N° 102

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès verbal de la séance du 29 novembre 1999.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et de forces armées (1) à la suite d'une mission effectuée en Moldavie , du 4 au 8 octobre 1999,

Par MM. André DULAIT, André BOYER et André ROUVIÈRE,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Europe de l'est .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Petit Etat de 4,3 millions d'habitants enclavé entre l'Ukraine et la Roumanie, la Moldavie reste encore largement méconnue. Issue de l'éclatement de l'Union soviétique, elle présente un résumé des difficultés -exacerbées parfois- rencontrées par les nouvelles républiques au lendemain de leur indépendance. A cet égard, la situation de ce pays constitue un indicateur intéressant de l'évolution d'une zone dont l'équilibre importe au premier chef à l'Europe. En outre, la Moldavie revendique son appartenance à la culture latine et sa proximité avec la Roumanie. Elle souhaite retrouver une communauté de destin avec une Europe dont, seules les vicissitudes de l'histoire, l'ont séparée. Cet appel ne peut rester sans écho.

C'est pourquoi, une délégation de votre commission s'est rendue en Moldavie du 4 au 8 octobre dernier afin de prendre une plus juste mesure des aspirations de ce pays.

Cette délégation composée de MM. André Dulait, André Boyer et André Rouvière a rencontré au cours de ce déplacement les principales autorités de Moldavie et parmi les premières d'entre elles, le président de la République, M. Petru Lucinschi, le Premier ministre M. Ian Sturza. Depuis lors, celui-ci mis en minorité par le Parlement le 9 novembre dernier, a démissionné.

Votre délégation souhaite exprimer toute sa reconnaissance aux autorités du Parlement qui ont grandement facilité le déroulement de cette mission ainsi qu'à notre ambassadrice en mission à Chisinau, Mme Dominique Gazuy, et à ses collaborateurs dont le concours s'est révélé très précieux.

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La Moldavie a pour priorité de conforter un Etat jeune qui recouvre une indépendance perdue depuis près de cinq siècles. Dans cette perspective, elle doit relever trois gageures :

- restaurer une intégrité territoriale compromise aujourd'hui par la sécession de fait de la Transnistrie,

- reconstruire et diversifier une économie frappée de plein fouet par la crise russe,

- façonner une identité nationale et établir un équilibre entre les influences russe et roumaine.

De la capacité de la Moldavie à surmonter ces difficultés dépend l'avenir de ce pays et sa pérennité dans une zone marquée par de nombreuses tensions.

Dans quelle mesure la France peut-elle aider ce pays, notamment dans sa volonté d'ouverture vers l' Europe ? Telle est aussi la question que ce rapport se devait d'évoquer.

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I. LE RÈGLEMENT DE LA QUESTION TRANSNISTRIENNE, CONDITION D'UN NOUVEAU DÉPART POUR LA MOLDAVIE

La garantie de l'intégrité territoriale de la Moldavie constitue un préalable indispensable à la stabilité politique et au développement économique de ce pays. C'est pourquoi le règlement du conflit en Transnistrie apparaît aussi crucial pour l'avenir de la Moldavie.

Toutefois, ce conflit et les conditions de son règlement ne peuvent être présentés sans un rappel de l'histoire passablement tourmentée de la Moldavie.

A. LA MOLDAVIE : LE DIFFICILE HÉRITAGE D'UN PROCESSUS DE MORCELLEMENT ET DE RECOMPOSITION COMPLEXE

La Moldavie actuelle marque l'extrême limite des conquêtes de Trajan en Dacie au début du IIème siècle de notre ère. Malgré les invasions -conclues avec l'établissement des Slaves au Vème siècle-, cette terre restera ancrée dans la latinité comme l'atteste d'ailleurs le nom de Ro(u)mains donné à ses habitants.

A partir du Xè siècle se forme, à l'est des Carpates, un nouvel Etat, la Moldavie, dont le territoire recouvre la Moldavie actuelle et la province roumaine du même nom. Ce pays connaît sa plus grande extension sous le règne d'Etienne le Grand (1457-1504) ; il résiste alors aux envahisseurs hongrois, polonais, tatars et turcs.

Au début du XVIè siècle, la Moldavie perd la maîtrise de son destin. Assujettie et démembrée, elle est pendant près de cinq siècles le jouet des rapports de force entre les grandes puissances de l'Europe centrale.

Elle accepte d'abord la suzeraineté ottomane tout en conservant son autonomie. A la fin du XVIIIè, une partie de la Moldavie passe sous la domination de l'Autriche et prend le nom de Bukovine. Une autre partie, à l'issue des guerres russo-turques, en 1812 se trouve annexée par la Russie et devient la Bessarabie.

En 1918, la Bessarabie s'unit à la Roumanie. En octobre 1924, le Gouvernement soviétique crée, sur la rive gauche du Dniestr (Transnistrie), la république autonome soviétique socialiste de Moldavie -initiative qui porte en germe le conflit actuel- afin de justifier ses prétentions territoriales sur l'ensemble de la Bessarabie.

La Bessarabie est occupée en 1940 par l'URSS en application des dispositions secrètes du pacte Molotov-Ribbentrop du 23 août 1939. Reprise par la Roumanie en 1941, elle est finalement rendue à l'Union soviétique en 1947 (traité de Paris de janvier 1947). Le 27 août 1991, au lendemain du putsch de Moscou, la Moldavie a déclaré son indépendance.

Aux hasards d'une histoire inconstante se sont ajoutés la politique de démembrement délibérée conduite à l'initiative de Staline -rattachement du nord et du sud (débouché sur la Mer noire) de la Bessarabie à l'Ukraine (dont la population actuelle comprend ainsi une minorité moldave forte de 400 000 personnes)- et les déplacements de population : déportation de Moldaves en Sibérie, immigration massive de Russes, Ukrainiens et Biélorusses (environ 600 000 personnes depuis l'après-guerre).

La Moldavie doit, aux vicissitudes de son passé, la diversité de sa population (4,3 millions d'habitants), qui, aux côtés d'une majorité de roumanophones (60 %), réunit d'importantes minorités russophones d'origine ukrainienne (14 %) ou russe (13 %). Les principales villes -Chisinau, Balti, Tiraspol- sont majoritairement russes. Le développement économique du pays et l'urbanisation ont en effet, pour une large part, reposé sur l'immigration des populations russophones (les non-Moldaves représentaient avant l'indépendance 52 % de la force de travail industrielle, 57 % des cadres dirigeants et 68 % des cadres travaillant dans le domaine scientifique). Il faut aussi mentionner parmi les minorités, les gagaouzes (3,5 %), concentrés dans le sud du pays et héritiers des Turcs chrétiens de la Dobroudja colonisés par la Russie au début du XIXè siècle.

Pour le jeune Etat moldave, la coexistence de ces populations a représenté une source de difficultés aggravées encore par la politique russe conduite à la veille des indépendances.

En effet, face au mouvement inexorable de décomposition de l'Union soviétique, les autorités de Moscou, soucieuses d'assurer la protection des minorités russes tout en se ménageant un levier d'intervention dans les affaires intérieures des futures républiques, ont mis en oeuvre une politique d'" autonomies territoriales " -35 autonomies sont ainsi créées : seize dans la fédération russe, quinze autres correspondant aux républiques unionales, quatre en Ukraine (Crimée), en Géorgie (Abkhazie), en Moldavie (Transnistrie et Gagaouz-Eri) - autant de foyers d'instabilité et de conflit au sein des nouvelles républiques indépendantes.

