F) LE RÔLE DE L'ETAT

Il semble désormais tout à fait exclu que l'Etat prétende gérer lui-même des entreprises du secteur concurrentiel et se livrer, comme il l'a fait par le passé, à des parties de mécano industriel tendant à constituer des " champions nationaux " ou à restructurer de grands groupes.

Les politiques dirigistes de l'offre ne sont plus, on l'a vu, adaptées à un contexte marqué par l'accélération des évolutions techniques et commerciales et par l'intensification de la concurrence à tous les niveaux (national, européen, mondial) et dans tous les domaines.

Mais l'Etat, garant des intérêts supérieurs de la Nation et de l'intérêt général, de même, pour l'Union européenne et par application du principe de subsidiarité, que les autorités communautaires, ne peuvent se désintéresser de tout ce qui concerne :

n l'Education :

n la Recherche ;

n la Prospective (par-delà les évolutions à court terme du marché, dictées par les intérêts particuliers des compétiteurs) ;

n le Service Public Universel et l'égalité d'accès au NTIC ;

n Leur environnement normatif et juridique (standards, droit de la concurrence, régulation des contenus, attribution de fréquences, fiscalité...) ;

n Enfin, les infrastructures.

Concernant plus particulièrement les entreprises, qui nous intéressent ici, j'insisterai plus particulièrement sur :

n leur environnement fiscal et administratif qui doit être rendu plus favorable (cf. considérations qui précèdent) ;

n les infrastructures qui font l'objet de la sollicitude des Gouvernements japonais et américains (67( * )), tandis que, comme le note " Usine Nouvelle du 13 novembre 1997 ", l'Europe risque d'être le parent pauvre d'Internet 2, avec les 34 Megabit/s de son réseau TEN-34 (Trans European Network) qui connecte les grands centres de recherche du vieux continent (son successeur Quantum, devrait, cependant, approcher les 155 mégabits/s, mais à quelle échéance ?) ;
- enfin, la recherche, l'intensification de la concurrence dans le secteur des télécommunications peut laisser craindre un pilotage de celle-ci par l'aval et une remise en cause du rôle éminent du CNET qui pourrait être tenté par un repli sur soi.

On doit à cet établissement beaucoup des acquis scientifiques et industriels français mais une trop grande dépendance à son égard de l'ensemble des acteurs de la filière, notamment des PME, constitue aujourd'hui un point faible. Des modalités plus souples et spécifiques de recherche associative, se substituant partiellement aux " grands projets " seraient nécessaires.

Le rapport de MM. Lombard et Kahn sur l'avenir de la recherche et développement française dans le secteur des télécommunications a préconisé, notamment :
n la fédération, en amont, des pôles de compétence en un réseau national de recherche (CNET, INRIA , CNRS , CEA , universités et écoles...) ;

n dans le domaine des applications, des coopérations entre opérateurs, chercheurs du secteur public et équipementiers, en veillant à y associer les PME, et avec le soutien des pouvoirs publics à de grands projets à forts enjeux de société (éducation, santé).
Je souscris à ces recommandations tout en estimant que ce rapport traite insuffisamment :
n des télécommunications spatiales (pour lesquelles un renforcement des compétences du CNES est absolument nécessaire) ;

n des implications de la convergence entre les télécommunications (notre point fort essentiel) et l'informatique (notre principal point faible) ;

n du rôle stratégique et industriel essentiel des composants.
La France pourra-t-elle demeurer un des seuls grands pays industriels dans lesquels l'Etat n'aide pas directement la R & D en télécommunications, les opérateurs étant déjà mis à contribution pour la péréquation géographique ?

Ne sommes-nous pas handicapés par l'insuffisante mobilité de nos chercheurs (entre laboratoires, du public au privé, vers les PME innovantes) ? ou par le fait que des coopérations naturelles en d'autres lieux (comme la Silicon Valley) laissent, chez nous, à désirer ?

Par ailleurs, la force de nos positions dans les télécommunications peut se trouver menacée par la faiblesse de celles que nous occupons en informatique La convergence, entre les deux, risque de s'effectuer au profit de cette dernière, dont le taux de croissance est beaucoup plus rapide et qui prend de plus en plus d'importance.

Deux domaines me semblent particulièrement cruciaux.

Le logiciel (qui permet de relever les défis de la surabondance de données accessibles et de la complexité engendrée par la diversification des techniques, des réseaux et des normes) ;

les composants et, plus particulièrement, les " média-processeurs " qui seront au coeur des multiples terminaux multimédia de demain (PC, décodeurs TV, mobiles...).

Le traitement des signaux multimédia, l'intégration dans le silicium des fonctions correspondantes, le génie logiciel susceptible d'améliorer la convivialité et l'interopérabilité des différents systèmes, me paraissent des priorités absolues. Or, dans ces domaines, le niveau d'investissement en R & D des géants américains (Microsoft et Intel) est particulièrement difficile à égaler.

Mais, d'une façon générale, je préfère à la subvention tout ce qui peut contribuer à améliorer l'environnement fiscal et administratif des entreprises et à donner leur chance aux jeunes sociétés innovantes.

Le Gouvernement vient d'annoncer 37 mesures de simplification administratives qui vont dans le bon sens (déclaration unique d'embauche généralisée, inscription en un jour au lieu de cinq d'une entreprise au registre de commerce, bulletin de paie allégé pour les sociétés de moins de 10 salariés...).

D'autres dispositions seraient souhaitables, notamment pour faciliter les procédures d'exportation ou en ce qui concerne les marchés publics d'un montant de moins de un million de francs ne donnant pas lieu à appel d'offres...

Mais, il reste surtout à mettre en oeuvre le fameux guichet unique concernant les aides et les transferts de technologie aux entreprises à un échelon qui demeure à déterminer (région, organismes consulaires, services régionaux du ministère de l'industrie ?..).

Des mesures fiscales spécifiques d'encouragement à l'utilisation de micro-ordinateurs en réseaux pourraient être envisagées à destination des très petites entreprises souvent exclues des dispositifs d'aide actuels (particulièrement dans le secteur des services et pour des investissements de faible montant).

Un rapport du Plan avait proposé d'accorder à celles nouvellement créées une aide généralisée d'environ 50.000 F, dans la limite de 50 % des capitaux engagés (sous la forme, par exemple d'une subvention remboursable à partir de la troisième année). Cette aide pourrait être adaptée à l'acquisition de matériels informatiques pour les petites entreprises nouvellement créées.