en cela, ils constituent à tout le moins un instrument d'analyse utile pour les choix de politiques économiques.

Les travaux présentés ci-après procèdent d'une autre logique et recourent à d'autres méthodes. Il s'agit des prévisions de deux organismes dont le Service des Etudes suit régulièrement les travaux : le Bureau d'Informations et de Prévisions économiques (BIPE) et le Centre de Recherches pour l'expansion de l'économie et le développement des entreprises (REXECODE). Réalisées hors modèle et " à dire d'expert ", elles sont résumées ci-après.

Il paraît également utile de donner les conclusions d'une projection réalisée à l'aide du modèle AMADEUS par l' INSEE . Cet exercice présente en effet deux aspects originaux :

- il explore les modalités d'un rattrapage du déficit d'activité enregistré par l'économie française au cours de la période de croissance faible des années 1990 à 1996 ;

- il repose sur diverses hypothèses favorables d' inflexion des comportements observés sur la période récente et en simule les effets.

A. LA PRÉVISION DE REXECODE

La prévision pour la période 1997-2001, présentée par l'Institut de conjoncture REXECODE au printemps dernier, se situe en terme de croissance au bas de la " fourchette " des prévisions nationales à moyen terme (cf. tableau récapitulatif, page 32).

REXECODE confirme certes le diagnostic d'un redémarrage à court terme de l'activité, en France comme dans la plupart des pays européens. Celui-ci serait toutefois moins fort que dans les autres prévisions. Dans la mesure en effet où la France - et l'Europe - ne peut pas compter sur un environnement international beaucoup plus favorable que celui observé récemment, l'accélération de la croissance passe par un redressement de la demande intérieure. Si celui-ci est assuré, il ne serait cependant pas particulièrement vigoureux. La demande des ménages devrait être bridée par le haut niveau des taux d'intérêt réels et par les effets de la réduction des déficits publics, qui devrait s'accentuer dans l'ensemble de l'Europe. Par ailleurs, les capacités de production sont loin d'être saturées, ce qui n'est pas propice à une forte reprise de l'investissement des entreprises.

A moyen terme , la France reviendrait sur un sentier de croissance de 2 % par an. Ce diagnostic s'appuie sur une réflexion relative au régime de croissance futur de l'ensemble des économies européennes.

Dans les pays industrialisés, inflation, lutte contre l'inflation et désinflation se sont succédé depuis une trentaine d'années : l'inflation a aujourd'hui pratiquement disparu et le contexte fortement concurrentiel des prochaines années ne conduit pas à envisager une reprise de l'inflation. Ce contexte serait en Europe de nature à lever la contrainte de la lutte contre l'inflation et à permettre ainsi le retour d'une croissance plus forte. C'est ce qui conduit REXECODE à avancer une prévision de croissance à moyen terme (2 % par an pour la France et 2,2 % pour l'Union européenne) jugée " optimiste ", dans la mesure où elle suppose une nette amélioration par rapport aux six dernières années (+ 1,1 % par an pour la France entre 1990 et 1992, + 1,4 % pour l'Union européenne).

Néanmoins, la croissance ne retrouverait pas son rythme d'évolution tendanciel de la période 1973-1990 (+ 2,3 % par an pour la France comme pour l'Union européenne), encore moins celui de la période 1960-1973 (+ 5,4 % par an pour l'Europe). REXECODE identifie en effet cinq facteurs de nature à brider la croissance à moyen terme :

- le vieillissement démographique : le ralentissement de l'augmentation de la population entraînerait un fléchissement tendanciel de la croissance économique ; de plus, en termes de demande, la population " en âge de premier équipement " diminuera sensiblement au cours des cinq prochaines années ;

- la nécessité de rééquilibrer les finances publiques ;

- le niveau des taux d'intérêt réels à long terme qui, même s'ils devaient diminuer au cours des prochaines années, resteraient néanmoins très supérieurs au taux de croissance ;

- l' avantage de compétitivité en faveur de la zone dollar ;

- l'absence de contrainte sur les capacités de production dans les entreprises, qui ne concourt pas à une forte reprise de l' investissement ; de plus, l'atonie prolongée de l'investissement aurait pour conséquence un vieillissement des équipements productifs qui constitue une menace pour la compétitivité européenne.

Enfin, la prévision de REXECODE décrit une très légère baisse du taux de chômage, du même ordre que celle enregistrée dans la projection de l'OFCE : de 12,6 % en 1997 à 12,4 % en 2001. Il s'agit certainement là d'un résultat surprenant dans la mesure où la croissance n'est que de 2 % par an en moyenne, alors que l'OFCE parvient à un résultat semblable pour le chômage avec une croissance de 2,5 % par an.

Ceci s'expliquerait par deux hypothèses retenues par REXECODE :

- une prolongation du ralentissement tendanciel de la productivité du travail (1,6 % par an contre 2 % pour l'OFCE), favorable à l'emploi (le taux de croissance au-delà duquel l'économie française crée des emplois est ainsi plus faible) ;

- une augmentation moins rapide de la population active disponible (+ 100.000 par an contre + 154.000 par an selon l'OFCE).

B. LA PRÉVISION DU BIPE

Le taux de croissance annuel moyen dans la prévision présentée par le BIPE au mois de septembre dernier s'élève à 2,3 %.

Au-delà de cette évolution moyenne, cette prévision se caractérise par un profil très marqué :

- forte croissance à court terme (+ 3,3 % en 1998 et + 3 % en 1999) favorisée par le dynamisme de l'économie mondiale ;

- ralentissement en fin de période avec des taux de croissance inférieurs à 2 % (+ 1,6 % en 2001 et + 1,8 % en 2002).

Si l'environnement international à moyen terme est, dans la prévision du BIPE, beaucoup moins favorable que dans les autres prévisions (fort ralentissement à partir de 1998 aux Etats-Unis et de 2001 en Europe), l'évolution de la demande intérieure y est par contre relativement soutenue. L' investissement productif connaîtrait une reprise plus marquée et plus longue que dans les autres prévisions. Par ailleurs, la consommation des ménages serait soutenue à moyen terme par la baisse du taux d'épargne .

Le taux de chômage, enfin, baisserait de 12,5 % en 1997 à 9,8 % en 2002, ce qui correspond à 570.000 chômeurs de moins en cinq ans. Mais, là aussi, ce résultat paraît reposer sur des hypothèses favorables, telles que la poursuite de " l'enrichissement du contenu en emplois " de la croissance et une progression de la population active effective (+ 120.000 par an) beaucoup plus ralentie qu'au cours des années récentes.

C. LE SCÉNARIO RETENU PAR L'INSEE

L'INSEE a réalisé au mois de juin dernier une projection à moyen terme (1997-2002) de l'économie française qui explore les modalités d'un retour de la production à sa tendance de long terme et d'une résorption des déséquilibres du marché du travail.

Les deux premières années (1997-1998) correspondaient aux prévisions officielles du Gouvernement du printemps dernier qui ont été revues à la hausse depuis lors (de 2,8 % pour la croissance en 1998 à 3 %). On ne présente donc ici que la projection pour la période de moyen terme (1999-2002).

Celle-ci décrit une stabilisation de la croissance légèrement au-dessous de 3 % à partir de 1999 et jusqu'en 2001. Sur la période de moyen terme, la croissance annuelle moyenne serait donc sensiblement plus élevée que dans les autres prévisions (+ 2,8 %), ce qui permettrait de résorber les marges de croissance aujourd'hui inutilisées : le PIB se rapprocherait de son niveau potentiel.

Ce scénario juxtapose l'hypothèse d'une politique budgétaire qui resterait restrictive et celle d'un environnement international dynamique. Il retient des hypothèses cruciales sur l'inflexion des comportements des agents privés (ménages et entreprises) par rapport à ceux de la période 1990-1996 :

- Les conditions seraient favorables à un rattrapage de retard accumulé en matière d' investissement depuis le début des années 90 ; d'une part, l'achèvement du processus d'unification monétaire en Europe contribuerait à diminuer l'incertitude et à accroître la rentabilité attendue de l'investissement ; d'autre part, " l'excellente situation financière " (selon l'INSEE) des entreprises devrait entraîner une baisse de leur taux d'endettement et une reprise de l'investissement ; l'investissement des entreprises croîtrait ainsi de 6 % par an en moyenne sur la période de moyen terme.

- Le taux d' épargne des ménages ne serait plus poussé à la hausse par les facteurs qui, sur la période récente, ont incité les ménages à la prudence en matière de consommation : sensibilité accrue aux taux d'intérêt, comportement de précaution face à l'augmentation du chômage, inquiétude, enfin, liée à la dégradation des finances publiques ; sur la période de projection au contraire, la baisse du chômage et la réduction des déficits publics seraient susceptibles de favoriser la consommation ; selon ce scénario " volontariste ", la consommation des ménages augmenterait de 2,5 % par an en moyenne de 1997 à 2002.

L'aspect le plus marquant de ce scénario réside certainement dans l'évolution du chômage : le nombre de chômeurs diminuerait certes, de 260 000 environ, mais le taux de chômage baisserait peu : il serait de 11,6 % en 2002. Un enseignement de cette projection, mis en exergue par les experts gouvernementaux dans les documents remis aux participants à la Conférence nationale sur les salaires, l'emploi et le temps de travail du 10 octobre dernier, est ainsi que, " compte tenu des déséquilibres accumulés, le seul retour de la croissance (décrit par le scénario de l'INSEE) ne permettra probablement pas de rétablir une situation satisfaisante en matière d'emploi au cours des prochaines années ".

Ce résultat s'expliquerait essentiellement, selon l'INSEE, par l'accroissement substantiel de la population en âge de travailler à partir de 2000 (+ 200.000 personnes par an en moyenne), du fait notamment du déséquilibre provoqué par le départ à la retraite des classes peu nombreuses de la Deuxième Guerre mondiale.

On peut en déduire que la croissance potentielle de l'économie française est, en raison de cette abondance de facteur travail sur la période de moyen terme, très certainement supérieure à l' évaluation qu'en donne l'INSEE, soit 2,3 %.

Les principaux résultats des scénarios de moyen terme qui viennent d'être présentés sont décrits dans le tableau récapitulatif ci-dessous.

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES PRINCIPAUX SCÉNARIOS MACROÉCONOMIQUES
DE MOYEN TERME

 

INSEE
(juin 1997)

REXECODE*
(juin 1997)

BIPE**
(septembre 1997)

OFCE***
(novembre 1997)

TAUX ANNUELS MOYENS

1997 - 2002

1997 - 2001

1997 - 2002

1997 - 2002

VOLUMES (évolution en %)
 
 
 
 
PIB

2,8

2,0

2,3

2,5

Importations

5,0

5,2

5,7

4,8

Exportations

5,3

5,8

5,6

5,4

Consommations des ménages

2,5

1,9

2,1

2,0

Investissement des entreprises

6,0

3,5

4,5

2,2

Investissement logement

-

1,5

2,5

0,8

PRIX (évolution en %)
 
 
 
 
PIB

0,9

1,1

 

1,2

Prix à la consommation

1,0

1,4

2,1

1,6

COMPTES DES MÉNAGES EN POUVOIR D'ACHAT
 
 
 
 
Revenu disponible brut (Evolution en %)


1,9


-


1,9


2,0

Taux d'épargne moyen
(Niveau en %)


13,3


-


12,9


13,4

EMPLOI SALARIÉ
(Evolution en %)


1,2


0,6


1,0


-

EMPLOI TOTAL
(Evolution en %)


0,4


0,4


0,8


0,5

TAUX DE CHÔMAGE
(Niveau en fin de période)


11,6


12,4


9,8


12,4


* Centre de Recherches pour l'expansion de l'économie et le développement des entreprises.

** Bureau d'Informations et de Prévisions économiques.

*** Observatoire français des conjonctures économiques.

CHAPITRE II

QUESTIONS POUR L'ÉCONOMIE EUROPÉENNE

Un scénario de l' économie mondiale à l'horizon 2005, élaboré à l'aide du modèle multinational MIMOSA, a été présenté lors du Colloque organisé au Sénat par votre Délégation le 20 mars 1997 11( * ) .

Un point marquant en est la faiblesse de la croissance à moyen terme dans les pays européens. En effet, après une reprise cyclique brève et d'ampleur modérée (+ 2,3 % de croissance en 1997 et + 2,8 % en 1998), l'Union européenne rejoindrait un sentier de croissance faible, autour de 2 % par an en moyenne sur la période 1999-2005. Ainsi, en tenant compte des évolutions enregistrées de 1990 à 1996, la croissance annuelle moyenne des économies européennes sur la période 1990-2005 (+ 1,9 %) serait inférieure à sa tendance séculaire .

Cette inflexion, à la fois durable et marquée, du rythme de la croissance en Europe, alors que celle-ci se caractérise par ailleurs par l'amélioration de certaines données macroéconomiques fondamentales (bas niveau d'inflation, redressement de la santé financière des entreprises, accumulation d'excédents extérieurs), conduit à s'interroger sur les hypothèses qui ont présidé à la réalisation de la projection MIMOSA.

C'est pourquoi il a été demandé aux économistes en charge de ce modèle de réaliser deux variantes autour de ce scénario central :

· la première est une variante de politique économique , qui simule l'impact de politiques budgétaires qui, tout en respectant l'objectif de moyen terme de réduction des déficits publics, seraient orientées dans un sens plus favorable à la croissance ;

· la seconde est une variante d' aléa , qui évalue les conséquences pour la croissance européenne d'une modification des parités , vis-à-vis du reste du monde, des monnaies participant au Système monétaire européen (et, à terme, de l'euro).

Les résultats détaillés de ces simulations étant présentés dans l'Annexe n° 2 à ce rapport, votre Rapporteur se contentera ci-dessous d'en présenter les principales conclusions ainsi que les réflexions qui lui paraissent pouvoir en être tirées.

I. LES POLITIQUES BUDGÉTAIRES

A. UNE VARIANTE DE BAISSE DES COTISATIONS SOCIALES DES SALARIÉS

Le scénario central réalisé à l'aide du modèle MIMOSA retient l'hypothèse de la poursuite des politiques d'assainissement budgétaire menées en Europe en réaction à l'importante dégradation des soldes publics au cours de la période 1991-1993. Celles-ci obéissent à la fois à la nécessité de stabiliser les taux d' endettement public (mesurés en pourcentage du PIB) et à l'objectif de convergence budgétaire fixé par le Traité de Maastricht.

On constate toutefois dans cette projection que les résultats obtenus en termes de réduction des déficits publics sont notablement inférieurs aux objectifs visés : la réduction ex post des déficits publics (c'est-à-dire les résultats découlant des enchaînements décrits par le modèle) est inférieure à l'évaluation faite ex ante de l'effort de redressement simulé dans le scénario.

Ainsi, en Allemagne et en France, où les efforts de réduction des déficits représentent 0,5 % du PIB, l'amélioration à terme du solde public n'est que de 0,2 % du PIB. De même, l'Italie réalise un effort d'ajustement budgétaire équivalent à 2 % du PIB mais ne réduit à terme son déficit que de 0,9 % du PIB.

En effet, la baisse de l'activité économique en Europe induite par les politiques de redressement des finances publiques est d'autant plus forte que celles-ci sont concomitantes : en retour, cette baisse de l'activité obère les résultats des efforts mis en œuvre et le solde public ne s'améliore pas autant qu'espéré.

La variante présentée ci-dessous simule ainsi l'impact de politiques budgétaires a priori moins restrictives en Europe, afin d'observer notamment l'impact qu'elles auraient sur les soldes budgétaires ex post .

La mesure analysée consiste en une baisse des cotisations sociales à la charge des salariés , équivalente à 1 % du PIB dans tous les pays d'Europe, sans qu'aucune mesure de compensation ne soit introduite ex ante pour compenser l'impact de la mesure sur les déficits publics.

La variante retient l'hypothèse - conforme aux observations faites sur le passé - que la baisse des cotisations salariés entraîne une augmentation du même montant des salaires nets. Le salaire net moyen augmente ainsi de 1,7 %. Le salaire brut étant inchangé, la mesure n'a pas d'incidence sur le coût du travail .

La mesure entraîne donc une augmentation du pouvoir d'achat des ménages, de la consommation et de l'investissement logement des ménages. Le modèle décrit ainsi une accélération de la croissance en Europe, dont l'ampleur dépend de la réaction des autorités monétaires. Deux simulations ont ainsi été réalisées, correspondant à deux hypothèses sur le comportement des banques centrales européennes, ou de la Banque Centrale Européenne, après l'unification monétaire.

· La première simulation suppose l' absence de réaction des autorités monétaires face à la politique budgétaire de relance de l'activité.

Sous cette hypothèse, le taux de croissance en Europe est supérieur de 1,2 point par an pendant trois ans au taux de croissance dans le scénario de référence. Au terme de ces trois années, la mesure n'a plus d'incidence sur le taux de croissance , mais le niveau du PIB reste durablement supérieur à celui du compte de référence (de 2,8 % au bout de cinq ans).

Le taux de chômage baisse d'un demi-point chaque année les trois premières années, et reste durablement inférieur à celui du compte de référence (de 1,5 point au bout de cinq ans).

Enfin, les déficits publics en Europe s'accroissent d'un montant équivalent à 0,6 % du PIB la première année, consécutivement à la baisse des cotisations sociales. Par la suite toutefois, l'accélération de l'activité améliore les rentrées fiscales, de sorte que l'impact ex post de la mesure sur le solde public est positif dès la troisième année : le déficit public se réduit d'un montant équivalent à 0,4 % du PIB par rapport au compte central.

A court terme, le niveau des prix en Europe n'est pas affecté par cette mesure. Par la suite, la hausse de l'inflation atteint 1 point par an entre la deuxième et la cinquième année. Dans le modèle MIMOSA en effet, comme dans la plupart des modèles macroéconomiques, l'évolution des salaires est une fonction inverse de la variation du chômage (relation dite de " Phillips "). Ceci repose sur le constat empirique qu'une baisse (augmentation) du chômage renforce (atténue) les revendications des salariés.

IMPACT D'UNE BAISSE DE 1 % DU PIB DES COTISATIONS
DES SALARIÉS EN EUROPE

TAUX D'INTÉRÊT INCHANGÉS

Année

1ère

3ème

5ème

PIB (1)

Union européenne

dont : France

Allemagne

1,4

1,6

1,5

3,4

3,6

3,9

2,8

2,1

3,2

TAUX DE CHÔMAGE (2)

Union européenne

dont : France

Allemagne

- 0,4

- 0,5

- 0,6

- 1,5

- 1,6

- 2,4

- 1,5

- 1,4

- 2,6

SOLDE PUBLIC (3)

Union européenne

dont : France

Allemagne

- 0,6

- 0,6

- 0,3

+ 0,4

+ 0,7

+ 1,2

+ 0,4

+ 0,2

+ 1,5

PRIX DE LA CONSOMMATION (1)

Union européenne

dont : France

Allemagne

0,0

- 0,4

0,2

0,9

0,1

2,1

3,2

2,8

4,4

(1) Ecart en % par rapport au niveau du compte central.

(2) Ecart en points de pourcentage par rapport au niveau du compte central.

(3) Ecart en pourcentage du PIB par rapport au niveau du compte central.

Source : Modèle MIMOSA (CEPII-OFCE).

· La deuxième simulation suppose que les autorités monétaires réagissent par crainte d'une poussée inflationniste consécutive à la mesure de relance budgétaire. La réaction simulée correspond à celle qui est incorporée dans le modèle MIMOSA : la Bundesbank élève son taux d'intérêt à court terme de 0,5 point lorsque le taux de chômage baisse de 1 point et de 1,5 point lorsque l'inflation augmente de 1 point (relativement au scénario de référence). Par ailleurs, les taux d'intérêt à court terme des différents pays participant au Système monétaire européen s'alignent sur ceux de l'Allemagne (de telle sorte que la réaction serait décrite dans les mêmes termes en régime d'union monétaire).

