AUDITION DE MME MARIE-FRANCE MORAUX,
DIRECTEUR DES PERSONNELS ENSEIGNANTS
AU MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE,
DE LA RECHERCHE ET DE LA TECHNOLOGIE

(16 DÉCEMBRE 1998)

Présidence de M. Jacques LEGENDRE, vice-président

M. Jacques Legendre, Président - Nous allons auditionner Mme Marie-France Moraux, directeur des personnels enseignants au ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je vous remercie Madame d'être présente aujourd'hui.

Le président Gouteyron appelé par une obligation impérative m'a demandé de bien vouloir le suppléer et regrette de ne pas pouvoir vous entendre personnellement.

Je vais vous demander Madame, ainsi que le prévoit le dernier alinéa de l'article 6 de l'ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de prêter serment, de dire toute la vérité, rien que la vérité, de lever la main droite et de dire : " Je le jure ".

Mme MarieFrance-Moraux - Je le jure.

M. le Président - Nous allons vous laisser la parole pour un exposé introductif à la suite duquel les commissaires vous poseront les questions qu'ils souhaitent.

Mme Marie-France Moraux - A la lecture du rapport que vous avez élaboré, à la base de la constitution de votre commission et compte tenu des responsabilités et des personnes que vous avez auditionnées au ministère sur les recrutements, il m'a semblé que je pouvais vous apporter le maximum d'informations.

Je vous propose de vous parler de cela, ainsi que de vous dire quelques mots sur la mise en place de la déconcentration du mouvement des personnels du second degré, en liaison avec cette politique du recrutement afin de voir avec vous dans quelle mesure cela pourrait permettre de mieux ajuster les besoins des établissements, des académies, puis des effectifs par discipline d'enseignants du second degré.

Tout d'abord, quelques éclairages sur la politique des recrutements dont vous dites que la programmation est peu satisfaisante. Comment faisons-nous ?

A priori c'est assez simple, même si la procédure est sophistiquée -j'aggrave peut-être le cas de l'éducation nationale en disant cela-, puisque depuis des années nous utilisons des modèles de recrutement.

Ces modèles de recrutement prennent en compte les évolutions des effectifs et une analyse des besoins.

Les besoins sont les suivants :

- l'évolution des horaires d'enseignement par niveau, collège, lycée,

- l'évolution des effectifs d'élèves,

- les structures cible que nous nous fixons, c'est-à-dire, taille des classes des groupes etc...

- les besoins de remplacement.

Nous mettrons en face le potentiel d'enseignants que nous prévoyons d'avoir (de même que les titulaires) en prenant en compte toutes les sorties de corps (retraite et affectations dans d'autres fonctions et d'autres lieux).

Et puisque nous sommes décidés à ne plus recruter de maîtres auxiliaires mais que néanmoins nous avons un " stock " de maîtres auxiliaires ayant droit au réemploi chaque année, nous prenons en compte ce potentiel de personnel non-titulaire.

Lorsque cela est fait, on pourrait penser en effet que tout va tomber juste, mais il est clair que quelques incertitudes demeurent dans cette programmation.

Quelques exemples :

La prévision la plus difficile concerne les horaires disciplinaires. Pour vous permettre d'estimer le phénomène, une heure de plus ou de moins en collège, dans une discipline générale, représente environ 1 500 emplois.

Quand d'une année sur l'autre, on décide d'ajouter une heure de physique en cinquième, théoriquement cela coûte 1500 emplois physiques. Or, nous recrutons par an environ 600 nouveaux titulaires en physique.

On voit le décalage. Si l'on voulait ajuster presque immédiatement, il faudrait d'un coup doubler les recrutements. Ceci n'est peut-être pas tellement sage. Dans ce sens, l'on se dit que l'on a des marges de manoeuvre ; mais dans l'autre sens, si c'est une heure de moins, avec le " stock " d'enseignants que nous avons, que fait-on ?