B. LA TRANSNISTRIE : UNE SURVIVANCE DU SYSTÈME SOVIÉTIQUE

La constitution de la Moldavie fixe le cadre d'un Etat unitaire et ne reconnaît pas les minorités. Toutefois, l'article 2 de la charte fondamentale donne une base juridique à la politique de décentralisation : elle prévoit en effet que " les agglomérations de la rive gauche du Dniestr et certaines agglomérations du Sud de la Moldavie peuvent bénéficier de formes particulières d'autonomie ".

Cependant, si la Moldavie a su répondre aux aspirations de la minorité gagaouze sans transiger sur les principes de la souveraineté nationale, elle demeure confrontée à l'irrédentisme de la république autoproclamée de Transnistrie.

Certes, la minorité turcophone ne représente guère que 3 % de la population totale de la Moldavie et se concentre dans cinq cantons méridionaux de la république (tout en ne représentant une majorité absolue que dans deux de ces cantons), soit 13 % du territoire national.

En 1994, le Parlement de Chisinau reconnaissait l'" Etat national autonome gagaouz-Eri " doté d'un statut juridique particulier.

La sécession de la Transnistrie et les revendications de la minorité russe dont elle constitue l'expression exacerbée soulèvent naturellement un problème d'une tout autre ampleur.

Trois faits ont une large part de responsabilité dans le déclenchement du conflit Transnistrien : d'une part, la prépondérance de la population russe dans cette province -60 % de russophones (Russes et Ukrainiens) et 40 % de roumanophones-, d'autre part, le rejet d'un pouvoir central dominé par les roumanophones et, plus encore, la perspective d'une réunification de la Moldavie avec la Roumanie, sérieusement envisagée au début des années 90, enfin, l'appui donné par la Russie aux prétentions irrédentistes.

Le 1 er décembre 1991, après référendum, la Transnistrie proclame son indépendance avec pour capitale Tiraspol sur le Dniestr. Cette initiative déclenche un conflit armé avec les autorités de Chisinau, au printemps 1992. Le statu quo n'est acquis que par l'intervention aux côtés des indépendantistes, de la 14 ème armée russe -juin-juillet 1992- à la tête de laquelle le général-major Lebed vient d'être nommé. Un armistice est signé au mois de juillet 1992.

La crise se solde par un bilan particulièrement lourd (500 morts, 2 000 blessés). La sécession de fait de la Transnistrie met durement à l'épreuve la jeune république : elle l'ampute d'une partie importante (12 %) de son territoire où se concentre par ailleurs le potentiel industriel du pays. En effet, la Transnistrie réunit 17 % de la population moldave mais assure 36 % de la production industrielle (87 % de la production d'énergie électrique) et 24 % du PNB. En outre, le territoire dissident apparaît comme le foyer de nombreux trafics en raison, notamment, de la grande quantité d'armes et de munitions stockées en Transnistrie (120 chars, plusieurs centaines de blindés légers, plus de 50.000 armes à feu et près de 600.000 munitions selon certaines évaluations).

L'absence de tout Etat de droit dans cette région constitue également un sujet de préoccupation majeur. Les autorités de Transnistrie ont ainsi condamné et emprisonné, sur la base de procédures expéditives, un parlementaire moldave, M. Ilascu que notre collègue, Mme Josette Durrieu, a pu rencontrer en décembre 1998.

Même si elle ne bénéficie d'aucune reconnaissance internationale, la Transnistrie dispose aujourd'hui de son propre gouvernement, dirigé par M. Smirnov, de son administration et de sa législation. Ses ressources sont alimentées par la fiscalité appliquée aux entreprises installées sur place.

D'après de nombreux témoignages recueillis par votre délégation, ce territoire constitue une survivance du système soviétique tant par le mode de gouvernement que par le système de régulation économique.

Personnes et marchandises circulent librement entre les deux territoires. La Moldavie n'a pas souhaité en effet consacrer le séparatisme de la Transnistrie par la mise en place d'un dispositif frontalier. Cependant, la nécessité de mieux contrôler le développement de certains trafics l'a conduit à instituer des postes douaniers mobiles.

C. LE RECOURS NÉCESSAIRE À UNE MÉDIATION INTERNATIONALE

La Moldavie ne s'est naturellement pas résignée à la séparation de sa province. Une solution militaire apparaît cependant aujourd'hui totalement exclue. L'issue du conflit de 1992 a montré la vanité de l'épreuve de force pour mettre fin à la sécession. Après cette crise, les effectifs des forces moldaves ont été ramenés à 8 500 militaires (parmi lesquels 2 000 officiers même si 70 % seulement des postes sont effectivement pourvus compte tenu des difficultés budgétaires) et la flotte aérienne a été réduite à 6 appareils - après la vente de 29 MIG 29 à des pays étrangers.

Un règlement pacifique s'impose dès lors comme la seule voie possible. La Moldavie a recherché la médiation de ses voisins tout en témoignant d'un réel effort d'ouverture vis-à-vis des autorités de Transnistrie. La signature d'un mémorandum entre Chisinau et Tiraspol (le 8 mai 1997) a permis de définir le statut futur de la région sécessionniste autour de la notion d' " Etat commun ". Depuis lors toutefois, les négociations n'ont pas avancé et butent en particulier sur la nature respective des compétences de deux entités au sein de cet " Etat commun ".

Malgré les indéniables concessions de Chisinau, l'intransigeance de M. Smirnov constitue un réel obstacle à la conclusion d'un accord.

C'est pourquoi la Moldavie compte sur la médiation de ses voisins immédiats et aussi de la communauté internationale dans le cadre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

Compte tenu du rôle majeur joué par le 14 ème armée dans le conflit, la Moldavie a d'abord donné la priorité aux négociations avec Moscou afin d'obtenir un accord sur le retrait des militaires russes. Les deux parties ont signé le 21 octobre 1994, un accord prévoyant le retrait, dans un délai de trois ans, des troupes russes stationnées en Transnistrie. Toutefois, après la signature du traité, Moscou a posé de nouvelles conditions : autorisation de ratification de l'accord par les parlements et présence de bases militaires en république moldave. Faute de ratification du traité par la Douma, l'accord n'a pu entrer en vigueur. Un retrait partiel est malgré tout intervenu depuis lors, même s'il reste difficile de faire la part entre les militaires russes effectivement partis de Transnistrie et ceux qui ont été engagés au sein des forces armées de Tiraspol. Il reste aujourd'hui 2 800 soldats russes ainsi que des armements de tout calibre.

L'OSCE s'est beaucoup impliquée pour favoriser un règlement de la crise. Les pays membres de cette organisation ont réitéré leur appel aux parties, et en premier chef à la Russie, à se conformer à leurs engagements (Lisbonne en 1996, Copenhague en 1997). L'OSCE a par ailleurs avancé un plan de paix fondé sur un calendrier de retrait dans un délai de six mois et sur des propositions d'aide bilatérale à la destruction des armes légères. Lors du sommet de l'OSCE, le 18 novembre dernier, à Istanbul, la signature du traité limitant les forces conventionnelles en Europe (FCE) dans sa version amendée par rapport au texte signé le 19 novembre 1990 devrait représenter une avancée majeure dans la voie d'un règlement pacifique. En effet, une annexe au traité prévoit le retrait de Moldavie des armements russes conformément aux limites édictées par le traité d'ici la fin de l'an 2001. Le retrait des forces et des équipements restants interviendrait, aux termes d'une déclaration politique de l'OSCE adoptée le même jour que le traité, avant la fin de 2002. Il faut espérer que ces engagements, souscrits dans un cadre multilatéral, auront un plus grand poids que ceux contractés par la Russie vis-à-vis de la Moldavie en 1994. En outre, M. Smirnov pourrait hésiter à se rallier à la nouvelle position russe et freiner ainsi le processus de démilitarisation.