Dans ces conditions, les taux d'intérêt à court terme en Europe sont majorés de 1 point dès la deuxième année et restent durablement supérieurs au niveau des taux d'intérêt dans le compte de référence (de 1,1 point au bout de cinq ans). La hausse des taux d'intérêt modère l'impact expansionniste de la mesure de relance budgétaire : la croissance s'accélère de 0,6 point par an en moyenne au cours des trois premières années (contre 1,2 point par an dans le scénario avec des taux d'intérêt inchangés) et le taux de chômage baisse durablement de 0,8 point (contre 1,5 point dans le scénario avec des taux d'intérêt inchangés). Le déficit public est aggravé de 0,8 % du PIB la première année, et de 0,5% du PIB les années suivantes (alors qu'il se réduit de 0,4 % du PIB dans la simulation avec taux d'intérêt inchangés).

Si cette simulation est moins favorable pour la croissance et le solde public, la réaction des autorités monétaires permet d'éviter tout supplément d' inflation les deux premières années, puis de le limiter à 0,5 point par an entre la troisième et la cinquième année.

IMPACT D'UNE BAISSE DE 1 % DU PIB DES COTISATIONS
DES SALARIÉS EN EUROPE

HAUSSE DES TAUX D'INTÉRÊT

Année

1ère

3ème

5ème

PIB (1)

Union européenne

dont : France

Allemagne

1,1

1,3

1,1

1,7

1,9

1,6

1,6

1,2

1,3

TAUX DE CHÔMAGE (2)

Union européenne

dont : France

Allemagne

- 0,3

- 0,4

- 0,5

- 0,8

- 0,9

- 1,1

- 0,8

- 0,8

- 1,0

SOLDE PUBLIC (3)

Union européenne

dont : France

Allemagne

- 0,8

- 0,7

- 0,4

- 0,5

- 0,2

0,0

- 0,6

- 0,6

0,0

PRIX DE LA CONSOMMATION (1)

Union européenne

dont : France

Allemagne

- 0,1

- 0,4

0,1

0,2

- 0,1

0,9

1,2

1,2

1,8

TAUX D'INTÉRÊT (2)

Union européenne

0,4

1,2

1,1

(1) Ecart en % par rapport au niveau du compte central.

(2) Ecart en points de pourcentage par rapport au niveau du compte central.

(3) Ecart en pourcentage du PIB par rapport au niveau du compte central.

Il ressort de ces deux simulations que l'impact d'un allégement des cotisations des salariés en Europe dépend autant de l'ampleur de la poussée inflationniste suscitée par cette mesure que de la réaction des autorités monétaires.

Les auteurs de ces simulations soulignent toutefois que cette mesure ne porterait pas " le taux d'inflation européen au-delà de 3 % à l'horizon 2005, compte tenu de la désinflation tendancielle sous-jacente dans le compte central " et " que les Banques centrales pourraient être plus accommodantes que normalement dans la mesure où le taux d'inflation est inférieur à leur objectif ". Ils concluent : " Ceci conduit à renforcer la probabilité du premier scénario où les Banques centrales n'augmentent pas leur taux d'intérêt ".

Si l'on accepte cette analyse, la mesure d'allégement des cotisations salariés aurait, au moins sur les trois premières années , un impact proche de celui que décrit la variante à taux d'intérêt fixes (accélération de la croissance de 1,2 point par an, baisse du taux de chômage de 1,5 point, sans coût pour les finances publiques au bout de trois ans grâce à l'amélioration de l'activité).

B. QUELLES POLITIQUES BUDGÉTAIRES DANS UN CADRE EUROPÉEN ?

Les travaux présentés ci-dessus, grâce à leur valeur illustrative, permettent de dégager quelques enseignements sur les politiques économiques en Europe :

· Un modèle multinational tel que MIMOSA met clairement en évidence l'interdépendance des économies européennes. Compte tenu du degré d'ouverture sur l'extérieur des pays européens, les politiques budgétaires de relance de l'activité menées isolément sont devenues partiellement inefficaces (l'impulsion de la demande par une relance budgétaire est en effet " absorbée " par une augmentation des importations). En revanche, compte tenu du faible degré d'ouverture de l'Europe prise dans son ensemble, des politiques budgétaires concertées de relance retrouvent une grande partie de leur efficacité. En sens inverse, des politiques budgétaires restrictives menées isolément permettent effectivement de réduire le déficit public, pour un coût modéré en termes de croissance. Cependant, lorsque des politiques budgétaires restrictives sont menées de manière concomitante en Europe, le ralentissement de la croissance qu'elles entraînent est tel que la réduction effective des déficits est très inférieure à celle qui était attendue de l' effort engagé.

· En matière de réduction des déficits publics, la lecture " en creux " des travaux réalisés à l'aide du modèle MIMOSA suggère que celle-ci sera autant , sinon plus, le résultat de l'accélération de la croissance que des restrictions budgétaires elles-mêmes.

· Enfin, la variante présentée ci-dessus montre que des politiques budgétaires de relance concertées ne sont pleinement efficaces que si ses objectifs sont partagés par les autorités monétaires. Elle éclaire ainsi les enseignements de la théorie économique, qui montre que la politique économique est beaucoup plus efficace lorsque ses deux instruments - politique budgétaire et politique monétaire - poursuivent un objectif commun , que lorsqu'ils poursuivent exclusivement des objectifs séparés (le soutien de l'activité par la politique budgétaire et la stabilité des prix pour la politique monétaire). Ainsi est illustrée la problématique de la coopération institutionnelle , dans une Union monétaire, entre les autorités monétaires et les gouvernements pour parvenir à ce que les économistes appellent le bon " policy mix " (c'est-à-dire le bon dosage des politiques monétaire et budgétaire).

II. QUELLE VALEUR POUR L'EURO ?

Entre le 1er janvier 1996 et le mois d'octobre 1997 (c'est-à-dire avant la crise financière de la fin octobre), les monnaies européennes se sont nettement dépréciées par rapport au dollar : entre ces deux dates, le taux de change du dollar par rapport au franc est en effet passé de 1 dollar pour 5,01 francs à 1 dollar pour 6 francs 12( * ) (soit une appréciation du dollar de 20 %, ou une dépréciation du franc et des monnaies du Système monétaire européen, de 16,5 %).

La monnaie américaine s'est ainsi rapprochée de ce que les économistes considèrent comme la " parité de pouvoir d'achat ", c'est-à-dire la parité qui assure l' égalité des prix entre les Etats-Unis et l'Europe, et de ce que les exportateurs européens considèrent être le taux de change " normal " du dollar.

Néanmoins, la réflexion sur le taux de change d'équilibre du dollar ne peut se limiter à considérer la compétitivité relative des Etats-Unis et de l'Europe. Elle doit également intégrer les données fondamentales des économies, telles que leur capacité (ou leur besoin) de financement, leur endettement extérieur ou leur taux d'épargne global.

Dans cette perspective, le taux de change d'équilibre du dollar n'est pas indifférent à la " soutenabilité " à long terme de l'endettement extérieur des Etats-Unis, et se situerait, au regard de ces critères, significativement au-dessous de la parité de pouvoir d'achat.

C'est pourquoi la projection de l'économie mondiale réalisée par l'équipe responsable du modèle MIMOSA au printemps dernier (c'est-à-dire au milieu de la phase d'appréciation, lorsque le taux de change du dollar par rapport au franc se situait autour de 5,60) retenait l'hypothèse d'une baisse du dollar, à partir de 1998, et d'un retour vers un niveau d'équilibre macroéconomique fondamental de 1 dollar = 5,25 francs.

Le maintien d'un rythme de croissance élevé aux Etats-Unis (qui a conduit à réévaluer le potentiel de croissance à moyen terme de l'économie américaine) ainsi que la réduction du déficit public, incitent à réviser cette analyse sur le " bon " taux de change du dollar. Un niveau d' équilibre à moyen terme du dollar proche de son niveau actuel serait en effet compatible avec la " soutenabilité " de l'endettement extérieur américain 13( * ) .

Ainsi la projection de l'économie française présentée dans le chapitre 1 de ce rapport repose-t-elle sur l'hypothèse d'un niveau d'équilibre à moyen terme du dollar de 1 dollar = 5,96 francs.

Les termes du débat ainsi rappelés, votre Rapporteur a jugé utile de présenter les conclusions d'une simulation , réalisée à l'aide du modèle MIMOSA, de l'impact d'une dépréciation de 10 % des monnaies européennes (les résultats détaillés en sont présentés dans l' annexe n° 2 à ce rapport). Cet exercice permet en particulier d'apprécier l'impact d'une modification des parités des grandes monnaies sur la répartition de la croissance mondiale.

· Schématiquement, la dépréciation d'une monnaie se traduit pour un pays (ou l'ensemble des pays européens dans le cas de l'euro) par deux types d'effets :

- des gains de compétitivité à court terme qui stimulent les exportations et freinent les importations ;

- une hausse du prix des importations, qui entraîne une hausse des prix à la consommation et des salaires, ce qui tend à limiter les gains de compétitivité.

· Ces effets  " purs " d'une dépréciation monétaire sont évalués dans une première variante technique (cf. tableau ci-après).

Le résultat est très favorable à court terme pour la croissance et le chômage en Europe : l'accélération de la croissance est de l'ordre de 0,9 point par an les deux premières années et le taux de chômage en Europe est inférieur de 1 point au bout de deux ans (par rapport à un scénario sans dépréciation monétaire).

A moyen terme , les effets positifs de la dépréciation sur les échanges extérieurs sont limités par son incidence inflationniste : l'inflation est en effet supérieure de 0,8 point par an pendant cinq ans. Au bout de cinq ans, le niveau du PIB est majoré de 0,4 point seulement (par rapport à un scénario de référence sans dépréciation) et le taux de chômage est minoré de 0,4 point.

· Les enchaînements macroéconomiques consécutifs à une dépréciation monétaire sont, dans la réalité, plus complexes . En effet, la Banque centrale réagit au choc inflationniste consécutif à la dépréciation. Par ailleurs, les marchés financiers anticipent que l'inflation entraînera une nouvelle dépréciation.

Selon la fonction de réaction des autorités monétaires incorporée dans le modèle MIMOSA, les taux d'intérêt en Europe seraient majorés d'un point dès la première année. Cette hausse des taux d'intérêt atténue globalement l'impact expansionniste en Europe d'une dépréciation de l'euro. A court terme , l'effet positif sur l'activité européenne est nettement moindre : l'accélération de la croissance les deux premières années est de l'ordre de 0,3 point par an (contre 0,9 point dans la variante sans hausse des taux d'intérêt). Le taux de chômage est réduit de 0,3 point au bout de deux ans. A moyen terme , la dépréciation continue de l'euro en renforce l'impact. Au bout de cinq ans, le niveau du PIB européen est majoré de 0,7 % (contre 0,4 % dans la variante avec taux d'intérêt et taux de change fixes) et le taux de chômage est minoré de 0,3 point.

Impact d'une dépréciation de 10 % de l'euro

Ecart en %
au compte central

Taux de change et taux d'intérêt fixes

Taux de change et taux d'intérêt endogènes

Année

2ème

5ème

2ème

5ème

PIB
 
 
 
 
Etats-Unis

- 0,1

- 0,3

- 0,1

- 0,2

Japon

- 0,6

- 0,8

- 0,7

- 0,9

Union européenne

1,9

0,4

0,6

0,7

dont France

1,6

- 0,6

0,4

0,1

Allemagne

2,6

0,9

0,9

1,1

CHÔMAGE (1)
 
 
 
 
Union européenne

- 0,8

- 0,4

- 0,3

- 0,4

dont France

- 0,6

- 0,1

- 0,2

- 0,1

Allemagne

- 1,5

- 1,1

- 0,5

- 0,8

PRIX DE LA CONSOMMATION
 
 
 
 
Union européenne

1,5

3,8

1,3

3,1

dont France

1,0

3,7

1,1

2,5

Allemagne

1,7

3,8

1,1

2,6

TAUX D'INTÉRÊT A COURT TERME


0


0


1,0


0,9

TAUX DE CHANGE (2)
 
 
 
 
Union européenne

10,0

10,0

10,3

12,1

(1) Ecarts en points de pourcentage.

(2) Un signe positif indique une appréciation du dollar.

Source : Modèle MIMOSA (CEPII-OFCE).

Le tableau ci-dessus présente les principaux résultats de l'impact d'une dépréciation de 10 % de l'euro sous deux hypothèses extrêmes : en l'absence d'augmentation des taux d'intérêt et avec un taux de change fixe après la dépréciation, d'une part ; avec une hausse des taux d'intérêt et une dépréciation continue du taux de change, d'autre part. Compte tenu du bas niveau d'inflation et du fort niveau de chômage en Europe, l' effet inflationniste de la dépréciation du change, et donc la réaction de la Banque Centrale Européenne, pourrait être plus faible que ce que décrit la seconde variante. L'impact expansionniste d'une dépréciation de 10 % de l'euro devrait ainsi être probablement plus proche des résultats de la variante à taux d'intérêt fixe .

Ces travaux appellent ainsi deux observations :

- Contrairement à l'opinion selon laquelle le taux de change de l'euro aurait finalement peu d'incidence sur la croissance en Europe (compte tenu du faible degré d'ouverture sur l'extérieur de l'économie européenne prise dans son ensemble), ces variantes mettent en évidence des effets sensibles sur l'activité et l'emploi en Europe, et sur la répartition de la croissance mondiale entre les Etats-Unis, le Japon et l'Europe.

- D'une manière qui ne concorde pas avec la façon dont est évoquée la question du taux de change respectivement en France et en Allemagne, ces simulations montrent qu'une dépréciation du change a un impact favorable sur l'activité beaucoup plus fort en Allemagne qu'en France (en raison d'un commerce extérieur allemand plus orienté vers les échanges extra-européens et d'un poids du secteur industriel dans l'économie plus important, ce qui entraîne une plus forte sensibilité aux mouvements de compétitivité).

Ces travaux ont enfin le mérite de rappeler que, comme la politique économique en général, la politique de change ne saurait être conduite en fonction d'un seul objectif. Ainsi, la stabilité des prix à laquelle est vouée, par essence, une Banque centrale indépendante, ne peut être le critère unique d'optimisation du taux de change puisque celui-ci a une incidence décisive non seulement sur les prix, mais aussi sur la croissance et l'emploi et, par voie de conséquence, sur la situation des finances publiques. C'est pourquoi les rédacteurs du Traité de Maastricht ont fait de la politique de change un domaine pour ainsi dire " cogéré " par le Conseil, la Commission et la Banque Centrale européenne, comme le montre la rédaction complexe de l'article 109 du Traité relatif à la Communauté européenne 14( * ) . Au demeurant, la façon de concilier les différents objectifs à prendre en compte ne peut pas s'inscrire dans un Traité. Il n'en reste pas moins que cette question essentielle est à l'arrière-plan des discussions relatives à la mise en place d'un " Conseil de l'euro ".

CHAPITRE III

LA DURÉE DU TRAVAIL

I. QUELQUES ENSEIGNEMENTS DES COMPARAISONS INTERNATIONALES DE LA DURÉE DU TRAVAIL

L'établissement et l'interprétation des statistiques relatives à la durée du travail sont difficiles (voir Annexe n° 3 ). Il est toutefois possible d'en comparer les évolutions et de mettre à jour certaines spécificités de la France en matière de durée du travail.

A. LES ÉVOLUTIONS RÉCENTES DE LA DURÉE DU TRAVAIL DANS LES PAYS INDUSTRIALISÉS

· Sur très longue période , la durée du travail s'est réduite dans l'ensemble des pays industrialisés, mais dans des proportions et selon des modalités extrêmement variables. De même, la durée du travail tend à se réduire dans les pays en développement rapide d'Asie. Cette observation est cohérente avec le raisonnement microéconomique selon lequel lorsque leur niveau de vie s'élève, les salariés arbitrent de plus en plus en faveur du temps libre plutôt que du revenu .

· En revanche, les pays industrialisés présentent depuis 1983 des évolutions très dissemblables de la durée du travail. Ainsi la durée du travail s'est-elle accrue aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande, en raison notamment d'une augmentation des heures supplémentaires. La durée du travail y atteint des niveaux relativement élevés, cependant que les gains de productivité et la croissance du pouvoir d'achat des salaires étaient modérés. De même, la durée du travail a-t-elle réaugmenté en Suède, à la faveur d'un repli du travail à temps partiel. En revanche, la durée du travail s'est sensiblement réduite, selon des modalités diverses, au Japon, en Allemagne, en Norvège, en Espagne et aux Pays-Bas, en lien avec des gains de productivité horaire élevés. Enfin, la durée du travail s'est légèrement repliée en Italie, en France (sous l'effet du développement du travail à temps partiel), en Finlande (en raison d'une dégradation conjoncturelle de l'activité) et en Belgique.

· Parallèlement, les taux d'emploi (rapport de la population active occupée sur la population âgée de 15 à 64 ans) ont progressé dans la plupart des pays de l'OCDE, dans des proportions parfois importantes (en particulier aux Pays-Bas). Font notamment exception l'Espagne, l'Italie et la France, ces pays se caractérisant par des durées du travail moyennes, une forte concentration de l'emploi, une productivité horaire très élevée, et un fort taux de chômage.

B. LA DURÉE DU TRAVAIL ET LE CHÔMAGE

· Il ne semble pas y avoir de corrélation significative entre le niveau de la durée annuelle du travail et le niveau du taux de chômage. En particulier, le taux de chômage est très faible, aussi bien dans des pays où la durée annuelle du travail est relativement élevée (États-Unis, Royaume-Uni, Japon), que dans des pays où la durée annuelle du travail est réduite (Pays-Bas, Norvège, Suisse).

· Pourtant le taux de chômage et la durée du travail sembleraient devoir évoluer en sens inverse l'un de l'autre. D'un côté, il semble ainsi que la durée moyenne du travail tende à augmenter lorsque le taux de chômage diminue (en raison d'une sollicitation accrue des salariés en place) et lorsque les gains de productivité -donc de salaire horaire- sont faibles (en raison de l'aspiration des salariés à la hausse de leurs revenus, ce qui pourrait être le cas des États-Unis et du Royaume-Uni). De l'autre, le taux de chômage pourrait décroître lorsque le contenu de la croissance en emplois est accru par une réduction de la durée du travail. Ainsi, les pays où la croissance de l'emploi a été supérieure à 1 % par an sur la période 1983-1995 se caractérisent, ou bien par des gains de productivité horaire faibles (de l'ordre de 1 % par an aux États-Unis), ou bien par une baisse de la durée du travail proche de 1 % par an qui réduit d'autant la productivité par tête (Pays-Bas, Japon).

· Au total, les relations entre la durée moyenne du travail, la productivité horaire du travail, la fréquence des bas salaires et le taux d'emploi de la population d'âge actif pourraient se schématiser de la manière suivante :

- Les pays anglo-saxons et le Japon mobilisent une fraction importante -près des trois quarts- de la population en âge de travailler. Toutefois, les salaires offerts à une partie des actifs sont relativement faibles et la productivité horaire du travail est réduite, ce qui requiert une durée du travail moyenne élevée, mais permet des transferts sociaux plus faibles.

- A l'inverse, d'autres pays comme la Belgique, l'Espagne, la France , l'Italie et, dans une moindre mesure, l'Allemagne, ne mobilisent que la fraction la plus efficace de la population en âge de travailler (le reste étant au chômage ou inactif). De ce fait, la proportion des bas salaires est faible, la productivité horaire du travail est élevée, ce qui permet une durée du travail moyenne faible, mais requiert des transferts sociaux élevés.

