D) LES PROBLÈMES DE STANDARDS

Ce foisonnement d'offres techniques, souvent rivales, risque d'aller à l'encontre même de la convergence qui les a suscitées et dont elles sont l'enjeu.

Des exemples nombreux en ont été donnés, avec les difficultés de standardisation qui surgissent en matière d'accès conditionnel aux programmes payants de télévision par satellite, de téléphonie mobile, et même, on vient de le voir sur Internet, en ce qui concerne le Webcasting et les navigateurs d'accès aux bases de données..

La convergence monopolistique, par élimination des concurrents telle que Microsoft, semble la concevoir, va-t-elle finir par s'imposer ?

Ne faut-il normaliser que l'interface entre différents systèmes propriétaires ?

Ou bien, est-il permis d'espérer l'avènement d'une société de l'information ouverte, fondée sur des références communes, telle que l'ATM ou le langage Java qui ne soit ni le fief de qui que ce soit, ni une jungle, ni une tour de Babel ?

L'ATM (Asynchrone Transfer Mode) a l'avantage de s'adapter à toutes sortes de débits, faibles ou forts, constants ou variables. Il permet d'envisager des réseaux uniques de transferts pour différents services (voix, vidéo, données).

Quant au langage Java, son atout majeur est de permettre d'écrire des programmes qui peuvent être exécutés indifféremment par toute machine pourvue d'un interprèteur adéquat, quels que soient son processeur et son système d'exploitation.

Les potentialités de Java sont évidemment menaçantes pour Microsoft qui tire la majeure partie de ses revenus de la vente de logiciels intrinsèquement liés à ses systèmes d'exploitation Windows (44( * )) .

Les applications écrites en Java sont actuellement la seule alternative à celles tributaires de Windows.

La firme de Seattle a fait preuve jusqu'ici d'une remarquable capacité de réaction aux tentatives de contestation de sa domination.

Elle a compris, pendant qu'il était encore temps, le caractère inexorable de l'essor d'Internet et l'intérêt qu'elle pouvait en tirer, allant jusqu'à imposer aux fabricants d'ordinateurs, avant sa condamnation par la justice américaine, l'installation de son navigateur Explorer 4.0, comme condition à la vente de son système d'exploitation Windows.

Concernant Java, elle a trouvé deux parades :

n après en avoir acquis la licence, elle a tout d'abord développé, à l'intention des usagers de ses systèmes d'exploitation Windows 95 et NT, un produit (45( * )) permettant de l'utiliser, en combinaison avec n'importe quel autre langage de programmation, pour écrire des logiciels d'application.
Il est ainsi possible de développer des logiciels tirant parti, aussi bien des capacités d'ordinateurs isolés, que de celles de réseaux d'entreprises ou de l'Internet.

Elle a, par ailleurs, créé une interface virtuelle (OPC) permettant à chaque client d'un réseau d'obtenir une information de n'importe quel serveur, mais cette interopérabilité suppose l'utilisation de la technologie logicielle Ole qui est à la base de Windows NT.

Ces deux initiatives tendent également à contrer les tenants de l'informatique en réseau qui préconisent de stocker les principaux logiciels sur le serveur (traitement de texte, tableau, gestion de fichier) et d'en concentrer la gestion à ce niveau, de façon à économiser les coûts de renouvellement et de maintenance des terminaux.

La riposte de Microsoft consiste ainsi généralement à enrichir les possibilités qu'il offre à ses clients, en les alignant sur celles proposées par ses concurrents, tout en s'efforçant de les garder captifs.

Mais sa posture est néanmoins essentiellement défensive.

Pour le moment, l'utilisation de Java sur l'Internet est principalement limitée à de petites applications (" applets "), complémentaires de l'affichage de pages Web et présente l'inconvénient d'une certaine lenteur pour la gestion de systèmes hétérogènes d'informations d'entreprises (Java interprété tourne beaucoup plus lentement qu'un programme compilé).

Toutefois, Sun s'efforce de remédier à ce défaut (46( * )) et offre des potentialités uniques.

S'il lui manque encore certaines interfaces et certains objets (47( * )) (voir encadré), Java a l'immense avantage d'être un langage universel , indépendant de tout système d'exploitation, qui permet de concevoir des logiciels d'application portables et susceptibles d'être exécutés par n'importe quelles machines (48( * )) ou processeurs (y compris ceux des cartes de crédit).

Ces programmes devraient en outre optimiser l'utilisation des ressources des réseaux en déportant du serveur vers le client certaines tâches.


L'APPORT DE JAVA


Le Web se base sur trois standards principaux :

- HTPP (Hyper Text Transfer Protocol) qui permet de trouver un serveur adapté à une requête ;

- HTML (Hyper Text Markup Language), relatif à la présentation des informations recueillies sur le terminal de l'usager ;

- enfin CGI (Common Gateway Interface) qui permet d'activer, à la demande, en tant que de besoin, le serveur pour lui faire fournir des données plus élaborées.

