- CHAPITRE III - UN NOUVEAU SYNCHROTRON NATIONAL DANS UN CADRE RÉNOVÉ, UN IMPÉRATIF POUR LA DYNAMIQUE SCIENTIFIQUE, ÉDUCATIVE ET INDUSTRIELLE DE NOTRE PAYS

Introduction

Les critiques explicites des pouvoirs publics contre l'avant projet détaillé de nouveau synchrotron français SOLEIL, telles qu'elles apparaissent début mars 2000, tiennent en quatre points.

Le premier point est que la communauté scientifique n'a pas su présenter un dossier global relatif à l'ensemble des grands outils d'analyse fine de la matière, ce qui expose le Gouvernement à devoir faire face aux demandes successives de communautés diverses sans disposer de priorités clairement établies.

Le deuxième point est une prise en compte insuffisante des " champs scientifiques " couverts par les synchrotrons et dont l'intérêt n'a pas été suffisamment établi.

Le troisième point est un faible engagement de l'industrie dans le projet et l'absence de volonté de sa part de s'y engager à terme.

Le quatrième point est qu'au moins, la réflexion préalable sur le nouveau synchrotron aurait dû se placer au niveau européen, quitte à ne pas déboucher sur une solution européenne, comme le principe en avait été posé par le Gouvernement dès 1997.

Intervenant, comme le Bureau de l'Assemblée nationale le leur a demandé, dans la crise de confiance survenue dans la communauté scientifique française des synchrotrons et de leurs utilisateurs, vos Rapporteurs ont analysé à leur tour la situation au regard de plusieurs critères, dont les quatre critères implicitement visés plus haut.

Comme on l'a vu précédemment, l'intérêt scientifique du rayonnement synchrotron est aujourd'hui prouvé. Il s'agit de l'outil d'analyse de la matière le plus performant et le plus diversifié, dont la contribution au progrès et aux découvertes scientifiques est démontrée par de nombreux indicateurs - publications scientifiques, applications industrielles, brevets -.

Par ailleurs, la nécessité d'une coopération européenne ou à tout le moins d'une coordination européenne n'est aujourd'hui contestée par personne. On peut même souhaiter qu'émerge dans l'Union européenne une politique d'impulsion et de financement analogue, dans le domaine des synchrotrons, à celle appliquée aux Etats-Unis par le Département de l'énergie (D.O.E.) au niveau fédéral, qui gère en direct quatre synchrotrons et en finance d'autres.

Mais, au-delà de ces nécessités incontestables, il reste la question de la maîtrise des dépenses relatives aux très grands équipements.

A cet égard, on ne peut que regretter qu'une planification globale des équipements de la recherche ne soit pas assurée en France et que depuis la mise en sommeil - suivie d'une dissolution - du Comité des très grands équipements, aucun organisme ne soit venu le remplacer, ce qui a créé un vide préjudiciable aux équilibres de la recherche française.

Mais, cette question dépasse de loin la question du synchrotron, qui, comme on l'a vu, ne ressortit pas, au fond des choses, de la catégorie des très grands équipements.

L'on ne saurait en effet appliquer au synchrotron - un grand instrument interdisciplinaire et partagé -, le même raisonnement qu'aux autres très grands équipements qui sont, eux, spécialisés et exclusifs.

En définitive, la question d'un synchrotron national ne saurait être éliminée au regard des critiques posées par les pouvoirs publics à l'encontre du projet SOLEIL et dont certaines ne le concernent pas.

Au contraire, il s'agit aujourd'hui, sur la base des analyses précédemment développées, de déterminer les caractéristiques générales d'un nouveau centre national de rayonnement synchrotron et de poser les bases d'une initiative concrète et immédiate, indispensable pour la dynamique scientifique, éducative et industrielle de notre pays.

I - DES COMPÉTENCES FRANÇAISES DE NIVEAU MONDIAL PRÉCIEUSES POUR L'AVENIR SCIENTIFIQUE ET INDUSTRIEL DE NOTRE PAYS

La qualité des bases éducatives et scientifiques d'un pays est un critère essentiel dans les choix de localisation que font les entreprises pour leurs établissements, et au premier chef pour leurs laboratoires de recherche.