Malgré tout, c'est quelque chose d'assez inéluctable. Il faudrait au moins - dans la mesure où l'on recrute les enseignants un an à l'avance et où l'on fixe les contingents de postes offerts au concours un an et demi ou deux à l'avance- attendre deux ans avant de mettre en place une réforme.

En surmontant ces difficultés que je viens de citer, il faudrait tenter au moins d'ajuster les recrutements aux besoins qui peuvent d'une année sur l'autre varier aussi rapidement.

C'est peut-être le point le plus délicat. C'est peut-être là que nous avons le plus de difficultés, à long terme, à prévoir les évolutions.

M. Jean-Léonce Dupont - Que fait-on dans le cadre d'une heure en moins ?

Mme Marie-France Moraux - Nous souhaitons que ceci n'entraîne pas systématiquement dans les établissements la création de structures nouvelles, c'est-à-dire les doublements de classe.

Que fait-on ? Nous avons des solutions satisfaisantes, d'autres moins. Cela peut permettre d'aborder les moyens de remplacement, cela donne une disponibilité, mais en fait si l'on a moins besoin de personnel dans les classes, le remplacement dans les classes diminue aussi a priori.

• On peut demander à certains enseignants d'effectuer des tâches d'encadrement d'élèves, en petits groupes, en accompagnement, sans l'inscrire dans la structure définitive.

• On peut aussi tester en position académique les enseignants que nous avons en trop et à cette occasion leur faire faire des enseignements dans des disciplines voisines. Si c'est la physique cela peut être des mathématiques dans des collèges ou des lycées professionnels, etc.
Nous sommes là, avec des ajustements très mal vécus du point de vue de l'individu, de la formation qu'il a reçue et de l'attente qu'il ressent à l'égard du système.

Ceci, dans l'immédiat.

Je vais y revenir car nous pouvons dire aujourd'hui que c'est une situation provisoire car nous nous attendons à des départs importants dans les années à venir qui permettront pour certaines disciplines de résorber ces " surnombres fonctionnels ".

Nous avons parfois du mal à prévoir les comportements des étudiants, des familles et des élèves.

Je citerai deux exemples dont l'un est très connu : celui de l'engouement pour les formations universitaires en éducation physique et sportive qui ont provoqué une ponction sur les professeurs du second degré de cette discipline qui n'était pas prévue. Nous commençons à prendre le rythme, mais jusqu'à quand cela va-t-il durer, dans quelles conditions ? Quand les premiers étudiants vont sortir de ces formations et s'apercevoir - comme on les en avait prévenus - que les débouchés ne sont pas à hauteur de leurs attentes ! Mais en attendant, c'est quelque chose dont nous n'avions pas prévu l'ampleur !

Autre phénomène sur une plus longue durée : celui des langues et de l'intérêt quasi systématique des parents pour l'espagnol deuxième langue. De ce fait, l'allemand peu à peu s'effrite et nous avons du mal à suivre et à fournir suffisamment de professeurs d'espagnol.

Nous ne l'avions pas prévu non plus à cette hauteur et nous nous apercevons que toutes les politiques volontaristes que nous pouvons avoir pour inciter les familles à préserver l'enseignement de certaines langues, ont un effet tout à fait limité.

Autre exemple : lorsque des mesures de fonction publique ou plus générales sont prises comme le congé de fin d'activité, une année de disponibilité nous pose un problème que nous avons du mal à gérer.

Dernier élément d'incertitude : le rendement des concours par rapport aux postes offerts, le nombre de candidats reçus.

Nous savons que nous avons du mal à recruter dans certaines disciplines, mais l'écart peut être prévu. Nous savons aussi que depuis des années, ce rendement des concours s'améliore ; en 10 ans nous avons dû passer de 75 % de rendement des concours à 88 %. Nous pouvons donc continuer à prévoir, mais c'est différent par discipline. Il peut y avoir d'une année sur l'autre des modifications non négligeables. Il est donc vrai que nos prévisions ne sont pas parfaites.