Entre ces deux configurations extrêmes, qui correspondent à des durées de travail moyennes par personne en âge de travailler respectivement supérieure à 1200 heures par an et inférieure à 1000 heures par an, la situation des pays scandinaves apparaît médiane 15( * ) , tandis que les Pays-Bas présentent une évolution singulière, caractérisée par le dynamisme de l'emploi et par la baisse rapide de la durée moyenne du travail par actif occupé, en raison notamment du développement rapide du travail à temps partiel.

C. L'ÉVOLUTION RÉCENTE DE LA DURÉE DU TRAVAIL EN FRANCE

· La durée hebdomadaire moyenne de travail des salariés à temps complet place la France, aussi bien pour les services que pour l'industrie, légèrement au-dessus de la plupart des pays européens ayant une structure d'emploi comparable, à l'exception notable du Royaume-Uni. Toutefois, selon les données recensées par l'OCDE, la durée annuelle du travail serait sensiblement plus élevée au Japon et aux États-Unis qu'en France.

DURÉE MOYENNE DE TRAVAIL PENDANT LA SEMAINE DE RÉFÉRENCE

POUR LES SALARIÉS À TEMPS COMPLET, EN 1995 ( en heures)

Royaume-Uni

43,9

Allemagne

39,9

Espagne

40,7

Pays-Bas

39,5

UE à 15

40,3

Danemark

38,9

France

39,9

Belgique

38,4

 
 

Italie

38,4

Source : EUROSTAT

· Selon EUROSTAT, la France est, avec le Royaume-Uni, le seul grand pays européen où la durée hebdomadaire de travail des salariés à temps plein se soit accrue entre 1983 et 1995 (+ 0,2 heure par semaine). Cette évolution paradoxale (puisque la durée moyenne de travail à temps plein a très légèrement diminué pour la plupart des professions, à l'exception notable des cadres) s'expliquerait par un effet de structure : la part des cadres dans l'emploi total s'accroît, ce qui tend à augmenter la durée moyenne du travail à temps plein.

· Parallèlement, la durée moyenne du travail des salariés à temps partiel se serait accrue de près de 2 heures par semaine depuis 1982.

· Pourtant, la durée moyenne du travail par actif occupé s'est réduite d'environ 4 % entre 1983 et 1995, ce qui représente une évolution conforme à la moyenne européenne. Ce nouveau paradoxe s'explique pour partie par la légère diminution du nombre de travailleurs indépendants, et surtout par l'augmentation de la part des emplois à temps partiel , de 9,6 % en 1983 à 16 % en 1996.

Le développement du travail à temps partiel a d'ailleurs connu une accélération sensible à partir de 1992, la part de salariés à temps partiel augmentant de près de 1 % par an, ce qui correspond à une baisse de la durée moyenne du travail d'environ 0,4 % par an et aura permis de limiter les effets du ralentissement de la croissance sur le chômage.

D. LES SPÉCIFICITÉS DE LA FRANCE EN MATIÈRE DE DURÉE DU TRAVAIL ET D'EMPLOI

1. La France ne se singularise plus par le contenu de sa croissance en emplois.

· Le rythme de croissance à partir duquel l'économie française crée des emplois s'inscrit dans la moyenne des pays industrialisés : sur la période 1983-1995, il s'établit en moyenne à 1,8 %, un niveau plus élevé qu'aux Pays-Bas (1,0 %), aux États-Unis (1,1 %) ou au Royaume-Uni (1,7 %), mais inférieur à celui du Japon (2,1 %), de l'Allemagne (2,2 %) ou de l'Italie (2,3 %).

Il convient d'ailleurs de rappeler que les écarts de gains de productivité horaire résultent, pour une large part, de différences d'importance de l' emploi agricole . En effet, l'agriculture est le secteur qui connaît les plus forts gains de productivité horaire (de l'ordre de 6 % par an en France depuis quinze ans), de sorte que les gains de productivité moyens d'une économie sont d'autant plus élevés que le secteur agricole représente une part importante de l'emploi.

· De plus, le seuil de croissance à partir duquel l'économie française crée des emplois dans les secteurs marchands aurait été récemment abaissé de 2 % par an au cours des années 1980, à 1,5 % par an environ. En premier lieu, les gains de productivité horaire auraient légèrement ralenti selon deux mécanismes dont l'ampleur respective est difficile à départager : d'un côté, le ralentissement de la croissance tendrait spontanément à ralentir " le progrès technique " 16( * ) , de l'autre les allégements de charges sociales sur les bas salaires ont favorisé le développement d' activités riches en emplois . En second lieu, l'accélération du développement du travail à temps partiel a accru le contenu en emplois de la production nationale (ce qui, comptablement, réduit la productivité par tête ). Selon l'INSEE, l'impact de ce second mécanisme serait plus important que celui du premier.

Au total, sans cette inflexion du lien entre croissance et emploi depuis 1992, la France compterait aujourd'hui 300 000 emplois de moins.

· La hausse du taux de chômage depuis quinze ans résulte donc moins des gains de productivité que de la conjonction de l'atonie de la croissance (2,0 % par an sur la période 1983-1995, contre 2,9 % aux États-Unis, 2,7 % en Allemagne et aux Pays-Bas, 2,3 % au Royaume-Uni, et 2,1 % en Italie) et de l'augmentation de la population en âge de travailler (0,7 % par an en moyenne depuis 1980, contre 0,9 % aux États-Unis, et aux Pays-Bas, et 0,7 % en Allemagne, mais 0,6 % au Japon, 0,4 % en Italie et 0,3 % au Royaume-Uni).

2. La France se singularise par une faible durée du travail des hommes sur le cycle de vie et par la concentration de l'activité sur les salariés âgés de 25 à 50 ans.

· Compte tenu de l'augmentation du chômage et de la relative faiblesse du taux d'activité, la durée du travail des hommes sur l' ensemble de la vie serait en France l'une des plus faibles des pays industrialisés :

DURÉE DU TRAVAIL SUR LE CYCLE DE VIE EN 1992

(en milliers d'heures)

 

Ensemble

Hommes

Femmes

Japon

Etats-Unis

Danemark

Royaume-Uni

Allemagne

France

Pays-Bas

Italie

Espagne

Belgique

71,1

61,3

57,5

56,9

51,6

49,5

45,2

44,5

44,0

43,7

66,5

73,9

64,6

60,6

61,6

61,8

61,5

57,9

49,4

41,0

38,4

38,9

30,2

28,1

26,3

30,4

Source : Direction de la Prévision.

Toutefois, l'écart de durée du travail entre hommes et femmes sur l'ensemble de la vie est relativement réduit en France, en raison d'une participation au marché du travail relativement élevée pour les femmes ayant de jeunes enfants.

Au total, la durée de travail sur l'ensemble du cycle de vie se situe en France à la médiane des grands pays industrialisés. Elle représenterait 11 % de la vie éveillée , (14 % pour les hommes et 8 % pour les femmes, l'écart s'expliquant en partie par le différentiel d'espérance de vie), contre environ 70 % vers 1850. Cette durée de travail est toutefois très concentrée .

· En effet, les salariés âgés de 25-49 ans occupent aujourd'hui près des trois-quarts des emplois , contre 53 % au début des années 1970, cette évolution résultant de deux phénomènes concourants :

- En premier lieu, l'âge moyen de sortie de la vie active a été réduit de 61,9 ans en 1977 à 59,3 ans en 1985, puis à 59,0 ans en 1996, sous les effets conjugués de l'abaissement de l'âge légal de la retraite et du développement des cessations anticipées d'activité , sous diverses modalités. Ce phénomène est toutefois désormais limité par l'arrivée à la tranche d'âge 55-59 ans des classes d'âge creuses.

- En second lieu, l' âge moyen d'entrée dans la vie active , qui ne s'était accru que de dix mois entre 1969 et 1985, a augmenté de plus de deux ans depuis cette date pour atteindre 21,6 ans. Le nombre de jeunes actifs de 15 à 24 ans s'est ainsi réduit de 3,8 millions en 1985 à 2,4 millions en 1995. D'un côté, cette évolution peut être favorable, puisque le niveau de formation des jeunes issus du système scolaire est désormais parmi les plus élevés du monde. Cependant, elle résulte également des difficultés d'insertion des jeunes sur le marché du travail, ce retard à l'entrée dans la vie active étant socialement et budgétairement coûteux .

Au total, la " durée moyenne de vie active " s'est réduite de 40,9 ans en 1981 à 37,4 ans en 1996, alors même que l'espérance de vie augmentait, cette évolution étant commune à plusieurs pays européens, mais particulièrement prononcée en France et en Belgique.

· La concentration de l'emploi sur les personnes âgées de 25 à 54 ans présente deux inconvénients . En premier lieu, elle ralentit le développement du capital humain de la Nation, en déclassant rapidement la formation initiale des jeunes qui ne trouvent pas à s'employer et en se privant de l'expérience accumulée par les salariés quinquagénaires. En second lieu, elle est coûteuse et conduit à placer l' âge de la retraite entre le marteau des déficits et l'enclume du chômage : en effet, l'équilibre des régimes de retraites nécessite à moyen terme une hausse de l'âge effectif de départ en retraite, mais celle-ci conduirait, dans la situation actuelle, à une hausse du chômage, c'est-à-dire à un report des difficultés financières des régimes de retraite vers l'assurance-chômage et la solidarité nationale.

C'est la raison pour laquelle de nombreux experts 17( * ) préconisent l'approfondissement de politiques de nature à permettre un redéploiement de la durée du travail sur le cycle de vie, en favorisant notamment les aller et retour à tous les âges de la vie entre activité, temps de formation et inactivité, via les congés-formation, les années sabbatiques, la cessation programmée d'activité, le compte épargne-temps, les congés parentaux 18( * ) , etc.

· Enfin, en lien avec la concentration de l'activité et avec le faible développement des services aux personnes, il semble que le niveau de la productivité horaire soit en France l'un des plus élevés au monde, après des économies très spécialisées comme les Pays-Bas ou la Norvège, à l'égal des Etats-Unis, et devant l'ensemble des autres grands pays industrialisés.

PRODUCTIVITÉ HORAIRE DES ACTIFS OCCUPÉS,

EN PARITÉ DE POUVOIR D'ACHAT EN 1995

 

Productivité horaire
(en $/heure)

Productivité par actif
(en milliers de $/an)

France
Allemagne
Etats-Unis
Espagne
Japon
Royaume-Uni

31,1

30,3

28,6

25,4

24,2

23,0

51

48

56

46

46

40

Source : Calculs d'après données OCDE.

II. LES APPORTS DES MODÈLES MACROÉCONOMIQUES À L'ANALYSE DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

La quantité de travail rémunéré et sa répartition parmi les personnes en âge de travailler sont des variables soumises à l'interaction de multiples facteurs économiques et sociologiques : il ne s'agit pas de " partager " un nombre donné d'heures de travail comme on partage une galette d'une dimension donnée.

Toutefois, les politiques économiques exercent de fortes influences sur ces variables, comme sur l'ensemble des autres variables de l'économie. Ainsi la politique budgétaire ou la politique monétaire exercent, comme les politiques de l'emploi, une influence sur le volume total de travail rémunéré. Parallèlement, le droit du travail et de la protection sociale (âge de la retraite, réglementation des heures supplémentaires, assurance-vieillesse, etc.), les aides publiques à diverses formes de retrait d'activité (préretraite, congés-formation, congés parentaux), les incitations au développement du temps partiel, etc., jusqu'à l'ouverture de nouvelles crèches, ou de nouveaux sites universitaires, influent plus ou moins directement sur la distribution des temps de travail, au prix d'engagements parfois coûteux pour les finances publiques.

A condition d'être efficace , cette intervention publique peut être jugée rationnelle, dès lors que la distribution actuelle de la durée du travail paraît sous-optimale (selon EUROSTAT, une majorité de salariés à temps plein souhaiteraient travailler un peu moins, et une minorité souhaiterait travailler un peu plus, cependant qu'une proportion importante de salariés à temps partiel, d'inactifs, ainsi que l'immense majorité des chômeurs souhaiteraient pouvoir travailler beaucoup plus).

Toutefois, comme le soulignait un rapport de M. Pierre CABANES 19( * ) " une politique d'aménagement-réduction de la durée du travail comportant une réduction significative de la durée effective du travail suppose le respect de conditions strictes pour avoir les effets attendus sur l'emploi et pour que ces effets soient durables :

- les coûts unitaires de production ne doivent pas augmenter ;

- la capacité productive de l'économie doit augmenter ;

- l'équilibre des finances publiques prises dans leur ensemble ne doit pas être dégradé
".

Il conviendrait d'ajouter que la réduction du temps de travail ne doit pas diminuer la demande globale .

En illustrant les diverses interactions qui viennent d'être brièvement évoquées, les modèles macroéconomiques peuvent être utiles à la réflexion et fournissent un éclairage pour les discussions entre partenaires sociaux.

A. L'APPORT DES MODÈLES

Les modèles permettent d'apprécier de manière cohérente l'influence des paramètres-clefs de la réduction de la durée effective du travail : l'évolution des gains de productivité du travail et du capital et l'évolution des salaires horaires.

1. L'évolution des gains de productivité horaire du travail

· En l'absence de toute augmentation de la productivité horaire du travail, une réduction de 10 % de la durée effective du travail devrait s'accompagner d'une augmentation de 11,1 % de l'emploi, pour que le PIB total soit maintenu 20( * ) .

· Toutefois, l'observation du passé et l'étude d'exemples concrets suggèrent que la réduction de 10 % de la durée effective du travail s'accompagne à moyen terme de gains de productivité horaire du travail de l'ordre de 2 à 5 %.

Les mécanismes en sont ambigus 21( * ) : d'un côté, les gains de productivité peuvent résulter de la réduction de la fatigue, des défaillances, des accidents ou du petit absentéisme ; de l'autre, la réduction du temps de travail est le plus souvent associée à la réduction des temps de pause et à une intensification du travail. L'importance de ces gains de productivité potentiels est ainsi très variable selon les secteurs : dans certaines entreprises, la réduction de la durée du travail peut même, à salaire horaire constant, entraîner une hausse des coûts unitaires en raison des effets défavorables de l'intensification du travail (malfaçons) ou des coûts fixes de formation et d'information du personnel.

· Pourtant, l'incidence d'une baisse de la durée du travail sur la productivité horaire est une question cruciale . Elle détermine en effet les évolutions de la durée d'utilisation des équipements et des salaires horaires compatibles avec la préservation des capacités de production et la stabilité des coûts.

En premier lieu, si la productivité horaire n'est pas améliorée, une baisse de la durée d'utilisation des équipements entraînera une baisse de la production, une diminution de la capacité à répondre à la demande intérieure et étrangère, donc des tensions inflationnistes et un freinage de l'activité.

En second lieu, si la productivité horaire augmente peu, une augmentation des salaires horaires (non compensée par un allégement des charges sociales) se traduirait par une augmentation des coûts unitaires de production, entraînant une dégradation de la compétitivité extérieure, et donc un ralentissement de la croissance.

· Mais, d'un autre côté, si les gains de productivité horaire sont importants, les créations d'emplois induites à court terme par la réduction de la durée du travail seront réduites d'autant. Par exemple, les simulations effectuées en 1996 par la DARES 22( * ) d'une réduction de 5 % de la durée effective du travail dans le secteur marchand, conduisent 23( * ) :

- à 525.000 emplois créés sans gains de productivité horaire,

- à 268.000 emplois créés avec des gains de productivité horaire de 2 %,

- à 146.000 emplois avec des gains de productivité horaire de 2 % et une augmentation de moitié de la durée du travail des temps partiels contraints.

2. L'évolution de la durée d'utilisation des équipements et de la productivité du capital

· Pour que les capacités de production ne soient pas amputées, il est nécessaire que la réduction de la durée du travail n'entraîne pas de diminution de la durée d'utilisation des équipements.

Si la réduction du temps de travail est associée à des réorganisations des modes de production de nature à allonger la durée d'utilisation du capital et donc à améliorer sa productivité, les effets sur la croissance et l'emploi en sont améliorés. En effet, l'augmentation de la productivité du capital entraîne une augmentation de l'offre de travail par les entreprises et une limitation des besoins en investissement de capacité. Il en résulte un ralentissement de la hausse des prix, une amélioration de la compétitivité et un soutien de la consommation. De plus, l'augmentation de la productivité du capital accroît sa profitabilité, ce qui, à moyen terme, stimule l' investissement de modernisation .

· En pratique, le maintien ou l'accroissement de la durée d'utilisation des équipements peut prendre la forme d'un développement du travail posté (12,5 % des emplois) dans les activités qui requièrent des équipements lourds, d'un allongement des horaires d'ouverture dans les services (ce qui tend à accroître la demande), ou d'une modulation des horaires (qui permet de diminuer les coûts de gestion et d' immobilisation du capital et des stocks ).

· Ces évolutions sont toutefois limitées par les coûts de réorganisation des entreprises et par les contraintes supplémentaires qu'elles entraînent pour les salariés (développement des horaires atypiques ou irréguliers, travail en soirée ou en fin de semaine, etc.). Ceci explique que la durée d'utilisation des équipements soit relativement stable sur longue période et fortement liée à des modes de régulation sociale, ce qui conduit en général les experts à retenir l'hypothèse selon laquelle une réduction de la durée du travail se traduirait au mieux par une stabilité de la durée d'utilisation des équipements.

3. L'évolution des salaires horaires

Sur la question résumée par les mots " compensation salariale ", qui est cruciale pour l'évolution des coûts de production des entreprises, quelques précisions méritent d'être apportées.

En premier lieu, il n'est pas anormal que les gains de productivité horaire liés à l'aménagement-réduction du temps de travail donnent lieu à une augmentation des gains horaires des salariés concernés. Au niveau microéconomique, cette augmentation compense les contraintes induites pour les salariés (intensification du travail notamment), sans dégrader les coûts de production des entreprises. Au niveau macroéconomique, cette évolution soutient la demande des ménages.

En second lieu, les résultats des modèles macroéconomiques suggèrent que les effets de la réduction du temps de travail sur l'emploi sont d'autant plus élevés que la compensation salariale initiale est faible. Toutefois, la diminution du chômage entraîne dans ce cas une évolution ultérieure des salaires réels plus favorable aux travailleurs (" effet Phillips "). C'est ainsi l'ensemble de l' évolution finale des salaires (compensation initiale et hausses futures liées au rééquilibrage du marché du travail) qui importe pour évaluer les évolutions des coûts des entreprises et du pouvoir d'achat des salariés.

· Au total, l'ensemble des simulations réalisées à l'aide de modèles macroéconomiques suggère néanmoins que la réduction du temps de travail est d'autant plus créatrice d'emplois qu'elle s'accompagne d'une modération de la progression des salaires par tête.

En effet, en cas de compensation salariale intégrale , l'effet dépressif de la hausse des coûts des entreprises (chute des investissements, hausse des prix, pertes de compétitivité) l'emporte sur l'effet de relance résultant de l'augmentation de la consommation , de sorte que les effets initiaux de la réduction du temps de travail sur l'emploi sont réduits. Les effets défavorables de cet enchaînement récessif seraient d'ailleurs aggravés dans le cadre de l' Union économique et monétaire , car les pertes de compétitivité n'y peuvent être que très progressivement compensées, au prix d'une politique salariale rigoureuse. A moyen terme, le maintien du niveau tendanciel des salaires réels par tête se révélerait d'ailleurs en partie un leurre , puisque la progression des salaires réels serait ralentie par l'inflation.

SIMULATION DES EFFETS SUR L'EMPLOI AU BOUT DE CINQ ANS,

INDUITS PAR UNE RÉDUCTION DE 1 % CHAQUE ANNÉE

DE LA DURÉE MOYENNE DU TRAVAIL

Modèle

Pas de compensation salariale initiale

Avec compensation salariale

AMADEUS (INSEE)

630 000

250 000

HERMÈS (Ecole Centrale)

510 000

430 000

MOSAÏQUE (OFCE)

720 000

620 000

Source : Travaux du XIe Plan.

