AUDITION DE M. BERNARD KUNTZ,
PRÉSIDENT DU SNALC (SYNDICAT NATIONAL DES LYCÉES ET COLLÈGES)

(10 FÉVRIER 1999)

Le président lit la note sur le protocole de publicité des travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à M. Bernard Kuntz.

M. Jean-Léonce Dupont, président - Vous avez la parole pour un exposé liminaire avant de répondre aux questions de l'ensemble des sénateurs.

M. Bernard Kuntz - Si nous avons bien compris, il nous a été demandé de nous présenter devant vous pour aborder la question des personnels de l'éducation nationale et de leur gestion. Nous avons essayé de décomposer cette problématique en différents points. Bien entendu, je répondrai avec grand plaisir à toutes les questions que vous voudrez bien me poser.

Dans cette problématique, nous voyons d'abord le thème des décharges syndicales, qui est relié à la question des personnels présents devant les élèves ou non. Cette question des décharges nous conduit à nous interroger sur l'absentéisme des professeurs (je n'y vois aucune connotation péjorative pour l'instant), sur la gestion des personnels, accusée d'être trop opaque -ce qui sous-entend de se poser le problème de l'autonomie, de la déconcentration et éventuellement de la décentralisation des établissements scolaires-, sur les programmes de la pédagogie -ce qui nous amènera à nous interroger sur une éventuelle réforme du système d'inspection.

Cela nous a amené à nous poser en quatrième point le problème du temps de travail, et en cinquième point la question des statuts des personnels de l'éducation nationale.

Concernant les décharges syndicales exclusivement -je vous prie de m'excuser de commencer par là, mais on commence toujours par le point le plus sensible- il faut savoir que le mode de calcul est fondé sur les lois Le Pors de 1982. Le mode de calcul s'impose à toute la fonction publique, toutefois les articles d'application à l'éducation nationale font état d'une proportion de décharges allouées à chaque organisation syndicale en pourcentage, en fonction de ses résultats aux élections professionnelles. Mais un second article parle de journées d'absence accordées aux mêmes organisations syndicales, toujours en fonction de leurs résultats aux élections professionnelles.

Le texte prévoit, pour tous les personnels d'éducation, la possibilité de répartir 50 % de ces journées d'absence octroyées en décharges complètes, c'est-à-dire la transformation de ces journées en heures de décharge. Depuis quatre ans, le chiffre a été porté à 75 % pour les personnels enseignants, et rien que pour eux dans l'éducation nationale, les autres personnels restant à 50 %.

Nous voudrions attirer l'attention de la commission sur l'aspect important de ce dispositif; et nous souhaiterions -nous le réclamons depuis longtemps- que cette pratique soit légalisée, parce que la pratique des journées d'absence présente de nombreux inconvénients pour le fonctionnement même des établissements. Il est très difficile, dans le dispositif actuel, de convoquer des professeurs pour des réunions diverses, y compris celles auxquelles l'administration les convie, sur des journées d'absence, sachant que ces dernières ne seront pas nécessairement remplacées.

Donc, nous souhaiterions que la pratique des 75 % soit officialisée et ne fasse plus l'objet, chaque année, d'une révision qui pourrait éventuellement devenir arbitraire. Nous voudrions aussi attirer l'attention de la commission sur le fait que ces décharges syndicales, d'une part font partie d'une règle de la fonction publique, mais d'autre part ne sont pas nécessairement inutiles, sont l'occasion d'un travail approfondi de la part des chargés syndicaux, et ne représentent pas une grande part des professeurs réputés ne pas se trouver devant leurs élèves.

Enfin, nous voudrions attirer votre attention sur le danger qu'il pourrait éventuellement y avoir à une réduction de ces heures de décharge : celle-ci pourrait avoir des conséquences sur les équilibres syndicaux, qui ne seraient pas forcément perceptibles de prime abord. L'actuelle pratique ministérielle des réformes, contre-réformes, réformes, contre-réformes, circulaires, contre-circulaires, entraîne une espèce de sur-régime dans la pratique de la concertation, -terme auquel je mettrais des guillemets- et qui, pour nous, représente une énorme charge de travail.

D'autre part, la déconcentration du mouvement des personnels, qui va amplifier la complexité des procédures, demandera aux organisations syndicales un surcroît d'effort et de travail pour mieux servir les personnels. Il est évident que si des restrictions apparaissaient dans les décharges, seules une ou peut-être deux organisations parviendraient encore à fonctionner, et cela se traduirait donc par une modification du paysage syndical qui n'irait pas dans le sens du pluralisme. Voici pour la question des décharges.

Concernant la question de l'absentéisme des professeurs, les chiffres qui ont été cités à diverses reprises -je parle sous le contrôle de Jean-Claude Goui ici présent- sont faux.

M. Jean-Claude Goui - J'ai travaillé au sein de la commission Bloch, où j'ai représenté notre confédération, et au Conseil supérieur de l'éducation, où j'ai également l'occasion de siéger.

Sur cette notion d'absentéisme prise au sens large, en début d'année scolaire nous avons eu l'annonce d'un chiffre global de 12 % d'absents. En fait, les travaux du recteur Bloch -ce n'est donc pas uniquement notre position- ont conclu que le taux d'absence était de 3 à 4 % dans l'enseignement primaire ou pré-élémentaire, avec une part d'incertitude, car ce sont des chiffres collectés dans les départements et moins centralisés que d'autres chiffres : 6 % au collège ; 9,5 % en lycées, lycées techniques, généraux ou professionnels.

Il faut savoir qu'il s'agit de pourcentages qui prennent en compte les absences pour jury d'examen, et nous avons la faiblesse de penser que lorsqu'un enseignant fait passer un examen et qu'il est dans un jury, il travaille ; il n'est pas vraiment absent. Nous avons également conclu, avec la commission Bloch, qu'un tiers de ces absences correspondaient donc à ces périodes d'examens et que, pendant ce temps, les élèves eux-mêmes en général passaient les mêmes examens.

Il est donc vrai qu'à ce moment-là, les collègues ne sont pas dans leur établissement. Ils ne sont pas -heureusement pour la bonne marche des examens- en présence de leurs propres élèves mais, si j'ose dire, les deux partenaires, enseignants et élèves, sont au travail même s'ils sont considérés dans ces statistiques, au départ, comme absents.

Nous récusons ceci : nous ne sommes pas d'accord, y compris avec les chiffres retenus par la commission. Nous en concluons donc qu'il y a à peu près 4 à 6 % de professeurs absents, dont un dixième environ en stage. Là aussi, on est loin des fameux 12 % pour "stages poterie".

Nous estimons que, dans un métier de plus de plus en première ligne -on le voit avec les événements qui peuvent désormais se produire presque tous les jours-, 4 ou 6 % de collègues absents pour maladie ou éventuellement, dans certains cas très graves, dépression ou difficulté à tenir ce choc en première ligne, n'est pas un taux anormal ni déshonorant. Cela nous paraît un taux correspondant à une réalité, à une pratique professionnelle tout à fait normale.

M. le Président - Nous avons eu les données du rapport Bloch.

M. Jean-Claude Goui - Je vous donne un éclairage... Nous ne sommes pas non plus tellement d'accord avec le rapport Bloch lui-même.

Un second aspect est repris dans le rapport Bloch avec les conclusions duquel nous ne sommes pas forcément d'accord. Il y a un handicap reconnu, à savoir qu'au départ, dans le secondaire, les moyens en remplacements sont inférieurs, justement, à ces 3 à 4 % incompressibles, ne serait-ce qu'en raison des arrêts maladie ou congés maternité tout à fait réguliers, alors que dans l'enseignement primaire, sauf lorsque ces moyens sont détournés et mis dès le début de l'année en charges à plein temps dans une classe, donc retirés de leur rôle de remplacement en cours d'année, ces moyens de remplacement couvrent à peu près, dès le départ, les besoins d'un département.