Au-delà de l'aspect militaire, l'OSCE, comme le représentant de cette organisation à Chisinau l'a indiqué à votre délégation, plaide pour un rapprochement entre les deux parties fondé sur la mise en place de projets de développement économiques communs. Le chef de la mission de l'OSCE a également estimé que la Moldavie devait systématiquement associer les Transnistriens au processus institutionnel à l'oeuvre à Chisinau (élections, participation à la réforme de la Constitution...) afin de ne pas entériner la partition.

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II. UNE VOLONTÉ DE RÉFORME ÉCONOMIQUE ENCORE LIMITÉE PAR LE POIDS DE L'HÉRITAGE SOVIÉTIQUE

La construction de l'Etat moldave n'est pas seulement rendue difficile par les tensions intérieures qui minent ce pays mais aussi par la dépendance économique de la Moldavie à l'égard de la Russie.

Le marasme dans lequel la crise financière russe a plongé l'économie moldave a souligné avec une particulière acuité la vulnérabilité du jeune Etat à l'égard de son puissant voisin. Il a également révélé les fragilités structurelles de l'économie moldave.

De ce point de vue, la crise peut être aussi le point de départ de réformes en profondeur, nécessaires, certes, mais difficiles à mettre en oeuvre.

A. UNE DONNÉE FONDAMENTALE : LA DÉPENDANCE ÉCONOMIQUE.

La situation de dépendance économique trouve son origine, d'une part, dans l'absence de ressources énergétiques sur le territoire moldave, d'autre part, dans un processus de spécialisation hérité de la période soviétique.

. Une très grande dépendance énergétique pour le pétrole et le gaz

La dépendance énergétique liée à l'absence de ressources énergétiques sur le territoire moldave (malgré la découverte récente par la société américaine Redeco d'un gisement de pétrole et de gaz dans le sud du pays dont l'exploitation présente des perspectives limitées) se trouve redoublée par le recours à la Russie comme fournisseur exclusif pour le gaz et le pétrole. Le charbon et l'électricité sont principalement importés d'Ukraine.

. La spécialisation économique

L'apparence de relative prospérité dégagée par les paysages moldaves ne résulte pas seulement de la fertilité du sol, elle est aussi le fruit d'une politique économique déterminée. L'application de la division socialiste du travail à l'échelle des républiques constitutives de l'URSS a en effet conduit à cantonner la Moldavie dans la production agricole. Alors que cette république ne représentait que 0,2 % du territoire de l'URSS, elle assurait 2,3 % de la production agricole de la fédération. Elle se rangeait ainsi au premier rang des producteurs de raisin et de tabac.

Cette spécialisation a d'abord eu pour effet de limiter le développement de la Moldavie dont le PNB par habitant, inférieur à la moyenne de l'URSS, se situait juste au-dessus de celui des républiques musulmanes d'Asie. Aujourd'hui encore, plus de la moitié de la population vit et travaille dans les campagnes. Elle a par ailleurs justifié la mise en place de structures de production assez lourdes (organisées en kolkhozes et en sovkhozes). Ainsi les caves de Cricova où se concentrait une bonne part de la production vinicole déploient un réseau de quelque 120 kilomètres de couloirs souterrains où les voitures peuvent circuler... Ces caractéristiques devaient compliquer encore davantage le processus de reconversion.

Enfin, la spécialisation avait eu aussi pour résultat de rendre l'économie moldave très dépendante de ses exportations dans la mesure où, naturellement, la production agricole excédait de beaucoup les capacités d'absorption du marché intérieur (ainsi en 1979, 92 % de la production de conserves, 70 % du vin, 94 % du tabac, 70 % du sucre... se destinaient à l'exportation).

Cette situation de double dépendance se révélerait lourde de conséquences au moment de la dissolution de l'URSS.

Le bouleversement des circuits économiques et l'application du prix du marché (notamment pour l'achat des ressources énergétiques) ont conduit à une baisse de 30 % du PIB en 1992 .

En 1994, encore 75 % de l'industrie se trouvaient à l'arrêt.

Le Gouvernement moldave, avec le soutien du FMI, est toutefois parvenu à assurer une réelle stabilisation financière . Une monnaie nationale a été créée en décembre 1993, le leu -convertible à l'intérieur du pays et coté dans les bourses de Russie (4,35 lei pour 1 dollar). La mise en place du leu s'inscrit dans le cadre d'une politique monétaire stricte destinée à contenir le taux d'inflation (11,2 % en 1997). La devise nationale a par ailleurs servi à affirmer l'indépendance du pays (la Moldavie s'est refusé à intégrer la zone rouble). La rigueur monétaire a cependant conduit à une appréciation en termes réels du leu et, partant, à une aggravation du solde commercial. Or c'est précisément ce succès économique et, au-delà, ce symbole voulu d'indépendance qu'est d'abord venue frapper la crise financière russe.

B. LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE RUSSE

. La crise financière

La crise russe s'est d'abord traduite par une forte dépréciation du leu . Le taux de change est passé de 5 lei pour un dollar en septembre 1998 à 10 lei par dollar en début d'année 1999. La Banque centrale de Moldavie, après avoir tenté de soutenir la monnaie nationale en puisant dans ses réserves de change (divisées par deux entre début 1998 et la fin de l'année), s'est finalement résigné à la laisser flotter librement avec, pour conséquence, une baisse de 50 %, en novembre-décembre 1998, de sa valeur, par rapport à la devise américaine.

Dès lors, les tensions inflationnistes qui paraissaient jugulées depuis 3 ans sont réapparues : l'indice des prix dont l'augmentation s'était limitée à 1 % en glissement annuel sur les dix premiers mois de l'année 1998 a progressé de 15 % au cours des trois mois suivants. Sur les 8 premiers mois de l'année 1999, la hausse des prix a atteint 26,4 %.

Quant au système bancaire, fragilisé par les retraits massifs des ménages à partir d'août 1998, il a, dans son ensemble, résisté au choc financier grâce, notamment, à la politique prudentielle rigoureuse menée par la Banque centrale (contraction du crédit aux banques commerciales par le biais d'une augmentation des réserves obligatoires porté de 8 à 15 %). Ainsi comme l'a confirmé le gouverneur de la Banque de Moldavie à votre délégation, aucune des 21 banques du pays n'a cessé ses opérations à la suite de la crise.

. La baisse de la production

La dépendance commerciale de la Moldavie à l'égard de la Russie apparaît comme le principal élément de propagation de la crise russe dans ce pays. A la suite de la fermeture des principaux débouchés à l'exportation de la Moldavie -la Russie, l'Ukraine et la Biélorussie (dont les marchés absorbent 80 % des exportations moldaves), les recettes d'exportation ont été divisées par dix en septembre-octobre 1998 par rapport à la même période de 1997.

La disparition des nombreux débouchés sur les marchés de la CEI a conduit les entreprises à réduire leur production : le PIB -après une hausse de 1,3 % en 1997- s'est ainsi réduit de 8,6 % en 1998- la production agricole (- 4,3 %) ayant toutefois mieux résisté que la production industrielle (- 11 %). Les prévisions officielles tablent sur une récession de 6 % pour 1999. Avec un PIB par habitant estimé à 523 dollars, la Moldavie se range parmi les pays les plus pauvres d'Europe.

