2. Le rapprochement avec le marketing direct

Ce besoin de redéfinition d'une stratégie de communication, qui a d'abord profité aux techniques de parrainage TV et, en particulier, au " programming ", s'est aussi manifesté par l'utilisation des nouvelles techniques permettant une interactivité et une personnalisation du message entre l'entreprise et son client.

Cette tendance qui a débouché sur des concepts nouveaux procède également du développement d'Internet. Celui-ci, longtemps pénalisé par la faiblesse du taux d'équipements des foyers en micro-ordinateurs avec modem intégré, devient un support média à part entière, maintenant que les ordinateurs arrivent dans les foyers et que l'on s'achemine vers une réception sur les écrans de télévision.

" L'Infomercial "

Ce nouveau format publicitaire, qui tend à organiser une possibilité de retour et permet donc de mesurer l'efficacité du message, n'a que deux ans d'existence en France. Il peut associer un message assez long et un numéro vert. Cette nouvelle technique baptisée " l'infomercial " n'a pas encore, en France, tenu ses promesses, en dépit de quelques réussites spectaculaires : c'est ainsi qu'un constructeur de téléviseurs ou encore l'organisation caritative Médecins du monde ont pu générer de la création de trafic sur réseaux de vente (+ 30 % des ventes, 10 000 appels) ou collecter des dons grâce à un message publicitaire télévisé ! A l'inverse du message publicitaire traditionnel, " l'infomercial " permet un retour, ce que les Anglo-Saxons appellent le " direct response TV ".

Le développement de ce type de communication commerciale se heurte à deux obstacles : d'une part, sans doute, une certaine appréhension des agences peu portées à ce qu'un annonceur puisse vérifier aussi précisément la valeur d'une création ; d'autre part, des contraintes dues à la longueur du message qui alourdit le coût et se heurte aux limitations de la durée des écrans.

Aux États-Unis, " l'infomercial " aurait engendré 3 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 1994. Le chiffre avancé pour l'an 2000 est de 10 milliards de dollars. En Europe, à cette même date, le volume correspondant serait de 3,5 milliards de dollars.

Ainsi, à l'origine média de masse et anonyme, la télévision est en train de devenir relationnelle et interactive. Selon certains publicitaires, elle permettrait, enfin, un face-à-face de la marque avec le consommateur, la communication " one to one ", rêve absolu de tout annonceur, rejoignant ainsi les possibilités offertes par Internet.

L'ascension d'Internet


On le sait, le marché de la publicité sur Internet est en plein développement. Selon l'Internet Advertising Bureau, il aurait atteint en 1997 un total de 907 millions de dollars, soit 5,5 milliards de francs.

En France, 120 sites vendaient déjà des espaces publicitaires en juin 1997 sur Internet contre 46 en juin 1996. Au total, le marché français du premier trimestre de cette année s'élevait à 5,2 millions de francs, soit 3 fois l'année 1996. Carat Multimédia estime que le marché de l'" e. pub " atteindra 25 millions de francs à la fin de 1998, soit une croissance de 500 % par rapport à 1997. Pourquoi passer des annonces sur le réseau des réseaux ? Parce qu'avec un simple clic on peut accéder à beaucoup plus d'informations qu'avec une publicité traditionnelle. Et surtout, le consommateur peut laisser son adresse e. mail pour bénéficier par exemple d'un essai gratuit ou encore recevoir un échantillon. A tel point que l'audience s'y mesure notamment en " taux de cliquage ". Cette interactivité fera, dans les années à venir, la différence avec la publicité traditionnelle.

En ce qui concerne l'avenir du marché publicitaire sur Internet, les avis diffèrent. Pour les uns, tel Jacques Séguéla, la publicité interactive représentera 50 % du marché publicitaire en 2010 et, ajoute-t-il, " 2010, c'est demain ". Pour les autres, et Maurice Lévy de Publicis en fait partie, Internet ne devrait guère représenter plus de 10 % avant 2010.

Des risques pour la vie privée

D'abord, il faut être conscient que l'envahissement des boîtes aux lettres , que l'on connaît aujourd'hui et qui a servi de justification à la taxe sur le hors-médias votée dans la loi de finances pour 1998, pourrait bien se reproduire avec les boîtes aux lettres électroniques .

Aux États-Unis, le Congrès prépare deux projets de loi visant à limiter la diffusion de certains types de publicité sur Internet. Il souhaite enrayer la publicité sauvage que constitue l'envoi en grand nombre de messages par courrier électronique.

Cette pratique est connue sous le nom de " spam ". Si l'origine de ce mot issu du jargon de l'époque héroïque d'Internet reste obscure, en revanche son sens actuel est clair : un spam est un texte sans image, souvent accompagné d'un bon de commande, adressé à des milliers, voire des millions de boîtes aux lettres électroniques par une entreprise de marketing direct.

Les pionniers du " spam " n'étaient pas des marchands, mais souvent des militants politiques. Les premiers " spammers commerciaux " furent des concepteurs de logiciels ou des marchands de cassettes. Mais, à partir de 1996, le phénomène prend une toute autre dimension. De nombreuses petites entreprises décident d'utiliser ce nouvel outil de marketing, tandis qu'apparaissent un grand nombre d'intermédiaires et de consultants, dont l'apport consiste à vendre des systèmes de repérage des adresses laissées par les utilisateurs d'Internet, parfois à leur insu. Des fichiers géants sont ainsi constitués et mis en vente sur le réseau à des tarifs modérés.