Nous tenons à insister sur ce point. Dès le départ, il y a un handicap pour le bon fonctionnement du système éducatif dans le secondaire, puisque jusqu'à présent les moyens de remplacement étaient inférieurs de 1 ou 2 %, dès le départ, mécaniquement, aux besoins normaux constatés sur plusieurs années.

M. Bernard Kuntz - En matière de personnels, l'opacité de la gestion nous semble appeler une réflexion sur la déconcentration, sur l'autonomie des établissements, sur la question des programmes et de la pédagogie en général.

Sur la gestion des personnels, et en particulier en ce qui concerne le mouvement national, je rappelle que le SNALC, depuis le début, s'est déclaré non opposé à une éventuelle déconcentration du mouvement des personnels. Jusqu'à présent, nous n'avons eu aucune opposition de principe à l'idée d'une déconcentration permettant de donner davantage de souplesse et de transparence à l'ensemble.

Cependant, depuis le début des réformes mises en place par l'actuel ministre, nous avons fait remarquer que le dispositif adopté l'avait été quasiment "à la hussarde", presque par oukase , sans concertation, et qu'il présentait en tant que tel, et non pas en tant que déconcentré, un certain nombre d'inconvénients de nature à rendre la gestion des personnels encore plus opaque et difficile.

Nous pensons que le système en deux temps choisi par le ministère, dans la mesure où il va engendrer, pour un grand nombre de professeurs, une sorte de mutation à l'aveuglette sur des zones géographiques fort larges, risque aussi à terme d'induire une précarisation générale des postes des professeurs, peu propice à un bon fonctionnement du système éducatif en général. Nous voudrions également faire remarquer que l'estimation du nombre de personnes travaillant actuellement dans l'éducation nationale a été rendue impossible en partie même à cause de la déconcentration des personnels déjà effectuée.

Nous pensons donc que le dispositif choisi, tel qu'il a été mis en place, n'apportera aucune amélioration aux difficultés constatées en matière de gestion des personnels. Au contraire, nous craignons même que ce dispositif n'engendre un surcroît de difficultés et, de toute façon, un surcroît de puissance syndicale dans la mesure où le mouvement, en particulier dans sa deuxième phase, réclamera un soutien encore plus approfondi des organisations syndicales pour conseiller les personnels.

Il est évident que la situation nous semble maintenant fort délicate à tous points de vue, tant il est vrai que si le fonctionnement s'avère aussi peu satisfaisant que nous le craignons, un retour en arrière sera extrêmement difficile et serait, de toute façon, perçu comme une victoire de toutes les forces opposées à une éventuelle déconcentration.

Pour nous résumer, nous craignons que les difficultés engendrées par ce dispositif ne rendent extrêmement difficile, dans l'avenir, la mise en place d'une véritable déconcentration qui fasse l'unanimité et qui soit performante.

Concernant l'autonomie et la déconcentration en matière d'établissements, nous voudrions attirer votre attention sur l'hostilité quasi-unanime de l'ensemble des professeurs au concept de recrutement par le chef d'établissement. Il est à peu près certain qu'un tel dispositif, dont on peut penser ce que l'on veut, affiché comme tel, se heurterait à la désapprobation unanime de l'ensemble des professeurs, et donc de leurs organisations, avec les conséquences que l'on pourrait imaginer.

Nous voulons également attirer votre attention sur les difficultés d'imaginer une décentralisation de l'établissement scolaire, compte tenu des modes de fonctionnement de l'éducation nationale. Je pourrai développer ce point s'il vous intéresse. Nous craignons qu'un accroissement "inconsidéré" de l'autonomie des établissements n'entraîne de nouveau un surcroît de pouvoir syndical plutôt qu'un assouplissement du système en lui-même.

En d'autres termes nous estimons, en tant qu'organisation syndicale, que si des réformes de structure sont nécessaires, il y a quelque illusion à s'imaginer que ces seules réformes de structure seraient de nature à faire évoluer le système d'éducation. Nous pensons qu'une prise de conscience d'ordre idéologique et politique est nécessaire, et prioritaire sur la seule réforme structurelle.

Nous souhaiterions en particulier qu'à la seule question de l'autonomie des établissements, on substitue les questions de la gestion générale des flux d'élèves dans l'éducation nationale, de l'allongement de la durée de la scolarité, de l'accroissement du taux de scolarisation, du moule unique de la sixième à la fin de la classe de seconde, de l'accroissement massif du nombre des étudiants à Bac +1, Bac +2, Bac +3, sans adéquation avec le système d'économie, et qu'on se pose la question de la dépense nécessitée pour un tel système, et de la réalité de son efficience en termes de lutte contre le chômage et d'emploi pour les nouvelles générations.

Cette question de l'autonomie et de la déconcentration en matière d'établissements scolaires nous a amenés à nous interroger sur la gestion des programmes et la gestion pédagogique du système d'éducation. Nous tenons à signaler que nous regrettons que l'inspection générale et sa délégation, en l'espèce l'inspection pédagogique régionale, ait été tenue quasiment à l'écart de toutes les évolutions de ces dernières années en matière de réflexion sur les programmes et le contenu des enseignements.

En son temps, nous avons dénoncé à la fois l'envahissement de l'IUFM par une idéologie pédagogiste, qui n'était pas nécessairement contenue dans les orientations de l'inspection générale. Nous avons aussi dénoncé l'opération qui consistait à créer, en 1989, un conseil national des programmes nommé exclusivement par le ministère, sans référence à l'inspection générale en matière de programmes. Nous avons par la suite demandé la suppression pure et simple de ce conseil national des programmes.

Nous voudrions attirer votre attention sur l'extrême difficulté des professeurs, à l'heure actuelle, de trouver de véritables références dans le fouillis textuel qui nous assaille au quotidien. Nous protestons également contre la raréfaction de l'inspection, en estimant que "l'amenuisement" d'un organe institutionnel et transparent d'évaluation des professeurs induit, par définition, des risques sur la liberté pédagogique, pose des problèmes quant à l'évaluation des professeurs et à leur mérite, et ouvre la porte à de nombreuses dérives telles que l'accroissement du pouvoir de la rumeur, et créée des conditions de risque pour la liberté pédagogique. Là encore, je pourrai développer ce point si vous le souhaitez.

Nous demandons donc que soit réhabilité un organe institutionnel d'inspection, et qu'une réforme générale de l'inspection soit entreprise, sous peine de dénaturer le système éducatif dans son ensemble. Nous craignons par ailleurs que cette dénaturation ait déjà commencé à travers la réforme des lycées et la restriction des horaires et des enseignements, telle qu'elle apparait lorsqu'on examine les derniers textes issus du ministère.

Un dernier point : la question du temps de travail des enseignants. Nous avons eu, aujourd'hui, les premiers résultats de la mission Zuccarelli concernant les fonctionnaires.

Nous voulons, là encore, attirer votre attention sur la question du temps de travail des professeurs. Nous estimons naturellement que ce temps de travail est extrêmement difficile à déterminer en dehors des heures devant les élèves, et que les modes de calcul dont on peut se prévaloir ne sont pas nécessairement objectifs. Nous serions en mesure à tout moment de fournir, à partir de notre base, des chiffres qui ne correspondraient pas nécessairement à ceux de la mission. Nous voudrions attirer votre attention sur l'extrême lourdeur de la charge de travail des professeurs de l'enseignement du second degré, en particulier en lycée.