La crise a ainsi montré la fragilité des résultats économiques de la Moldavie et souligné les principaux handicaps de ce pays : la déflagration russe n'a peut-être fait, du reste, que précipiter une crise que le déséquilibre des finances publiques et l'absence de véritables réformes de structure auraient provoqué de manière inéluctable.

C. LE POIDS DES HANDICAPS DE STRUCTURE

. Un déséquilibre récurrent des finances publiques .

La crise de l'été 1998 a mis en lumière l'un des points faibles de la politique de stabilisation conduite au début de la présente décennie : le déséquilibre structurel des finances publiques moldaves . Au 1 er décembre de 1998, les recettes totales de l'Etat n'avaient atteint que 66 % du montant fixé dans la loi de finances.

La dette extérieure s'élève à 1,3 milliard de dollars (soit 115 % du PIB). Le service de la dette pour 1999 représente 45 % des exportations de biens et services et les trois quarts des recettes budgétaires totales prévues. Or les moyens de financement se sont brutalement contractés : le rapatriement des fonds par les non-résidents a, en particulier, affecté sérieusement le marché des titres d'Etat. Les autorités ont toutefois marqué leur volonté de tenir leurs engagements quitte à demander les rééchelonnements indispensables. Dans un cadre bilatéral, la Moldavie a obtenu un rééchelonnement de sa dette à l'égard de la Roumanie (juillet) et de la Russie (septembre). Le Fonds monétaire international (FMI) avait accordé à la Moldavie un prêt de 190 millions de dollars étalé sur plusieurs années. Le versement par tranches avait été interrompu entre 1997 et janvier 1999 en raison de la lenteur du Parlement à mener à bien les réformes. Toutefois, après l'adoption par le Parlement des mesures demandées, il avait débloqué le versement d'une tranche de 35 millions de dollars au début de cette année. Après la démission du gouvernement de M. Sturza, le FMI, suivi par la Banque mondiale, a décidé de nouveau de suspendre son aide. Au total, la Moldavie espérait bénéficier de la part des institutions financières internationales d'un appui de 150 millions de francs en 2000.

. Une diversification insuffisante de l'économie

L'indépendance de la Moldavie ne s'est pas accompagnée d'un début de diversification économique. Au contraire, l'évolution de la structure des échanges montre un accroissement de la part des exportations consacrée aux produits agricoles et agroalimentaires à faible valeur ajoutée (soit 72 % du total des exportations contre 40 % en 1993).

Sans doute la diversification de l'économie moldave prendra-t-elle du temps. Il faut toutefois noter une évolution encourageante. En effet, même si les ressources énergétiques représentent encore plus de 30 % des achats, la part croissante (19 %) des machines et équipements au sein des importations révèle un indéniable effort de modernisation de l'appareil productif du pays.

L'adhésion à l'OMC, prévue avant la fin de l'année, traduit aussi une volonté d'ouverture et d'intégration au système international.

La Moldavie n'en demeure pas moins, pour l'heure, extrêmement dépendante de la Russie pour ses importations d'énergie, s'agissant notamment du gaz pour lequel le groupe russe Gazprom détient un quasi-monopole. Les arriérés de paiement à l'égard de Gazprom représentent 600 millions de dollars. Le groupe avait réduit la moitié de ses livraisons de gaz en février 1999. Toutefois, la Moldavie a pu obtenir le rachat avec une forte décote d'une dette obligataire de 140 millions de dollars à l'égard de Gazprom - 15 % de l'encours de la dette extérieure ont pu être effacés à cette occasion.

D. LA NÉCESSAIRE POURSUITE DES RÉFORMES

. L'indispensable poursuite des réformes

L'aggravation de la crise peut aussi produire le choc nécessaire pour poursuivre et approfondir des réformes jusqu'alors trop limitées.

Après une période de crise politique ouverte par la démission du Premier ministre en février 1999, les autorités moldaves avaient pris la mesure des difficultés à surmonter et infléchi la politique économique dans une double direction.

D'une part, alors que le Gouvernement avait longtemps témoigné d'une certaine indulgence vis-à-vis des entreprises qui s'étaient endettées auprès de l'Etat -acceptant, à l'occasion, de geler ou d'annuler les dettes-, il a présenté un plan de restructuration forcée de ces entreprises. Dès lors que les arriérés de paiement dépassaient 5 millions de lei, les entreprises devraient être mises en faillite.

D'autre part, le plan de privatisation pour les années 1997-1998 n'avait été exécuté qu'à 20 %. Ce bilan médiocre s'explique par le prix excessif requis pour des unités souvent endettées et frappées d'obsolescence -ainsi, sur 160 enchères annoncées, 42 ont dû être suspendues faute d'investisseurs. Le Gouvernement avait décidé en conséquence de prendre des initiatives plus déterminées pour relancer la privatisation.

La privatisation des terres avait ainsi connu un élan décisif avec l'application extensive, au début de cette année, du programme " Terre " en collaboration avec l'organisation US Aid : 400 des 900 exploitations collectives auraient d'ores et déjà été privatisées. Toutefois le processus soulève certaines interrogations ; en effet la division de la propriété collective pourrait entraîner une réduction de la production si elle ne s'accompagne pas d'un soutien à la formation et à l'équipement des agriculteurs.

Le gouvernement avait par ailleurs prévu la privatisation des cinq principales usines de vin et de la première fabrique de cigarettes du pays. Ce programme avait été du reste exigé par le FMI. Il a toutefois été repoussé par le Parlement. La motion de censure déposée à la suite de cet échec a entraîné la démission du gouvernement de M. Sturza, le 9 novembre dernier. Cette nouvelle crise politique risque de ralentir de nouveau l'indispensable réforme de l'économie moldave.

La clef de la réussite des réformes appartient aussi aux investisseurs étrangers. La Moldavie manque en effet cruellement de capitaux pour sortir son économie de l'ornière.

. Le recours indispensable aux capitaux étrangers

Rapidement, la Moldavie s'est dotée d'une législation favorable aux investissements : liberté de transfert à l'étranger des valeurs investies ou des bénéfices enregistrés, égalité d'accès à toutes les branches de l'économie nationale. En outre, l'adhésion du pays à l'Agence multilatérale pour la garantie des investissements permet aux investisseurs étrangers un dédommagement en cas de guerre civile ou de troubles politiques.

Toutefois, l'étroitesse du marché intérieur et les incertitudes du climat politique et économique constituent des freins certains au développement des investissements.

Les investissements étrangers représentaient à la fin de 1998 un montant total de 200 millions de dollars (Russie : 55 millions de dollars, France : 48 millions de dollars, Etats-Unis : 30 millions de dollars, Allemagne : 12 millions de dollars). Ces participations se concentrent principalement dans le secteur énergétique (104 millions de dollars) et celui de l'industrie de transformation (94 millions de dollars).

Malgré les efforts indéniables fournis par les autorités moldaves pour mettre en place un dispositif législatif adéquat, les investisseurs rencontrent beaucoup de difficultés pratiques dans le quotidien des affaires. Aux règles parfois complexes telles que la duplication des procédures pour la facturation de la TVA s'ajoute surtout l'inertie d'une bureaucratie encore marquée par les usages soviétiques. Le représentant du FMI a insisté devant votre délégation sur la nécessité de développer les actions de formation en faveur des fonctionnaires même si la faiblesse des traitements et les retards de paiement ne constituent naturellement pas des facteurs très motivants pour les intéressés.

