C. QUE PEUT-ON ATTENDRE D'UNE NOUVELLE DYNAMIQUE TECHNOLOGIQUE ?

A la demande de la Délégation à la Planification du Sénat, les experts du COE ont cherché à simuler l'impact macroéconomique d'un dynamisme des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) analogue en France à celui que connaissent les Etats-Unis.

Pour ce faire, les experts du COE ont effectué à l'aide du modèle OEF 14( * ) deux projections distinctes 15( * ) , pour étudier les deux mécanismes par lesquels les NTIC peuvent influencer la croissance :

- en premier lieu, les progrès des NTIC stimulent la demande des ménages et l'investissement des entreprises en biens et services à haut contenu en technologies de l'information et de la communication (comme la téléphonie mobile, l'informatique ou la télévision). Il en résulte une croissance rapide de l'activité des branches concernées. Cet enchaînement est particulièrement net aux Etats-Unis, où le dynamisme de l'investissement des entreprises (+ 9,5 % par an sur la période 1993-1998) 16( * ) est imputable pour l'essentiel à la progression de leurs dépenses en matière d'informatique et de télécommunications ;

- en second lieu, la diffusion des NTIC dans l'ensemble de l'économie pourrait, toutes choses égales par ailleurs, accroître la productivité des branches qui les utilisent. En d'autres termes, la diffusion des NTIC accélérerait le " progrès technique ". Comme l'a montré votre rapporteur, cette idée selon laquelle les NTIC pourraient conduire à une nouvelle révolution industrielle est toutefois plus controversée et ne s'appuie pas, pour l'heure, sur des fondements empiriques incontestés.

• Dans un premier temps, les experts du COE ont donc simulé les effets, toutes choses égales par ailleurs, d'un dynamisme de l'investissement des entreprises accéléré par la diffusion des NTIC, à hauteur de 4 points par an pendant cinq ans : au terme de la cinquième année, le niveau de l'investissement des entreprises en biens d'équipements serait ainsi accru, par hypothèse, de 20 %.

Les conséquences de ce scénario apparaissent extrêmement favorables . Après cinq années, le PIB serait ainsi accru de 1,9 % par rapport à sa tendance antérieure, ce qui représente un surcroît de croissance de 0,4 % par an en moyenne.

La hausse du PIB redresserait le solde des administrations publiques (à hauteur de 0,7 % du PIB à l'horizon de la projection).

L'accélération de l'investissement accroîtrait le " stock de capital ", c'est-à-dire les capacités de production , ce qui modérerait les tensions sur l'offre. " L'intensité capitalistique " (le montant moyen de capital par salarié) augmenterait, c'est-à-dire que les entreprises substitueraient du capital au travail, ce qui limiterait les tensions salariales, mais l'emploi progresserait quand même. Au total, " le dynamisme de l'investissement " accroîtrait le potentiel de croissance de l'économie (de 0,3 point par an à partir de la quatrième année) et réduirait le taux de chômage (de 0,4 point à l'horizon de la projection). Le solde extérieur serait toutefois dégradé (de 1,3 point de PIB après 5 ans).

Ces enchaînements favorables seraient relativement peu affectés en projection par une réaction des autorités monétaires face à l'accélération de l'inflation. En effet, la hausse des prix demeurerait modeste, et le relèvement des taux d'intérêt associé freinerait peu la croissance. En outre, cette hausse des taux d'intérêt pourrait faciliter le financement des investissements des entreprises.

Les résultats de cette simulation sont toutefois fragiles : d'un côté, les modèles macroéconomiques prennent mal en compte les conséquences d'un surcroît d'investissement sur l' endettement des entreprises, donc sur leur accès à de nouveaux financements ; de l'autre, les modèles macroéconomiques ne peuvent appréhender l'impact favorable d'un tel scénario sur la confiance des ménages. En outre, la projection ne peut distinguer selon la nature (NTIC ou non) du surcroît d'investissement.

Même si cette projection reproduit assez bien certains traits caractéristiques de l' économie américaine (dynamisme de l'investissement, repli du chômage, redressement du solde public, creusement du déficit extérieur), elle illustre plus généralement le fait que l' investissement des entreprises est désormais la clé d'une croissance soutenue en Europe.

• Dans un second temps, les experts du COE ont cherché à simuler un scénario de " nouvelle économie ", où la diffusion des NTIC se traduirait, à facteurs de production inchangés, par une accélération du progrès technique de 0,3 point par an pendant 5 ans.

En projection, l'accélération du progrès technique permet des gains de productivité apparente du travail, donc une baisse des prix, ce qui accroît le pouvoir d'achat des salaires et qui stimule la compétitivité des entreprises à l'exportation. Par ailleurs, les gains de productivité " libèrent " des capacités de production, ce qui réduit les tensions sur l'offre, donc le volume des importations.

Au total, ce scénario s'accompagne d'un redressement du solde extérieur (de 0,2 point à l'horizon de la projection) et d'une accélération graduelle de la croissance . Dans la projection du COE, l'accélération du progrès technique ne se traduit toutefois pas, à moyen terme, par une hausse de l'emploi : le surplus d'activité est en effet absorbé par les gains de productivité.

En outre, si l'accélération du progrès technique est concomitante dans l'ensemble des grands pays de l'OCDE, aucun d'entre eux ne bénéficie de gains de compétitivité significatifs : les gains de productivité induits peuvent alors se traduire initialement par une contraction de l'emploi , qui freine la demande et la croissance.

• Dans un troisième temps, les experts du COE ont combiné les hypothèses précédentes, c'est-à-dire qu'ils ont simulé l'impact macroéconomique d'une accélération de l'investissement en NTIC des entreprises, qui s'accompagnerait d'une rupture de tendance du progrès technique.

Ce scénario apparaît en projection particulièrement favorable à la croissance : le niveau du PIB serait en effet rehaussé de 2,6 points en cinq ans (soit ½ point de croissance supplémentaire chaque année). De plus l'accélération de la croissance pourrait se poursuivre par la suite, puisque le taux de croissance potentiel serait accru de 0,6 point par an à l'horizon de la projection. Ce surcroît de croissance ne s'accompagnerait que d'un repli modeste du taux de chômage (- 0,4 point après 5 ans), mais il redonnerait des marges de manoeuvre à la politique macroéconomique en accélérant le redressement du solde des finances publiques.

• Ces projections illustrent le double enjeu que constituent pour les politiques économiques la diffusion des nouvelles technologies de l'information et de la consommation (NTIC), d'une part, leur utilisation efficiente par les entreprises et les salariés, d'autre part. Les autorités publiques doivent donc développer les infrastructures physiques et réglementaires nécessaires aux NTIC ; promouvoir un environnement fiscal, social et intellectuel favorable à la production, à la diffusion et à la réception des innovations technologiques ; stimuler chez les jeunes l' esprit d'initiative et la curiosité envers les NTIC ; enfin, améliorer la formation continue des plus anciens.
Par ailleurs, les entreprises , qui ont trop souvent introduit les NTIC comme des outils de contrôle et de rationalisation de l'organisation existante, non sans appréhension de la part des salariés concernés, ne pourront profiter à plein des NTIC qu'en promouvant des modes d' organisation adaptés (en réseaux, par projet, par équipe orientée-client, etc.).

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