B. QUELLE REVISION DE LA CONSTITUTION ?

Une révision éventuelle de l'article 88-4 devrait essentiellement porter sur le champ d'application de ce dernier. Nous avons vu précédemment qu'un grand nombre de textes communautaires échappent au contrôle du Parlement français, compte tenu de la rédaction de l'article 88-4 de la Constitution et de l'interprétation qu'en ont fait le Gouvernement et le Conseil d'Etat.

Afin que le contrôle du Parlement français s'exerce sur la politique conduite par le Gouvernement en matière européenne, il conviendrait que l'article 88-4 permette au Parlement français de se prononcer sur :

- les propositions d'actes relevant des deuxième et troisième piliers de l'Union européenne et comportant des dispositions de nature législative ; la ratification du traité d'Amsterdam permettra automatiquement au Parlement français de se prononcer sur certaines matières qui lui échappaient jusqu'à présent, compte tenu du transfert de certaines matières du troisième pilier de l'Union dans le premier pilier (libre circulation des personnes, asile, immigration). Toutefois, le Parlement devrait également pouvoir prendre position sur les matières restant dans le troisième pilier, telles que la lutte contre le racisme et la xénophobie, le terrorisme, le trafic de drogue. Les textes qui seront proposés dans ces matières comporteront probablement très souvent des dispositions de nature législative ;

- les projets d'accords interinstitutionnels ; cela permettrait au Parlement français de connaître de textes négociés entre le Conseil de l'Union européenne, la Commission européenne et le Parlement européen tels que l'accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire ou l'accord interinstitutionnel sur la procédure budgétaire applicable aux dépenses opérationnelles en matière de politique étrangère et de sécurité commune (PESC) ; ces textes revêtent une grande importance, dans la mesure où ils peuvent conduire à modifier l'équilibre institutionnel défini par les traités ;

- les documents de consultation de la Commission européenne ; ces documents peu nombreux visent à susciter le débat le plus large avant qu'une proposition normative soit formulée. Parmi les documents récents entrant dans cette catégorie, on peut citer Agenda 2000, précédemment évoqué, ou la communication de la Commission européenne sur " Un système commun de TVA ". Il est souhaitable que les assemblées puissent prendre position le plus en amont possible pour avoir une chance d'être entendues. L'adoption de résolutions au titre de l'article 88-4 n'entrant pas dans la fonction législative du Parlement, il ne paraît pas anormal qu'elle puisse intervenir à propos de documents non normatifs qui constituent en fait la première étape de l'élaboration de directives communautaires.

Par ailleurs, nous avons vu que la transmission au Sénat et à l'Assemblée nationale des seules propositions d'actes communautaires comportant des dispositions de nature législative avait conduit à de fâcheuses conséquences, les assemblées ne pouvant prendre position sur certains textes très importants, tels que les propositions de prix agricoles, dans la mesure où de tels textes relèveraient en droit français du pouvoir réglementaire. Dans ces conditions, l'article 88-4 nouveau pourrait permettre au Gouvernement de transmettre aux assemblées des textes ne contenant pas de dispositions de nature législative, mais dont l'importance est susceptible de justifier une prise de position de l'Assemblée nationale ou du Sénat.

D'aucuns ont évoqué l'idée d'inscrire dans la Constitution la nécessité d'un délai minimum laissé aux Assemblées pour déterminer leur attitude sur les propositions qui leur sont transmises. Comme nous l'avons vu précédemment, le Gouvernement, depuis la circulaire du Premier ministre en date du 19 juillet 1984, accepte d'ores et déjà de laisser un mois aux Assemblées pour déterminer leur attitude sur une proposition d'acte communautaire. Pendant cette période, le Gouvernement s'engage à invoquer au sein du Conseil de l'Union européenne une réserve d'examen parlementaire si la proposition en cause est inscrite à l'ordre du jour en vue d'une décision. Si l'une des assemblées manifeste son intention d'intervenir sur un texte par le dépôt d'une proposition de résolution, le Gouvernement invoque alors la réserve d'examen parlementaire jusqu'à ce que l'Assemblée concernée ait achevé la procédure d'adoption de la résolution.

Il semble que l'inscription d'un délai minimal dans le texte de la Constitution présente plus d'inconvénients que d'avantages . En effet, une certaine souplesse demeure nécessaire dans la mise en oeuvre du délai minimum, dans la mesure où certaines situations d'urgence justifient que le Gouvernement demande aux assemblées de se prononcer en urgence sur certaines propositions. Par ailleurs, comme nous l'avons vu, le protocole relatif aux Parlements nationaux annexé au traité d'Amsterdam prévoit désormais un délai de six semaines entre la transmission par la Commission européenne d'une proposition au Conseil de l'Union européenne et l'inscription à l'ordre du jour du Conseil de cette proposition en vue d'une décision. De ce fait, les propositions d'actes de l'Union européenne ne devraient plus, sauf exception, être examinées dans des conditions de précipitation rendant impossible l'exercice par le Parlement français de ses prérogatives constitutionnelles. C'est pourquoi votre rapporteur n'a pas estimé nécessaire l'inscription dans la Constitution d'un délai minimum pour l'examen des propositions d'actes de l'Union européenne.

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