Puis il y a des contraintes auxquelles nous devons faire face, qu'elles soient subies ou choisies. Les subies sont celles que je viens de citer.

Mais il y a également des disciplines dans lesquelles nous avons beaucoup de mal à recruter comme certaines disciplines professionnelles. Ce, pour des raisons qui sont de notre responsabilité, par exemple lorsqu'on élève à la licence le niveau des recrutements et qu'il n'y a pas de formation universitaire pour ces disciplines professionnelles.

Il nous a fallu le temps de réagir et de prendre les textes réglementaires permettant à des professionnels de se présenter au concours. Voici qui est fait, mais nous avons perdu un peu de temps.

Autre fait difficile à prévoir : les disciplines sensibles à la conjoncture. Il suffit que l'emploi reprenne dans certains secteurs professionnels pour que nous n'arrivions plus à recruter. C'est vrai en mécanique. Parfois cela va mieux et à d'autres moments, cela va moins bien.

Nous recrutons très mal également en éducation musicale, nous manquons de viviers. Ce sont peut-être nos enseignements qui ne sont pas attrayants ou les conditions de travail des enseignants à l'éducation nationale, mais nous n'arrivons pas en tête des choix des musiciens. C'est quelque chose de très clair.

Un cas paradoxal est celui de l'anglais où nous trouvons au CAPES la moitié des postes offerts. Nous nous interrogeons pour savoir pourquoi. Les présidents de jurys disent que les étudiants n'ont pas reçu les formations universitaires correspondant aux besoins de l'éducation nationale.

C'est un phénomène intéressant que l'on retrouve au niveau des recrutements de maîtres de conférence. L'enseignement supérieur ne recrute même pas les étudiants qu'elle a formés.

Il y a un vrai problème qui mérite d'être creusé et qui remet en cause, non plus un problème mathématique de prévisions, mais plus fondamentalement les formations universitaires. Cela prend du temps. Cela prendra du temps pour changer les formations universitaires, dans cette langue en particulier.

Parmi les contraintes, il en est une qui est un choix politique et de gestion que vous soulignez dans votre rapport :

Puisque nous devons faire face dans les années qui viennent et à partir des années 2002-2005 à de très forts départs à la retraite, pour éviter des à-coups trop importants dans les recrutements et tarir le vivier des candidats, nous avons fait le choix de recruter au-delà de nos besoins actuels et ceci de façon assez durable et encore actuellement, malgré la baisse des postes que nous offrons au concours.

Evidemment ceci réparti sur les disciplines, fait que si nous voulons vraiment tenir les structures dans les établissements, nous acceptons d'avoir des enseignants utilisés à des tâches pédagogiques et d'éducation, d'accompagnement, d'enseignement n'ayant pas nécessairement une affectation définitive dans un établissement pour des besoins d'enseignement. Mais c'est un choix. La difficulté est en effet de le gérer.

Sur ce thème, je souhaitais dire finalement qu'il est peut-être un peu illusoire de penser que c'est par le seul biais des recrutements que nous ferons les ajustements du système.

Il ne faut peut-être pas faire porter à cet aspect de la gestion des personnels de l'éducation nationale tous les maux, et en attendre tout. Comme je vous l'ai dit, lorsque l'on recrute 2 à 3 % des corps, nous avons un " stock " d'enseignants important, nous ne pouvons pas opérer tous les ajustements par la voie des recrutements, même si nous étions presque parfaits dans la prévision.

C'est peut-être ailleurs qu'il faut chercher les possibilités d'ajustement. Il en est que l'on a abandonnées, c'est-à-dire le recours à des personnels intérimaires, des maîtres auxiliaires, c'était très facile, nous avions la variable.

En d'autres temps, nous avons abandonné la bivalence, du moins pour les enseignements de collège et de lycée. Elle permet dans le cadre d'un établissement, mais aussi dans la durée, de faire des ajustements dans des disciplines proches. Compte tenu des formations universitaires ce n'est malgré tout pas impossible, on pourrait imaginer des fonctions ambivalentes.