· On remarquera enfin que la question de la compensation salariale ne doit pas être examinée seulement du point de vue des salariés en place.

Selon l'INSEE, la rémunération médiane des nouveaux embauchés est inférieure de plus d'un quart à celle des salariés en place : l' embauche de nouveaux salariés , éventuellement liée à la réduction du temps de travail, peut dès lors se traduire par une baisse du coût moyen du travail .

Par ailleurs, selon les simulations de l'OFCE 24( * ) , l'amélioration de l'emploi et la baisse du chômage consécutives à une baisse supposée réussie de la durée du travail bénéficie aux finances publiques : le déficit public serait ainsi diminué, pour chaque heure de réduction du temps de travail hebdomadaire effectif, d'un montant approximativement égal aux recettes d'un point de cotisations employeurs. Si ces gains sont " ristournés " aux entreprises et aux salariés qui mettent en œuvre une réduction de travail assortie d'embauches, une diminution de 10 % de la durée effective du travail permet ainsi un allégement autofinancé de 1,2 % du coût moyen du travail.

B. LES LIMITES DES MODÈLES

Les principales limites des modèles à l'analyse des politiques de réduction du temps de travail résultent des incertitudes relatives au lien entre durée légale et durée effective du travail.

En effet, lorsque la durée effective du travail des salariés à temps plein est supérieure à la durée légale , cette dernière joue le rôle d'une " force de rappel " sur la durée effective en raison du surcoût que représentent les heures supplémentaires et de la référence que constitue la durée légale du travail pour les négociations collectives.

Toutefois, la tendance de la durée effective à se rapprocher de la durée légale est d'une intensité variable : la durée du travail offerte moyenne s'était ainsi réduite en 1982 de près d'une heure en quelques mois, dans une conjoncture dégradée, avec des effets décevants sur l'emploi. Cependant, alors que la durée légale hebdomadaire avait été fixée à 40 heures dès 1936, la durée effective moyenne du travail n'a approché ce niveau qu'à la fin des années 1970. La loi n'exerce en effet " qu'une influence indirecte sur la durée effective du travail en fixant la durée légale, qui sert de référence pour le calcul des heures supplémentaires, en imposant des plafonds pour la durée effective journalière ou hebdomadaire du travail, ou en limitant le volume total annuel des heures supplémentaires. Dans ce cadre, les marges de variations des durées effectives demeurent considérables " 25( * ) .

Des simulations microéconomiques réalisées par la DARES suggèrent que les directions d'entreprise et les représentants des salariés pourraient chercher à neutraliser une réduction de la durée légale du travail, en augmentant les heures supplémentaires ou en engageant des négociations pour accroître l'horaire de travail des salariés à temps partiel, notamment dans les services.

Plus généralement, la dispersion croissante des horaires de travail (25 % des salariés disent travailler 39 heures, 35 % travailler moins et 40 % travailler plus), rendrait l'impact de la baisse de la durée légale sur la durée effective particulièrement incertain.

Ainsi, les effets de l'abaissement à 35 heures par semaine de la durée légale du travail annoncé par le Gouvernement seraient très dépendants d'une éventuelle évolution de la réglementation relative aux heures supplémentaires .

En effet, les salariés d'une entreprise assujettie à l'abaissement de la durée légale à partir de l'an 2000, pourraient a priori continuer de travailler 39 heures par semaine, sans autre conséquence que la transformation des heures au-delà de la 35ème en " heures supplémentaires ", ce qui, dans l'état actuel de la législation, en augmente de 25 % le coût pour l'employeur. Au total, le coût nominal moyen du travail serait ainsi accru de 2,56 %. Dans l'état actuel de la réglementation, l'entreprise concernée devrait toutefois solliciter, auprès de l' inspection du travail , une dérogation pour dépasser le plafond annuel d'heures supplémentaires, fixé à 130 heures par le décret du 27 janvier 1982 26( * ) . D'une certaine manière, la mise en œuvre de la réduction de la durée effective du travail dans les entreprises qui pratiquent un horaire hebdomadaire moyen supérieur ou égal à 37 heures ¾ (ce qui correspond à 35 heures par semaine + 130 heures supplémentaires annuelles) dépendrait donc des instructions données aux directions départementales du travail .

Enfin, la réduction de la durée légale du travail pourrait ralentir le développement du travail à temps partiel , ce phénomène contribuant à en limiter les effets sur la durée moyenne du travail et sur l'emploi. En effet, l'ordonnance du 26 mars 1982 a limité le champ juridique du travail à temps partiel aux durées inférieures à 80 % de la durée légale ou conventionnelle. Dans ces conditions, à législation inchangée, l'abaissement de la durée légale du travail à 35 heures retirerait le bénéfice des aides au travail à temps partiel pour les emplois d'une durée comprise entre 28 et 32 heures ; ceux-ci pourraient alors être pour partie convertis en emplois à temps plein.

Au total, les conséquences d'une réduction de la durée légale du travail dépendent très largement de l'évolution concomitante du droit du travail, de son champ d'application et de ses modalités pratiques de mise en œuvre dans chaque entreprise, c'est-à-dire de considérations micro-économiques et sociales que les modèles ne peuvent évidemment prévoir.

De surcroît, le fonctionnement des modèles macroéconomiques est essentiellement linéaire, c'est-à-dire que les effets d'une réduction de la durée effective du travail de 10 % y sont le double de ceux d'une réduction de 5 % et la moitié de ceux d'une réduction de 20 %, sans que des effets de seuil puissent être pris en compte.

ANNEXE N° 1

UNE PROJECTION DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE
(1997-2002)

SOMMAIRE

Pages

I. CONCEPTION GÉNÉRALE DE L'EXERCICE 59

II. PRINCIPALES HYPOTHÈSES DE LA PROJECTION
61

A. TAUX DE CHANGE ET TAUX D'INTÉRÊT 61

B. L'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL 62

C. LES FINANCES PUBLIQUES 65

D. LA PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL 66

III. PRÉSENTATION DES RÉSULTATS MACROÉCONOMIQUES 67

A. LES MÉNAGES 67

B. LES ENTREPRISES 70

C. LES ÉCHANGES EXTÉRIEURS 71

D. LA CROISSANCE 73

E. EMPLOI ET CHÔMAGE 75

F. LES PRIX 76

IV. TENDANCES DES FINANCES PUBLIQUES 77

A. LES RECETTES 77

B. L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 78

1. La masse salariale 79

2. Les consommations intermédiaires 80

3. Les investissements publics 82

4. Les prestations sociales 83

a) Les prestations-maladie 83

b) Les prestations-vieillesse 85

c) Les prestations familiales et le Revenu Minimum d'Insertion 85

d) Les prestations-chômage 86

C. LE BESOIN DE FINANCEMENT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 87

D. LES CHARGES D'INTÉRÊTS ET L'ENDETTEMENT 89

Cette note, établie par la Division des Etudes macroéconomiques du Service des Etudes du Sénat, présente les résultats d'une projection réalisée par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) à l'aide du modèle MOSAÏQUE.

I. CONCEPTION GÉNÉRALE DE L'EXERCICE

· Cette projection de l'économie française à l'horizon de cinq ans - 2002 en est le terme - a été réalisée à l'aide du modèle MOSAÏQUE de l'Observatoire français des conjonctures économiques. Elle est de nature essentiellement macroéconomique . Les experts de l'OFCE se sont attachés toutefois à en tirer le maximum d'indications sur l'évolution des finances publiques (principalement au cours des années 1997, 1998 et 1999).

Si les résultats affichés pour les trois premières années peuvent être considérés comme une prévision , les trois dernières années (2000 à 2002) ne décrivent certainement pas le scénario le plus probable , mais plutôt une extrapolation des tendances en cours. Il s'agit ainsi d' illustrer , par une projection à cinq ans -et par là, de mieux mettre en lumière- les questions et les choix devant lesquels se trouvent aujourd'hui les responsables de la politique économique.

· Dans le but de mettre à la disposition des Sénateurs une telle " illustration ", la projection a délibérément un caractère tendanciel que l'on retrouve tant dans les évolutions macroéconomiques que dans celles des finances publiques.

Concernant les évolutions macroéconomiques tout d'abord, les auteurs de la projection ont choisi de prolonger autant que possible les comportements des agents économiques tels qu'ils ont été observés sur le passé et tels que les décrit le modèle.

Ainsi l'annonce récente par le Gouvernement du dépôt d'un projet de loi sur l' abaissement de la durée hebdomadaire légale du travail de 39 heures à 35 heures, à partir du 1er janvier 2000, n'est pas prise en compte dans la projection. En effet, les modalités de mise en œuvre d'une réduction de la durée du travail sont essentiellement de nature microéconomique (réorganisation du travail dans les entreprises, accords salariaux, ...), de telle sorte que l'introduction en projection d'une hypothèse de nature macroéconomique serait apparue tout à fait hasardeuse.

Il est logique dès lors que les évolutions macroéconomiques décrivent un prolongement des tendances lourdes à l'œuvre dans l'économie française.

Concernant les finances publiques par ailleurs, la projection tient compte de la nécessité de leur redressement, afin de maîtriser l'évolution de la dette publique et de satisfaire aux critères fixés pour l'entrée dans la monnaie unique. Cela se traduit globalement par une hypothèse de ralentissement de l'évolution des dépenses publiques par rapport à leur rythme de croissance de longue période. Les auteurs de la projection ont toutefois considéré que la politique budgétaire ne revêtirait pas au cours des cinq prochaines années la même rigueur qu'en 1996 et 1997. Si l'hypothèse d'augmentation en volume de l'ensemble des dépenses publiques traduit certes une inflexion par rapport à la tendance antérieure (+ 2,3 % par an de 1997 à 2002 contre + 2,5 % par an de 1990 à 1996), elle est toutefois sensiblement plus élevée que celle retenue, les années précédentes, pour des exercices de même nature. Par ailleurs, en raison de l'incertitude sur la maîtrise de l'évolution des dépenses de santé, la projection a retenu deux hypothèses alternatives : la première tient compte de la nette inflexion observée en 1996 et 1997, par rapport au rythme de croissance de longue période, et considère que ce ralentissement, sans être aussi marqué qu'au cours des deux dernières années, serait néanmoins durable ; la seconde hypothèse est celle d'un retour , à partir de 1999, vers leur rythme tendanciel d'augmentation (soit 2,5 % par an en volume).

· La projection prend en compte la loi du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes et l'objectif de création de 350 000 " emplois-jeunes " dans le secteur non marchand.

Les auteurs de la projection ont toutefois considéré que les créations nettes d'emplois induites par le dispositif seraient limitées à 80 % des embauches réalisées (soit 280 000 créations nettes d'emplois en trois ans dans le secteur non marchand) et que les 20 % restants seraient intervenus même en l'absence de cette mesure (celle-ci générant un " effet d'aubaine ").

· Enfin, jusqu'à la crise financière de la fin octobre 1997, le dollar s'était sensiblement apprécié en 1997 (de 13,7 % par rapport à la moyenne de 1996), ce qui s'est traduit par un redressement de la compétitivité des pays européens, mouvement qui devait se renforcer en 1998 selon les hypothèses retenues dans la projection. Il en résulte, en projection, un fort dynamisme des exportations et une amélioration des perspectives de croissance à court terme . Cette reprise de l'activité suscite, selon le modèle, des enchaînements économiques favorables (la baisse du chômage entraîne une évolution plus rapide des salaires et du revenu des ménages, les contraintes d'ajustement des finances publiques sont allégées par l'accélération de l'activité...), de telle sorte que la croissance affichée en projection (2,5 % par an en moyenne sur le moyen terme) est sensiblement plus élevée que dans l'exercice de même nature réalisé l'année dernière à la même époque (2,1 % par an en moyenne).

II. PRINCIPALES HYPOTHÈSES DE LA PROJECTION

A. TAUX DE CHANGE ET TAUX D'INTÉRÊT

· Les auteurs de la projection ont retenu l'hypothèse d'une mise en place de l'euro au 1er janvier 1999 avec tous les pays candidats (soit les quinze pays appartenant à l'Union européenne, sauf le Royaume-Uni, le Danemark, la Grèce et la Suède). La livre Sterling profiterait de la baisse du dollar en 1999, pour retrouver un taux de change plus bas et plus conforme aux " fondamentaux " de l'économie britannique.

La hausse du dollar depuis son point bas de la mi-95 ne paraît, selon l'OFCE, réductible ni à un aléa spéculatif, ni aux seuls déterminants conjoncturels (c'est-à-dire le différentiel de croissance positif entre les Etats-Unis et l'Europe). Elle s'appuierait essentiellement sur la réduction structurelle du déficit public aux Etats-Unis, qui améliore la confiance des détenteurs mondiaux de capitaux dans la capacité de l'économie américaine à rembourser ses dettes. Sur l'ensemble de la période 1997-2002, la parité du dollar est supposée s'établir en moyenne à 1,78 deutsche mark (soit 5,96 francs), au lieu de 1,58 au cours des six années précédentes. Le scénario monétaire qui se dessine depuis plus d'un an se prolongerait ainsi en projection, ce qui réduirait le handicap de compétitivité qui a pesé sur l'Europe durant la première moitié des années quatre-vingt-dix.

· La persistance d'un niveau élevé de chômage en Europe, notamment en Allemagne, ainsi que l'absence de tensions salariales, conduisent à envisager, en projection, un pilotage monétaire plus souple que par le passé. Les taux d'intérêt à court terme fluctueraient autour de 2 % en termes réels, sur l'ensemble de la période de projection. Les taux d'intérêt nominaux à court terme augmenteraient toutefois de près d'un point et demi en début de période (phase de reprise cyclique en Europe), avant de refluer légèrement par la suite.

HYPOTHÈSES DE TAUX DE CHANGE ET DE TAUX D'INTÉRÊT

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Taux d'intérêt courts

Etats Unis
Japon
Allemagne

5,1

0,6

3,2

5,2

0,5

3,6

5,0

0,8

4,3

4,4

1,0

3,9

4,4

1,0

3,3

4,9

1,0

3,6

Taux d'intérêt longs

Etats Unis
Japon
Allemagne

6,5

2,3

5,7

6,5

2,2

5,6

6,1

2,5

5,6

6,0

2,2

5,4

6,2

2,3

5,4

6,4

2,5

5,5

Taux de change

$/Yen
$/DM
Livre/DM
FF/DM
S/FF

121

1,75

2,83

3,37

5,89

130

1,88

2,85

3,35

6,29

124

1,85

2,78

3,35

6,20

117

1,74

2,61

3,35

5,82

121

1,70

2,60

3,35

5,69

125

1,74

2,60

3,35

5,82

Source : Prévisions OFCE.

B. L'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL

· La viabilité du scénario monétaire décrit ci-dessus, suppose l'absence de dérapage inflationniste de la croissance américaine. La persistance de la croissance aux Etats-Unis jusqu'à la mi-98 ne pousserait pas à l'extrême les tensions sur les capacités, dans une économie qui a fortement accru son capital productif durant les années passées. Elle repose sur le caractère accommodant de la politique menée par les autorités monétaires américaines.

Mais les auteurs de la projection ont supposé que la politique monétaire prendrait un tournant suffisamment restrictif pour restreindre l'activité avant que des tensions fortes ne surgissent sur le marché du travail, et ne favorisent une inflation salariale. Cela impliquerait que l'activité américaine se replie au tournant de 1998-1999. L'épisode de récession envisagé ici est à la fois bref et d'ampleur réduite par rapport au passé, confortant l'idée que le pilotage de la politique monétaire instauré par la Banque centrale américaine ne devrait pas éloigner fortement la croissance américaine de son potentiel. Aucun déséquilibre structurel grave ne devrait par ailleurs handicaper une reprise normale de l'activité à partir de 2000-2001 (absence de surendettement privé ou public en particulier).



· Les perspectives sont par contre beaucoup moins favorables au Japon , la croissance étant durablement installée sur un sentier de moyen terme proche de 2 %.



· La croissance s'accélérerait en 1997 et en 1998 en Europe . Elle serait tirée en 1997 par l'extérieur, à la fois du fait du dynamisme de la demande en provenance du reste du monde, mais aussi grâce aux effets favorables de l' appréciation du dollar sur la compétitivité -prix des produits européens. La reprise de la demande entraînerait celle de l'investissement, qui serait ensuite relayée par la consommation des ménages, grâce à une certaine hausse de l'emploi et à une évolution légèrement plus dynamique des salaires. Ainsi, la croissance envisagée resterait relativement vigoureuse en 1998 et 1999. Elle faciliterait le maintien des déficits publics sous la barre des trois points de PIB. Toutefois, le dollar baisserait en 1999, ce qui freinerait la croissance. La demande interne serait ralentie, principalement du fait de l'investissement, tandis que la consommation des administrations et des ménages serait moins bridée qu'au cours des dernières années, grâce à l'amélioration des finances publiques. Les ménages bénéficieraient d'une progression des salaires un peu plus favorable, la plus forte croissance permettant une certaine reprise des embauches.

A l'horizon de la prévision, les prix continueraient d'évoluer à un rythme modéré. Ni le marché du travail, ni celui des biens ne connaîtraient de tensions importantes. L'évolution des taux de change contribuerait à la modération des prix de la consommation en Europe.

· Concernant les pays émergents , les pays d' Asie en développement connaîtraient une pause relative de leur croissance en 1997-1998. D'une part, les politiques monétaires devraient être moins accommodantes afin de freiner les tensions sur la demande interne et sur les prix. D'autre part, la plus forte croissance dans la zone OCDE conduirait à de moindres flux de capitaux vers les pays d'Asie en développement, qu'au cours des années passées. Après cette phase d'ajustement, ces derniers renoueraient avec des rythmes de croissance plus soutenus, qui conduiraient à une progression de leurs importations de produits manufacturés, à des rythmes voisins de 10 % par an 27( * ) . Les importations d' Amérique Latine suivraient en grande partie les inflexions de la croissance américaine, du fait de l'intégration commerciale croissante entre le nord et le sud de l'Amérique. L' Afrique noire resterait une zone de faible croissance. Enfin, les importations industrielles des pays d' Europe de l'Est croîtraient à des rythmes de 8 % par an.



· La demande mondiale de produits manufacturés adressée à la France croîtrait de plus de 7 % par an de 1997 à 1999, ralentirait en 2000-2001 (respectivement 5,4 % et 4,7 %) et redeviendrait plus dynamique en 2002 (6,3 %), du fait de la plus forte croissance chez nos principaux partenaires industriels.

PRINCIPALES HYPOTHÈSES D'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL

 

1997

1998

1999

2000-2002*

ÉVOLUTION DU PIB EN %

- Union Européenne (1)
- dont Allemagne

- OCDE (1)
- dont Etats-Unis

- Demande mondiale adressée à la France (2)

2,4
2,5

2,6
3,8

7,3

3,1
3,4

3,0
2,6

7,9

2,9
3,1

2,7
1,6

7,5

2,0
2,1

2,0
2,1

5,5

* Taux de croissance annuel moyen sur les années 2000, 2001 et 2002.


(1) Croissance des pays membres pondérée par la structure des exportations françaises.

(2) En produits manufacturés.

· Au total, le scénario qui vient d'être décrit paraît relativement prudent. Le schéma de reprise en Europe dépend à court terme d'une reprise de l'investissement dont l'ampleur est incertaine. Il est en effet possible qu'une plus forte reprise de la demande interne, en particulier de l'investissement des entreprises, ait lieu à l'horizon 1998. Cette reprise pourrait alors être freinée par une politique monétaire plus rigoureuse que celle envisagée en projection. En sens inverse, on pourrait assister à une baisse des taux d'intérêt longs en Europe, plus conforme aux évolutions habituelles de l'écart taux longs/taux courts. A l'horizon 2002, l'environnement européen est plus favorable que celui décrit par la projection réalisée pour le Sénat au printemps dernier à l'aide du modèle MIMOSA 28( * ) : l'hypothèse d'un dollar plus cher conduit en effet à envisager une croissance plus élevée à court terme, laquelle permet une détente des contraintes budgétaires.