. Une nette dégradation du niveau de vie

La dévaluation du leu et l'accélération de l'inflation se sont traduites fin 1998 par une nouvelle dégradation du pouvoir d'achat : au 1 er février 1999, le salaire moyen mensuel ne dépassait pas 200 Francs par mois.

La précarité des ressources publiques entraîne par ailleurs des retards récurrents dans le paiement des salaires. Or, plus de la moitié de la population active reste encore tributaire du budget de l'Etat. En outre, la charge financière supportée par les pouvoirs publics est encore alourdie par le poids des pensions dues aux retraités -et en particulier des retraités russes établis en Moldavie avant 1991.

Au-delà même des retards de paiement, la réforme des structures administratives et le processus de privatisation conduit à une réduction des effectifs des salariés du secteur public. Conjuguée à la crise économique, cette évolution explique pour une large part une croissance préoccupante du nombre des chômeurs.

Malgré ce contexte économique tendu, le climat social apparaît encore étonnamment calme.

Il est vrai que les statistiques officielles ne recouvrent qu'une partie de la réalité économique. Un secteur informel s'est développé au cours des dernières années, même s'il est, par hypothèse, difficile d'en prendre une juste mesure. Du moins l'économie informelle offre-t-elle une soupape de sécurité aux tensions nées de la réduction du niveau de vie.

Toutefois, la population ne se résignera peut-être pas toujours à la dégradation de la situation économique...

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III. L'ANCRAGE VERS L'EUROPE, CONDITION DE L'ÉQUILIBRE INTÉRIEUR ?

Les relations avec la Roumanie d'une part, la Russie d'autre part, ne dominent pas seulement la diplomatie de la Moldavie. Elles influencent aussi, pour une large part, la vie politique intérieure de ce pays.

Le souci de mieux affirmer son indépendance a conduit la Moldavie, au cours des dernières années, à rechercher un équilibre avec ses voisins et à marquer sa volonté d' ancrage en Europe occidentale.

A. UNE DIFFICILE STABILISATION POLITIQUE

La Moldavie n'a pas connu de réelle indépendance depuis près de cinq siècles.

Plus encore, ce pays ne possède pas une culture et une langue en propre. Au lendemain de la dissolution de l'URSS, le pays restait ainsi un champ privilégié des influences antagonistes de l'ancienne puissance tutélaire, la Russie, et du pôle d'attraction culturel et linguistique, la Roumanie. Les clivages sur la scène intérieure moldave se sont formés en fonction de positions adoptées vis-à-vis de ces deux voisins.

Le rapport des forces a d'abord été marqué par la prééminence des partisans d'une union avec la Roumanie avant d'évoluer vers une situation plus équilibrée.

. La tentation de l'union avec la Roumanie

La Moldavie, libérée de la tutelle soviétique, allait-elle renoncer à son indépendance pour se réunir à la Roumanie ? Une telle perspective ne pouvait être totalement écartée. D'une part, en effet, la culture roumaine gardait une force d'attraction, redoublée plutôt qu'affaiblie par la politique soviétique de russification, notamment à travers l'obligation imposée aux moldaves d'utiliser l'alphabet cyrillique pour transcrire leur langue. D'autre part, l'indépendance de la Moldavie plaçait en position de force le Front populaire moldave, favorable à un rattachement à la Roumanie et fer de lance, en 1989, de la contestation contre les autorités de Moscou.

Enfin, la chute du régime de Ceaucescu à Bucarest le 22 décembre 1989 supprimait l'une des hypothèques à même de dissuader une entreprise de réunification.

En 1989, le nouveau Parlement moldave, élu dans le cadre institutionnel soviétique proclame le " moldave " langue officielle de la république mais maintient le russe comme " langue de communication interethnique ". Sous la pression du Front populaire moldave, le Parlement proclame le 20 juillet 1990 la souveraineté de la Moldavie et, après l'échec du putsch de Moscou (19-21 août 1991), l'indépendance de la République présentée comme " un premier pas vers la réunion avec la Roumanie ".

Cette orientation a suscité au sein des communautés russophones une réaction très violente (création de la république de Transnistrie au lendemain de la proclamation de l'indépendance de la Moldavie, suivie d'une véritable guerre de l'automne 1991 à l'été 1992 sur le front du Dniestr).

L'antagonisme entre roumanophones et russophones a aussi trouvé une expression dans le domaine religieux. En effet, les Moldaves, dans leur immense majorité, sont de confession orthodoxe. Or, depuis l'indépendance, deux métropolites se disputent le pouvoir ecclésiastique : la métropolite de Chisinau placée sous l'autorité du patriarcat de Moscou et la métropolite de Bessarabie recréée en 1992 -héritière de l'institution homonyme fondée en 1922 et rattachée au patriarcat de Bucarest. Les partisans d'une réunion avec la Roumanie ont apporté leur soutien à l'évêque de Bessarabie, les tenants de l'indépendance et de l'intégration au sein de la CEI se sont rangés derrière l'église officielle liée à Moscou. Cette crise, faut-il le préciser, s'ajoute aux graves difficultés financières rencontrées par une église, privée de ressources et confrontée à la nécessité de réhabiliter un patrimoine restitué par l'Etat dans un état de grand délabrement.

. La volonté de stabilisation intérieure

La classe politique moldave a progressivement pris conscience que la stabilisation intérieure passait par la recherche de l'équilibre vis-à-vis de la Russie et de la Roumanie.

Dès la fin de 1995, une scission se produisit au sein du Front populaire de Moldavie entre une minorité -conduite par Mircea Druc- favorable à un rattachement rapide à la Roumanie et une majorité menée par Mircea Snegur, partisan d'une démarche plus prudente. L'élection présidentielle de 1991 s'est conclue par la victoire de M. Snegur.

La défaite du Front populaire de Moldavie (devenu entre temps Front populaire et démocrate) aux élections législatives de février 1994 et la victoire d'une majorité de fait, associant le parti agrarien démocrate et le bloc socialiste constitué pour une large part par les pragmatiques de l'ancien régime, marquent une nouvelle étape dans le reflux du courant favorable à l'union rapide avec la Roumanie.

Cette évolution a reçu un large soutien de la population dans le cadre d'un référendum organisé en mars 1994, dans le prolongement des élections législatives : une grande majorité des moldaves s'est alors prononcée en faveur de l'indépendance marquant ainsi une défiance égale à l'égard d'une union avec la Roumanie et d'un retour dans le giron russe.

Aux présidentielles de 1996, M. Lucinschi, ancien secrétaire général du parti communiste moldave de 1989 à 1991, l'a emporté sur M. Snegur. Toutefois, le nouveau président perçu comme proche des Russes a maintenu l'équilibre. Il s'est ainsi rendu à Bucarest (30 décembre 1996), et non à Moscou, pour sa première visite à l'étranger.

La percée des communistes aux législatives du 22 mars 1998 (40 députés sur 101) aurait ainsi pu marquer une avancée des positions pro-russes. Face à la menace d'un retour en arrière, et malgré leurs dissensions, les partis de droite et du centre ont préféré réunir leurs forces sous la forme d'une " Alliance pour la démocratie et les réformes ". Cette coalition réunissait trois partis (le parti " Pour une Moldavie démocratique et prospère ", dirigé par M. Dimitriu Diacov, par ailleurs président du Parlement, le parti pour la Renaissance et la Concorde, dirigé par M. Mircea Snegur -18 députés-, le parti des forces démocratiques -11 députés- dirigé par M. Valeria Matei).