Puis on peut également - à un moment sur la réforme du collège cela s'est mis en place - imaginer des possibilités horaires laissées à la disposition des établissements leur permettant, dans le cadre de l'établissement, d'ajuster dans telle ou telle discipline, en fonction des personnels qu'ils ont.

Je cite ces cas, on peut en imaginer beaucoup d'autres, mais simplement, il faudrait chercher la souplesse ailleurs. Je n'ose pas parler des heures supplémentaires car c'est un sujet tabou, mais c'est aussi une possibilité d'ajustement disciplinaire dans un certain sens.

Deux mots, mais vous aurez sans doute des questions à me poser, sur la déconcentration du mouvement et en quoi cela peut faciliter les ajustements.

Cela ne facilitera pas les ajustements quand il nous manque nationalement des professeurs d'espagnol ou de sciences de la vie et de la terre. Le changement d'affectation ne changera rien.

Ceci étant, il y a deux points dans la déconcentration du mouvement qui me paraissent aller dans le sens d'une meilleure répartition académique, du point de vue de la méthode et du calendrier.

La méthode :

Jusqu'à ce jour, au 15 février, nous demandions aux académies de déclarer les postes vacants en prévision des postes à pourvoir. Puis après le 15 février, il se passe énormément de choses, mais tout ce qui arrivait dans l'académie était inconnu et se gérait par ajustements massifs, à la veille de la rentrée ou à la fin de l'année scolaire en fonction d'une répartition des néo-titulaires, qui se faisait par négociation en fonction de besoins souvent d'ailleurs annoncés par les académies, et sans beaucoup de rigueur.

Le nouveau système impose que l'on mette en place, à tous les niveaux, une véritable gestion prévisionnelle. Nous pourrions demander aux académies, non pas d'aller compter des postes vacants dans les établissements mais de faire des balances du même type que celles que j'ai décrites pour les recrutements en prévision, entre l'ensemble de leurs besoins d'enseignement et de remplacements estimés et l'ensemble de leur potentiel de personnel titulaire et auxiliaire.

Intellectuellement, c'est un exercice d'une autre nature que celui que j'ai décrit précédemment, qui fait que l'on ne demande pas aux académies de constater, elles sont engagées et responsabilisées dans une gestion prévisionnelle.

A partir du moment et ceci se fera fin janvier, où nous leur aurons dit : " Nous sommes d'accord par discipline, pour vous affecter au maximum tant de personnes ",... elles sont engagées elles-mêmes, elles ont des perspectives claires de préparation de la rentrée.

Ceci est lié au calendrier :

Le nouveau calendrier fait que fin janvier, les académies sauront à quoi s'attendre, par discipline. Pour le mouvement inter académique, ce sera au mois de juin.

Fin janvier : elles auront des prévisions ;

Fin mars : elles auront par académie le potentiel réparti du mouvement inter académique ; elles connaîtront le nombre de personnes qu'elles peuvent attendre à la rentrée.

Entre fin mars-début juin : elles auront tout le temps de faire leurs ajustements de rentrée. Cela peut vouloir dire, ne pas dédoubler des classes, démultiplier des classes dans certains endroits, ne pas créer des structures trop lâches faisant appel à des disciplines dont elles savent qu'elles n'auront pas de personnel.

Ce sont deux points importants du nouveau système qui devraient permettre de progresser sans toutefois résoudre tous les problèmes, loin de là. Ceux que j'ai évoqués ne sont pas solubles par cette simple méthode technique.

Voilà ce qui me semblait relever le plus directement de ma compétence dans le rapport que vous avez établi et que je voulais vous dire d'entrée de jeu.