Cet impératif pour la France de consolider ces bases mais aussi de les développer a été souligné par tous les interlocuteurs de vos Rapporteurs, qu'ils soient industriels des biens intermédiaires, industriels des biens d'équipement ou de la pharmacie et des biotechnologies.

Or la France dispose de compétences mondiales dans le domaine des synchrotrons. Il n'est que de voir la place du LURE dans la mise au point de la 3 ème génération de synchrotrons, dans la réalisation de l'ESRF et dans la préparation de l'avant-projet SOLEIL dont la qualité technique est saluée par tous les pays.

Il n'est que de voir l'importance qu'attache l'Allemagne, un partenaire de plusieurs années de coopération dans les accélérateurs et les synchrotrons, à voir la France reprendre, dans le peloton de tête de la compétition mondiale du rayonnement synchrotron, la place qu'elle est sur le point de perdre après plusieurs années d'atermoiements sur l'indispensable renouvellement des synchrotrons DCI et Super-ACO.

1. La nécessité de points d'ancrage pour des laboratoires de recherche de plus en plus mobiles

Ainsi que l'a signalé avec force M. Jean-Claude LEHMANN, directeur de la recherche du Groupe Saint Gobain, ce que les entreprises internationales françaises attendent aujourd'hui de leur pays d'origine, c'est essentiellement un " apport intellectuel de formation et de recherche " , qui les incite à garder leur culture d'origine.

En outre, une entreprise comme Saint Gobain a le souci de garder, pour des raisons de confidentialité, la recherche relative à son coeur de métier sur le sol national. Pour autant, les entreprises examinent quels sont les moyens de recherche publique qui sont les meilleurs et les plus accessibles dans les différents pays.

Le contexte général, fiscal et social joue également dans le choix d'implantation. La France qui présente une fiscalité et des coûts sociaux plus élevés que certains autres pays de développement comparable, doit donc s'attacher à avoir les meilleurs atouts dans le domaine de la recherche.

2. Les compétences françaises dans le domaine des synchrotrons, pivots d'une activité et d'une coopération internationale fructueuse

Il convient de rappeler une évidence en matière de coopération, à savoir que pour figurer dans un réseau international d'échanges de connaissances et de compétences, il faut avoir soi-même quelque chose à échanger.

Vos Rapporteurs ont eux-mêmes constaté au Royaume Uni que l'offre de la France de s'associer au projet DIAMOND était considérée favorablement grâce à sa double dimension financière, d'une part, permettant de diminuer les coûts à la charge tant du Gouvernement anglais que du Wellcome Trust, et technique, d'autre part, certains membres de la communauté française des synchrotrons étant prêts à mettre leurs compétences reconnues au niveau mondial au service de ce nouveau projet dont les chercheurs britanniques bénéficieront au premier chef.

Dans un autre ordre d'idées, vos Rapporteurs ont retiré de leur visite du Deutsche Elektronen-Synchrotron (DESY) de Hambourg où se trouvent les deux synchrotrons PETRA II et DORIS III du Hasylab, la certitude que la coopération avec le France est considérée comme cruciale, en particulier pour les travaux sur les lasers à électrons libres, dans la mesure où différents matériels implantés à DESY ont été conçus et fabriqués au CNRS et au CEA et où la France détient un savoir-faire important dans le domaine des lasers à électrons libres acquis par le LURE à Orsay.

En l'occurrence, il est absolument vital que la France garde un statut de partenaire et ne glisse pas vers celui de simple client des principaux synchrotrons étrangers.

A cet égard, l'existence d'un synchrotron national est d'une importance cruciale.

Il y va de sa maîtrise future de techniques aussi fondamentales pour l'étude fine de la matière que la diffraction-diffusion, la diffusion sous faibles angles, la diffusion inélastique, l'absorption, la fluorescence, l'analyse des surfaces, les techniques d'imagerie, toutes techniques utilisées dans l'ensemble des disciplines scientifiques.

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