Hors de l'Alliance et à l'autre extrémité de l'échiquier politique, le Front populaire chrétien démocratique -8 députés- campe sur des positions favorables à la réunification avec la Roumanie. Jusqu'alors dans l'opposition, les deux partis les plus sensibles aux influences extérieures -communistes et députés du FPCD- ont conjugué leurs forces pour renverser un gouvernement soutenu par une faible majorité.

Cette alliance contre nature avait déjà provoqué la chute du gouvernement de M. Ciubuc -fragilisé par la crise économique- en février 1999. Lors du déplacement de votre délégation en Moldavie, une défection de trois députés de l'Alliance pour la démocratie et la réforme avait fragilisé la position du premier ministre réformateur, M. Sturza, nommé en février. Depuis lors, quatre autres députés dissidents ont rejoint un parti d'  " indépendants ", privant M. Sturza de sa majorité au sein du Parlement. La motion de censure déposée contre le gouvernement de M. Sturza a pu ainsi être adoptée par 58 députés sur 101.

Certes, ces situations de crise font aussi partie du jeu démocratique. Cependant l'effort de reconstruction nationale passe indéniablement par une stabilisation politique. La situation actuelle ne peut que donner de nouveaux arguments au chef de l'Etat, M. Lucinschi, partisan d'un renforcement des pouvoirs présidentiels.

La constitution moldave a posé les bases d'un régime parlementaire. La candidature du Premier ministre proposée par le Président de la République doit être agréée par un vote de confiance au Parlement. Au cas où la formation d'un gouvernement se révélerait impossible -si les députés refusent par trois fois de voter l'investiture du premier ministre-, le Président de la République peut décider de dissoudre l'Assemblée.

Si l'initiative d'une révision de la Constitution appartient au chef de l'Etat, le projet de loi constitutionnelle doit être soumis à la Cour constitutionnelle puis au Parlement où il ne se trouvera pas nécessairement une majorité des deux tiers pour approuver le projet de M. Lucinschi.

En outre, la cour constitutionnelle a estimé, dans un avis rendu le 3 novembre dernier, que le Président de la République n'avait pas le pouvoir de consulter le peuple par référendum sans obtenir au préalable l'accord du Parlement.

Quelles que soient du reste les vicissitudes de la vie politique, les orientations de la diplomatie moldave ne paraissent pas devoir être remises en cause : le souci d'équilibre vis-à-vis de la Roumanie et de la Russie, gage de la stabilité intérieure, réunit aujourd'hui une assez large majorité au sein de la classe politique.

. La nécessité d'une diplomatie équilibrée

- Vis-à-vis de la Russie

Sur le plan intérieur, indépendamment de la question transnistrienne sur laquelle la Moldavie a témoigné d'une indéniable bonne volonté, les autorités de Chisinau ont recherché les voies de l'apaisement avec la communauté russophone. Cette orientation s'est traduite en particulier dans le cadre de la politique linguistique. Aux termes de la constitution (article 13) le moldave est reconnu comme langue officielle. Cependant l'Etat assure le droit à la " conservation, au développement et à l'utilisation de la langue russe et des autres langues employées sur le territoire de la République ". Même si le moldave s'est désormais largement répandu au sein de l'administration et des institutions publiques, le russe reste, dans les grandes villes, couramment pratiqué en concurrence avec le roumain. Au sein même du Parlement, votre délégation a pu observer, lors de sa participation à l'ouverture de la séance du Parlement, qu'une traduction en simultané était assurée dans les deux langues afin de permettre aux trois députés russophones qui ne pratiquent pas le roumain de suivre le déroulement des débats. De même, l'ensemble des documents législatifs est publié dans les deux langues. Il y a là un effort remarquable pour un pays dont les ressources sont comptées.

Depuis le début de la décennie, le nombre des écoles roumaines a progressé (de 1045 en 1990-1991 à 1065 en 1995-1996) tandis que celui des établissements russe diminuait (de 421 à 281 sur la même période). L'absence d'université russe posera sans doute à terme la question du maintien en Moldavie d'une élite russophone.

Sur le plan extérieur, la marge de manoeuvre dont dispose la Moldavie apparaît naturellement étroitement circonscrite par le poids de la dépendance énergétique envers Moscou et de la médiation indispensable que les autorités de Chisinau attendent de la Russie.

La Moldavie a cependant fait preuve d'une certaine réserve vis-à-vis de la Communauté des Etats indépendants (CEI) à laquelle elle n'a adhéré qu'en avril 1994. Encore ne participe-t-elle qu'au volet économique de la coopération organisée dans ce cadre institutionnel (conclusion d'accords douaniers ou commerciaux de nature à faciliter ses exportations de produits agricoles).

- Vis-à-vis de la Roumanie.

La Roumanie s'était affirmée, dans sa constitution de 1992, comme l' " Etat national des roumains ". Toutefois, le président Snegur avait déjà marqué sa préférence pour la formule " un peuple, deux Etats ". L'évolution de la situation intérieure politique des deux Etats rend sans doute aujourd'hui improbable, à horizon rapproché, une réunification des deux Etats.

Les deux voisins, tout en revendiquant leurs affinités culturelles, ont su marquer leur distance. Bucarest n'a ainsi manifesté aucune volonté d'ingérence dans le problème de la Transnistrie. Par ailleurs, la signature d'un traité de base entre les deux pays ne s'est pas concrétisée ; elle a longtemps buté sur l'exigence roumaine, maintenant levée, de la dénonciation du pacte Molotov-Ribbentrop. La densité des liens entre les deux pays apparaît cependant incontestable comme l'atteste l'importance de l'aide accordée par la Roumanie (notamment sous forme de bourses d'étude) à la Moldavie.

B. LA RECHERCHE DE PARTENAIRES DIVERSIFIÉS

. La coopération régionale

L'effort de diversification de la politique étrangère s'inscrit d'abord dans un cadre régional.

La Moldavie a cherché à nouer des relations de bon voisinage avec l' Ukraine . Cette orientation se justifie, d'une part, par la communauté d'intérêt évidente des deux pays vis-à-vis de la Russie -à cet égard, la consolidation de l'indépendance ukrainienne ne peut que conforter la souveraineté de la Moldavie-, et d'autre part, par la dépendance économique de la Moldavie à l'égard de l'Ukraine -à la fois pourvoyeur d'énergie mais aussi lieu de transit pour toutes les importations moldaves à destination de la Russie.

En outre, les relations avec l'Ukraine revêtent une importance non négligeable en matière de politique intérieure, compte tenu du poids de la minorité ukrainienne (28 % ) au sein de la population moldave.

L'Ukraine a joué un rôle utile de médiation dans le conflit transnistrien : envoi d'une dizaine d'observateurs, proposition du président Koutchma d'une réunion à Kiev des présidents moldave, russe, ukrainien et du chef indépendantiste de Transnistrie, M. Smirnov.

Cependant, plusieurs hypothèques pesaient encore sur un rapprochement entre les deux pays. La première a été levée à la suite de la signature d'un traité portant rectification de frontières en août 1999. L'Ukraine reçoit un tronçon limité (8 km) de la route Odessa-Reni et accorde en contrepartie à la Moldavie une bande de terre le long du Danube afin de lui permettre de développer un terminal pétrolier à Djurdjulesty.