Nous concevons quelque inquiétude en découvrant que les préconisations de la mission induisent une augmentation de la charge de travail des professeurs d'environ 300 heures par an. Il est clair qu'une telle mesure, dans le contexte actuel, provoquerait un fort mécontentement des enseignants, mais ne correspondrait pas du tout à la réalité effective de leur travail, en particulier dans l'enseignement secondaire. Je ne prends pas position pour l'école élémentaire, ce domaine ne relevant pas de notre champ de syndicalisation.

Enfin, nous voudrions attirer votre attention sur les statuts des personnels de l'éducation nationale recrutés par concours nationaux. Ces personnels considèrent qu'ils ont pris un engagement, et qu'en retour on doit respecter leur statut.

Il est clair, au risque de paraître désuet ou corporatiste, qu'une organisation comme la nôtre ne saurait admettre une remise en cause arbitraire des statuts des personnels enseignants. Nous craignons de voir qu'un certain nombre de réformes mettent plus ou moins en cause, à travers le temps de travail et les objectifs mêmes de l'éducation nationale, le statut et la mission des personnels de l'enseignement secondaire. Le problème va bien au delà de la seule défense corporatiste, dans la mesure où la liberté pédagogique, qui est partie intégrante de l'enseignement secondaire, menacée, serait de nature à entraîner la disparition de la tradition même de la transmission des connaissances et des savoirs à l'intérieur du système d'éducation, en ce qui concerne l'enseignement secondaire.

Mme la déléguée du SNALC - Puisqu'il s'agit d'une mesure qui est en train de se mettre en place à titre expérimental dans certaines académies, dont l'académie de Lille, je voudrais revenir sur l'inspection.

A titre expérimental, on a mis en place, dans deux ou trois académies (dont celle de Lille), des administrateurs scolaires. L'administrateur scolaire est un super-proviseur qui a en charge tout un réseau d'établissements correspondant, en gros, à un bassin d'emploi (ce que l'on appelle bassin emploi-formation), un réseau d'établissements allant de l'école primaire au lycée inclus.

Le rôle de ces administrateurs scolaires serait tout simplement de faire appliquer la politique prônée par le recteur, c'est-à-dire que nous passerions d'un système qui était fondé sur la pédagogie et l'inspection pédagogique -les inspecteurs perdraient en grande partie leurs prérogatives- à un système qui, en quelque sorte, privilégierait la politique. Bien entendu, ces administrateurs scolaires ajusteraient la politique académique du recteur en fonction du bassin d'emploi.

On pourrait également envisager de parvenir à des différences très importantes entre les bassins d'emploi, et à ce que l'enseignement transmis dans tel ou tel bassin de formation-emploi soit extrêmement variable, non seulement d'une région à l'autre, mais aussi d'une partie d'un département à l'autre.

Nous considérons donc que ces administrateurs scolaires sont un réel danger pour la liberté pédagogique, pour la qualité de l'enseignement, et également pour la liberté tout court : nous aurions affaire à un embrigadement de l'éducation, de la maternelle à la terminale incluse. C'était un point que je voulais préciser. Cela se fait actuellement à titre expérimental dans l'académie de Lille.

M. Francis Grignon, rapporteur - Je reviens sur le premier point que vous avez évoqué, à savoir les décharges syndicales. Je n'ai pas très bien compris votre revendication sur les 75 %. Pourriez-vous, en deux mots, nous préciser ce point ?

Deuxième question : sur ces décharges, combien d'équivalents temps plein avez-vous dans votre organisation sachant que vous ne vous occupez que du second degré, et combien de personnes cela représente-t-il effectivement ?

M. Bernard Kuntz - On doit pouvoir vous donner les chiffres.

M. Jean-Claude Goui - Pour vous donner un ordre de grandeur, cela correspondrait, pas uniquement pour l'enseignement secondaire, mais pour notre confédération syndicale toute entière, y compris le supérieur -il faudrait totaliser l'ensemble- sur toutes les académies, à une cinquantaine de collègues qui, pour certains, ont une heure ou deux de décharge.

M. Francis Grignon, rapporteur - Ce ne sont pas des équivalents temps-plein.

M. le Président - Par qui sont accordées ces décharges ?

M. Bernard Kuntz - Par l'organisation syndicale elle même.

M. Francis Grignon, rapporteur - J'ai le chiffre global. Pour le second degré, il est de 861 équivalents temps-plein.

M. Jean-Claude Goui - Pour notre organisation syndicale, cela représenterait une vingtaine de personnes, au total, sur l'ensemble de la France.

M. Bernard Kuntz - Nous représentons 10 % environ aux élections professionnelles, donc il est évident que par comparaison avec un syndicat comme le SNES qui représente 57 %, avec une charge de travail qui n'est pas nécessairement moindre...

M. Francis Grignon, rapporteur - Même avec 10 %, on me dit que c'est 2 763 personnes dans le second degré, soit 861 équivalents temps-plein. Vous devriez en avoir au moins 300, 270...

M. Jean-Claude Goui - Nous n'avons pas 86 équivalents temps-plein. Je suis désolé, je n'ai pas les chiffres. Nous avons un service qui s'en occupe, je peux vous les faire envoyer si vous voulez.

M. Francis Grignon, rapporteur - J'ai d'autres questions, mais pourriez-vous revenir sur les 75 % ?

M. Bernard Kuntz - Le mode de calcul des décharges syndicales de la fonction publique est valable pour l'ensemble de la fonction publique. On accorde, en fonction des élections professionnelles, un pourcentage par rapport au nombre global des fonctionnaires. Ensuite, l'éducation nationale attribue elle-même ses décharges en fonction du résultat aux élections professionnelles qui ont lieu tous les trois ans. Ces heures de décharge, qui sont données en équivalent-poste (c'est-à-dire 18 heures pour un certifié, équivalent temps-plein, 15 heures pour un agrégé, 35 heures pour un IATOS) sont donc attribuées proportionnellement aux résultats obtenus par chaque organisation aux élections professionnelles.

Nous recevons donc globalement ces heures de décharge, et ensuite une commission des décharges au sein de notre organisation répartit ces décharges, et puis les académies. Je ne sais pas comment fonctionnent les autres organisations de ce point de vue ; pour nous, c'est une commission nationale qui se réunit en général au mois de juin, qui attribue les décharges. Nous avons l'habitude de le faire en fonction du nombre d'adhérents par académie, mais ce sont des modes de calcul internes.

A propos des 75 %, l'application des décharges au sein de l'éducation nationale se fait selon deux modalités : les heures de décharge pour l'année et les journées d'autorisation d'absence (non pas sur l'année mais pour telle ou telle fonction, à l'occasion de telle ou telle réunion) que les organisations peuvent prendre, le nombre maximum accordé à chaque organisation étant toujours calculé en fonction des résultats aux élections professionnelles.

Les textes prévoient que 50 % de ces journées d'autorisation d'absence peuvent être transformées en heures de décharge-année. Mais depuis quatre ans -ce dispositif a été mis en place à l'époque de M. Bayrou- l'usage a été de porter ce contingent de journées d'absence en heures de décharge de 50 à 75 %, en raison des difficultés à prendre des journées d'absence au sein de l'éducation nationale. Par exemple, si tel collègue est professeur dans tel établissement et qu'il n'a pas de décharge, mais que, en tant que commissaire paritaire académique, il est tenu de participer aux réunions des formations paritaires académiques pour la carte scolaire, la promotion d'échelons pour certifiés, le mouvement académique, le second mouvement...