C. LES FINANCES PUBLIQUES

L'évolution des finances publiques est détaillée dans la quatrième partie de la note.

Les hypothèses retenues correspondent à un ralentissement des dépenses de l'ensemble des administrations publiques : celles-ci ne progressent en volume que de 2,3 % par an en moyenne de 1997 à 2002 (sous l'hypothèse d'un ralentissement durable de l'évolution des prestations maladie, cf. ci-dessous), contre 2,8 % de 1990 à 1996. Cette orientation restrictive est toutefois appliquée en projection avec moins de rigueur que depuis 1995. Ainsi les auteurs de la projection ont-ils supposé une poursuite de l'augmentation des effectifs de l'ensemble des administrations publiques au même rythme qu'au cours des dix dernières années et une évolution plus dynamique du pouvoir d'achat de l' indice brut du traitement des fonctionnaires.

Pour l' Etat , les hypothèses relatives aux dépenses en 1998 correspondent aux dispositions du projet de loi de finances, soit une stabilisation en francs constants . Par la suite, la norme d'évolution des dépenses publiques identique à celle des prix est maintenue. Les hypothèses en matière de recettes tiennent compte des mesures contenues dans le projet de loi de finances pour 1998.

Les prestations-maladie ont progressé en volume de 0,7 % en 1996. La prolongation des résultats observés au cours des premiers mois de 1997 conduit à retenir une hypothèse de croissance en volume de 0,1 % sur l'ensemble de l'année. Il apparaît ainsi que l'évolution des prestations-maladie connaît une très nette inflexion par rapport à leur taux de croissance de longue période (2,5 % par an en moyenne de 1990 à 1996).

Compte tenu de l'incertitude sur le caractère durable du ralentissement des prestations-maladie, les experts de l'OFCE ont étudié deux hypothèses :

- dans la première hypothèse , le ralentissement observé en 1996 et 1997 se prolonge sur le moyen terme, sans être toutefois aussi marqué, et les prestations-maladie progressent en volume de 1,4 % par an en moyenne entre 1997 et 2002 ;

- dans la seconde hypothèse , les prestations-maladie retrouvent, à partir de 1999, leur évolution tendancielle et augmentent en volume de 2,3 % par an en moyenne entre 1997 et 2002.

Dans la première hypothèse, l'ensemble des prestations versées par les organismes de Sécurité sociale progresserait ainsi en volume de 1,7 % par an en moyenne sur la période de projection, contre 2,0 % dans la seconde hypothèse.

D. LA PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL

L'évolution de la productivité par tête (mesurée par le rapport de la valeur ajoutée aux effectifs) s'élève en projection à 2 % par an en moyenne.

Ainsi le mouvement de ralentissement de l'évolution tendancielle de la productivité par tête constaté depuis 1990 29( * ) ne se poursuivrait-il pas sur le moyen terme.

Deux éléments justifieraient cette hypothèse :

- la projection connaît deux phases de reprise marquées (1997-1998 et 2002) ; or, dans les périodes de reprise, les effectifs ne s'adaptent qu'avec retard à l'évolution de l'activité, ce qui entraîne une augmentation transitoire de la productivité (" cycle de productivité ") ;

- la reprise de 1997-1998 est essentiellement tirée par les exportations et, par conséquent, par le secteur industriel où les gains de productivité sont structurellement plus élevés que dans les services. Cette déformation sectorielle entraîne une élévation de la moyenne de la productivité.

Inversement, dans le secteur des services, le ralentissement tendanciel de la productivité se poursuivrait. L'OFCE considère en effet que le développement du travail à temps partiel dans le secteur tertiaire se prolongerait dans les prochaines années, bien qu'à un rythme moins rapide. Il en résulterait une baisse de la durée moyenne du travail de 0,2 % par an.

Comme cela a déjà été indiqué, la projection ne cherche pas à simuler l'impact de la réduction de la durée légale du travail de 39 heures à 35 heures hebdomadaires.

Au total, les hypothèses retenues en matière de productivité se traduisent par un " appauvrissement " du contenu en emplois de la croissance par rapport aux évolutions récentes. A ce titre, elles ne sont pas favorables à l'évolution de l' emploi en projection.

III. PRÉSENTATION DES RÉSULTATS MACROÉCONOMIQUES

A. LES MÉNAGES

Le tableau ci-dessous résume les caractéristiques du compte des ménages dans la projection.

PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE L'ÉVOLUTION

DU COMPTE DES MÉNAGES

 

1997

1998

1999

2000-2002*

ÉVOLUTION EN POUVOIR D'ACHAT (en %)

- Masse salariale

- Prestations sociales

- Revenu disponible brut




0,9

1,3

1,2




2,5

1,4

1,6




2,7

1,5

2,1




1,9

1,9

2,1

CONSOMMATION DES MÉNAGES (en % et en volume

TAUX D'ÉPARGNE DES MÉNAGES (en points)

0,7

13,2

1,6

13,2

1,8

13,5

2,2

13,2

* Taux d'accroissement annuel moyen sur les années 2000, 2001 et 2002 ou niveaux en points en 2002 pour le taux d'épargne.

· Après une stagnation en 1996, le pouvoir d'achat du revenu des ménages accélère dans la projection de manière progressive : + 1,2 % en 1997, + 1,6 % en 1998 puis + 2,1 % par an en moyenne entre 1999 et 2002. Trois facteurs expliqueraient cette évolution :

- la progression du pouvoir d'achat du salaire par tête (secteur privé) serait de l'ordre de 1,5 % par an en moyenne entre 1997 et 2002, la baisse du chômage en début de période renforçant les revendications salariales et se traduisant par une évolution des salaires plus dynamique qu'au cours des années récentes 30( * ) ;

- l'augmentation de l'emploi entraîne une progression de la masse salariale plus rapide que celle du salaire par tête (cf. tableau ci-après) ;

- enfin, malgré leur ralentissement dont la projection retient l'hypothèse, les prestations sociales contribuent de manière significative à la croissance du revenu des ménages (pour 0,6 point par an en moyenne).

CONTRIBUTIONS A LA CROISSANCE DU POUVOIR D'ACHAT

DU REVENU DES MÉNAGES

MOYENNES ANNUELLES EN POINT DE POURCENTAGE

1997

1998

1999

2000-2002 *

Revenu disponible brut

dont :

- Salaires bruts

- Cotisations sociales (hors CSG)

- Prestations sociales

- Impôts (y compris CSG)

- Revenus de la propriété

1,2

0,5

0,6

0,4

- 0,4

0,3

1,6

1,3

2,3

0,5

- 3,2

0,4

2,1

1,4

- 0,2

0,5

- 0,3

0,5

2,1

1,0

- 0,1

0,7

- 0,3

0,5

* Contribution moyenne sur la période.

· L'évolution de la consommation des ménages dépend, outre la progression du revenu disponible brut qui vient d'être décrite, de celle du taux d'épargne.

En projection, le comportement d' épargne des ménages s'adapterait à l'évolution de leur revenu : légère hausse en début de période (de 12,8 % en 1996 à 13,2 % en 1997), consécutivement à l'accélération de l'évolution de revenu, légère baisse en fin de période lorsque la progression du revenu ralentit. Ainsi la consommation des ménages progresserait-elle moins rapidement que leur revenu en début de période et plus rapidement en fin de période. Sur l'ensemble de la période de projection cependant, la consommation évolue comme le revenu, soit + 2 % par an en moyenne.

B. LES ENTREPRISES

Les principales caractéristiques du compte des entreprises et l'évolution de l' investissement sont décrites dans le tableau ci-dessous.

PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE L'ÉVOLUTION

DU COMPTE DES ENTREPRISES

 

1997

1998

1999

2000-2002*

RATIOS DU COMPTE DES ENTREPRISES (niveaux en points)

- Taux de marge 1

- Taux d'investissement 2

- Taux d'autofinancement 3



40,6

14,6

114



40,6

14,6

117



40,1

15,1

113



38,8

15,3

106

INVESTISSEMENT (évolution en volume et en %)


0,2


3,4


3,7


1,9

* Niveaux en 2002 et taux d'accroissement annuel moyen en volume pour l'investissement sur les années 2000, 2001 et 2002.

1 Taux de marge : Excédent brut d'exploitation / Valeur ajoutée.

2 Taux d'investissement : Investissement / Valeur ajoutée.

3  Taux d'autofinancement : Epargne brute / Investissement.

La projection décrit un " cycle d'investissement ", caractéristique d'une période de reprise, d'ampleur cependant modérée et de courte durée . L'amélioration des perspectives de débouchés à l'exportation puis le regain de la consommation entraînent un redressement de l'investissement en 1998 et 1999 (respectivement + 3,4 % et + 3,7 %). Par la suite, la progression de l'investissement se stabilise autour de 2 % par an.

Il faut observer que le taux d'autofinancement - qui traduit la capacité des entreprises à investir sans recours à l'emprunt - reste supérieur à 100 %, ce qui, autrement dit, signifie que la situation financière actuelle des entreprises leur permettrait de financer une reprise plus forte de l'investissement.

C. LES ÉCHANGES EXTÉRIEURS

Dans une projection macroéconomique, l'évolution des échanges extérieurs est principalement déterminée par deux variables :

- la compétitivité-prix d'une part ;

- le différentiel de croissance entre la France et ses partenaires d'autre part : si la croissance de la France est inférieure à celle de ses partenaires, la demande étrangère en produits français évoluera plus vite que la demande française en produits étrangers (indépendamment des mouvements de compétitivité).

Ces deux variables jouent de manière très favorable en début de période . Tout d'abord, la hausse du dollar en 1997 et 1998 (combinée à la modération relative des coûts salariaux) entraîne une amélioration de la compétitivité à l'exportation de 2,9 points par an en moyenne sur ces deux années. Par ailleurs, le dynamisme de la demande adressée à la France par ses partenaires en 1997 et, à un degré moindre, en 1998, entraîne une progression des exportations plus rapide que celle des importations.

Il en résulte une contribution très élevée des échanges extérieurs à la croissance : ceux-ci expliqueraient 1,6 point de croissance en 1997 (sur 2,1 % de croissance totale) et 0,9 point en 1998 (sur 3,2 % de croissance totale).

La contribution des échanges extérieurs à la croissance est encore significative en 1999 (+ 0,5 point sur 2,9 % de croissance), et beaucoup plus faible en fin de période (+ 0,1 point en moyenne de 2000 à 2002) en raison de la baisse du dollar retenue en projection et du ralentissement de la croissance chez nos partenaires (en particulier aux Etats-Unis).

Ces évolutions se traduisent par un fort accroissement de la capacité de financement de la Nation (solde des opérations courantes) qui passe de 2,3 % de PIB en 1997 à 3,2 % en 1999 et 3,1 % en 2001.

PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE L'ÉVOLUTION

DES ÉCHANGES EXTÉRIEURS

 

1997

1998

1999

2000-2002*

POURCENTAGE ANNUEL D'ACCROISSEMENT EN VOLUME

- Demande étrangère de produits manufacturés

- Exportations totales

- Importations totales






7,3

8,7

4,1






7,9

7,4

5,3






7,6

6,7

5,8






5,7

4,4

4,4

CONTRIBUTION DES ÉCHANGES EXTÉRIEURS À LA CROISSANCE
(en points de PIB marchand)




+ 1,6




+ 0,9




+ 0,5




+ 0,1

TAUX DE COUVERTURE EN VALEUR (pourcentage moyen sur la période pour l'ensemble des biens et services)


117,2


119,0


119,7


118,5

SOLDE DES BIENS ET SERVICES (en milliards de francs)



300,4



354,2



393,1



427,5

CAPACITÉ DE FINANCEMENT DE LA NATION (en % du PIB)



2,3



2,9



3,2



3,1

* Taux de croissance annuel moyen pour les années 2000, 2001 et 2002 ou niveaux en 2002.

D. LA CROISSANCE

L'évolution du PIB et de ses principales composantes est décrite dans le tableau ci-dessous :

ÉVOLUTION DU PIB ET DE SES PRINCIPALES COMPOSANTES

1997-2002

 

1997

1998

1999

2000-2002*

POURCENTAGE ANNUEL DE VARIATION (en volume)

- PIB total

- PIB marchand

- Importations

- Consommation des ménages

- Investissement des entreprises

- Investissement logement des ménages

- Exportations

- Variations des stocks ( contribution à la croissance en points de PIB)




2,1

2,1

4,1

0,7

- 0,2


- 1,2

8,7



+ 0,0




3,2

3,2

5,3

1,6

3,4


2,8

7,4



+ 0,3




2,9

2,8

5,8

1,8

3,7


0,5

6,7



+ 0,1




2,2

2,1

4,4

2,2

1,9


0,3

4,5



- 0,0

* Taux de croissance annuel moyen pour les années 2000, 2001 et 2002.

Le profil de croissance de l'économie française décrit par la projection peut être décomposé en trois phases :

- après le ralentissement en 1996, l'activité se redresse en 1997 (+ 2,1 %) et surtout en 1998 (+ 3,2 %) et 1999 (+ 2,9 %). Les taux de croissance ainsi affichés pour 1997 et 1998 sont peu différents de ceux retenus par le Gouvernement dans ses hypothèses associées au projet de loi de finances pour 1998 et ceux des instituts de conjoncture indépendants.

Le redémarrage de l'activité s'expliquerait par le dynamisme de l'environnement international, l'amélioration de la compétitivité consécutive à l'appréciation du dollar et le plus grand dynamisme des entreprises, avec un mouvement de restockage et une reprise de l'investissement à partir de 1998.

La consommation des ménages se redresse progressivement, grâce à l'amélioration de l'emploi et à une légère accélération des salaires.

- En 2000 et 2001, l'environnement international se dégrade (en raison notamment du ralentissement de l'économie américaine à partir de 1999), le dollar connaît une nouvelle phase de dépréciation, et l'investissement des entreprises ralentit. La progression de la consommation des ménages (+ 2,1 % en 2000 et + 2,3 % en 2001) concourt toutefois à stabiliser la croissance autour de 2 % par an (+ 1,9 % en 2000 et + 2,1 % en 2001).

- Un retour de l'économie française vers son sentier de croissance potentielle , lié à la reprise de l'activité chez nos principaux partenaires, s'opère en fin de projection .

Le tableau ci-dessous décrit l'évolution des contributions à la croissance du PIB dans la projection.

CONTRIBUTIONS À LA CROISSANCE DU PIB (chiffres arrondis)

 

1997

1998

1999

2000-2002*

MOYENNES ANNUELLES (en points de pourcentage du PIB)

- Consommation des ménages
- Investissement logement des ménages
- Investissement des entreprises
- Dépenses des administrations
- Variation des stocks

Total de la demande intérieure

Solde extérieur

PIB marchand


0,5

- 0,1
0,0
0,0
0,0

0,4

1,7

1,1




1,1

0,1
0,8
0,0
0,3

2,3

0,9

3,2




1,2

0,0
0,8
0,1
0,1

2,2

0,6

2,8




1,4

0,0
0,4
0,0
- 0,0

1,9

0,1

2,1

* Contribution moyenne pour les années 2000, 2001 et 2002.

Deux éléments significatifs se dégagent :

- les échanges extérieurs constituent l'élément déterminant de la reprise de l'activité en début de période (1997-1999) ;

- la demande intérieure se redresse progressivement et prend le relais de la demande étrangère, de manière toutefois insuffisamment dynamique pour empêcher le ralentissement observé en fin de projection (2000-2002).

E. EMPLOI ET CHÔMAGE

Comme on l'a indiqué ci-dessus, l'hypothèse retenue pour l'évolution de la productivité par tête (+ 2 % par an) est plus élevée que la tendance observée au cours des dernières années (+ 1,5 % par an de 1990 à 1996).

Malgré cette hypothèse, la projection décrit une progression de l'emploi total de 0,5 % par an en moyenne entre 1997 et 2002, soit 128 000 créations nettes d'emplois par an, ou encore 770 000 créations nettes d'emplois en six ans. Ce résultat tient compte de la création nette de 280 000 " emplois-jeunes " en trois ans dans le secteur non marchand.

L'OFCE retient par ailleurs une hypothèse d'augmentation de la population active potentielle de 154 000 par an. L'évolution de la population active effective peut toutefois sensiblement différer de celle de la population active potentielle : en effet, en période de ralentissement de l'activité, des actifs potentiels peuvent renoncer à se présenter sur le marché du travail (" travailleurs découragés ") ; inversement, en période d'amélioration conjoncturelle, des personnes jusque-là découragées se présentent sur le marché du travail, entraînant ainsi une évolution de la population active observée supérieure à celle de la population active potentielle.

Ces phénomènes de " flexion des taux d'activité ", simulés par le modèle, se traduisent en projection par une augmentation de la population active effective de 170 000 par an . Compte tenu de l'évolution plus faible de l'emploi (128 000 créations nettes par an en moyenne), le nombre de chômeurs augmente ainsi en moyenne dans la projection de 40 000 par an environ sur la période 1997-2002.

Quant au taux de chômage , il baisserait transitoirement de 12,5 % en 1997 à 12 % en 2000, mais rejoindrait son niveau initial en fin de période.

EMPLOI ET CHÔMAGE

 

1997

1998

1999

2000-2002*

ÉVOLUTION MOYENNE (en milliers)

- Emploi total

- Population active totale

- Nombre de chômeurs

- Taux de chômage ( au sens du BIT )




+ 4

+ 133

+ 129


12,5


+ 177

+ 208

+ 31


12,4


+ 276

+ 217

- 59


12,1


+ 104

+ 154

+ 50


12,5

* Evolution annuelle moyenne sur la période et niveau en 2002 pour le taux de chômage.

F. LES PRIX

La projection confirme la tendance à la désinflation de l'économie française. Le salaire par tête ne progresse pas plus vite que la productivité, ce qui permet aux entreprises de préserver leurs marges sans augmenter leurs prix.

Les prix du PIB marchand progressent ainsi en moyenne de 1,2 % par an de 1997 à 2002 et les prix à la consommation de 1,6 % par an (contre 2,2 % par an de 1990 à 1996).

IV. TENDANCES DES FINANCES PUBLIQUES

Un modèle macroéconomique tel que le modèle MOSAÏQUE ne donne qu'une vision globale des finances publiques : évolution de l' ensemble de dépenses des administrations publiques, évolution des grandes catégories de recettes et, enfin, évolution du besoin de financement de l'ensemble des administrations publiques.

Toutefois, les experts de l'OFCE se sont attachés à en tirer un maximum d'indications, notamment sur les questions suivantes :

- Quelle est l' incidence des évolutions macroéconomiques sur les finances publiques , en particulier sur les conditions d'un équilibre des finances sociales ?

- Comment la contrainte générale de redressement des finances publiques peut-elle s'appliquer aux diverses institutions publiques (Etat, Sécurité sociale et collectivités locales en particulier) ? Les experts sont ainsi conduits à avancer leurs propres hypothèses sur l'évolution à moyen terme des dépenses de l'Etat, ainsi que sur celles des prestations sociales.

- Quelle est l'évolution du besoin de financement des administrations publiques et celle de la dette publique qui en résulte ?

A. LES RECETTES

La projection des recettes publiques est réalisée à législation constante, compte tenu des mesures annoncées par le Gouvernement et de celles récemment votées ou actuellement discutées par le Parlement (loi portant diverses mesures d'ordre fiscal et financier, projet de loi de financement de la Sécurité Sociale pour 1998, projet de loi de finances pour 1998).

Il a ainsi été tenu compte, notamment, du transfert des cotisations des salariés sur la Contribution Sociale Généralisée. Cette réforme permet d'élargir la base du prélèvement social, mais, dans la mesure où les salaires évoluent en projection sensiblement comme le PIB, elle serait neutre du point de vue de l'évolution du total des recettes mesurée en pourcentage du PIB.

