M. le président. Par amendement n° 133, M. Hérisson propose d'insérer, après l'article 16, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 21 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications est ainsi modifié :
« 1° Dans la première phrase du premier alinéa du I, les mots "et au lieu de leur principal établissement" sont supprimés ;
« 2° Dans le b du 2° du I, les mots : "au lieu du principal établissement" sont supprimés ;
« 3° Le 6° du I est supprimé ;
« 4° Le II est supprimé.
« II. - Les modifications résultant du I prennent effet à compter du 1er janvier 1997.
« III. - Les pertes de recettes résultant, pour le budget de l'Etat, des dispositions des I et II sont compensées par un relèvement, à due concurrence, des droits de consommation sur le tabac fixés par les articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. La loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications a prévu que, à partir de 1994, La Poste et France Télécom seraient assujettis aux impositions directes locales perçues au profit des collectivités locales et de divers organismes.
Il est franchement anormal, monsieur le ministre, que les impôts locaux prélevés sur ces deux exploitants publics profitent au budget de l'Etat et non aux collectivités locales, alors même que leurs établissements occasionnent à ces collectivités des charges, notamment de voirie et d'éclairage public, comparables à celles des autres entreprises.
Il vous est proposé d'assujettir purement et simplement La Poste et France Télécom au régime fiscal de droit commun, et donc de faire bénéficier directement les collectivités locales des prélèvements supportés par ces deux opérateurs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Notre collègue M. Hérisson soulève un véritable problème et la commission a fait siennes ses préoccupations lors de l'examen de l'amendement n° 133 . En effet, ceux qui ont vécu l'élaboration de la loi de 1990 - je pense notamment à notre collègue M. Jean Faure, aidé modestement par moi-même - savent que les principes de transparence et de neutralité n'ont reçu aucun écho de la part du gouvernement de l'époque.
M. le Premier ministre vient de lancer un débat, qu'il souhaite ouvert, sur la réforme de la fiscalité, tout particulièrement de la fiscalité locale et de la taxe professionnelle. Peut-être aurons-nous ainsi l'occasion de prévoir, de manière éventuellement progressive, une fiscalité de droit commun pour France Télécom.
Je pense qu'il faut séparer le problème de La Poste, qui ne fait pas l'objet de notre débat d'aujourd'hui, du problème de France Télécom.
Monsieur le ministre, la commission souhaite d'autant plus vous entendre sur ce sujet qu'il est d'une actualité brûlante. Puisque, comme vous l'avez dit vous-même, le Gouvernement est un, nous saurons en effet un peu, au travers de vos propos, sur quel chemin le Gouvernement et le Premier ministre invitent le Parlement à l'accompagner dans la réflexion. Et je sais que les membres éminents de la commission des finances qui sont présents dans cet hémicycle vous écouteront avec grand intérêt.
M. Emmanuel Hamel. Merci pour l'éminence !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre délégué. Je crois qu'il ne faut pas se cacher les obstacles que présente l'adoption de l'amendement n° 133 : il s'agit d'un transfert de 4,7 milliards de francs, qui sont aujourd'hui versés au budget de l'Etat et qui le seraient demain au budget de certaines collectivités locales.
Il faut avoir la franchise de dire au Sénat que, dans l'état actuel des finances de l'Etat et dans les limites de la préparation du budget pour 1997, ce transfert - même si M. Hérisson propose un gage visant à augmenter de manière extrêmement importante le prix du tabac ...
M. Gérard Larcher, rapporteur. Il ne fume plus ! (Sourires.)
M. François Fillon, ministre délégué. ... poserait des problèmes financiers extrêmement difficiles à résoudre.
J'ajoute qu'une partie de cette somme - sans doute pas assez, mais peut être est-ce un sujet sur lequel pourra s'engager ultérieurement la discussion - est versée au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle qui, comme chacun le sait, est un instrument d'aménagement du territoire auquel Mme Bardou doit être, je l'imagine, extrêmement attachée.
Retirer à ce fonds des sommes importantes pour les verser plutôt à des collectivités locales d'une certaine importance - car les établissements de France Télécom ne sont pas situés dans les petites communes rurales, mais pour l'essentiel dans des villes moyennes : nous ne sommes pas en train de parler de La Poste, mais de France Télécom - n'aurait peut être pas les effets escomptés par le Sénat.
Cela étant dit, il est incontestable que la transformation de France Télécom en entreprise, projet dont nous allons débattre la semaine prochaine, posera, à terme, un problème de taxe professionnelle.
M. le Premier ministre vient d'annoncer que le Gouvernement s'engageait dans une vaste réforme fiscale. Il a indiqué que la taxe professionnelle ferait, à cette occasion, l'objet d'une réforme. Je puis vous indiquer ce soir que la question soulevée par l'amendement de M. Hérisson sera examinée dans le cadre de la réforme fiscale d'ensemble qui sera très bientôt soumise au Parlement.
Je souhaite donc, pour les raisons budgétaires que j'ai - je crois avec franchise - évoquées à l'instant, pour ne pas pénaliser le fonds de péréquation de la taxe professionnelle et pour permettre que le débat s'engage en toute sérénité, comme l'a souhaité à plusieurs reprises Mme Luc, dans le cadre de cette réforme fiscale, que M. Hérisson accepte de bien vouloir retirer provisoirement son amendement.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Hérisson ?
M. Pierre Hérisson. Monsieur le ministre, ce sont bien les collectivités locales qui alimentent pour partie la péréquation. Cela dit, je ne sais pas comment le système pourra fonctionner à partir de 1998, dès lors que France Télécom sera devenue une société anonyme. En effet, comment la loi de 1990 pourra-t-elle continuer à être appliquée, avec le versement d'une taxe professionnelle d'une société anonyme en direction de l'Etat, sinon à créer un fâcheux précédent dans lequel ne manqueront pas de s'engouffrer ceux qui y trouveront un intérêt ?
Quoi qu'il en soit, devant les assurances que vous nous donnez, monsieur le ministre, je suis disposé à retirer mon amendement, tout en rappelant qu'il y a malgré tout urgence et que les collectivités locales attendent que soit régularisée une situation dans laquelle l'Etat utilise à son profit un outil de prélèvement fiscal réservé aux collectivités locales.
M. le président. L'amendement n° 133 est retiré.

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