B. LES CONSÉQUENCES SUR LA CONCURRENCE

Théoriquement, les différences de réglementations fiscales, prudentielles ou comptables adoptées par les différents Etats membres peuvent avoir pour conséquence le transfert de la demande de prestation d'assurance vers l'Etat dont la réglementation sera la plus favorable aux preneurs, ou de transfert d'établissement vers celui qui proposera le plus faible prélèvement fiscal sur les opérateurs ou imposera des règles prudentielles moins sévères. Les effets sur la concurrence de ces différences réglementaires sont cependant difficiles à appréhender ; l'adoption de la monnaie unique ne pourra qu'en faciliter l'appréhension.

1. Des effets potentiels sur les marchés de l'assurance dont l'estimation est difficile

a) Quelques considérations sur les marchés

Outre la distinction vie/non-vie, les produits d'assurance font l'objet d'une classification par branches d'assurance qui est annexée aux " premières directives ". Selon le principe de spécialisation qui avait prévalu à l'origine, l'agrément ne pouvait être demandé que pour une ou plusieurs branches de risques appartenant au secteurs vie ou non-vie. Depuis 1992, le cumul est désormais possible mais les règles prudentielles applicables restent distinctes. Les opérateurs continuent, en pratique, de séparer ces activités et certains Etats membres tels la France, le Luxembourg ou les Pays-Bas, interdisent le cumul vie/non-vie.

C'est surtout en matière de contrôle des concentrations que les autorités communautaires ont été amenées à examiner le problème de la définition de marchés pertinents dans le secteur des assurances. Dans ses décisions, la Commission a établi une distinction première entre la réassurance, l'assurance vie et l'assurance de dommages. Les deux dernières peuvent en outre être divisées en marchés plus restreints qui peuvent, ou non, coïncider avec les branches d'assurance telles que décrites dans les directives.

Il a en effet été admis que les assurances couvrant des risques différents ne sont pas substituables du point de vue des consommateurs. La mise en oeuvre de critères de substituabilité plus précis a ainsi conduit la Commission à reconnaître l'existence d'un marché de l'assurance directe 262( * ) , de la prévoyance complémentaire et de l'assistance 263( * ) , des risques feu et transport 264( * ) , de l'assurance caution 265( * ) .

S'agissant de la délimitation géographique des marchés, la Commission a reconnu l'existence de marchés mondiaux dans le secteur de la couverture des dommages causés à l'environnement 266( * ) , de l'assurance spatiale 267( * ) , de l'assurance sur corps de navire 268( * ) et de la réassurance 269( * ) qui appartiennent à la catégorie des " grands risques ".

Tous les autres marchés examinés et en particulier ceux appartenant à la catégorie des " risques de masse ", ont été considérés comme des marchés nationaux. Dans sa décision du 2 décembre 1996 concernant la fusion entre les sociétés Axa et U.A.P., la Commission énonce à cet égard : " Les différents marchés d'assurance vie et de dommages demeurent encore pour une large part nationaux. En effet, bien que l'harmonisation du marché intérieur consécutive à la libre circulation des prestations de services conduise à une ouverture croissante des marchés de l'assurance à une concurrence communautaire, les conditions de concurrence perdurant sur les marchés nationaux ne sont pas homogènes, eu égard notamment aux canaux de distribution, aux comportements des consommateurs et aux législations nationales. Toutefois, la dimension nationale des marchés est particulièrement marquée dans le cas des services s'adressant aux ménages, les services d'assurance à destination des entreprises étant, pour une plus large part, soumises à une concurrence de dimension communautaire ".

Le caractère national de certains marchés de l'assurance n'exclut cependant pas l'existence de transferts d'activités ou de contrats, motivés par la recherche d'avantages tarifaires ou fiscaux du territoire d'un Etat vers celui d'un autre.