M. Francis Grignon, rapporteur - Cela donne davantage de souplesse à la gestion...

M. Bernard Kuntz - La difficulté est que, si cela est pris en journée d'absence, le professeur est absent devant ses élèves, et cela multiplie donc les absences ; or les absences d'un jour ne sont pas remplacées.

M. Francis Grignon, rapporteur - Il faudrait annualiser les absences.

M. Jean-Claude Goui - C'est ce qui s'est passé d'une certaine manière, puisqu'on a transféré des journées en heures annualisées, de façon à éviter cette difficulté. Mais dans la mesure où le texte prévoit 50 %, l'usage des 75 % peut à tout moment être remis en cause. L'année dernière, le ministère nous a fait patienter jusqu'au dernier moment avant de nous dire si on maintenait le dispositif des 75 % ou si l'on revenait aux 50 %.

M. Francis Grignon, rapporteur - Pourquoi ?

M. Jean-Claude Goui - Ce que je sais, c'est que cela nous a posé d'énormes problèmes, parce que nous devions prévenir nos collègues pour savoir combien de décharges ils auraient, pour qu'ils puissent prévenir leurs chefs d'établissement, et nous n'avions aucune réponse du ministère.

A cet égard, nous voulions attirer votre attention sur le fait qu'une réduction importante des heures de décharge attribuées à chaque organisation syndicale aurait probablement pour conséquence d'empêcher quasiment des organisations moins importantes de tourner, alors que des organisations plus importantes continueraient probablement à exister tant bien que mal. Ce type de mesure induirait des conséquences tragiques pour le pluralisme syndical.

M. Francis Grignon, rapporteur - Vous avez parlé des absences et des absences qui n'en n'étaient pas. La formation continue n'est pas une absence. Vous n'en n'avez pas parlé. Cela représente-t-il beaucoup ? D'après vous, fait-on suffisamment de formation continue ? Pour mieux gérer l'ensemble, seriez-vous prêts à accepter que des heures soit payées en plus des horaires normaux, sur lesquels on fait de la formation continue ?

M. Jean-Claude Goui - Cela représente un dixième de toutes les absences reconnues comme telles. Sur la proposition d'assurer ces formations hors journées d'enseignement, cela existe déjà. Beaucoup de stages, de journées de formation, se déroulent le mercredi ou le samedi. S'il y avait obligation que cela se fasse forcément hors journées d'enseignement, il est bien évident que la compensation d'heures supplémentaires ou complémentaires ponctuelles pourrait être envisagée.

M. Bernard Kuntz - Bien entendu, nous n'avons d'hostilité à l'encontre d'aucune évolution du système d'éducation, pour peu qu'elle ne se fasse pas par la contrainte. Nous ne serions donc pas opposés à ce type de dispositif, à la seule condition que les professeurs ne soient pas contraints à accepter des heures en plus de leur service, compte tenu du fait que -je le répète-, contrairement à une légende malheureusement trop répandue dans l'opinion, peut-être en raison de certaines déclarations ministérielles, les professeurs ne sont pas sous-employés, en particulier dans les lycées, mais aussi dans les collèges pour d'autres raisons. Ils ont déjà une quantité de travail énorme.

Un professeur de lettres qui a deux classes de première à 38 élèves et deux classes de seconde avec le même effectif, est littéralement proche de l'implosion en termes de quantité de travail. On ne peut pas imaginer qu'il soit davantage surchargé sans qu'il y ait une régression importante en termes de transmission des savoirs.

M. le Président - Les professeurs d'éducation physique également, j'imagine ?

M. Bernard Kuntz - On ne peut pas tout mélanger. Les professeurs d'éducation physique ont des conditions de travail extrêmement pénibles, mais pour d'autres raisons. En ce moment, par exemple, je ne souhaiterais pas être professeur d'éducation physique. Il fait beaucoup moins chaud dehors qu'ici...

M. le Président - Je vous inviterai dans ma ville. Je crois qu'ils y sont bien !

M. Bernard Kuntz - Je comprends le sens de votre réflexion. Il y a quand même un problème ; il s'agit de corps de professeurs. Remettre en cause les horaires d'une catégorie entraîne une remise en cause de l'ensemble. Il faut donc agir avec une grande prudence.

M. Francis Grignon, rapporteur - Sur la déconcentration, vous avez émis des réserves, en disant : "Attention, on sera peut-être obligés de faire marche arrière, etc." Si j'ai bien compris, vous pensez qu'avec cette gestion locale, cela va peut-être encore multiplier les contraintes. Avez-vous une idée des moyens, que va entraîner cette déconcentration, du fait que les choses ne se décident plus au niveau central ?

Je vous rappelle que l'objectif de cette commission est d'analyser les emplois de l'éducation nationale. Faire cette déconcentration, d'après ce que j'ai compris tout à l'heure, va signifier qu'au lieu d'une réunion centrale à Paris, il y en aura dans chaque académie. Quels sont les moyens supplémentaires que cela risque d'entraîner ?

M. Bernard Kuntz - Sur ce sujet, mon collègue a un raisonnement qui pourra peut-être vous intéresser.

M. Jean-Claude Goui - A priori, la déconcentration du mouvement va se faire à moyens constants. Il va rester un travail relativement limité à la centrale. Les deux tiers des personnels de la rue de Châteaudun sont partis. Dans les rectorats, à notre connaissance, il n'y a pas vraiment eu, globalement, de moyens supplémentaires.

Les personnels des rectorats ont fait en décembre, en janvier, ou sont en train de le faire, les actes de gestion qu'ils faisaient sur mai/juin les années précédentes. Les mêmes personnels des rectorats vont ensuite faire le mouvement déconcentré. Peut-être qu'ici ou là, pour une ou deux personnes, on trouverait des exemples de rectorats ayant reçu une personne formée à la centrale qui a demandé ou accepté sa mutation, mais la réponse est que, en gros, cela va se faire à moyens constants de la part de l'administration.

M. Francis Grignon, rapporteur - Si les choses se font dorénavant au niveau du rectorat, on va supprimer des postes à l'administration centrale.

M. Jean-Claude Goui - D'ores et déjà, je ne m'engagerai pas sur le chiffre des deux tiers, mais une grande majorité des personnels de la division des personnels enseignants de la rue de Châteaudun ont été replacés dans d'autres services centraux, ou ont dû demander leur mutation pour des rectorats. Le personnel de la DPE a été en grande partie transféré. Cela s'est fait à l'automne.

M. André Vallet, rapporteur adjoint - Ce que vous venez de dire me fait penser aux opérations de décentralisation, qui n'ont pas fait baisser le nombre de fonctionnaires de la centrale, mais ont obligé les collectivités locales à recruter pour assumer les tâches nouvelles qui leur étaient confiées. D'après ce que vous venez de dire, c'est un peu ce que vous vivez pour la déconcentration du mouvement.

Vous avez évoqué le problème du temps de travail des enseignants ; vous avez indiqué que pour votre syndicat il n'était absolument pas question de toucher aux statuts.

Un problème a été évoqué fortement au sein de cette commission : celui du temps de présence des professeurs du secondaire devant les élèves. Si nous comprenons bien qu'un professeur agrégé, qui a une formation supérieure et des responsabilités plus importantes, ait un meilleur salaire, nous ne comprenons pas que son horaire de travail devant les mêmes élèves, et avec les mêmes responsabilités, soit différent de celui d'un professeur certifié. Pourriez-vous donner la position exacte de votre syndicat sur ce point ?