Le langage Java offre en outre l'avantage de pouvoir faire exécuter, en local, par le poste du client, certaines instructions, données par le navigateur, sans aller et retour avec le serveur sur le réseau (contrairement à Active X de Microsoft avec lequel les applications supplémentaires supposent un échange avec ce dernier).

S'agissant de la gestion de systèmes hétérogènes d'informations d'entreprises fonctionnant en mode client serveur, Microsoft a conçu une solution pour en rendre interopérables les instruments et logiciels de supervision (à condition qu'ils fonctionnent sous Windows NT).

Il s'agit, en quelque sorte, d'une interface virtuelle (OPC), qui permet de reconnaître des informations, étiquetées d'une certaine façon, quel qu'en soit le contenant.

De son côté, Sun a créé la plate-forme JCAF (49( * )), dont l'enjeu est de définir les interfaces et les objets qui manquent encore à Java.

L'immense avantage de cette formule est de reposer non sur une interface mais sur une machine virtuelle dont l'interpréteur permet de faire exécuter un programme par n'importe quel processeur, y compris celui d'une carte de crédit.

En outre, le " byte code " dans lequel sont écrits les programmes Java est beaucoup plus compact que le code binaire de programmes qui tournent sous Windows NT, ce qui accélère et rend plus économique le partage des ressources entre client et serveur sur le réseau.

Il reste le problème susmentionné, en cours de règlement, de l'interopérabilité des ensembles de procédures informatiques (process) et des instruments de supervision des systèmes d'information des entreprises.

Mais, d'ores et déjà, des applications très prometteuses peuvent être envisagées telles que :

n des cartes à puce multifonctions programmables ;

n de nouvelles possibilités offertes à des PC obsolètes utilisés comme ordinateurs de réseaux (Toshiba a développé dans ce sens un nouveau système d'exploitation leur permettant, grâce à Java, de bénéficier des suites logicielles pour NC proposées par Corel et Oracle).
Ainsi derrière le mot " convergence " se dissimulent deux approches antinomiques :
n celle d'un univers ouvert, celui d'Unix, en son temps, de Linux et de Java aujourd'hui ;

n celle d'un système cohérent et performant mais à visée hégémonique, sinon monopoliste, fondé sur des standards propriétaires et fermés, et qui tend à garder le client captif.
L'issue de l'affrontement entre ces deux conceptions sera déterminante pour l'avenir du marché des TIC.

LINUX, émule d'UNIX

L'UNIX est un système d'exploitation bien adapté aux ensembles informatiques et aux architectures client-serveur. Ses qualités l'ont imposé à la plupart des stations de travail et ont facilité l'essor initial d'Internet.. Son succès a même contraint IBM à en mettre au point une version qui lui était propre.

La législation anti-trust ayant empêché ATT, qui l'avait développé dans ses Bell Labs, de le commercialiser, il a été cédé gratuitement aux universités en 1975 (celle de Berkeley avait été du reste associée à sa création).

Le groupe de travail X/Open qui oeuvre en faveur de la normalisation de systèmes ouverts l'a ensuite pris pour modèle.

Mais cela n'a pas empêché que se déroule un affrontement entre les multiples variantes qui en ont été proposées par les géants de l'informatique.

Le dernier avatar d'Unix est aujourd'hui Linux, qui en diffère cependant beaucoup. Il en constitue en effet en quelque sorte une nouvelle version refaite à partir de zéro.

Ce système d'exploitation a été développé selon un modèle ouvert et réparti, contrairement à la plupart des logiciels connus qui suivent, au contraire, un modèle fermé et centralisé. Linux est un " logiciel libre ", notion qui se rattache à celle dénommée " graticiels ".

Cela signifie que toutes ses nouvelles versions doivent être rendues accessibles au public. Les améliorations apportées peuvent cependant donner lieu à rétribution mais le code, source des modifications effectuées doit être obligatoirement chaque fois diffusé.

Fin 1997, Linux comptait entre 5 et 10 millions d'utilisateurs.

Le DVD (Digital Versatile Disc) illustre aussi, on l'a vu, l'espoir d'une convergence entre, en l'occurrence, l'électronique grand public et l'informatique, contrarié par des difficultés de normalisation.

Il s'agit du remplacement à la fois des cassettes vidéo VHS et des CD ROM.

Il doit en exister deux versions, le DVD vidéo, doté d'une certaine interactivité, et les DVD-ROM, destinés aux ordinateurs.

Ces derniers peuvent également permettre de visionner des DVD vidéo, moyennant une carte de décompression ou un décodeur logiciel.

Mais l'accord mondial conclu en ce qui concerne les normes de la version enregistrable de ce vidéo disque numérique (DVD-RAM) a été remis en cause par Sony et Philips, puis par NEC.

Quant au DVD enregistré de base, Thomson et Zénith viennent d'en définir un nouveau format DIVX, censé réduire les risques de piratage des données numériques, mais incompatible avec le Standard commun.

L'intensification de la concurrence, on le voit, accélère la diversification des offres et des gains de performances, mais entrave, en même temps, les convergences, au risque de rendre plus incertaines les évolutions du marché et plus difficile la maîtrise de l'extraordinaire complexité résultant du foisonnement des techniques.