3. Un suivi difficile par la DATAR

• Le suivi des contrats de plan au niveau national a été confié à la DATAR par la circulaire du 13 septembre 1994.

Pour exercer cette mission, la DATAR ne dispose que d'une seule personne. Elles n'a aucun accès informatique aux applications des ministères, en particulier à l'application " nouvelle dépense locale ". Elle ne bénéficie d'aucun appui ni de la part du ministère de l'intérieur, ni de la part de la direction de la comptabilité publique, qui, selon la Cour des Comptes, " ne suivent pas l'exécution des contrats dans les domaines qui sont de leur compétence ".

La DATAR dispose de deux sources d'information : les compte rendus annuels établis pour le mois de juin par chaque préfet de région, d'une part ; les compte rendus établis en début de chaque année par les administrations centrales, d'autre part.

• S'agissant des bilans effectués par les préfets, l'Inspection des Finances conclut de ses observations précédentes que " les renseignements remontant des régions constituent une source d'information beaucoup trop disparate, dans sa fiabilité, comme dans son contenu, pour être réellement exploitables ". Tout au plus fournissent-ils des ordres de grandeur, peut-être surestimés.

Ces données sont toutefois les seules dont dispose la DATAR en matière d'engagement ou de mandatement, l'Inspection des finances observant à cet égard que ces restitutions en termes de mandatement, qui reposent toujours sur une base déclarative, appellent des " réserves ". En outre, on observe dans certaines régions une confusion volontaire entre engagements et affectations, pouvant là encore déformer les résultats de manière flatteuse.

• Par ailleurs, les données recueillies par la DATAR auprès des administrations centrales requièrent un important travail de traitement : les contrats de plan mobilisent plus de 300 lignes budgétaires, gérées par près d'une cinquantaine d'administrations centrales différentes, et en constant changement : dans le cadre notamment de la réforme de l'Etat, des lignes fusionnent, éclatent ou changent d'intitulé chaque année.

Une fois retraitées, ces données présentent cependant l'avantage d'une relative homogénéité des méthodes de restitution des autorisations de programme et de crédits de paiement que les administrations centrales considèrent comme liées à l'exécution des contrats de plan, sauf pour le ministère de la Culture, qui n'a pas opéré cette distinction.

Pour aussi méritoire qu'elle soit, cette restitution opérée par la DATAR n'est néanmoins pas satisfaisante .

Comme le relève la Cour des Comptes, cette approche traite en effet de manière identique des crédits de nature différente et de mise en place plus ou moins longue : des crédits de catégorie 1, mis en oeuvre au niveau national et délégués aux préfets de région (qu'ils soient, ou non, affectés, engagés, mandatés, ou simplement programmés, voire retrouvés après avoir été oubliés pendant plusieurs exercices) ; des crédits de catégorie 2, gérés au plan régional et des crédits de catégorie 3, subdélégués aux préfets de département.

Par ailleurs, la DATAR ne suit les crédits qu'au premier stade de la dépense. En particulier, les ordonnances de paiement ne font l'objet d'aucun suivi.


LES DIFFÉRENTS STADES DE LA DÉPENSE POUR LES CRÉDITS CONTRACTUALISÉS

Après leur ouverture en loi de finances, parfois pour des montants insuffisants, les crédits contractualisés doivent être délégués aux préfets.

1. Le stade de la délégation des crédits aux préfets.

Première condition pour que les contrats se réalisent, le stade de la délégation des crédits afférents aux préfets est crucial. En raison des contraintes relatives aux dépenses publiques, les montants ouverts affectés aux contrats ne sont en effet plus à l'abri des gels ou des annulations de crédits.

La DATAR suit donc avec attention les délégations de crédits par les ministères et présente leur programmation au Premier ministre.

Chaque année, au mois de décembre, les 22 ministres concernés adressent à la DATAR le montant des crédits délégués au cours de l'année aux préfets. Les préfets adressent par ailleurs à la DATAR leurs besoins en crédits pour l'année suivante. La DATAR saisit ces données. En janvier, les ministères font connaître à la DATAR les montants qu'ils se proposent de déléguer pour l'année à venir.

2. Le stade de l'engagement des crédits.

Les préfets engagent les crédits qui leur sont délégués, et présentent les bilans en termes d'engagement, en suivant non pas des logiques ministérielles, mais les rubriques de contrats de plan, ce qui empêche toute consolidation nationale de leurs bilans.

3. Le stade du mandatement .

Certains bilans établis par les préfets recensent également les mandatements, c'est à dire les paiements après travaux, mais dans la plupart des cas, les mandatements ne sont pas consolidés.

Les taux de mandatement, en général très bas, reflètent les délais de mise en oeuvre de travaux d'une part, le droit ouvert par les textes à la plupart des bénéficiaires de subvention d'investissement de réaliser les travaux à leur rythme, d'autre part.

Cependant, la diffusion de plusieurs indicateurs en même temps (délégations, engagements, mandatements, et parfois affectations), est source de confusion.

Source : rapport CHÉRÈQUE .

Enfin la note précitée de l'Inspection des finances rappelle que " les engagements de l'Etat pour la période 1994-1999, qui servent de dénominateur aux calculs des taux de délégation, correspondent à la définition qu'en retiennent les administrations centrales. Or, il est impossible de rapprocher ces engagements de ceux retenus par les préfets dans leurs comptes rendus annuels. Les engagements recensés par les administrations centrales au titre des contrats de plan, pour la France métropolitaine, dépassent de 3 % ceux retenus par les préfets comme base de calcul, ce qui n'est pas sans importance lorsqu'il s'agit de comparer des taux d'exécution ".