Concernant les chefs d'établissements, vous avez indiqué que vous étiez tout à fait opposés -nous sommes nombreux ici à partager votre point de vue- à ce que les chefs d'établissements recrutent directement le personnel affecté à leur établissement. Cela étant, pensez-vous que les chefs d'établissements doivent avoir des prérogatives vis-à-vis des enseignants ? Doit-on redéfinir le statut des chefs d'établissements ? Doit-on transformer leur travail ? Doit-on leur permettre de donner des appréciations sur le personnel affecté à l'établissement ?

Troisième question : pensez-vous que le collège unique est encore d'actualité ?

Concernant le collège, pensez-vous que la bivalence que nous avons aussi très largement évoquée, doit être définitivement abandonnée, voire la polyvalence, ou bien reprise ?

Dernier point : vous avez indiqué, il y a un instant, l'exemple de classes de première avec 38 élèves. Il est vrai que cela existe. Comment expliquez-vous que le taux d'encadrement soit de un pour douze et qu'il y ait des classes de 38 élèves en classe de première ? Avez-vous une explication ?

M. Bernard Kuntz - A propos des agrégés, il y a un aspect technique que M. Jean-Claude Goui pourra développer. Je voudrais répondre sur le fond. Le problème que vous posez à propos des agrégés se pose depuis des années. Pourquoi les agrégés ont-ils moins d'heures ? On y joint en général la question de savoir si les agrégés doivent enseigner ou non dans un collège où, théoriquement, ils n'ont pas leur place. Voilà le genre de discours auquel nous sommes confrontés.

Nous avons tendance à prendre le problème dans l'autre sens. S'il existe, au sein de l'éducation nationale, un concours de recrutement de niveau agrégation, qui est d'ailleurs une rareté par rapport aux autres pays européens, l'existence d'un pôle d'excellence dans les concours de recrutement des professeurs nous semble être une garantie -je ne plaide pas pour ma paroisse parce que je ne suis pas agrégé- de la haute qualification des personnels enseignants de l'enseignement secondaire.

Il nous semble que cette éternelle question visant à réduire ou à augmenter la charge de travail des agrégés doit être en même temps éclairée par la réflexion "Est-il utile ou non qu'il y ait, pour le système d'éducation, un concours d'excellence comme l'agrégation ?"

Il est évident que si l'on est opposé à l'existence même de l'agrégation, revendication que certaines organisations syndicales ont mise en avant il y a quelques années, je crois qu'il y a lieu de s'attaquer à ce qu'il faut considérer comme des privilèges. Si toutefois on est attaché à la qualité du recrutement sous-jacent à l'existence de l'agrégation, il me semble qu'il faut admettre que ces professeurs bénéficient d'un traitement supérieur, et d'un horaire correspondant à leur degré de qualification, à leur niveau de préparation, et aussi -ne l'oublions pas- aux heures attribuées pour une éventuelle recherche.

M. Adrien Gouteyron - J'ai bien entendu ce que vous avez dit des agrégés, mais je reprend vos propos. Au niveau de qualification, soit. Il est normal qu'ils aient un traitement différent ; on peut l'accepter. Un service différent pour le même travail est plus contestable, non ?

M. Bernard Kuntz - Dans ce cas, monsieur le sénateur, si on veut absolument que les professeurs de lycée aient tous le même horaire, nous suggérons d'aligner l'horaire des certifiés sur celui des agrégés.

M. Adrien Gouteyron - C'est une bonne position syndicale !

M. le Président - C'est-à-dire un effort supplémentaire de la nation, en termes de coût.

M. Bernard Kuntz - Ce n'est pas nous qui avons posé cette question.

M. Adrien Gouteyron - C'était simplement pour vous faire préciser...

M. Jean-Claude Goui - Sur un plan technique, nos propositions ne vont pas tout à fait aussi loin. Mais si c'est un problème d'égalité, autant mettre tout le monde à 12 heures plutôt qu'à 15 ou 18 heures.

Techniquement, nos propositions sont un petit peu différentes. Depuis déjà trois ou quatre ans, nous avons déposé des propositions d'aménagement des services en fonction du nombre réel d'élèves par classes et des situations concrètes des collèges. Nous avons déposé des propositions qui, sans exclure tout à fait la possibilité pour un agrégé de voir son temps réduit en présence de classes particulièrement chargées, conduisent dans la pratique les agrégés à rester à leur situation actuelle. Par contre, que ce soit en lycée ou en collège, on donnerait la possibilité aux autres professeurs ayant réellement devant eux un grand nombre de classes, avec un nombre important d'élèves, et avec un système dans lequel plus ils ont de classes de cette nature, de leur accorder une réduction de service...

Notre proposition (très syndicale, je le reconnais) est plutôt d'aligner, petit à petit chacun sur l'horaire des agrégés. On n'a pas essayé de le faire en sens inverse. Cet alignement offrirait pratiquement à tout le monde la possibilité de se rapprocher de l'horaire des agrégés, mais en fonction de la réalité concrète de service. Un certifié n'ayant pas, dans son service, de classes avec un grand nombre d'élèves, ne bénéficierait pas de notre proposition. Nous avons essayé d'établir des propositions pas trop démagogiques, allant vers la diminution des services des certifiés, et non pas l'égalisation en ajoutant du temps de travail aux agrégés.

J'insiste sur trois problèmes ponctuels qui ne sont pas du corporatisme. Il faut régler assez vite le problème des enseignants des disciplines artistiques. Il faut reconnaître qu'ils voient défiler une classe par heure ; on peut admettre qu'au bout de 20 heures en collège, dans les situations actuelles, ce collègue passe de 20 heures à 18 heures ; c'est pour nous une priorité.

De même pour les collègues d'EPS : il faut reconnaître -même si je sais que cette opinion n'est pas partagée par tous- qu'ils ont la contrainte -même si de l'extérieur cela paraît moins difficile que de donner un cours- de surveiller les vestiaires, de transporter le matériel ; ils ont également des activités physiques, pour ceux qui font leur métier, évidemment. Donc nous ne considérons pas qu'il soit forcément injuste de demander, pour eux aussi, un alignement sur le sort des certifiés.

Pour répondre techniquement aux questions qui nous ont été posée, concernant les agrégés, je crois que, sur le fond, la réponse a été donnée. De plus, c'est en quelque sorte un contrat. Le professeur agrégé -qui a préparé et passé un concours difficile- sait au départ, car cela fait partie du contrat, qu'il aura 12 heures d'enseignement. Je ne suis pas sûr, mais je ne voudrais pas répéter ce qui a été dit, surtout dans les circonstances actuelles, que quelqu'un qui prépare l'agrégation, apprenant que le temps de service serait aligné à plus trois heures...

M. André Vallet, rapporteur adjoint - Ne pourrait-on pas imaginer que le contrat soit changé pour les nouveaux recrutés ?

M. le Président - Non, parce qu'ils demanderont à être alignés sur les anciens.

M. Jean-Claude Goui - Je ne suis pas sûr que, dans ce cas, vous attireriez beaucoup de nouveaux candidats. Nous avons éventuellement des propositions qui permettraient de progresser un peu.

M. le Président - La motivation au concours est donc proportionnelle à la durée de travail réel ?

M. Jean-Claude Goui - C'est un élément.

M. Bernard Kuntz - Je ne peux pas laisser dire qu'un collègue passe l'agrégation interne pour travailler le moins possible. La motivation légitime de ce collègue est la volonté d'améliorer sa carrière, ses conditions de travail et aussi, et pas accessoirement, sa qualification. Il est certain, et je le maintiens, que les professeurs de lycée -en particulier dans certaines disciplines- sont surchargés de travail. Ce n'est pas un hasard si nombre de professeurs de philosophie, de lettres, de mathématiques et de biologie souhaitent passer l'agrégation interne quand ils sont en situation, parce leur charge est d'une extrême lourdeur, pour ne pas dire insupportable.