M. le Président - Je vous remercie Madame. Je vais laisser la parole à mon collègue.

M. Gérard Braun - Vous nous avez dit que vous étiez en train de recruter au-delà des besoins, pour anticiper sur ce grand mouvement de départ en retraite. On dit que 40 % des personnels de l'éducation nationale dans les cinq années à venir vont partir en retraite.

De combien anticipez-vous ?

Vous nous avez dit que vous affectiez ces personnels à des tâches d'accompagnement. Ne craignez-vous pas des problèmes le jour où il faudra mettre ces personnels sur des tâches d'enseignement, alors que vous aurez créé des besoins d'accompagnement, que l'on dise : " C'était parfait, nous avions besoin de ces tâches d'accompagnement " ?

Cela ne sera-t-il pas difficile à gérer ? Dans votre esprit, ces 40000 emplois jeunes ne seront-ils pas l'un des éléments permettant d'apporter à l'éducation nationale les moyens de passer ce cap peut-être assez difficile ?

Mme Marie-France Moraux - Vous avez raison, je l'ai dit. C'est toute la difficulté actuelle de gestion de ces surnombres fonctionnels.

Je me suis peut-être mal exprimée sur un point : cela nous permet de développer nos capacités de remplacement notées comme assez insuffisantes globalement.

Pour les autres, il est vrai que les tâches des emplois jeunes et des enseignants ne sont pas tout à fait de même nature. J'ai utilisé le terme " d'accompagnement " il n'est peut-être pas juste, car ce ne sont pas des enseignants affectés avec des classes en permanence.

Mais ce sont des tâches par exemple de développement des nouvelles technologies avec une base pédagogique. Il ne s'agit pas simplement d'aider les élèves ou les enseignants à utiliser un micro-ordinateur, mais de développer des enseignements avec des ordinateurs.

Je cite cet exemple car en effet beaucoup de jeunes recrutés -cela tombe évidemment le plus souvent sur eux, ce sont eux qui sont dans les positions les plus instables- ont de véritables capacités pour ce type d'activité.

Mais à la marge il est vrai que nous sommes en difficulté. Il ne faut pas laisser longtemps les individus dans cette situation. Ce sont des positions acceptables une année, guère plus. Il faut donc pouvoir de façon prioritaire affecter ces jeunes sur des postes définitifs.

M. Jean-Claude Carle - J'ai été très impressionné par le chiffre que l'on nous a donné : une heure de plus ou de moins, c'est 1500 emplois.

Comment pourrait-on favoriser cette bivalence qui permettrait d'utiliser au mieux ces personnels dont la discipline a été supprimée ? Vous avez dit qu'il y avait quelques réticences de la part des enseignants à passer dans une autre discipline. Comment peut-on les inciter à passer dans une autre discipline où il y aurait des besoins ?

Vous avez dit également que les étudiants ne reçoivent pas toujours un enseignement adapté à la discipline qu'ils vont enseigner. Que peut-on faire pour améliorer cela ?

Mme Marie-France Moraux - Sur la bivalence, vous savez qu'à l'éducation nationale, tout ce qui n'est pas traduit dans les statuts est scélérat.

Evidemment la réponse simple serait de dire et de tenter de convaincre que, dans un certain nombre de cas, la bivalence est un atout pour les enseignants plus qu'une contrainte.

Car, je ne l'ai pas dit, mais la cause la plus claire de la disparition des PEGC tient au fait que dans un certain nombre de petits collèges et de collèges éloignés, au lieu d'être affecté dans un établissement et d'y enseigner deux disciplines voisines, le malheureux certifié monovalent est obligé, sous la contrainte éventuellement, de se répartir des services en deux, trois ou parfois quatre établissements, ce qui n'est pas confortable.

La solution est de convaincre peu à peu, avant d'aboutir à des évolutions. Ces évolutions ne sont pas difficiles dans la mesure où les formations universitaires sont complètement bivalentes. Mais quand on fait de la physique à l'université, on fait des mathématiques. Dans les langues, il y en a toujours deux. Les CAPES de français comportent deux langues étrangères. A la base, cela est possible et la formation en IUFM pourrait permettre de rééquilibrer et de mieux préciser la formation.