L'exercice suppose également une stabilisation de la TVA, des taux de l'impôt sur les sociétés et des autres impôts, aux niveaux atteints en 1998. En effet, l'évolution du déficit public ne permettrait pas de revenir sur les majorations d'impôt récemment intervenues. Ainsi l'augmentation de la fiscalité sur les sociétés décidée par la loi portant diverses mesures d'urgence à caractère fiscal et financier est-elle maintenue en projection.

Les évolutions sont retracées dans le tableau ci-dessous.

ÉVOLUTION DES RECETTES DES ADMINISTRATIONS

En % de PIB

 

1996

1997

1998

2002


TVA

Autres impôts indirects

dont TIPP

Impôt sur le revenu des ménages

CSG et CRDS

Impôt sur les sociétés

Autres impôts sur le revenu et le patrimoine

Cotisations employeurs *

Cotisations salariés

Cotisations non-salariés


7,9

7,7

1,9

4,0

1,5

1,6

3,3

12,1

6,0

1,6


8,0

7,7

1,9

3,5

2,1

2,0

3,4

12,1

5,5

1,7


7,8

7,7

1,8

3,7

3,9

2,0

3,3

12,1

3,7

1,7


7,7

7,8

1,8

3,6

3,9

1,9

3,3

12,0

3,7

1,6

Sources : Comptes nationaux, Prévision OFCE-Modèle MOSAÏQUE.

* Non corrigé des allégements de cotisations sur les bas salaires.

B. L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

La projection repose sur l'hypothèse d'un ralentissement global des dépenses des administrations publiques sur la période de projection (1997-2002) : la progression serait de 2,3 % par an en francs constants 31( * ) , à comparer à l'augmentation de 2,8 % constatée sur la période 1990-1996 (cf tableau ci-dessous).

ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE L'ENSEMBLE

DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

(déflatées par le prix du PIB total)

(en %, par an)

 

1990-1996

1997

1998

1999

2000-2002

ENSEMBLE DES DÉPENSES
en francs 1980


2,8


2,3


2,1


2,7


2,2

dont :

- Masse salariale

- Consommations intermédiaires

- Investissements

- Prestations sociales

2,6

1,2

0,1

2,8

1,2

1,8

- 0,1

1,7

3,1

1,4

0,0

1,6

3,3

1,7

0,2

1,7

2,4

1,3

0,2

2,2

1. La masse salariale

En ce qui concerne les effectifs des administrations publiques (Etat, collectivités locales et hôpitaux), la projection prolonge l'évolution moyenne constatée depuis 1985, soit une augmentation de 40.000 par an des emplois ordinaires. En outre les emplois-jeunes du début de période accroîtraient au total de 350.000 le nombre d'emplois dans les administrations. Dans ces conditions, les effectifs des administrations augmenteraient de 1 % par an en moyenne entre 1997 et 2002.

La projection retient l'hypothèse d'une progression moyenne de 0,7 % par an entre 1998 et 2002 du pouvoir d'achat de l' indice brut des traitements de la fonction publique. Cela suppose en 1998 et 1999 une compensation pour moitié des pertes passées du pouvoir d'achat de cet indice (- 0,7 % en 1996 et en 1997). Par la suite, le pouvoir d'achat du salaire moyen dans la fonction publique augmenterait de 0,5 % par an.

Au total, la masse salariale publique augmenterait de 1,3 % en francs constants 32( * ) en 1997, et, en moyenne de 2,8 % par an de 1997 à 2002 (contre 2,3 % par an de 1990 à 1996).

2. Les consommations intermédiaires

Pour l'ensemble des administrations publiques, la croissance en volume des consommations intermédiaires (qui comprennent les dépenses courantes des administrations hors dépenses de personnel, ainsi que les dépenses militaires en capital ) serait ramenée de 1,7 % par an en moyenne entre 1990 et 1996 à 1,4 % par an de 1997 à 2002.

Pour les collectivités locales, ceci se traduirait par un ralentissement important (de 4,4 % par an en volume de 1990 à 1996 à 2,7 % par an de 1997 à 2002).

Pour la Sécurité sociale, la croissance en volume de cette catégorie de dépenses 33( * ) serait ramenée à 1,6 % par an en moyenne de 1997 à 2002, contre 3,3 % de 1990 à 1996.

Les consommations intermédiaires de l'Etat croîtraient de 1 % en volume en 1998, puis se stabiliseraient à partir de 1999. Une réduction plus importante des dépenses militaires permettrait éventuellement des économies supplémentaires.

Le graphique ci-après permet de visualiser l'évolution relative des consommations intermédiaires des trois agents publics. On constate que la tendance au transfert des dépenses de l'Etat vers les collectivités locales se poursuivrait et qu'en 2002, le volume des consommations intermédiaires des collectivités locales rejoindrait celui de l'Etat.

TAUX DE CROISSANCE DES CONSOMMATIONS INTERMÉDIAIRES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

(Aux prix de 1980)

(en %, par an)


 

1990-1996

1997

1998

1999

2000-2002

- Administrations centrales

- Collectivités locales

- Sécurité sociale

- Ensemble des administrations publiques

- 0,9

4,4

3,3

1,7

0,1

2,1

0,5

0,9

1,0

3,4

1,5

2,0

0,0

3,5

1,8

1,7

0,0

2,4

1,9

1,0

3. Les investissements publics

En matière d'investissements publics (qui, au sens de la comptabilité nationale, ne comprennent pas les dépenses militaires d'équipement), l'hypothèse retenue est celle d'un ralentissement de leur progression en volume (cf. tableau et graphique ci-dessous). Au total, celle-ci atteindrait seulement 1,1 % par an en moyenne, soit un taux de croissance deux fois moins rapide que celui du PIB. Pour les collectivités locales, le taux de croissance serait très légèrement plus élevé que celui observé de 1990 à 1996. Pour l'Etat, l'augmentation en volume serait limitée à 0,5 % par an. Enfin, les investissements des administrations de Sécurité sociale (qui, dans les définitions de la comptabilité nationale, incluent les investissements hospitaliers) augmenteraient de 1 % par an en volume, soit un freinage marqué par rapport à la période 1990-1996.

TAUX DE CROISSANCE DES INVESTISSEMENTS DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

(Aux prix de 1980)

(en %, par an)

 

1991-1996

1997

1998

1999

2000 2002

- Administrations centrales

- Collectivités locales

- Sécurité sociale (1)

- Ensemble des administrations publiques

- 1,3

1,0

6,0

1,1

- 0,5

- 1,0

1,0

- 0,7

0,6

1,1

1,0

1,0

0,6

1,3

1,0

1,2

0,6

1,9

0,8

1,0

(1) Ce concept inclut les hôpitaux.

4. Les prestations sociales

a) Les prestations-maladie

Le plan de maîtrise des dépenses de santé mis en œuvre en 1996 s'est traduit par un ralentissement très marqué de l'évolution des prestations maladie. En pouvoir d'achat, celles-ci n'ont progressé que de 0,7 % en 1996 et de 0,1 % en 1997, contre une progression annuelle moyenne de 1,8 % de 1990 à 1996.

L'expérience des plans de maîtrise des dépenses de santé engagés dans le passé (qui consistaient pour l'essentiel en une réduction des remboursements) a montré que, si leur effet immédiat sur le niveau de la dépense restait acquis durablement, ils n'avaient pas modifié la tendance "lourde" du taux de croissance. Il semble, au vu des résultats enregistrés en 1996 et 1997, que la dernière réforme (qui met en œuvre une nouvelle politique de gestion des soins) pourrait avoir infléchi durablement la tendance de l'augmentation des dépenses de santé.

Les auteurs de la projection en ont déduit une première hypothèse selon laquelle la croissance des prestations-maladie se maintiendrait durablement autour de 1,4 % par an en francs constants à partir de 1998.

Cette hypothèse se situe à mi-chemin entre, d'une part, les évolutions récentes et l'objectif fixé par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 1998 (soit 2,2 % d'augmentation en francs courants ) et, d'autre part, la tendance de longue période.

Toutefois, compte tenu de l'incertitude qui s'attache à l'effet à moyen terme de la réforme de 1996, une hypothèse alternative de retour des dépenses de santé vers leur rythme de croissance antérieur a également été envisagée (soit + 2,5 % par an en francs constants à partir de 1999).

TAUX DE CROISSANCE DES PRESTATIONS DE SANTÉ EN VOLUME

- en gras : Hypothèse de ralentissement durable de l'évolution des dépenses de santé.

- tirets : retour des dépenses de santé vers leur rythme tendanciel d'augmentation (à partir de 1999).

b) Les prestations-vieillesse

La pression démographique sur les régimes de retraite connaîtrait un répit, avant la forte croissance du nombre de retraités qui devrait intervenir à partir de 2005, du fait de l'arrivée à l'âge de la retraite des classes nombreuses de l'après-guerre.

Par ailleurs, la progression du montant unitaire des retraites resterait faible, en raison des nouvelles modalités d'indexation (sur les prix) et de la montée en charge progressive de la réforme du régime général (allongement de la période de cotisation nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein et modification du calcul du salaire de référence 34( * ) ).

Les mesures d'équilibrage décidées par les régimes complémentaires (baisse du rendement) contribueraient à la maîtrise de leurs dépenses.

Au total, l'augmentation en volume des prestations vieillesse serait de 1,2 % en 1997, de 1,7 % en 1998, puis de 2,1 % par an en moyenne de 1999 à 2002 (contre 2,5 % par an en moyenne de 1990 à 1996).

c) Les prestations familiales et le Revenu Minimum d'Insertion

Après la mise sous conditions de ressources des allocations familiales à partir de 1998, le pouvoir d'achat des prestations par enfant de moins de vingt ans serait maintenu ce qui, compte tenu du ralentissement démographique, entraînerait une faible augmentation de la masse des allocations familiales.

Pour l'allocation-logement, la croissance serait plus rapide, sans dépasser toutefois celle du PIB.

L'augmentation des dépenses au titre du Revenu Minimum d'Insertion 35( * ) se prolongerait à un rythme rapide, en raison du niveau élevé du chômage et du fait que l'assurance-chômage ne prend plus en charge les titulaires d'emplois précaires. Néanmoins, par rapport aux périodes antérieures, on observerait un ralentissement de la croissance des dépenses allouées au RMI.

L'ensemble prestations familiales et dépenses pour le RMI croîtrait ainsi en volume de 2,1 % en 1997 , puis de 0,9 % par an en moyenne de 1998 à 2001 (après 2,4 % de 1990 à 1996).

d) Les prestations-chômage

L'évolution des prestations-chômage serait influencée par deux facteurs contradictoires :

- l'évolution en projection du nombre de chômeurs : celui-ci diminue en 1998 et 1999, avant d'augmenter à partir de 2000 ;

- la diminution de l'indemnité moyenne (qui résulterait notamment de la non prise en charge par l'assurance-chômage des titulaires d'emplois précaires).

Au total, les prestations-chômage progresseraient de 2,8 % en volume en 1997 et de 1,9 % en 1998, diminueraient de 0,3 % en 1999 et retrouveraient une augmentation annuelle moyenne de 3,2 % de 2000 à 2002 (contre 4,7 % par an en moyenne de 1990 à 1996).

Comme l'indique le tableau récapitulatif ci-dessous, le pouvoir d'achat de l'ensemble des prestations sociales augmente en projection de 1,7 % par an en moyenne, sous l'hypothèse d'un ralentissement durable de l'évolution des dépenses de santé, et de 2 % par an sous l'hypothèse d'un retour de la progression des dépenses de santé vers leur rythme d'évolution tendanciel.

Dans les deux cas toutefois, les prestations sociales progressent moins vite que le PIB (+ 2,5 % par an en moyenne) contrairement à la période 1990-1996 (+ 2,5 % pour les prestations sociales et + 1,2 % pour le PIB).

ÉVOLUTION DU POUVOIR D'ACHAT DES PRESTATIONS SOCIALES

 

1990-1996

1997

1998

1999

2000-2002 *

POURCENTAGE ANNUEL D'ACCROISSEMENT
 
 
 
 
 
- Famille, logement et RMI

- Retraites

- Chômage

- Maladie (hypothèse 1**)

- Maladie (hypothèse 2***)

Total des prestations :

- Hypothèse 1

- Hypothèse 2

2,4

1,8

4,7

1,8

-


2,5

-

2,1

1,2

2,8

0,1

0,1


1,3

1,3

0,4

1,7

1,9

1,4

1,4


1,4

1,4

0,6

2,1

- 0,3

1,3

2,4


1,5

1,7

1,2

2,2

- 3,2

1,4

2,5


2,0

2,3

* Taux d'accroissement annuel moyen entre 2000 et 2002.

** Hypothèse 1 : ralentissement durable de l'évolution des dépenses de santé.

*** Hypothèse 2 : retour des dépenses de santé vers leur rythme tendanciel d'augmentation (à partir de 1999).

C. LE BESOIN DE FINANCEMENT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

Exprimé en pourcentage du PIB, le besoin de financement des administrations publiques au sens de la comptabilité européenne (c'est-à-dire notamment après prise en compte de la soulte FRANCE-TELECOM en 1997 et des coupons courus sur les obligations d'Etat) se réduit lentement en projection (de 0,1 point par an environ). Ce résultat correspond à l'hypothèse de maîtrise durable des dépenses de santé.

Dans l'hypothèse où le ralentissement actuellement constaté des dépenses de santé ne se prolongerait pas, le besoin de financement des administrations publiques ne se stabiliserait que très légèrement en-dessous de 3 % du PIB à l'horizon de la projection (cf tableau ci-dessous).

ÉVOLUTION DE LA CAPACITÉ DE FINANCEMENT DES
ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

(en % du PIB)

 

1997

1998

1999

2002


- Hypothèse 1*
Présentation traditionnelle
Au sens de la comptabilité européenne


- Hypothèse 2**
Présentation traditionnelle
Au sens de la comptabilité européenne



- 3,9
- 3,1



- 3,9
- 3,1



- 3,3
- 3,0



- 3,3
- 3,0



- 3,2
- 2,9



- 3,3
- 3,0



- 3,0
- 2,7



- 3,2
- 2,9

* Hypothèse 1 : Ralentissement durable de l'évolution des dépenses de santé.

** Hypothèse 2 : Retour des dépenses de santé vers leur rythme d'augmentation tendanciel (à partir de 1999).


Pour autant qu'il soit possible de passer de la nomenclature de la Comptabilité nationale à celle de la Sécurité sociale, les tendances d'évolution des comptes sociaux seraient les suivantes :

- sous l'hypothèse d'un ralentissement durable de la projection des dépenses de santé, l'augmentation annuelle moyenne des prestations sociales en valeur entre 1997 et 2002 (3,3 %) serait nettement inférieure à celle du PIB (3,7 %) et à celle des salaires (qui évoluent en projection sensiblement comme le PIB). Ces évolutions s'avèrent donc favorables au rééquilibrage progressif des comptes sociaux sans majoration des cotisations ;

- une hypothèse d'augmentation plus rapide des dépenses de santé (+ 2,5 % par an en volume entre 1999 et 2002 au lieu de 1,4 % précédemment), aurait pour effet de détériorer le solde des comptes sociaux d'un montant égal à 0,1 % du PIB en 1999 et 2000, et 0,2 % du PIB en 2001 et 2002 (soit, en 2002, l'équivalent de 20 milliards de francs 1997 environ).

D. LES CHARGES D'INTÉRÊTS ET L'ENDETTEMENT

La charge nette des intérêts versés par les administrations publiques, mesurée en pourcentage du PIB, ne diminuerait que très faiblement en projection : de 3,6 % en 1997 à 3,5 % en 2002.

En effet, l'incidence favorable de la baisse du taux d'intérêt moyen sur la dette publique (de 7,7 % en 1997 à 6,4 % en 2002) serait compensée par l'augmentation du niveau de la dette publique.

Le ratio dette publique/PIB progresserait de 0,7 point par an en moyenne, pour atteindre 60 % en 2002. En effet, l' excédent primaire (c'est-à-dire le solde public hors charges d'intérêt) dégagé à partir de 1997 serait insuffisant pour permettre une stabilisation de ce ratio.

ANNEXE N° 2

CROISSANCE EN EUROPE :

QUELLES MARGES DE MANŒUVRE ?


Trois simulations réalisées par l'Equipe responsable du modèle MIMOSA (CEPII - OFCE)

Introduction

A la suite de l'étude sur les " Perspectives de l'économie mondiale à l'horizon 1995 ", présentée le 20 mars 1997 au Colloque de la Délégation du Sénat pour la Planification (voir Rapport du Sénat, n° 315, 1996-1997), l'équipe Mimosa a réalisé, à la demande de la Délégation, trois ensembles de variantes destinées à illustrer l'impact sur la croissance et l'emploi en Europe, soit de certaines options de politique économique, soit de certaines incertitudes :

1. Des politiques budgétaires moins restrictives en Europe passant par une baisse des cotisations salariés ;

2. Une hausse plus vive des salaires en France ou en Europe ;

3. Une dépréciation des monnaies européennes

Encadré: La formation des taux d'intérêt et des taux de change dans MIMOSA .

Le modèle MIMOSA peut fonctionner selon plusieurs régimes, tant en ce qui concerne la formation des taux d'intérêt, que celle des taux de change. En principe, les banques centrales des pays dominants (Etats-Unis, Japon, Allemagne) élèvent leur taux d'intérêt court de 0,5 point lorsque le taux de chômage baisse de 1 point, et de 1,5 point lorsque l'inflation augmente de 1 point relativement à la simulation de référence. Toutefois, elles peuvent choisir de ne pas réagir et de maintenir fixe les taux d'intérêt nominaux (stratégie dite accommodante). Les taux d'intérêt longs sont indexés sur les taux courts courants.

En régime de SME, la Bundesbank ne tient compte que de la situation de l'Allemagne ; les taux d'intérêt courts des différents pays européens s'alignent sur ceux de l'Allemagne ; les taux de change des pays européens sont stables par rapport au mark. En régime d'UEM, la Banque Centrale Européenne tient compte de la situation de la moyenne des pays de l'Euro ; les taux d'intérêt courts des différents pays européens sont identiques.

Les taux de change sont déterminés par la parité des taux d'intérêt. Le taux de change se fixe au niveau tel que le différentiel de taux d'intérêt court entre deux monnaies est égal à l'anticipation de dépréciation. Les marchés anticipent une variation du taux de change égale à une fraction de l'écart entre le taux de change courant et le taux de change de référence correspondant au taux de change réel initial : cette fraction est estimée à 1/3 en valeur annuelle. Par exemple, si une année donnée, l'Europe a 1 point d'inflation de moins que les Etats-Unis et que son taux d'intérêt augmente de 1 point (le taux américain restant fixe), l'Euro s'apprécie de 4 %, 1 % en raison de l'écart d'inflation, 3 % en raison de l'écart de taux d'intérêt.

Si les taux d'intérêt nominaux sont maintenus fixes, les taux de change varient comme les différences de taux d'inflation.

1. Des politiques budgétaires moins restrictives en Europe : une baisse des cotisations sociales salariés

Une relance par la baisse des cotisations : quels enjeux ?


Nous nous proposons ici d'illustrer l'impact de politiques budgétaires moins restrictives en Europe. Pour cela, nous avons choisi d'analyser une baisse simultanée des cotisations sociales salariés. Une telle mesure, allégeant la charge portant sur les ménages, est susceptible de stimuler la consommation tout en contribuant à rééquilibrer le système fiscal en faveur des revenus du travail. Elle a l'avantage de stimuler directement un grand nombre des secteurs de l'économie ; son impact expansionniste est plus fort que celui d'une baisse de l'impôt sur le revenu car elle bénéficie à plus de ménages et à des ménages moins aisés en moyenne. Par contre, elle constituerait une rupture par rapport à l'augmentation tendancielle du taux de cotisation salariés observée au cours des vingt dernières années, en particulier en France et en Italie (graphique 1).