Au total, la Cour des Comptes conclut 105( * ) que " le bilan d'exécution présenté au Gouvernement, qui le rend public, présente un caractère largement illusoire , et ne rend pas compte du degré de réalisation concrète des projets... : nul ne peut connaître le montant total et exact des crédits délégués et encore moins mandatés ou payés ".

Les Régions rejoignent d'ailleurs ce diagnostic en indiquant en général que " bien que la procédure de suivi ait fait l'objet d'améliorations par rapport aux deuxièmes contrats de plan, le suivi ne peut être considéré comme satisfaisant ".

De même, la plupart des ministères soulignent la difficulté pour les administrations centrales de suivre la réalisation des programmes qui les concernent, comme l'illustrent les analyses du ministère de l'Emploi et de la Solidarité (cf. encadré ci-après).

En effet, les ministères ne sont pas toujours informés de la destination finale des crédits qu'ils délèguent aux préfets.


LES DIFFICULTÉS DE SUIVI ET D'EXÉCUTION DES CONTRATS DE PLAN : L'EXEMPLE DU MINISTÈRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ

" Les services déconcentrés du ministère de l'emploi et de la solidarité sont placés, en matière d'opérations d'investissement, dans une position rendue complexe par le poids des contraintes institutionnelles internes et externes : intervention de multiples acteurs (si les DRASS ont l'initiative en matière de choix des opérations, ce sont les SGAR qui détiennent la maîtrise financière de leur réalisation et les services de l'équipement la maîtrise technique).

Le fil directeur entre les différentes phases d'une opération d'investissement n'est pas toujours perceptible aux différents niveaux d'administration.

Au niveau local, les services déconcentrés semblent parfois connaître des difficultés en matière de prévision de leurs besoins en crédits d'investissement. De fait, lorsqu'un appel d'offre est infructueux, la procédure retourne en phase initiale, alors que les AP ont déjà été individualisées.

De la même manière, le phasage des opérations en tranches fonctionnelles comme les clefs de répartition des CP doivent être anticipés au plus juste afin d'éviter des décalages entre circuit de financement et réalisations concrètes. De ces aléas résulte l'extrême difficulté à ajuster un exercice de prévision fiable, basé sur une programmation pluriannuelle en AP, à la réalité de l'exécution de l'opération potentiellement affectée par une consommation en CP en décalage avec la clef de répartition initiale.

Deux exemples de difficulté de suivi des crédits

Crédits de fonctionnement en santé publique

L'exécution et le suivi des engagements pour des opérations insuffisamment définies ont été délicats. Les demandes, présentées parfois annuellement, ont dans certains cas donné lieu à délégations de crédits spécifiques. Il appartenait en revanche à certaines régions d'imputer à des actions prévues dans leur contrat de plan des crédits qui leur étaient délégués sous forme d'enveloppe globale.

Si les tableaux adressés annuellement par la DATAR permettent d'indiquer les montants délégués et à déléguer, les colonnes intitulées " demandes des préfets " ne sont en revanche pas renseignées, ne permettant pas de relever les éventuels ajustements nécessaires.

Crédits du Service des droits des femmes

A l'époque de la négociation des troisièmes contrats de plan en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, la stratégie était orientée vers des mesures spécifiques visant le rattrapage d'inégalités récurrentes en ciblant des catégories particulières de femmes en difficulté, l'approche globale ayant présidé aux 4 ème CPER n'existait pas.

En conséquence, les remontées d'information portent uniquement sur les mesures spécifiques financées soit par la DGEFP (chapitre 47-74 article 36) soit par le Service des droits des femmes (chapitre 43.02 article 20).

De ce point de vue, l'exécution financière des engagements de l'Etat se situe à hauteur de 100 %. Une difficulté structurelle pour le suivi et le bilan de ces mesures spécifiques tient au fait que les crédits du Service des droits des femmes sont identifiés sur le volet affaires sociales alors que les crédits DGEFP sont identifiés sur le volet emploi-formation.

Par ailleurs, dans le cadre des troisièmes contrats de plan, aucun outil de pilotage n'ayant été élaboré pour identifier la prise en compte transversale de l'égalité entre les hommes et les femmes dans l'ensemble des politiques contractualisées, aucun suivi, ni bilan, n'est possible sur cet aspect.

Globalement, le suivi et l'établissement d'un bilan quantitatif et qualitatif pâtit encore de l'inexistence d'un outil cohérent et partagé entre les différents intervenants dans la procédure : DATAR, préfectures, services déconcentrés du ministère et administration centrale.

L'ensemble des constats figurant dans la réponse à la présente question a donné lieu à des rencontres entre les différents partenaires, à l'initiative du ministère. La démarche consiste à établir un diagnostic partagé des carences du système et à élaborer en commun des réponses concrètes (désignation de correspondants uniques et identifiés dans les DRASS et, surtout dans les DDASS, projet de rédaction d'un guide de gestion des programmes inscrits dans les CPER, qui serait commun à l'administration centrale et aux services déconcentrés...)
".

Source : Réponses du ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

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