Vous savez sans doute que le ministre a confié au recteur de Lyon une mission de réflexion sur les conditions de travail et d'exercice des enseignants. Cela fait partie des idées débattues. Pour avoir participé à l'une de ces séances, je crois que les esprits évoluent. Je ne sais pas de quoi l'avenir sera fait, mais je crois que l'on ressent de plus en plus le besoin de souplesse. On ne peut pas verrouiller de partout le système, il y a un moment où cela ne passe plus.

Sur les formations universitaires, c'est beaucoup plus difficile.

Dans certaines disciplines, il serait bon de mettre à plat les formations. Il y a plusieurs moyens, la politique contractuelle avec les universités s'y prête. Il arrive que des réflexions soient lancées sur certaines disciplines. Pour une discipline comme celle de l'anglais, tellement caricaturale, cela s'impose.

Mais il y a à faire savoir et je m'y emploie vis à vis des membres du Conseil National des universités. Quand ce n'est pas su, évidemment les pratiques perdurent. Mis devant des contradictions, les esprits évoluent.

M. Jean Arthuis - Vous êtes directrice des personnels enseignants, cela implique-t-il que vous ayez prise sur la formation des enseignants ?

Mme Marie-France Moraux - Ni la formation initiale, ni la formation continue ne sont dans mes compétences.

M. Jean Arthuis - Cela vous donnerait-il de l'aisance dans votre exercice si vous aviez la responsabilité de la formation initiale et permanente ?

Mme Marie-France Moraux - Cela me manque beaucoup d'avoir à concevoir une politique sans avoir cette capacité de conception. En revanche, j'ai la responsabilité des concours. Je peux les faire évoluer.

M. Jean Arthuis - Votre réponse sur les recrutements à venir compte tenu des départs à la retraite m'a étonné. Vous dites : " on peut être tous à l'aise ". Il y a d'autres statistiques, je ne sais ce qu'il en est au plan national, mais dans l'académie dont mon département fait partie, nous en avons qui laissent à penser qu'en 16 ans, le nombre d'élèves va baisser d'environ 25 %. Une génération de deux ans doit représenter 32-33000  et une génération qui a 16 ans aujourd'hui doit représenter 41 000 personnes.

Cela veut dire que l'on est à la veille d'un reflux considérable des effectifs d'enseignement secondaire.

Quelle est votre prévision d'effectifs enseignants par rapport à l'évolution de la démographie des élèves ?

J'aimerais que vous nous donniez votre appréciation sur les surnombres qui ont été assez nombreux dans les années 90. Comment analysez-vous cela et comment en voyez-vous la digestion ?

Vous avez insisté je le comprends bien, sur la flexibilité, mais à partir du moment où tous les maîtres auxiliaires ont été intégrés, il me semble que le système s'est trouvé plongé dans une rigidité extraordinaire. Comment a-t-on pris une telle décision ? Vous avez fait observer que vous avez une mission considérable à assumer. Si l'on titularise les maîtres auxiliaires, on répond ainsi à un souhait corporatiste, ce que l'on peut comprendre, mais dans le débat interne, comment cela se passe t-il ?

Mme Marie-France Moraux - Je ne suis pas sûre qu'il y ait un débat interne en la matière. Ce sont des points qui se discutent, mais vous savez comment les décisions se prennent au sein des ministères ; la pression sociale est à la fois très grande et les mises en oeuvre de la loi Perben nous conduisaient naturellement à garantir aux maîtres auxiliaires pouvant en bénéficier, un emploi leur permettant de préparer et réussir un concours qui leur était réservé et mis en place.

La difficulté est que cela a été une photographie avec une répartition disciplinaire qui correspondait à des difficultés de remplacements. Par exemple, la situation conjoncturelle de telle ou telle académie et non pas les besoins que l'on aurait pu définir nationalement, équilibrer etc.. C'est donc un handicap. Cela complique les choses. Cela crée dans certaines disciplines des désajustements qui auraient pu être épargnés par ailleurs.