Cet accord pourrait ouvrir la voie à la ratification de l'accord fondamental signé en 1992. Toutefois, la mise en oeuvre d'un accord de libre échange pourtant signé entre Kiev et Chisinau en 1995, connaît encore retards et difficultés. Les deux parties en sont également au stade des discussions quant à la création d'une zone franche autour d'un port ukraino-moldave à Reni.

Le ministre des affaires étrangères de l'ancien gouvernement, M. Nicolae Tabaracu, a particulièrement insisté au cours d'un entretien avec votre délégation sur les autres orientations de la coopération régionale. La Moldavie, soucieuse de réduire les conséquences de son enclavement, participe ainsi aux différentes initiatives régionales : association des pays riverains de la Mer Noire, organisation du GUAM (Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan, Moldavie) destinée à traiter la question des voies d'évacuation des hydrocarbures de la Caspienne.

Le ministre des affaires étrangères a d'ailleurs présenté les projets de coopération régionale comme les moyens de créer des îlots de stabilité, destinés à constituer à terme les éléments d'une même pièce : l' " Europe unie ".

.
L'ancrage vers l'Europe

La volonté d'ouverture sur l'Europe est revenue comme un leitmotiv dans les entretiens de votre délégation avec les représentants -ministres ou parlementaires- de l'ancienne majorité au pouvoir en Moldavie.

Cette volonté d'ouverture revêt essentiellement une dimension économique et politique. En effet, sur le plan militaire, la neutralité affirmée par la constitution moldave interdit au pays de poser sa candidature à l'OTAN ou à l'UEO. En revanche, elle a adhéré au Partenariat pour la paix . Il faut également signaler que la Moldavie, à aucun moment, n'a condamné les opérations militaires de l'OTAN au Kosovo.

En outre, elle a répondu aux préoccupations occidentales en ratifiant le traité de non-prolifération nucléaire en tant qu'Etat non nucléaire dès 1994 et a adhéré à l'Agence internationale pour l'énergie atomique.

S'agissant de la Communauté des Etats indépendants, le ministre des affaires étrangères a souligné par ailleurs la volonté de la Moldavie de repousser toute intégration politico-militaire et de s'en tenir au renforcement des facilités de libre échange. La Moldavie, a estimé M. Tabaracu devant votre délégation, souhaitait ne pas être absente d'un processus d'élaboration de règles commerciales intéressant directement son économie. Il a souligné du reste que le processus d'intégration dans le cadre de la CEI ne dérogeait en aucune manière aux principe posés par l'Organisation mondiale du commerce. Ces propos visaient en fait à mettre encore davantage en relief la priorité qui, aux yeux de tous les dirigeants moldaves, s'attache à l'ouverture sur l'Europe occidentale.

Sur le plan politique et économique, la Moldavie nourrit l'ambition d'appartenir, à terme, à l'Union européenne.

La Moldavie met en avant son héritage latin pour s'ancrer dans une communauté de civilisation dont les déchirements de la deuxième guerre mondiale l'avait séparée.

Ainsi la Moldavie, la première parmi les Etats membres de la CEI, a adhéré au Conseil de l'Europe le 10 juillet 1995.

Surtout, dès 1994, la Moldavie et l'Union européenne signaient l' Accord de partenariat et de coopération (entré en vigueur en 1998) . Ce texte comprend un volet politique (dialogue politique régulier) et un volet commercial dont les dispositions ont été mises en vigueur de manière anticipée, le 1 er mai 1996, dans le cadre d'un accord intérimaire. Le texte prévoit aussi la possibilité pour les parties d'examiner les conditions de mise en oeuvre d'une zone de libre-échange.

La Moldavie , consciente du chemin qui lui reste à parcourir dans la perspective d'une adhésion à l'Union européenne, espère toutefois que quelques gages lui seront accordés : ouverture de négociations pour l'octroi du statut de pays associé à l' Union européenne et d'observateur à la Conférence européenne .

La Moldavie redoute en effet de se trouver rejetée vers la Russie, à la périphérie de l'Europe. Cette préoccupation inspire aussi la demande de participation au  " pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est " lancé au lendemain de la crise du Kosovo.

Le Premier ministre, lors de sa visite officielle en France du 14 au 17 septembre dernier, a souligné qu'il ne s'agissait pas pour la Moldavie de tirer les gains économiques et financiers du pacte mais de s'inscrire dans une logique régionale intéressant l'Europe du Sud-Est.

Les autorités de Chisinau comptent beaucoup sur la France, comme elles l'ont rappelé à l'occasion de la mission de votre commission, pour plaider la cause de la Moldavie auprès des instances de l'Union européenne.

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IV. LA FRANCE : UN PARTENAIRE PRIVILÉGIÉ

A. UNE RELATION PROCHE FONDÉE SUR UNE FRANCOPHONIE VIVANTE

1. Une tradition de francophonie

La Moldavie longtemps associée à la Roumanie, a hérité de son histoire une véritable tradition de francophilie et de francophonie.

D'après les informations recueillies par votre délégation, 70 % des élèves scolarisés dans le réseau -majoritaire- des écoles roumanophones, apprennent le français. Votre délégation a pu prendre la mesure de cette réalité lors des entretiens avec les représentants des autorités politiques moldaves, familiarisés, pour une partie d'entre eux, avec notre langue.

La Moldavie représente sans doute, avec l'Arménie, l'un des rares pays francophones de la CEI. Elle a d'ailleurs adhéré à la francophonie en qualité de membre plein lors du sommet de Hanoi en novembre 1997.

Cet intérêt n'est naturellement pas resté sans écho du côté français. Ainsi la France est représentée en Moldavie par un ambassadeur " en mission " , résidant à Paris. Cette formule inaugurée, en 1993, dans différents pays et mise en place en Moldavie en 1995 ne présente pas seulement un avantage économique (dotation de fonctionnement de 279 475 F en 1999). Elle permet aussi de conférer à l'ambassadeur de par son obligation de mobilité, un rôle plus actif pour assumer et renforcer le lien entre nos deux pays.

Par ailleurs, votre délégation a également pu visiter à Chisinau les locaux rénovés de l'Alliance française (grâce, notamment, à un concours du Sénat au titre de la réserve parlementaire) dont le directeur fait fonction d'attaché culturel et linguistique. A travers sa bibliothèque, ses cours, son réseau et sa programmation artistique, l'Alliance française représente un des pôles de la vie culturelle moldave.

Au-delà de cette présence française en Moldavie, les visites officielles sont encore venues resserrer les liens entre nos deux pays. A cet égard, la visite du Président de la République français à Chisinau le 4 septembre 1998, a marqué une étape essentielle et donné un élan certain à nos relations. Elle répondait à la visite du Président Lucinschi à Paris en septembre 1997. Depuis lors, les échanges se sont poursuivis au niveau ministériel : M. Josselin, ministre délégué chargé de la coopération et de la francophonie, s'est ainsi rendu en Moldavie du 6 au 7 décembre 1998. M. Sturza, premier chef de gouvernement moldave à se rendre en France depuis l'indépendance de la Moldavie, a rencontré le Premier ministre français en septembre dernier.

Votre délégation a aussi appelé de ses voeux un développement des échanges parlementaires auxquels contribuent les deux groupes d'amitié du Sénat et de l'Assemblée nationale. Elle a ainsi, au nom du président du Sénat, invité le président du Parlement moldave à se rendre en France au cours de l'année 2000.

