B. UNE DIFFICILE RECONSTRUCTION POLITIQUE ET ECONOMIQUE

Votre délégation s'est rendue en Albanie quelque trois mois après la mise en place de nouveau gouvernement et le départ de la force multinationale. Elle en a retenu l'impression d'une vie politique encore très tendue, d'un retour progressif mais fragile à l'ordre public et d'une économie sinistrée dont le rétablissement passe obligatoirement par l'aide internationale.

1. Une vie politique encore très tendue

L'apprentissage du pluralisme et de la démocratie demeure incontestablement imparfait en Albanie. Vos rapporteurs ont relevé quatre caractéristiques qui contribuent à alourdir le climat politique.

Tout d'abord, le débat politique est extrêmement radicalisé . Comme vos rapporteurs l'ont constaté à la lecture de la presse, il est souvent marqué par l'outrance verbale et l'invective, voire la violence physique : le président de la commission de la défense de l'Assemblée populaire a été atteint en plein Parlement par un coup de pistolet tiré par un député qui souhaitait "venger" un affront public. De même, les relations entre autorités politiques relèvent plus souvent du rapport de force que de la négociation et de la conciliation. Dans ce contexte, il faut souligner le rôle modérateur qu'entend jouer le Président de la République, M. Meidani, qui a démissionné du parti socialiste dès sa prise de fonction pour marquer son attachement à l'unité nationale.

Deuxièmement, la régularité des consultations électorales , et donc la légitimité du Parlement, sont contestées de manière récurrente. Pas plus que le parti socialiste en 1996, le parti démocratique n'a admis sa défaite électorale du printemps 1997 et il a décidé en conséquence de boycotter les travaux du Parlement . Le parti démocratique, principale force d'opposition, a laissé vacants les différents postes, notamment les présidences de commissions, qui lui étaient attribués au sein de l'Assemblée populaire en vertu de la répartition proportionnelle. Il s'exprime par voie de presse ou de manifestations de rues et réclame de nouvelles élections anticipées. Seuls les petits partis d'opposition, dont l'audience électorale est beaucoup plus faible, (parti républicain, Front national, royalistes) participent au fonctionnement du Parlement.

Troisièmement, les règles du pluralisme et de l'impartialité de l'Etat ont du mal à s'imposer, quel que soit le pouvoir en place. Deux exemples sont particulièrement significatifs. Le traitement de l'information par la télévision nationale est un thème de contestation permanent et l'ancien président du Parlement, M. Arbnori, a conduit l'été dernier une grève de la faim pour protester contre la censure dont l'opposition faisait selon lui l'objet. Le Président du Sénat, M. Monory, avait au demeurant intercédé en sa faveur auprès des autorités albanaises. D'autre part, l'alternance politique du mois de juin 1997 s'est traduite par d'importants changements de titulaires dans l'armée, la magistrature, les administration centrale et territoriale qui soulèvent, eux aussi, de vives contestations, moins quant à leur principe qu'en raison de leur ampleur et du sort réservé à ceux qui quittent leurs fonctions.

Enfin, la mise au point d'un projet de Constitution piétine. La commission parlementaire chargée de proposer un texte est présidée par un député de l'opposition, membre du parti républicain, mais elle est boycottée par le parti démocratique. Certes, l'Albanie ne se trouve pas dans un vide institutionnel puisque les lois constitutionnelles provisoires permettent d'assurer le fonctionnement des pouvoirs publics. Mais il est révélateur que l'élaboration d'un nouveau texte achoppe sur des questions telles que l'équilibre des pouvoirs entre le Président de la République, le Premier ministre et le Parlement, ou encore l'indépendance de la justice.

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