Cela nous conduit à forcer les recrutements dans un certain nombre de secteurs, à les alléger dans d'autres. C'est un élément à prendre en compte dans les calculs.

Au niveau académique c'est un peu plus compliqué.

Sur les prévisions d'effectifs enseignants, je ne peux pas vous donner les chiffres, mais il y a eu des publications que l'on peut vous redonner, avec les départs prévus année après année, les besoins, l'évolution des effectifs.

Vous abordez un phénomène en citant le cas de votre région, compte tenu de la pyramide des âges des enseignants qui n'est pas égal ou égalitaire selon les académies. Les plus anciens, pour caricaturer, étant dans le Midi et les plus jeunes dans le Nord ; le jour où il y aura un effet de fort départ à la retraite, les académies du Midi vont se vider, nous aurons un problème de gestion un peu compliqué si nous ne voulons pas vider le Nord, et enclencher un mouvement tout à fait impressionnant.

C'est un problème de gestion un peu compliqué puisqu'il faudra équilibrer entre les jeunes anciens qui auront souffert loin de leur région et qui tenteront de s'y précipiter, plus ceux attirés par certaines régions et puis les plus jeunes.

Je ne sais pas quoi vous dire de plus sur la façon de gérer les surnombres. Sauf qu'il y a des mesures ponctuelles annuelles et que tout ceci se gère à la fois mathématiquement mais aussi individuellement sur la durée.

Un mot à nouveau du mouvement déconcentré  : l'autre avantage de ce mouvement est de laisser aux recteurs la possibilité d'un suivi de la prise en compte de situations individuelles, éviter peut-être des situations trop difficiles pour des surnombres et peut-être les gérer autrement.

Vous citez un exemple dans votre rapport : tous les professeurs de philosophie rattachés à un même établissement... Il n'est pas certain que ce soit la meilleure méthode de gestion que de mettre tous les professeurs de philo dans un même établissement qui ne peut rien en faire. En revanche, si vous les répartissez entre plusieurs lycées de l'académie, il y a peut-être quelque chose à en faire au sein de l'établissement sur le plan pédagogique et pour l'enseignant, cette situation est certainement plus favorable à vivre.

La demande que nous faisons très fortement au recteur, d'une gestion beaucoup plus qualitative à l'occasion de ce mouvement déconcentré, devrait permettre également de faciliter ce passage un peu difficile des surnombres dans certaines académies.

M. Jean Arthuis - Il y a une ambiguïté dans mon esprit sur les surnombres.

J'avais compris par surnombre qu'il s'agissait finalement du personnel que les rectorats recrutaient en dehors des emplois budgétaires, c'est-à-dire que l'on affiche par la loi de finances une belle discipline et puis finalement on laisse la bride sur le cou au rectorat qui recrute en dehors du tableau des effectifs.

Mme Marie-France Moraux - Ce n'est pas cela.

M. Jean Arthuis - Il y a deux surnombres, celui qui motivait ma question et celui que je viens d'expliciter peut-être maladroitement.

Comment jugez-vous, vous qui êtes responsable du personnel, que l'on puisse dans un rectorat, à votre insu en quelque sorte, recruter des collaborateurs qui font exploser le tableau des effectifs ?

Enfin, le phénomène surnombre dont vous venez de parler : quel est le nombre de professeurs de philosophie rattachés à un lycée qui n'enseignent pas, parce qu'on a pas besoin d'eux, combien de professeurs sont sans affectation, parce que spécialisés dans une discipline et malheureusement pas attendus dans cette discipline ?

M. le Président - Chers collègues, avant que Madame Moraux ne réponde, M. Touraine me fait savoir qu'il doit nous quitter impérativement à 18 heures 45. Nous devrons l'entendre à partir de 18 heures, il faudrait donc maintenant resserrer un peu les questions et les réponses afin que M. Touraine puisse intervenir.