M. Adrien Gouteyron - Dans certains établissements, sûrement !

M. Bernard Kuntz - Sur les prérogatives du chef d'établissement, nous pensons qu'il faut augmenter les pouvoirs des chefs d'établissements, notamment en matière de traitement des problèmes de violence, de discipline, de délinquance au sein des établissements scolaires.

D'autre part, nous avons très souvent entendu la critique suivante à propos des chefs d'établissement : ceux-ci seraient obligés d'assumer une situation qu'ils ne seraient pas capables de gérer dans la mesure où ils ne peuvent pas recruter leur personnel, donc ils ne peuvent pas constituer des équipes homogènes autour d'eux.

Le problème pourrait être résolu par un système de déconcentration, mieux conçu que l'actuel. En particulier, personne ne s'est jamais véritablement interrogé sur l'opportunité de réfléchir à une déconcentration sur une zone géographique plus restreinte que la seule académie, et de savoir si, au sein de zones plus restreintes, il n'y aurait pas des possibilités pour renforcer la cohésion des équipes pédagogiques sur le terrain, et mieux les adapter aux réalités locales.

En matière d'évaluation par les chefs d'établissement, nous pensons que le chef d'établissement est tout à fait apte à apprécier la présence du professeur, sa ponctualité. Il est vrai que nous avons quelques réticences quant au concept de rayonnement, qui ne nous semble pas particulièrement clair.

Une chose est sûre : nous sommes catégoriquement opposés à toute ingérence du chef d'établissement dans la sphère du pédagogique pour des raisons qui nous semblent évidentes : si le chef d'établissement est un ancien professeur de mathématiques, je le vois mal allant voir ce qui se passe dans la classe d'un collègue de lettres, et réciproquement. Nous sommes ouverts à toute évolution dans les prérogatives du chef d'établissement, à l'exception de la question pédagogique ; nous souhaitons que celle-ci soit réservée à une inspection entièrement rénovée, réformée, et indépendante du pouvoir politique.

M. Francis Grignon, rapporteur - Qui fait respecter la discipline ?

M. Bernard Kuntz - La capacité à faire respecter la discipline dans la classe, c'est cela qui, selon moi, est actuellement envisagé dans le concept d'autorité et de rayonnement. Peut-être ce concept de rayonnement demanderait-il à être précisé ? Un chef d'établissement est parfaitement capable de déterminer si un professeur fait respecter ou non la discipline dans sa classe. Etant entendu que dans certaines zones, je ne suis pas persuadé qu'il soit seulement possible de faire respecter la discipline dans une classe.

Là aussi, il y a peut-être une restriction à apporter ; n'oublions pas que le système actuel de fonctionnement de l'éducation nationale -nous ne sommes certainement pas les seuls à l'avoir déjà remarqué- induit des comportements tels que, en cas de difficultés dans un établissement, un grand nombre de chefs d'établissement ont tendance à les "étouffer" pour éviter que cela ne remonte trop haut et puisse mettre en cause la réputation de l'établissement.

Il convient donc de prendre des précautions importantes pour que l'accroissement d'éventuelles prérogatives du chef d'établissement ne se traduise pas par une mise en cause systématique du professeur à chaque fois qu'il y a des histoires, pour éviter d'en subir soi-même les conséquences. C'est une tendance du système : actuellement, quand un professeur est confronté à des difficultés avec les élèves -l'ensemble de nos collègues attire notre attention sur ce point-, nombre de chefs d'établissement ont tendance à considérer que le professeur doit être mis en cause. Les professeurs en ont assez d'être les exclus du système d'éducation, et d'être mis en cause pour leur "incompétence" à chaque fois que la société oublie ses devoirs vis-à-vis d'eux.

M. André Vallet, rapporteur adjoint - Sur les collèges uniques et le taux d'encadrement ?

M. Bernard Kuntz - Sur le collège unique, nous estimons que la plupart des maux du système d'éducation actuel provient de la réforme Haby de 1975, qui a instauré le collège unique sous la pression d'organisations syndicales qui voulaient promouvoir une certaine vision du système d'éducation.

Nous considérons que le collège unique pose d'énormes problèmes, peut-être pas intégralement dans sa structure initiale. Je concéderais qu'au départ, un certain nombre de structures étaient destinées à éviter les dégâts de l'hétérogénéité généralisée.

Cependant, l'expérience et les faits démontrent que, sur la structure du "collège unique", s'est greffé un esprit égalitariste qui a dévoyé l'ensemble de la structure de l'enseignement secondaire en induisant des inconvénients graves en amont, à l'école élémentaire, par l'irruption du pédagogisme et la généralisation de méthodes douteuses sur le plan cognitif, et en aval, par la généralisation de la mentalité du collège unique au lycée, qui sera bientôt consacrée par le lycée unique adapté enfin au collège unique triomphant.

L'hétérogénéité de la classe est un obstacle à la pédagogie et à l'enseignement. Le dispositif consistant à mettre tous les élèves dans un cursus unique est un dispositif socialement condamnable, car il induit des effets d'inégalité criants par adaptation sauvage, mise en place de filières sauvages de classes "CAMIF", et par le fait tout simple qu'un élève qui ne dispose plus de la possibilité d'acquérir des connaissances à l'école, s'il ne l'a pas dans la famille ou par l'héritage culturel, sera voué à l'échec social.

Pour résumer ma pensée, le collège unique est pour nous la structure par laquelle se créent la fracture sociale et les inégalités les plus scandaleuses. Nous demandons d'urgence, et nous l'avons dit depuis le début : ce n'est pas le lycée qu'il faut réformer et reconstruire actuellement, mais le collège. Si le collège était correctement construit et organisé, il imposerait logiquement une refonte du lycée, mais qui devrait intervenir après.

Le collège unique induit lui-même une distorsion complète du système d'orientation, qui produit l'inflation que l'on sait dans les cycles ultérieurs, un tassement pyramidal vers le bas de la transmission des connaissances, une dévalorisation des diplômes, et donc un échec général de l'ensemble du système d'éducation qui ne répond plus à sa mission telle qu'elle a été définie par Condorcet et par ses fondateurs, à savoir la transmission des savoirs et l'égalité républicaine devant l'accès à la connaissance.

Sur la bivalence, je donnerai une réponse syndicale où j'introduirai un peu de souplesse pour vous faire plaisir. Notre réponse est claire : nous sommes catégoriquement opposés à toute réintroduction de la bivalence, même en collège. Cette revendication est introduite subrepticement par des organisations syndicales qui, ayant vu leur champ de syndicalisation se réduire à néant, souhaiteraient retrouver par ce biais un potentiel de développement. Nous sommes donc radicalement opposés à tout retour de la bivalence, nous n'en voyons pas la nécessité.

Bien que je ne doive pas dire cela, compte tenu de ce que je vient d'affirmer, je crois que nos élus, et le SNALC d'une façon générale, sont prêts à certaines concessions, non pas sur les principes, mais en matière d'adaptation.

Nous reconnaissons bien volontiers que, dans un établissement rural où il y a très peu d'élèves, il est parfois nécessaire de procéder à des ajustements. Chaque fois que cela a été nécessaire, et souhaité par nos collègues, nous n'y avons pas vu de mal, mais nous souhaiterions que l'on en reste à ce type de pratiques et que l'on ne débouche pas sur une réforme de principe. Nous craignons, là aussi, surtout pour les effets induits.