2. Une coopération encore modeste

La qualité des relations n'a pas encore conduit à l'augmentation d'une aide dont on peut cependant juger le montant modeste (2,53 millions de francs) au regard des besoins considérables du pays.

Cette coopération est centrée sur une double priorité :

- l'attribution de bourses d'étude et de stages (28 en 1998) ;

- la formation de cadres et hauts fonctionnaires en particulier dans les secteurs de la santé et de l'agriculture.

Plusieurs progrès doivent encore être accomplis s'agissant notamment de la diffusion de TV5 reçue aujourd'hui sur le réseau hertzien dans de mauvaises conditions techniques. Votre délégation a discuté avec Mme Ala Mindicanu, présidente de la section moldave de l'Association internationale des parlementaires de langue française, des moyens d'élargir l'audience de la chaîne francophone notamment par l'accès au réseau câblé.

Par ailleurs, la coopération française pourrait s'ouvrir à de nouveaux domaines.

Le ministre de la défense s'est ainsi ouvert à votre délégation des difficultés soulevées par le déminage de 140 hectares de la rive gauche du Dniestr. La France dispose en la matière d'une compétence reconnue. C'est pourquoi votre délégation a interrogé le ministre de la défense français sur la possibilité d'apporter le concours de notre pays pour une opération dont l'utilité ne fait guère de doute.

Enfin, l'aide ne passe pas seulement par les canaux institutionnels, elle repose aussi sur les initiatives remarquables des organisations non gouvernementales dont votre délégation a eu maint témoignage exemplaire. Il faut regretter cependant que ces initiatives ne puissent toujours se concrétiser en raison de l'inertie parfois observée au sein de l'administration moldave. Le ministre des affaires étrangères devant lequel votre délégation s'était d'ailleurs ouverte de ce problème, s'était montré déterminé à sensibiliser les ministres intéressés sur les risques que la récurrence de comportements bureaucratiques présentait pour l'image internationale de la Moldavie.

B. DES RELATIONS ÉCONOMIQUES CONTRASTÉES

Les relations économiques bilatérales se présentent sous un jour quelque peu paradoxal. Alors même en effet que la France se place au deuxième rang des investisseurs étrangers en Moldavie, elle n'occupe que la quatorzième position des partenaires commerciaux de ce pays, loin derrière l'Allemagne, l'Italie et les Pays-Bas.

1. Des échanges commerciaux encore peu développés

Les relations commerciales entre nos deux pays ont pris leur essor dans le cadre de l'accord intérimaire de 1996 destiné à mettre en oeuvre de manière anticipée l'accord de partenariat entre la Moldavie et l'Union européenne.

Le commerce franco-moldave se caractérise par la part importante qui revient aux produits agroalimentaires.

Les échanges commerciaux franco-moldaves :

résultats comparés des sept premiers mois 1998 et 1999

(en millions de francs CAF/FAB)

Secteur

1998

1999

Variation

en %

1998

1999

Variation

en %

1. Agroalimentaire

36,4

25,3

- 30,5

34

30

- 12,9

2. Industrie

110,3

46,0

- 58,3

10,2

8,8

- 13,0

biens de consommation

13,4

11,1

- 17,1

8,3

5,9

- 29,5

industrie automobile

1,8

1,1

- 39,0

 
 
 

biens d'équipement

54,3

14,5

- 73,4

 
 
 

biens intermédiaires

40,8

19,3

- 52,6

1,8

2,5

38,2

Total

146,9

71,5

- 51,3

44,2

38,5

- 12,9

Malgré l'évolution positive enregistrée dans la période récente, le montant des échanges reste modeste. Trois facteurs permettent de comprendre cette situation : d'une part, la faiblesse du pouvoir d'achat des consommateurs moldaves, d'autre part, la spécialisation étroite déjà relevée de l'économie moldave sur les produits agricoles et agroalimentaires, enfin, il faut bien le reconnaître, une méconnaissance des potentialités du marché moldave par nos entreprises, méconnaissance que notre ambassadrice s'efforce, pour sa part, de combattre en France.

L'Allemagne et l'Italie, mieux placées que nous sur le marché moldave, ont su prendre une plus juste mesure de certains créneaux porteurs -textiles, matériaux de construction, équipement pour l'industrie alimentaire.

Les besoins de la Moldavie pourraient intéresser nos exportateurs dans les domaines de la distribution et du stockage de l'énergie , les systèmes de contrôle du trafic aérien , de certains biens de consommation courante et des télécommunications.

La situation de notre commerce bilatéral pourrait toutefois s'améliorer grâce au poids des investissements français sur place, porteurs, il faut l'espérer, de flux commerciaux nouveaux.

2. Le deuxième investisseur étranger en Moldavie

Avec des investissements d'une valeur de 48 millions de dollars à la fin de l'année 1998, la France occupe la deuxième place des investisseurs étrangers en Moldavie, juste derrière la Russie (55 millions de dollars).

Parmi les investissements français en Moldavie les plus notables, il convient d'abord de citer la part majoritaire (51 %) prise par France Telecom Mobile International dans Voxtel, l'opérateur de téléphonie mobile local, pour un montant de 65 millions de dollars. Voxtel emploie 200 personnes et exploite le réseau GSM depuis octobre 1998. En avril 1999, la société a signé un prêt de 40 millions de dollars auprès de l'International Finance Corporation (Banque mondiale). Toutefois, les responsables français de la société se sont fait l'écho auprès de votre délégation des préoccupations liées à la remise en cause éventuelle de l'exclusivité accordée en 1998 à Voxtel pour l'équipement du territoire moldave.

Dans un secteur voisin, la filiale roumaine d' Alcatel avait vendu un central téléphonique pour le district de Hincesti et Alcatel négocie aujourd'hui avec Moldtélécom pour remplacer plusieurs autres centraux téléphoniques.

Le choix d'opérateurs français s'est aussi confirmé dans le domaine essentiel de la restructuration de l'industrie de l'énergie .

Dans le cadre du processus de privatisation , la filiale d'éclairage public d' EDF a négocié un partenariat avec la mairie de Chisinau. Schneider a pour sa part créé une filiale en Moldavie pour vendre du matériel dans le domaine de l'énergie et étudie des possibilités d'investissements pour des équipements de basse et moyenne tension. La société Alsthom et l'entreprise SIF Energie ont reçu du gouvernement une licence les autorisant à produire de l'électricité. La convention prévoit la construction d'une centrale de production d'électricité de 125 MW pour un investissement de 80 millions de dollars.

Dans le secteur de l' agroalimentaire il convient également de citer deux investissements français importants. D'une part, le groupe Bargues Agro-Industries (numéro deux dans le secteur des noix) a construit une usine de traitement de noix qui emploie aujourd'hui près de 150 personnes. D'autre part la société Carnaud Metalbox a participé à la reprise, à Tiraspol, de l'usine " Metalolitografia " avec l'objectif de satisfaire les besoins du pays en emballages métalliques pour les conserveries, mais aussi de produire et d'exporter des couvercles et capsules.

Les entreprises françaises apparaissent ainsi très présentes dans le processus de restructuration de l'économie moldave. Malgré les difficultés présentes (héritage d'une bureaucratie tatillonne et conjoncture économique peu favorable), les investissements s'inscrivent dans une perspective de moyen terme. Ils parient sur le décollage économique d'un pays qui bénéficie d'une main-d'oeuvre qualifiée et dont la position géographique, au confluent des zones d'Europe centrale et de la CEI, peut devenir un atout dans un environnement pacifique et un contexte économique plus favorable.

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