Les prévisions les plus récentes amènent à penser que les déficits publics de l'Allemagne, de la France ou de l'Italie seraient compris entre 3 et 3,2 % du PIB en 1997 ; celui du Royaume-Uni étant légèrement inférieur (2,8 %). Aussi, un tel assouplissement de la politique budgétaire implique de s'affranchir ex ante de la contrainte définie par les critères de Maastricht et le pacte de Stabilité. Cet assouplissement devrait être justifié par le niveau élevé du chômage dans l'ensemble de l'UE et par le déficit de croissance accumulé par les pays européens depuis le début des années 90.

Hypothèses de la simulation

La simulation présentée est une baisse des cotisations sociales salariés d'un montant de 1 point de PIB dans tous les pays de l'UE. La symétrie du choc étudié est destinée à faciliter l'interprétation. Une autre possibilité aurait été de définir une cible pour la politique budgétaire - par exemple un relèvement du niveau maximal de déficit public autorisé par le pacte de Stabilité - chaque pays disposant alors d'une marge de manoeuvre différente pour sa politique budgétaire.

La modélisation des salaires dans le modèle MIMOSA 36( * ) fait porter la négociation salariale sur la rémunération brute, y compris cotisations salariés, mais hors cotisations employeurs conformément à la pratique effective et à ce qu'indiquent la plupart des études empiriques. Dès lors, la baisse des cotisations employés est entièrement absorbée par les salariés par une hausse des salaires nets. Compte tenu de la part des salaires dans le PIB (55 % environ) la baisse du taux de cotisations sociales envisagée ici conduit à une augmentation ex ante de 1,7 % du salaire net moyen. Le salaire brut étant inchangé, la mesure n'affecte pas ex ante le coût du travail pour l'entreprise, ni le taux de chômage d'équilibre.

Si l'on considère une relance mise en oeuvre en 1998, le cadre monétaire est susceptible d'être modifié au cours de la période d'impact de la mesure, du fait de la mise en place de l'UEM. Pour simplifier l'analyse, nous avons supposé ici que la politique monétaire européenne fonctionne pendant toute la période sur le mode en vigueur dans le SME (voir encadré).Deux simulations ont été réalisées correspondant à deux hypothèses sur le comportement des autorités monétaires suite à la relance budgétaire. Dans la première, la Bundesbank mène une politique monétaire accommodante : les taux d'intérêt nominaux restent fixes. Dans ce cas, le taux de change des monnaies européennes se déprécient comme le différentiel d'inflation entre l'Allemagne et les Etats-Unis. Dans la deuxième, la Bundesbank a son comportement usuel : elle augmente son taux d'intérêt à la suite du choc. Aussi, si les monnaies européennes se déprécient à moyen terme, elles s'apprécient à court terme en raison des entrées de capitaux induites par le niveau des taux d'intérêt.

Résultats

Les résultats des simulations sont présentés dans les tableaux 1 et 2. Pour les évaluer, il faut tenir compte de la situation économique telle qu'elle est décrite dans le compte central. Dans la plupart des pays d'Europe, le taux d'inflation est actuellement extrêmement bas, de l'ordre de 2% l'an en Allemagne, Belgique et Pays-Bas, inférieur à 2% en Autriche, Espagne, France et Italie. Il semble de plus que celui-ci ait atteint un plancher : en raison de l'inertie nominale des salaires et des prix, on ne peut guère envisager de voir le taux d'inflation diminuer encore même si le taux de chômage restait à son niveau élevé. En sens inverse, une baisse du taux de chômage devrait avoir un effet moins inflationniste que normalement. Les taux d'intérêt sur le marché monétaire sont de l'ordre de 3,5%. Là aussi, on peut penser que les Banques centrales pourraient être plus accommodantes que normalement dans la mesure où le taux d'inflation est inférieur à leur objectif. Ceci conduit à renforcer la probabilité du premier scénario où les Banques centrales n'augmentent pas leur taux d'intérêt.

La baisse des cotisations salariales constitue un transfert de revenu, de un point de PIB ex ante, des administrations publiques aux ménages. L'accroissement du revenu disponible des ménages provoque une hausse progressive de la consommation et de l'investissement logement qui atteint son point culminant à 2-3 ans dans la plupart des pays européens. Ainsi est amorcée la dynamique usuelle du multiplicateur : la croissance s'accélère en Europe (de 1,2 point par an au cours des trois premières années dans le scénario " taux d'intérêt fixes ", de 0,6 point dans le scénario " taux d'intérêt endogènes "). Le taux de chômage recule durablement respectivement de 1,5 point et de 0,8 point dans le premier et le second scénario.

La baisse des cotisations salariés étant entièrement absorbée par la hausse du salaire net, la mesure n'engendre pas de baisse des prix. A court terme, le niveau des prix est stable dans l'UE, mais à 2-3 ans la baisse du chômage provoque des tensions sur les salaires se traduisant par une hausse de l'inflation : celle-ci atteint 1 point l'an entre la deuxième et la cinquième année dans le scénario 1 ; 0,5 point l'an dans le scénario 2. Ces tensions ne porteraient toutefois pas le taux d'inflation européen au-delà de 3 % à l'horizon 2005, compte tenu de la désinflation tendancielle sous-jacente dans le compte central 37( * ) .

Dans le premier scénario, la dépréciation des monnaies européennes vis-à-vis du dollar atteint 1 % l'an. Dans le deuxième scénario, face à la baisse du chômage dans un premier temps et à l'augmentation de l'inflation dans un second temps, les banques centrales européennes augmentent les taux d'intérêt. Cette hausse atteint 1 point au bout de deux ans, et entraîne une appréciation des monnaies européennes (de 1,3 % à trois ans face au dollar et au yen). La hausse des taux d'intérêt réels et celle du taux de change, en pesant sur l'investissement, la consommation et le commerce extérieur, contribuent à modérer l'impact expansionniste de la mesure.

Le déficit courant de l'UE se creuse de 0,3 point de PIB à trois ans dans le deuxième scénario ; il reste longtemps stable dans le premier en raison des gains de compétitivité de court-terme. Cette dégradation des comptes extérieurs de l'UE n'est cependant pas une source d'inquiétude : en effet, l'UE bénéficie en 1997 d'un excédent courant atteignant 1,4 % du PIB.

En raison de l'ampleur de l'effet multiplicateur provoqué par une relance coordonnée en Europe, les rentrées fiscales s'améliorent fortement. Dans le premier scénario, l'impact ex post sur le solde public est positif dès la troisième année et se stabilise à 0,4 point de PIB. Dans le second, le déficit public se creuse légèrement, en raison d'une croissance plus faible et de l'accroissement des charges d'intérêt sur la dette publique. Le déficit des administrations publiques dans l'UE est plus élevé de 0,8 point de PIB la première année, et de 0,5 point les années suivantes.

Au total, si les autorités monétaires acceptent de ne pas réagir, la mesure permet d'améliorer les finances publiques (de 0,5 point de PIB) et de réduire le chômage (de 1,5 point) au prix d'une hausse de 1 point l'an de l'inflation. Si les autorités monétaires réagissent, le chômage n'est réduit que de 0,8 point, le solde public est dégradé (de 0,6 point de PIB), mais l'inflation n'augmente que de 0,5 point.





2. Une hausse des salaires en France et en Europe

Le niveau des salaires n'est certes pas une variable de politique économique en France ou en Europe. Les pouvoirs publics ne peuvent fixer que les salaires des fonctionnaires et parfois les salaires minimums ; or l'évolution de ceux-ci ne peut socialement ou économiquement s'éloigner nettement de celle de la moyenne des salaires fixés par les négociations salariales ou les marchés. Cependant, il est intéressant d'étudier les conséquences macroéconomiques d'une hausse des salaires, en Europe ou dans un seul pays, que celle-ci soit due à des mouvements sociaux ou à des décisions de politiques économiques qui sont proches macroéconomiquement d'une hausse des salaires (par exemple, hausse des cotisations employeurs pour financer des hausses de prestations sociales).

Hausse des salaires en France

On suppose d'abord que le niveau des salaires augmente de 2 % uniquement en France. La hausse des salaires exerce des effets contradictoires sur les composantes de la demande interne en France. La hausse des revenus réels des ménages accroît la consommation ; par contre la hausse des prix, qu'engendre l'augmentation des coûts salariaux, se traduit par des effets d'encaisse réelle qui obligent les ménages à épargner. Au total, les effets revenus sur la consommation dominent les effets d'encaisse réelle : la consommation augmente. L'investissement privé subit un tassement du fait de la réduction des marges des entreprises. L'inflation s'accroît de près de 0,5 point par an (le niveau des prix est plus élevé de 2,4 % au bout de 5 ans) avec un maximum de 0,8 point l'année où sont augmentés les salaires. Les importations augmentent nettement en raison des pertes de compétitivité et de la hausse de la demande interne, tandis que les exportations se réduisent. La hausse du PIB est très faible (0,2 % la première année, pratiquement rien par la suite) ; les effets sur le chômage sont négligeables.

Evaluer les effets sur les taux d'intérêt et les taux de change de la France d'une hausse des salaires en France dans le cadre du SME n'est guère aisé. D'un côté certains pourraient croire que la hausse des salaires ne permet pas à la France de maintenir fixe la parité du Franc au sein dans la SME ; la hausse des salaires nuirait à la crédibilité de la banque centrale , il y aurait des anticipations de dépréciation qui obligerait la Banque de France à fortement augmenter les taux d'intérêt. D'un autre point de vue, la hausse des salaires ne dégradant pas trop les exportations et les importations de la France, les tensions sur le Franc devraient être limitées. Dans ce cas, la Banque de France peut maintenir un niveau de taux d'intérêt proche de celui de la Bundesbank. C'est ce point de vue que l'on a retenu. Dans ses conditions, le Franc reste stable et la France connaît des pertes de compétitivité.

Une hausse simultanée des salaires en Europe

Si la hausse des salaires (toujours de 2 %) concerne tous les pays européens, il faut distinguer le cas où la politique monétaire est endogène du cas où les taux d'intérêt nominaux restent fixes.

Dans le cas de taux d'intérêt fixes, le taux de change des monnaies européennes se déprécie comme l'inflation en Europe. La hausse des salaires dans toute l'Europe a un effet plus expansionniste que dans les simulations d'une hausse limitée à la France : à 3 ans le PIB est plus élevé de 1,1 %. Les pertes de compétitivité sont annulées par la dépréciation ; l'effet multiplicateur joue d'autant plus fortement que l'Europe est une région relativement fermée. Par contre, le niveau des prix est plus haut de 3,2 % à 5 ans ; ce qui représente un surcroît d'inflation de 0,6 point par an. La réduction du chômage est faible : en Europe la baisse du chômage est au mieux de 0,4 point au bout de 3 ans. L'Italie et le Royaume-Uni subissent, quant à eux, assez vite une légère augmentation du chômage du fait de la substitution capital-travail : la hausse des salaires incite les entreprises à réduire la demande de travail et à augmenter la demande de capital. La balance courante se dégrade légèrement de O,1 point. Le solde public s'améliore en partie du fait de la baisse des taux d'intérêt réels et du surcroît de croissance.

Si la politique monétaire est endogène, les effets sont fortement altérés. La Bundesbank augmente les taux d'intérêt courts de 0,6 à 0,7 point en raison de la baisse du chômage et de la hausse de l'inflation. Malgré cette hausse des taux d'intérêt par rapport aux Etats-Unis, les monnaies européennes se déprécient (de 0,2 % la première année à 1,7 % la 5è année). Les marchés anticipent qu'à terme il faudra une dépréciation pour garantir la compétitivité des pays européens. Et c'est cet effet qui domine dès la première année. Aussi les monnaies européennes se déprécient très faiblement et cette dépréciation s'accroît. La dépréciation est toutefois plus faible que dans le scénario précédent.

Au total, la politique monétaire de la Bundesbank se traduit par une hausse des taux d'intérêt qui vient limiter les effets de hausse de la demande et la dépréciation des monnaies européennes, ce qui limite l'inflation mais induit des pertes de compétitivité. Le surcroît d'inflation n'est que de 0,4 point par an, par contre, la hausse du PIB n'est que de 0,4 % à 3 ans et la réduction du chômage n'est plus que de O,l %.

La hausse des salaires ne permet donc de réduire le chômage que si la politique monétaire est accommodante, si elle accepte une hausse de l'inflation et une dépréciation de la monnaie.





3. Une dépréciation des monnaies européennes

Nous analysons ici les conséquences d'une dépréciation de 10 % des monnaies européennes vis-à-vis des autres monnaies. Les variations de taux de change peuvent avoir des origines diverses. Elles peuvent provenir par exemple soit d'une modification de la politique monétaire, soit d'une modification des anticipations des marchés. Dans le premier cas, une baisse des taux d'intérêt provoque une dépréciation du taux de change. L'effet sur l'activité de la baisse du taux de change est alors renforcé par la réduction du taux d'intérêt. Mais il est ici difficile de distinguer l'impact propre de la dépréciation. Dans le second cas, les effets spécifiques du change sur l'économie sont mieux isolés, puisqu'au départ seul le taux de change est modifié. Les autorités monétaires peuvent toutefois réagir en modifiant les taux d'intérêt. Ces derniers rétro-agissent alors sur le taux de change. Afin d'appréhender les mécanismes à l'oeuvre à la suite d'une dépréciation de l'Euro, nous présentons deux variantes. Dans la première, purement technique, les taux d'intérêt nominaux restent inchangés ; les taux de change sont fixes après la dépréciation. La variante permet donc d'étudier l'effet pur de la dépréciation. Dans la seconde, les politiques monétaires sont endogènes. La BCE fixe le taux court sur l'Euro en fonction de l'évolution de l'inflation et du chômage de l'Union monétaire ; le taux de change nominal évolue selon les écarts de prix et de taux d'intérêt. L'hypothèse technique faite ici est que la Grande-Bretagne reste en dehors de l'Euro (ainsi que la Grèce, la Suède et le Danemark) ; par contre, la monnaie de ces pays se déprécie comme l'Euro.

Une variante technique

Considérons tout d'abord le cas où les taux d'intérêt nominaux restent fixes. La dépréciation de l'Euro procure aux pays de l'UE des gains de compétitivité à court terme qui stimulent leurs exportations et pèsent sur leurs importations. L'augmentation de la demande satisfaite par les producteurs européens conduit à un ajustement à la hausse des capacités de production. L'investissement productif progresse fortement les trois premières années. et le gain pour l'UE en termes de production atteint un maximum au bout de trois ans (+I,9 %).

Par la suite, la diffusion de la hausse du prix des importations dans les économies européennes tend à limiter les gains de compétitivité. Les prix à la consommation sont plus élevés d'environ 3,8 % au bout de 5 ans, soit une inflation supérieure de près de 0,8 point par an. La hausse des prix de l'UE et les baisses de prix aux Etats-Unis et au Japon limitent la dépréciation du taux de change réel de l'Euro, qui n'est plus que d'environ 5 % au bout de 5 ans. L'augmentation des exportations de l'UE, qui atteint 3 % au bout de trois, n'est plus que de 0,9 % au bout de 5 ans. La relance de l'activité entraîne une hausse des importations à court terme (1,8 % à 3 ans), mais ensuite l'effet-prix l'emporte de sorte qu'à 5 ans les importations baissent légèrement (de 0,3 %). Au bout de 5 ans, le surplus de production dans l'UE n'est plus que de 0,3 %, et il s'annule au bout de 10 ans.

Le ralentissement des exportations européennes est également lié à la baisse de la production aux Etats-Unis et au Japon, où la dépréciation de l'Euro a des effets inverses sur la compétitivité. L'impact dépressif sur l'économie américaine apparaît relativement limité à court terme, si bien qu'au cours des trois premières années la production mondiale augmente un peu (0,5 % à 3 ans). A plus long terme, la dépréciation de l'Euro n'a pas d'impact sur le PIB mondial.

Au total, l'impact d'une dépréciation de 10 % de l'Euro est maximum au bout de trois ans. A cet horizon, le PIB de l'UE est plus important de 1,8 %, et le taux de chômage est plus bas d'environ 1 point. Enfin, le solde courant de l'UE s'améliore durablement de 0,3 point de PIB, au détriment de ceux des Etats-Unis et du Japon (respectivement pour 0, 1 et 0,2 point de PIB).

Lorsque les politiques monétaires et les taux de change sont endogènes

Les banques centrales fixent les taux d'intérêt à court terme en fonction de l'inflation et du chômage selon la règle décrite précédemment. Par ailleurs, les marchés anticipent que le taux de change réel de l'Euro s'est déprécié de 10 %. L'inflation en Europe qui suit la dépréciation de l'Euro se traduit donc par de nouvelles dépréciations de l'Euro. La dépréciation de 10 % du taux de change nominal provoque donc une dépréciation durable du taux de change réel.

Les autorités monétaires réagissent à l'effet expansionniste en Europe et récessif aux Etats-Unis et au Japon : dès la première année, le taux court européen augmente de 1 point et le taux court américain baisse de 0,4 ; au Japon, le taux court diminue très progressivement (de 1 point à terme). L'action des banques centrales réduit sensiblement les effets sur l'activité à court terme : le PIB européen n'augmente que de 0,4 % au bout de trois ans.

Mais le taux de change subit deux forces contradictoires. D'une part, l'évolution des taux d'intérêt tend à limiter la dépréciation de l'Euro. D'autre part, les agents anticipent que, compte tenu de la hausse des prix européens, l'Euro devra se déprécier. Dès la deuxième année, c'est ce dernier effet qui domine, si bien que l'impact positif sur la production européenne est plus durable : le PIB de l'UE augmente de 0,6 % au bout de 5 ans, et de 0,3 % à un horizon de 10 ans. De la même manière, l'impact récessif chez les principaux partenaires commerciaux est plus marqué à terme, notamment au Japon où la forte baisse des prix entraîne l'appréciation continue du taux de change nominal du yen.

Au total, la prise en compte de la politique monétaire atténue l'impact d'une dépréciation de l'Euro. A court terme, l'effet positif sur l'activité européenne est nettement moindre. Par contre, la dépréciation continue du taux de change nominal de l'Euro renforce l'impact de moyen terme. L'inflation est légèrement plus forte en Europe ; l'amélioration du solde extérieur est plus durable ; enfin, le solde public est moins amélioré en raison de la hausse des taux d'intérêt.

L'Europe étant une zone relativement fermée, l'impact de son taux de change sur son niveau d'activité et son inflation est réduite, ce d'autant plus que la BCE réagit à une hausse de l'inflation. Là encore, le bas niveau d'inflation et le fort niveau de chômage en Europe actuellement permettent de penser que l'effet inflationniste sera réduit et donc que la réaction de la BCE pourrait être atténuée.



ANNEXE N° 3


LES DIFFICULTÉS DE MESURE ET DE COMPARAISON
DE LA DURÉE DU TRAVAIL

A. LES PRINCIPAUX INDICATEURS DE LA DURÉE DU TRAVAIL EN FRANCE

· Dans le cadre de son enquête annuelle sur l'emploi, l'INSEE demande aux personnes interrogées leur durée de travail effective lors de la semaine précédant l'enquête, ainsi que leur durée habituelle de travail.

Selon l'INSEE, la durée habituelle de travail des salariés à temps complet, hors enseignants, s'établit ainsi à 41 h 05 par semaine .

DURÉE HEBDOMADAIRE HABITUELLE DE TRAVAIL EN 1995

(en heures)

 

Salariés à temps complet

Ensemble des salariés

- Cadre, professions intellectuelles 1

- Professions intermédiaires 1

- Employés

- Ouvriers

- Ensemble

44,8

41,0

40,3

40,3

41,1

43,2

38,9

34,9

38,1

38,4

1. Hors enseignants.

Source : INSEE, enquête emploi de 1995.