M. Jean-Claude Goui - Pour conclure sur cet aspect de la bivalence, nous estimons que, pédagogiquement, il est nettement préférable pour tout le monde -y compris pour les élèves- qu'un professeur soit formé dans une discipline. Et, si l'on peut discuter dans la pratique, il nous semble préférable d'être formé dans une seule discipline, plutôt que de disperser ses forces sur plusieurs disciplines.

M. Adrien Gouteyron - Je serai sans doute quelque peu brutal : ne pensez-vous pas que votre position est plus justifiée quand on prend en compte une certaine catégorie d'élèves, que l'ensemble des élèves qui entrent au collège ? Cela rejoint peut-être d'ailleurs vos propos sur le collège unique.

D'autre part, pensez-vous vraiment que, pour tous les élèves, il vaut mieux des professeurs formés dans une seule discipline ?

M. Jean-Claude Goui - Tout à fait. Nous constatons même assez souvent que ce qui est décisif, qu'il soit monovalent ou bivalent dans les secteurs particulièrement difficiles que vous évoquez, c'est la valeur professionnelle du professeur. C'est très clair.

Un professeur même monovalent, pas très à l'aise, peut avoir des difficultés, je suis prêt à le reconnaître. Nous constatons que parmi les collègues arrivant à intéresser, à faire progresser les élèves en secteur difficile, c'est souvent, à condition qu'il s'y accroche et qu'il s'y forme bien, éventuellement le jeune agrégé maîtrisant très bien sa discipline et apportant donc aux élèves quelque chose qui sort un peu de l'ordinaire, qui passe mieux. On a réfléchi au problème, et cela n'a pas affaibli notre conviction de fond. Mais on trouvera toujours l'exception inverse, c'est évident.

M. Bernard Kuntz - Il m'a semblé percevoir un sous-entendu dans votre question.

M. Adrien Gouteyron - Pas du tout.

M. Bernard Kuntz - Mais un sous-entendu tout à fait intellectuel ! Je crois que la position que nous avons là est à resituer dans le cadre actuel. Il est évident que nous ne sommes bloqués sur rien. Si une vraie réforme du système d'éducation, et en particulier du collège unique, intervenait, nous sommes prêts à en examiner toutes les conséquences éventuelles.

M. Jean-Claude Goui - Sur les points auxquels nous n'avons pas répondu, j'ajouterai ces quelques précisions Tous les quatre ou cinq ans, nous essayons par une enquête auprès des collègues, qui vaut ce qu'elle vaut, d'évaluer la charge de travail qu'eux-mêmes supportent. Et comme il s'agit d'une enquête interne, nous avons la faiblesse de penser qu'ils nous disent à peu près la vérité ; il suffit aussi d'éliminer éventuellement des extrêmes pour trouver un chiffre à peu près valable.

Depuis une quinzaine d'années, en lycée, les collègues nous disent que leur temps global de travail -les cours, la préparation, la correction, les conseils de classe, sachant que cela peut varier aussi d'un mois à l'autre- oscille entre 41 et 47 heures, 47 heures pour les professeurs de lettres, une dissertation étant évidemment très longue à corriger. Ce sont donc eux qui tirent vers le haut. En gros, les collègues se situent à peu près dans ce créneau de travail réel, en éliminant -je le répète- les cas des professeurs qui effectivement travailleraient un peu moins ou d'autres qui dépasseraient les 47 heures. Ceci pour compléter ce que nous avons dit sur la charge réelle de travail.

M. le Président - 47 heures hebdomadaires ?

M. Jean-Claude Goui - Oui, tout à fait.

M. Serge Lagauche - Faites-vous votre moyenne sur une année complète ?

M. Jean-Claude Goui - Nous faisons notre moyenne sur chaque semaine de travail dans l'année. Les collègues raisonnent par année réelle de travail. Pour chaque semaine hors vacances, ils nous disent à peu près avoir une charge de travail de 41 à 47 heures. Ce n'est pas la moyenne sur l'année. Pour eux, il s'agit de la charge de travail qu'ils ont pendant les semaines où ils travaillent, pour les lycées.

En collège, c'est beaucoup plus variable. Il faut reconnaître là encore, sans faire de démagogie, que dans certains établissements très difficiles, les collègues qui le souhaiteraient ont bien du mal à préparer ou corriger des copies. Ils ont, hélas, à faire des interventions d'urgence très différentes. Le temps de travail ne peut pas se mesurer de la même manière. Il y a l'aspect de soutien des élèves, le stress personnel, plus délicats encore à aborder. Voilà pour les chiffres concernant les lycées.

Concernant le problème du fameux taux d'encadrement, globalement, il y a une différence qui s'explique par le fait que ce taux prend en compte tous les moyens d'enseignants d'un côté, et tous les enseignés de l'autre. Mais c'est un taux qui correspondrait à quelque chose d'impossible, comme si tout le monde travaillait et se prenait en charge en même temps.

Or, pour les professeurs et les élèves qui travaillent par discipline, vous avez forcément dans les emplois du temps des heures où un professeur ne travaille pas, et où des élèves travaillent, et inversement. Ce taux est donc fictif. C'est comme si, la même heure, en même temps, tous les élèves étaient occupés en présence du même professeur : c'est fictif. Il y a une déperdition, une répartition du travail. Ce chiffre serait valable si un seul professeur accueillait tout le temps, dans toutes les disciplines, tous les élèves. Cette globalisation n'est pas fausse, mais c'est un taux fictif.

M. André Vallet, rapporteur adjoint - Comment peut on avoir, encore aujourd'hui, des classes de 38 ou 40 élèves, et vous n'êtes pas les seuls à le dire puisque les lycéens le disent dans la rue, alors qu'on les mettait en cause il y a 10 ans. Or, d'après les chiffres communiqués par le ministère, il y a beaucoup moins d'élèves et beaucoup plus de professeurs. Admettez que cela puisse nous intriguer : ce maintien des classes à 38 et 40 élèves avec une diminution du nombre des enseignés et une augmentation des enseignants.

M. Jean-Claude Goui - L'une des explications est fournie par les options qui font que, dans certains cas et dans certaines disciplines, un seul professeur va prendre en charge un tout petit nombre d'élèves. Nous sommes fermement attachés à l'existence de ces options. En matière de gestion et de financement, cela peut coûter cher. Mais qu'un professeur ait ici ou là trois, quatre ou cinq élèves de latin ou de grec nous paraît être un investissement pas forcément mauvais pour l'avenir. Un professeur occupé une heure en présence de trois, quatre ou cinq élèves dans une option ou une langue 3 fait forcément baisser la moyenne.

Parallèlement, avec la dotation globale horaire, que nous n'avons pas évoquée puisque nous sommes farouchement hostiles à ce système réducteur, soit les chefs d'établissement suppriment les options, et cela leur permet de baisser le nombre d'élèves par classes -je schématise, le problème étant en réalité très complexe-, soit ils maintiennent un maximum d'options, ne serait-ce qu'à la demande des familles, et inversement il faut charger davantage d'autres classes. Voilà le principal point. Cela peut être ensuite une politique d'établissement.

En gros, sauf à vouloir réduire le nombre de disciplines ou d'options, ce qui fait à notre avis la richesse culturelle que l'on doit aux élèves et à leurs familles, il ne peut pas y avoir à chaque heure de répartition " militaire ".