Mme Marie-France Moraux - Dans un volume de crédit budgétaire défini, le recteur peut recruter des auxiliaires ou des contractuels.

Il est vrai que dans quelques cas, les enveloppes proposées aux recteurs sont un peu maigres et ceux-ci nous sollicitent pour que nous l'augmentions ; mais vous avez dû en parler avec M. Michel Dellacasagrande. Pour autant, nos chapitres n'explosent pas. En tout cas pas les chapitres de rémunération de titulaires. Le recteur a quand même des capacités de recrutement limitées et encadrées budgétairement.

Par ailleurs, deux autres notions de surnombre au plan national : il y a en effet un surnombre budgétaire dont je n'ai pas le chiffre, M. Michel Dellacasagrande a dû vous le donner.

La notion du surnombre que j'utilise n'est pas budgétaire, elle est fonctionnelle et tient aux disciplines. C'est le désajustement entre les disciplines. C'est un peu délicat à manipuler en effet.

Je crois pouvoir vous dire, que nous devons avoir dans les établissements actuellement environ 1 400 titulaires académiques que nous considérons en surnombre. C'est-à-dire qui n'enseignent pas. Cela ne veut pas dire qu'ils n'enseignent pas du tout, mais qu'ils n'enseignent pas dans leur discipline.

6 150 titulaires académiques sont affectés à des zones de remplacement. Cela ne veut pas dire qu'ils n'effectuent pas des remplacements dans leur discipline, mais qu'ils n'ont pas un emploi fixe en établissement.

Cette notion de surnombre est purement disciplinaire, ce sont donc soit des personnes parmi les 1400 qui n'enseignent pas dans la discipline, soit les 6000 qui enseignent dans leurs disciplines, mais remplacées.

M. Jean Bernadaux - J'ai entendu tout à l'heure que quelquefois, le taux de rendement des concours était de 62 %, voire 87 %. Cela signifie que sur 100 postes ouverts, 62 ou 80 sont pourvus directement par le concours. Comment faites-vous pour compléter le manque ?

Prenez-vous des auxiliaires ?

Mme Marie-France Moraux - Dans la mesure où nous surrecrutons dans beaucoup d'endroits, cela ne nous inquiète pas énormément de ne pas pourvoir les postes dans certaines disciplines. Dans les disciplines où nous avons de gros besoins, nous pourvoyons à 100 %.

C'était vrai dans les années passées, cela l'est moins maintenant puisqu'en baissant les postes offerts, nous nous rapprochons de la réalité des chiffres de candidats reçus. Nous avons joué pendant quelques années pour afficher des postes offerts, au-delà, et en toute conscience, de ce que nous savions pouvoir recruter. La négociation avec le ministère du budget ne se fait pas sur tous les postes offerts mais sur les recrutements prévisibles.

M. Serge Lagauche - Madame la directrice, dans le cadre de la déconcentration, comment vont se gérer les heures supplémentaires ?

Mme Marie-France Moraux - Il n'y a pas de modifications. Les académies reçoivent pour la préparation de chaque rentrée, une dotation horaire composée à la fois d'emplois et d'heures supplémentaires. C'est la gestion des moyens. Les heures supplémentaires relèvent de la gestion des moyens.

Par ailleurs, la gestion des personnels se fait par rapport à la demande des académies qui ne porte que sur les postes et non pas sur les heures supplémentaires.

Ce qui veut dire que préalablement, les académies aient analysé par discipline leur répartition d'heures supplémentaires pour nous faire remonter leurs besoins de personnel.

M. le Président - Je pense que certains de mes collègues et moi-même aurions souhaité vous poser des questions supplémentaires. Mais nous nous trouvons un peu contraints par l'horaire. Nous ne manquerons pas en cas de besoin de vous demander quelques précisions supplémentaires. Nous vous remercions d'être venue.