Des utilisateurs de tous bords s'insurgent contre cet envahissement qui noie le courrier utile sous des masses de prospectus. On y trouve aussi bien des libertaires qui s'opposent à cette utilisation commerciale d'Internet, des hommes d'affaires très désireux de commercer sur Internet, mais qui craignent que le " spam " bas de gamme et les violations de la vie privée n'effraient les consommateurs, mais aussi que les fournisseurs d'accès craignant que les " spammers " ne saturent leurs systèmes et ne provoquent le mécontentement des abonnés.

Alors commence la course de vitesse classique entre la lance et le bouclier . Certains opérateurs tentent de protéger leurs bases de données et de tenter un filtrage des courriers indésirables ; d'autres ont créé des sites à partir desquels on peut naviguer sur l'ensemble du Web anonymement, sans laisser de trace. Mais, l'inventivité des " spammers " s'est exercée avec la mise au point des " suceurs d'adresses " de plus en plus performants ainsi que des systèmes de routage " furtifs " capables de brouiller les pistes, de cacher le point de départ réel de leurs messages, de déjouer les filtres et même d'utiliser des routeurs comme relais à l'insu de leurs propriétaires.

Sous l'effet de la concurrence, le spam se vulgarise. Les logiciels et listes d'adresses sont désormais à la portée de tous ou presque. Cyberpromotions, leader sur le marché, propose à ses clients un service complet baptisé " Cyberbomber " (cyberbombardier) permettant d'envoyer plus de cinquante mille " spams " à l'heure et à jet continu, à partir d'un simple PC. Et, ô paradoxe, les concepteurs de logiciels anti spam eux-mêmes ont recours à ce type de promotion électronique !

Les grands fournisseurs d'accès comme CompuServe, AOL et Prodigy ont fini par attaquer Cyberpromotions en justice. Les juges américains sont toutefois partagés entre le constat de la gêne causée aux usagers et la sauvegarde de la liberté d'expression, fût-elle commerciale. Ainsi, AOL, qui pourrait être suivi de Compuserve, a obtenu le droit de ne pas héberger de " spammers " visant ses abonnés à partir de son propre service, mais Cyberpromotions reste libre de les bombarder en utilisant un autre fournisseur.

Mais le " spam " trouve aussi des défenseurs. Certains craignent que la mise en place de systèmes de filtrage trop sévères empêchent toute forme d'envois en nombre, même s'ils émanaient d'associations caritatives ou de défenseurs d'une noble cause.

On a aussi pensé à responsabiliser les entreprises en quête d'honorabilité. Des " listes de suppression " ont ainsi été mises en place, sorte de listes " rouges " sur lesquelles tout usager peut s'inscrire, pour ne plus recevoir de messages non désirés.

Le débat est loin d'être clos. Il a toutes les chances de prendre une dimension planétaire, lorsque certains spammers seront imités ou décideront de valoriser leur savoir-faire sur les secteurs non-anglophones d'Internet.

En France aussi la menace existe que l'on utilise Internet soit pour inonder le pays de messages publicitaires électroniques, soit pour constituer des méga-bases de données sur la consommation et les habitudes des Français. Déjà, plus de 2,5 millions de foyers français figurent dans la base Consodata, tandis que sa concurrente Claritas possède des données sur 3,5 millions de foyers. On estime à plus de 20 %, la population mise en fiches, taux considérable mais bien inférieur encore aux quelque 90 % avancés pour les États-Unis.

L'existence de ces bases pose le problème du respect de la vie privée, tout comme le déroulement d'opérations associant télévision et marketing, qui, bien que fondées sur le volontariat, peuvent inquiéter par les synergies qu'elles développent entre télévision et distribution.

Une société spécialisée en marketing direct se sert de la télévision : depuis le 19 janvier, les foyers abonnés à CanalSatellite numérique découvrent la publicité interactive . Sur l'écran passe une pub. L'abonné veut-il recevoir une documentation ou tester ? Il clique sur sa télécommande. Le souhait du téléspectateur remonte alors, via la prise de téléphone, l'annonceur, qui, par l'intermédiaire de CanalSatellite, reçoit les coordonnées de son abonné.

Dans d'autres cas on cherche à évaluer l'efficacité des publicités et les comportements d'achat en constituant dans une ville test un panel de consommateurs - tous volontaires - dotés de cartes à puces permettant de suivre leurs achats dans tous les supermarchés de la région.

La technique est rodée : la société de marketing coupe le panel en deux parties, puis fait varier les paramètres. On évalue ainsi l'impact de tel ou tel prospectus, de telle ou telle affiche ou de tel ou tel message publicitaire à la télévision. La chaîne - en l'occurrence TF1 - fournit son conducteur (séquence minutée des émissions, détail des spots compris). Une régie mise en place par la société de marketing va chercher dans les spots prévus par TF1 celui de même longueur qui va être remplacé sur les écrans de l'agglomération test par le spot à évaluer. Ensuite, on analyse les achats à la caisse pour déterminer l'impact du spot sur les comportements d'achat.

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Libéralisation, mondialisation riment naturellement avec commercialisation. A cet égard, les évolutions en cours semblent largement irréversibles.

Toutefois, ce n'est pas parce que la tentation sera forte de faire au sein des programmes une place croissante aux moyens commerciaux qu'il faut, même dans un paysage audiovisuel complètement mondialisé, renoncer à encadrer des pratiques d'autant plus dangereuses pour le pluralisme et les libertés individuelles qu'elles sont le plus souvent occultes.

Il incombe, par conséquent, aux autorités de régulation de définir des règles. Deux principes doivent être retenus : transparence des liens entre le monde de l'entreprise et celui des médias ; liberté de choix du consommateur, qui doit être informé et protégé d'incursions indiscrètes. Un écran est une lucarne sur le monde non un mouchard par lequel on ne sait trop quel Big Brother serait en train de vous observer...

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