Les chefs d'établissements, qui font de leur mieux, naviguent un peu à mi-chemin entre les deux, essayant de maintenir les options, bien que la suppression de celles-ci leur simplifierait parfois la tâche.

M. Adrien Gouteyron - Une dernière question, qui suppose une réponse très brève. Vous nous avez parlé tout à l'heure des décharges syndicales de service, du mode de calcul. Pensez-vous qu'en sus de ces décharges officielles, il en existe d'autres, moins officielles ?

M. Bernard Kuntz - Il est très difficile d'avoir une réponse objective à une telle question. Nous le pensons, oui, mais très honnêtement, nous sommes incapables de le prouver.

M. Adrien Gouteyron - Je voudrais revenir sur la déconcentration du mouvement. Si je suis bien informé, ce qui n'est peut-être pas le cas, les règles qui vont régir le mouvement à l'intérieur des académies, dont le barème, sont établies sur des bases nationalement édictées, ce qui pose une limite très claire à la déconcentration et à son efficacité.

En tout cas, cela peut apparaître comme une entrave à la nécessaire adaptation des choix qui permettraient de mettre dans tel poste tel professeur ayant tel profil. Votre organisation est-elle favorable à ce système, ou accepteriez-vous un système plus réellement déconcentré, c'est-à-dire un système dans lequel l'échelon académique, sans définir cette notion, qui supposerait un travail avec les organisations représentatives, aurait une plus grande marge de manoeuvre ?

M. Jean-Claude Goui - Vous avez raison de faire cette remarque. A la limite, cette année, les recteurs auront moins de pouvoir qu'ils n'en avaient l'an dernier. L'an dernier, ils pouvaient nommer qui ils voulaient dans les établissements sensibles. Cette année, y compris dans ces établissements sensibles, particulièrement difficiles, ils doivent se soumettre à ce barème. Ils ne peuvent influer que sur quelques points, alors qu'à présent ils décidaient eux mêmes. C'est même un recul pour les recteurs par rapport à la déconcentration.

Effectivement, beaucoup de recteurs avaient préparé, sans porter de jugement de fond, des barèmes académiques, et ils ont été obligés éventuellement de les publier en expliquant qu'ils l'appliqueraient dans trois ans si tout allait bien dans ce sens là. Je ne suis pas sûr que le mouvement déconcentré actuel ne soit pas un recul de ce point de vue, aussi paradoxal que cela puisse paraître.

Pour l'instant, y a donc un barème académique commun imposé à toutes les académies pour trois ans. Nous y sommes favorables par souci d'équité. On peut critiquer un barème, il y a forcément toujours des éléments discutables : pendant des années nous avons plaidé pour que cela tienne compte de la note pédagogique. Une évolution égalitaire a emporté la chose. Nous sommes attachés à l'existence d'un barème commun qui a au moins le mérite d'éviter des inégalités ; le barème est connu de tout le monde.

Je siège depuis une douzaine d'années dans les commissions paritaires nationales. On a toujours muté mes collègues en appliquant ce barème. On peut critiquer le principe, mais cela nous paraît garantir une certaine équité, quelle que soit par ailleurs la force de tel ou tel syndicat. Si fort que soit le syndicat, pour l'instant c'est national et bien contrôlé par des personnels rue de Châteaudun qui étaient très bien formés, qui maîtrisaient parfaitement cela, et par des élus de toute formation syndicale formés depuis longtemps, il ne pouvait y avoir de tricherie de cette nature.

Sur ce qui pourrait se passer cette année dans telle ou telle académie, c'est un autre problème. Nous ne sommes pas fermés pour l'avenir. En particulier, nous admettons tout à fait l'idée que certains postes particuliers...

M. le Président - Les postes en ZEP ?

M. Jean-Claude Goui - ...soient des postes particulièrement difficiles demandant peut être une expérience et une qualification pédagogique particulière, ou dans un autre ordre d'idée, des postes demandant une maîtrise disciplinaire, un talent particulier. Il en existe déjà avec des sections internationales par exemple. Nous ne sommes pas opposés à ce qu'il y ait plus de postes à profil, cela ne nous choque pas du tout. Du moment que les profils sont bien déterminés à l'avance, et ne sont pas laissés au gré d'un choix local qui aurait des arrière-pensées ; ce qui nous gênerait.

Pour un grand nombre de cas, on sait très bien que certains postes n'étaient pas mis au mouvement par un recteur, ou qu'un poste avait une étiquette particulière parce qu'il s'agissait de faire muter ou de ne pas faire muter quelqu'un. Nous ne sommes pas opposés à ce qu'il y ait un plus grand nombre de postes où le barème ne jouerait plus. Nous nous distinguons de beaucoup d'autres d'organisations syndicales sur ce point. Par contre, un barème identique pour tous sur l'ensemble du territoire nous paraît présenter des garanties d'équité que nous ne sommes peut-être pas prêts à abandonner en échange de plus de souplesse.

De même le fameux argument qui explique que pour aller de Lille à Roubaix, il n'est pas nécessaire de passer par Paris : l'avantage que présentait le mouvement concentré est qu'il induisait une égalité entre toutes personnes voulant aller à Lille, alors que dans le système de cette année, la double phase ne nous convient pas. Nous serions, dans ce cas, pour une déconcentration totale, une seule phase, gérée par les académies, pour aller dans votre sens, sous réserve de précautions techniques que l'on a déjà élaborées.

Par contre, dans le cadre de ce qui va se passer, il y aura, qu'on le veuille ou non, un avantage aux collègues déjà en place dans une académie par rapport à ceux qui n'y sont pas encore. On peut peut-être parler de préférence locale. Il y a peut-être des arguments. Cela peut ne pas être choquant pour certains. Mais nous ne sommes pas d'accord.

Pour l'instant, nous appartenons à des corps nationaux, sauf PEGC, corps académiques ; mais pour les corps recrutés sur une base nationale, nous pensons qu'il y a inégalité cette année. Tous les collègues demandant leur mutation ne seront pas tout à fait traités à égalité. Dans cette phase intermédiaire, un bon mouvement national concentré aurait été tout à fait possible. Nous avions de nombreuses idées d'amélioration, et la suppression des postes académiques aurait suffi à régler beaucoup de problèmes de calendrier, d'affectations tardives de professeurs.

Cela dit, maintenant que l'on va déconcentrer, on ne va pas faire un virage chaque année à 180 degrés. Il est clair que ce système vaudra pour au moins trois ans. Les collègues vont adapter leur stratégie, et l'on ne va pas l'année prochaine, même si nous le souhaitons, dire "revenons en arrière et reconcentrons tout" Quoi que l'on en pense, cela ne serait pas normal pour ces collègues. Nous serions même assez, sous réserve que nos propositions techniques soient retenues, pour une déconcentration totale. Cela ne veut pas dire décision hors barème, ni décision selon un barème qui serait très différent d'une académie à l'autre.

Par contre, qu'il y ait plus de différences sur certains postes, ou que ces postes plus nombreux qu'actuellement soient donnés au mouvement sur des critères hors barème, nous en sommes tout à fait d'accord. Nous sommes très ouverts sur ce point.

M. Bernard Kuntz - Plus le point de chute géographique du collègue muté serait restreint, plus on pourrait envisager de la souplesse dans le barème, dans l'affectation définitive.

Nous pensons que l'académie n'est pas le bon échelon pour une déconcentration.

M. Adrien Gouteyron - ... Le département ?

M. Bernard Kuntz - Nous le voyons plus restreint encore. Pour les zones d'éducation par exemple, il y a là toute une prospective intéressante qui permettrait de développer l'autonomie de l'établissement.

M. le Président - Nous vous remercions.