Par ailleurs, la durée habituelle de travail moyenne des agriculteurs exploitants serait identique à celle des artisans, commerçants et chefs d'entreprise : 51,3 heures. Au total, compte tenu des enseignants, la durée habituelle de travail des actifs occupés était de 38,4 heures par semaine en 1995.

· A partir des résultats de l'enquête emploi et des enquêtes du ministère de l'Emploi 38( * ) , les comptables nationaux de l'INSEE élaborent depuis 1970 des séries de durée annuelle du travail :

- une durée annuelle effective , par branche, pour l'ensemble des salariés . Cette durée annuelle effective s'établirait à 1529 heures en 1996. Elle tient compte du nombre de journées non travaillées pour cause de congés, d'intempéries, de maladie ou de grève, ainsi que du travail à temps partiel (l'adjonction des salariés à temps partiel - 16 % de la population active en 1997 - faisant baisser d'environ 8 % la durée effective annuelle moyenne) ;

- une durée annuelle effective pour l'ensemble des actifs ( 1645 heures en 1996 ). L'écart entre ce chiffre et le précédent résulte notamment de l'adjonction des indépendants, dont la durée de travail effective moyenne est plus élevée, ainsi que de l'ajout d'une estimation du travail au noir.

B. LES INCERTITUDES DE LA MESURE DE LA DURÉE DU TRAVAIL

La mesure de la durée du travail est traditionnellement délicate en raison notamment :

- des variations conjoncturelles de la durée du travail, sous les effets du climat, de l'activité économique et du calendrier 39( * ) ;

- des difficultés de mesure des heures supplémentaires effectives, notamment pour les cadres et les salariés à temps partiel. Celles-ci varient, en effet, du simple au double selon qu'est retenu le point de vue des employeurs ou celui des salariés ;

- des difficultés de mesure du temps de travail des indépendants et de certaines professions, comme les enseignants ou les professions pour lesquelles le code du travail a institué des régimes d'équivalence en matière de durée du travail pour tenir compte de périodes d'inactivité (hôtellerie, transport routier, agriculture), si bien que le temps de présence légal y est très nettement supérieur à 39 heures.

· Par ailleurs, alors qu'on assistait jusqu'au début des années 1980 à un double mouvement de convergence et d' uniformisation de la durée hebdomadaire du travail autour de la durée légale (ramenée de 40 heures à 39 heures par semaine en 1982), cette évolution s'est inversée sous les effets des aspirations différenciées des salariés , comme du développement de nouvelles formes d' organisation des entreprises . Plusieurs phénomènes concourent ainsi à rendre la mesure de la durée du travail de plus en plus difficile :

- L' individualisation croissante des temps de travail, sous la forme notamment du développement du travail à temps partiel, comme de l'extension des horaires mobiles (23 % des salariés en 1995, contre 11 % en 1978) .

- Le développement progressif de la modulation et de l'annualisation du temps de travail, qui se traduit par une irrégularité croissante de la journée et de la semaine de travail.

- La sensibilité croissante de la durée du travail effective à la conjoncture économique, via les heures supplémentaires et un recours plus important au chômage partiel 40( * ) .

- Le creusement des disparités de temps de travail entre les différentes catégories de travailleurs. Entre 1985 et 1995 le temps de travail habituel des cadres et des agents de maîtrise s'est ainsi accru, tandis que celui des autres catégories professionnelles tendait à se réduire, ce phénomène reflétant l'inégale diffusion du temps partiel.

Au total, la part des actifs déclarant travailler plus de 45 heures par semaine serait ainsi passée de 15,4 % en 1983 à 22,6 % en 1995, selon l'INSEE, cependant que la part des salariés à temps partiel (moins de 32 heures hebdomadaires) dans l'emploi total serait passée de 9,6 % en 1983 à 16 % en 1996. La relative stabilité des durées du travail mesurées par l'INSEE et la DARES 41( * ) dissimule donc des situations individuelles de plus en plus hétérogènes, ce qui tend à altérer la fiabilité et la signification des indicateurs de la durée moyenne du travail.

C. LA SIGNIFICATION DE LA DIMINUTION DE DURÉE DU TRAVAIL TEND À SE BROUILLER

Historiquement, le concept de durée du travail est lié au développement du salariat traditionnel, c'est-à-dire du passage d'un travail orienté à la tâche vers un travail mesuré par le temps et organisé selon des horaires collectifs.

Ce concept est désormais brouillé par l'interpénétration croissante entre travail et non-travail, c'est-à-dire l'atténuation de la frontière entre travail et non-travail à l'échelle de la semaine, de l'année, comme de la vie, en raison du développement de la formation professionnelle (incluse dans le temps de travail effectif), comme des efforts d'autoformation des salariés (qui n'y sont pas inclus), des stages, des astreintes (télétravail, travail sur appel, travail fractionné), des formules de temps partagé (préretraite progressive, temps partiel), etc.

Par ailleurs, les mesures actuelles de la durée du travail ne peuvent rendre compte de l'importance du travail dans la vie des actifs. La durée effective du travail ne prend ainsi pas en compte le travail domestique, ni les temps d'occupation induits par le travail : temps passé dans l'entreprise et non inclus dans le temps de travail effectif, comme les pauses, l'habillage, etc., temps de transports 42( * ) .

Enfin, les statistiques synthétiques de la durée du travail ne rendent pas compte de l'évolution de l' intensité du travail , ni de celle des effets de l' organisation du travail, alors que les enquêtes de l'INSEE et de la DARES, suggèrent " la perception par les salariés d'une intensification du travail depuis le milieu des années 1980 et plus généralement d'un accroissement des contraintes de temps qui pèseraient sur eux, à travers des délais à la fois précis et serrés " 43( * ) . De même, les statistiques relatives à l'étendue de la journée de travail, qui mesure le temps passé entre le début et la fin de la journée de travail, (pauses et temps du déjeuner inclus), et est un indicateur du temps contraint par le travail, suggèrent que la part des salariés ayant de longues journées augmente, surtout parmi les cadres : pour 18 % d'entre eux l'étendue de la durée du travail excédait 11 heures en 1991.

D. LA PERTINENCE DES INDICATEURS DE LA DURÉE DU TRAVAIL DES SEULS ACTIFS DOIT ÊTRE RELATIVISÉE

La durée hebdomadaire ou annuelle des seuls actifs occupés reflète mal la mobilisation des capacités de travail d'une Nation. En effet, les indicateurs actuels de la durée du travail ne tiennent pas compte de la forme extrême de partage du travail que constitue le chômage. De même, les pays occidentaux se caractérisent par des écarts de taux d'activité (ratio population active/population en âge de travailler) considérables -de 58 % en Italie à 80 % au Danemark-, dont les indicateurs habituels de durée du travail ne rendent pas compte. Pour évaluer la mobilisation des capacités de travail d'une Nation, il est ainsi souhaitable de combiner les indications fournies par la proportion de personnes en âge de travailler qui occupent effectivement un emploi - le " taux d'emploi " - et par leur durée moyenne de travail (cf. tableau ci-après).

Par ailleurs l'augmentation de l' espérance de vie , la tendance à l'allongement de la formation initiale, à la multiplication d'itinéraires complexes en fin de vie active et le développement de dispositifs favorisant à tous les âges des aller-retour entre activité et non-activité (congé parental d'éducation, compte épargne temps, congés de longue durée, formations en alternance), invitent à appréhender le temps de travail sur l'ensemble du cycle de vie . Le calcul et l'interprétation des indicateurs du temps de travail sur l'ensemble du cycle de vie sont toutefois extrêmement complexes, en raison des effets de génération . Par exemple, les nouveaux retraités actuels sont le plus souvent entrés très jeunes dans la vie active, cependant que les jeunes actifs d'aujourd'hui entreront probablement en retraite à un âge plus avancé que leurs aînés.

E. LES COMPARAISONS INTERNATIONALES DE LA DURÉE DU TRAVAIL SONT DIFFICILES

Alors que les instituts statistiques nationaux se sont efforcés d'harmoniser leurs définitions du chômage, du PIB, etc., il n'existe pas de définition universelle de la durée du travail. Ainsi, les pauses, la formation, les temps syndicaux, les astreintes, les heures supplémentaires, sont intégrés de manière divergente dans les indicateurs de la durée du travail, en fonction le plus souvent des spécificités des droits du travail nationaux. En outre, les comparaisons internationales peuvent être biaisées par des divergences de méthodologie statistiques 44( * ) . Au total, l'OCDE, qui recense des données nationales sur la durée du travail présentées ci-après, précise que ces données " visent à effectuer des comparaisons de tendance dans le temps ; en revanche, à cause de la disparité des sources, elles ne permettent pas des comparaisons en niveau " 45( * ) .

Toutefois, l'Office statistique des Communautés européennes, EUROSTAT , conduit des enquêtes sur les conditions de travail de manière identique dans l'ensemble des pays de l'Union européenne, et propose ainsi, pour ces pays, des estimations comparables de la durée du travail, présentées ci-après.

· Par ailleurs, la diversité des durées du travail observées reflète la diversité des réalités institutionnelles, économiques et sociales selon des mécanismes difficiles à appréhender.

Ainsi, la durée effective du travail est susceptible de variations importantes au cours du cycle économique . De même, le nombre de congés maladie déclarés varie dans les pays de l'OCDE dans une proportion de 1 à 7 en fonction de l'organisation des systèmes d'assurance maladie, la France se situant sur ce point dans la moyenne. Enfin, la durée annuelle du travail reflète très largement le poids relatif des différents secteurs dans l'économie 46( * ) , la part de l'emploi indépendant 47( * ) , le développement de l' emploi féminin 48( * ) , l'inégale diffusion du temps partiel, le rôle de la formation en alternance, des préretraites partielles, etc.

Au total, selon qu'on l'effectue sur la semaine, sur l'année ou sur l'ensemble de la vie active, la comparaison internationale de la durée du travail aboutit à des diagnostics différents. Il est donc nécessaire de recourir à l'ensemble des indicateurs du marché du travail recensés ci-après : taux d'activité en fonction de l'âge, part de l'emploi à temps partiel, taux de chômage, dispersion des temps de travail individuel, temps de travail sur le cycle de vie, etc.







1 Le taux de croissance potentiel peut être défini comme celui que peut " supporter " une économie sans tensions inflationnistes.

2 Voir Note n° 29 du 22 mai 1997 du Département des Etudes Economiques d'Ensemble de l'INSEE.

3 Il faudrait ajouter que l'INSEE calcule cette balance commerciale structurelle en neutralisant les effets du dynamisme de la demande mondiale adressée à la France, consécutif à l'émergence des pays non industrialisés.

4 Voir note n° 31 du Département des Etudes Economiques d'Ensemble du 22 mai 1997.

5 Il faut en effet rappeler, certes de manière approximative, que lorsque le salaire par tête évolue comme la productivité, la masse salariale totale (salaire par tête x effectifs) évolue comme le PIB (productivité x effectifs) et le partage de la valeur ajoutée est stabilisé.

6 Bien que les pouvoirs publics fixent les salaires des fonctionnaires et les salaires minimums, les évolutions salariales ne résultent pas de décisions de politique économique (sauf à imaginer une mesure de hausse des cotisations employeurs servant à financer des augmentations de prestations sociales). Il est cependant intéressant de simuler les effets des hausses de salaires pouvant résulter des négociations salariales.

7 Encore le modèle ne met-il pas en évidence d'accélération de la substitution du capital au travail en cas d'augmentation des salaires. On peut donc supposer que les effets sur l'emploi de la mesure seraient plus défavorables en réalité que ce que décrit le modèle.

8 La croissance potentielle est définie ici comme celle permettant la stabilisation du taux de chômage.

9 Voir notamment le Rapport d'information n° 65 SÉNAT (1995-1996) présenté par M. Bernard BARBIER au nom de la Délégation pour la Planification.

10 Comme le montre un calcul arithmétique rapide, le déficit public qui stabilise le ratio dette/PIB est tel que l'accroissement de la dette qu'il entraîne et l'accroissement du PIB sont proportionnels au ratio initial dette/PIB. On calcule ainsi le déficit stabilisant la dette, égal au taux de croissance en valeur du PIB (soit 3,7 % dans la projection) x le ratio de dette initial (soit 57 % en 1997) = 2,1 %.

11 Les actes de ce Colloque figurent dans le rapport d'information SÉNAT (1996-1997) n° 315 " Perspectives de l'économie mondiale à l'horizon 2005 ", présenté au nom de la Délégation pour la Planification par M. Bernard BARBIER.

12 Depuis la crise financière de la fin octobre, la parité dollar/franc paraît se stabiliser autour de 5,75 F.

13 En effet, si le potentiel de croissance de l'économie américaine est, en terme nominal, de 5 % (2,4 % de croissance en volume, + 2,6 % d'inflation) l'endettement extérieur des Etats-Unis peut être stabilisé sur la base du besoin du financement actuel de l'économie américaine (soit 2 % du PIB), donc du taux de change actuel du dollar. En effet si le PIB = 100, la dette extérieure = 40, avec une croissane nominale du PIB de 5 % et un besoin de financement de la Nation de 2 %, la dette extérieure devient 42 = 40 %.

105

14 Article 109, alinéa 2 :

" En l'absence d'un système de taux de change vis-à-vis d'une ou de plusieurs monnaies non communautaires au sens du paragraphe 1, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée soit sur recommandation de la Commission et après consultation de la BCE, soit sur recommandation de la BCE, peut formuler les orientations générales de politique de change vis-à-vis de ces monnaies. Ces orientations générales n'affectent pas l'objectif principal du SEBC, à savoir le maintien de la stabilité des prix. "

15 En effet, le Danemark, la Norvège et la Suède se caractérisent par des taux d'emploi très élevés (de 73,5 % à 75 %), la forte diffusion du temps partiel, une productivité élevée et une durée du travail par actif occupé relativement faible, ces caractéristiques s'expliquant pour partie par une structure d'emploi particulière (faible part de l'agriculture, prépondérance des services et des industries à haute valeur ajoutée, importance de l'emploi féminin).

16 Cf. sur ce point, le rapport du groupe de travail du Plan présidé par notre collègue Joël BOURDIN " Démographie, développement économique et finances publiques ", 1996.

17 Cf. notamment l'Avis du Conseil économique et social des 12-13 avril 1994, préconisant une gestion différente de l'articulation entre les différentes périodes d'activité, afin de les rendre moins étanches les unes aux autres, ou le rapport publié en 1996 par l'OCDE " Pour un vieillissement actif ".

18 L'utilisation des congés parentaux demeure faible, de l'ordre de 10 % des familles concernées, contre la quasi-totalité des familles en Allemagne, en Finlande, en Norvège et en Suède.

19 Rapport de Pierre CABANES sur l'aménagement et la réduction du temps de travail en introduction à la rencontre tripartite du 8 juillet 1996 (Gouvernement et partenaires sociaux).

20 En effet, 100 salariés x 39 heures = 111 salariés x 35 heures.

21 Cf. sur ce thème, Jacques FREYSSINET, Le temps de travail en miettes , 1997.

22 Direction de l'Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques du ministère de l'Emploi et de la Solidarité (Liaisons sociales Documents n° 67/96, 1996).

23 Sous l'hypothèse d'une augmentation de 20 % de la durée moyenne du travail des salariés à temps partiel contraint.

24 Cf. Lettre de l'OFCE, juillet 1997.

25 Jacques FREYSSINET, Directeur de l'Institut de Recherches en Economie Sociale, In Le temps de travail en miettes, 1997.

26 En effet, 47 semaines x 4 heures égalent 168 heures.

27 La projection a été réalisée avant la crise financière asiatique de la fin du mois d'octobre.

28 Voir Rapport d'information Sénat n° 315, 1996-1997, présenté au nom de la Délégation pour la Planification par M. Bernard BARBIER.

29 Les gains de productivité annuels entre 1974 et 1989 étaient de 2,3 % en moyenne, puis de 1,5 % en moyenne entre 1990 et 1996.

30 On observe une relation inverse entre salaires et niveau de chômage - ou " Courbe de Phillips " - dans tous les modèles macroéconomiques.

31 En prenant les prix du PIB comme déflateur.

32 En prenant les prix du PIB comme déflateur.

33 Dans les définitions de la comptabilité nationale, il s'agit essentiellement des dépenses hospitalières hors dépenses de personnel et d'investissement.

34 Ces mesures sont contenues dans la loi du 22 juillet 1993 sur la sauvegarde de la protection sociale.

35 Ces dépenses sont considérées en Comptabilité nationale comme des prestations sociales. Il s'agit toutefois de prestations sociales versées par l'Etat et non par les organismes de Sécurité sociale.

36 Voir: Coquet B. et H. Le Bihan, 1996: " La boucle prix-salaires dans MIMOSA ", Document de travail MIMOSA n° M-96-03, novembre.

37 Voir: MIMOSA, 1997 : " La croissance est ailleurs ", in Perspectives de l'économie mondiale à l'horizon 2005 , Rapport du Sénat n °315, mars.

38 Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité réalise chaque trimestre une enquête auprès des établissements de plus de dix salariés des secteurs marchands non agricoles sur l'activité et les conditions d'emploi de la main-d'oeuvre, dite enquête ACEMO. Cette enquête permet d'estimer une durée hebdomadaire " offerte " du travail, qui représente d'une certaine manière le point de vue des employeurs sur la durée du travail à temps complet des salariés non cadres. Depuis 1983 cette durée hebdomadaire offerte est quasiment stable à 39 heures par semaine, car cette statistique ne tient pas compte du temps partiel et prend peu en compte l'impact de mécanismes tels que le chômage partiel et les heures supplémentaires.

39 Par exemple, une année bissextile accroît la durée du travail effective annuelle d'environ 0,3 %, cette variation étant de même ordre de grandeur que l'évolution tendancielle de la durée du travail

40 L'augmentation du nombre de journées de chômage technique indemnisées de 2 millions en 1990 à 12 millions en 1993 s'est ainsi traduite par une baisse de près d'une demi-heure par semaine de la durée effective du travail dans l'industrie.

41 Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques du Ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

42 Selon les enquêtes de l'INSEE, ceux-ci seraient en augmentation et représenteraient en moyenne 1 h 20 par jour en Ile-de-France et 0 h 50 ailleurs.

43 " La réduction du temps de travail " INSEE-Liaisons-Sociales-DARES, 1997.

44 Par exemple, un changement de méthode statistique de référence a conduit l'OCDE à réviser en 1996 la durée du travail aux États-Unis à la hausse de plus de 160 heures par an (+ 9 %).

45 OCDE, Perspectives de l'emploi , juillet 1997.

46 Ainsi, la durée habituelle moyenne du travail est significativement plus longue dans l'agriculture (de 41,8 heures par semaine en Italie, à 60,3 heures par semaine en Irlande -48,4 heures pour la France en 1990 selon EUROSTAT) ce qui influence d'autant plus la durée globale du travail que le poids de l'agriculture dans l'emploi est élevé : la prise en compte de l'emploi agricole augmente la durée moyenne du travail de 0,5 % en Italie, 0,6 % au Royaume-Uni, 1,6 % en France et de 7 % en Irlande.

47 La part des emplois indépendants dans l'emploi total varie de 1 à 4 en Europe (de 11 % en Allemagne à 48 % en Grèce en 1990, la France se situant, avec 16 %, légèrement en deçà de la moyenne européenne).

48 Selon une étude de la Direction de la Prévision, " Le temps de travail un concept de plus en plus complexe ", Yves GUEGANO, Économie et Prévision n° 115, 1994, " l'Italie affiche ainsi une durée hebdomadaire du travail supérieure à la moyenne de l'Union européenne principalement parce que l'emploi féminin y est très peu développé : les hommes travaillent moins longtemps dans la semaine qu'un Européen en moyenne, mais ils occupent plus de 65 % des emplois, contre 60,7 % en moyenne dans l'Union européenne à douze ".

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