M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Leyzour pour explication de vote.
M. Félix Leyzour. Monsieur le ministre, en préambule, vous avez précisé qu'il s'agissait d'une mise à la disposition de notre marine civile des moyens nécessaires à son développement. Vous avez précisé qu'il s'agissait d'une nouvelle statégie nationale permettant un apport financier nouveau, qu'il convient de distinguer d'un investissement nouveau.
Selon vous, le Gouvernement fait un effort considérable avec ce projet de loi. En réalité, ce sont les contribuables modestes qui supporteront les pertes occasionnées par les non-rentrées fiscales liées au dispositif mis en place.
Il fut un temps pas très lointain où, dans certains milieux aisés, on disait : « Si vous voulez doter votre fille, achetez-lui un wagon. » Désormais, on pourra dire : « Si vous voulez doter votre fille, achetez-lui une part de bateau. »
Monsieur le ministre, vous avez qualifié ce projet de loi de nouvelle stratégie nationale, grâce à ses conséquences sociales - créations directes et induites d'emplois - ses conséquences économiques - redressement de notre marine nationale - ses conséquences stratégiques - regain de force et présence du pavillon français.
L'avenir dira très bientôt si le dispositif quirataire a des effets positifs sur l'emploi dans la marine marchande et dans la construction navale.
Nous avons déposé des amendements tendant à subordonner la mise en place de ce dispositif d'aide, qui consiste en une défiscalisation, à la réouverture d'un certain nombre de chantiers navals, en particulier celui de La Ciotat, et à la relance d'autres chantiers navals, par exemple ceux de l'Atlantique.
Mais quand il s'agit de défiscaliser, on oublie une éventuelle opposition de la Commission européenne ; en revanche, quand il s'agit de relancer l'activité de nos chantiers navals, on nous rétorque que nos engagements européens nous interdisent toute action.
La discussion de ce projet de loi n'a pas permis d'apporter des améliorations notables au texte initial, dont nous avons vivement critiqué le contenu. Nous confirmons donc notre opposition au texte.
Nous tenons également à dénoncer vigoureusement le refus du Gouvernement et de la majorité d'envisager la réouverture de chantiers navals fermés, comme La Ciotat, ou la réactivation des chantiers de l'Atlantique.
Cette attitude démontre bien que nous n'avons pas tort de douter de la portée des mesures proposées.
Votre projet de loi sert les intérêts des armateurs et engendre l'injustice fiscale, monsieur le ministre, en revanche, il ne favorise pas le développement de l'emploi dans la construction navale, dans la marine marchande ou dans le négoce, dont la marine et la France auraient pourtant besoin.
Nous voterons donc contre le projet de loi qui nous est soumis.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite que ce projet ait été débattu devant notre assemblée.
Je remercie M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme de la constance et de la ténacité dont il a fait preuve pour faire aboutir un projet qui était réclamé depuis très longtemps par la communauté maritime.
Je sais tout ce qu'il a fait pour franchir les divers obstacles qui nous séparaient de cet heureux aboutissement. Je tiens à lui dire aujourd'hui qu'il a très bien oeuvré pour le monde maritime.
Il l'a fait avec l'appui du Président de la République, lequel a voulu une politique maritime pour la France. Nous en avons aujourd'hui une illustration avec ce projet, comme nous en aurons une, demain, avec le projet de loi d'orientation portuaire que vous nous présenterez bientôt, monsieur le ministre, ainsi qu'avec le projet de loi d'orientation sur la pêche.
Il ne s'agit pas, en l'occurrence, de discours ou de promesses vagues. On a assez dit que le Président de la République ne tenait pas ses promesses dans le domaine maritime pour reconnaître aujourd'hui la part prépondérante qu'il a prise dans l'établissement de cette politique. Je tenais à le dire devant le Sénat.
De même, je voudrais féliciter notre collègue M. Jacques Oudin, qui a beaucoup apporté à ce texte. Lui aussi a su persuader diverses instances de l'opportunité de ce projet de loi, de sa portée. Il y a mis tout son talent et toute son ardeur. Nous devons le féliciter très chaleureusement pour l'enrichissement qu'il a apporté à ce texte. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Enfin, je note qu'il s'agit d'un texte d'une grande portée parce qu'il vise à mobiliser des capitaux en faveur de l'armement naval français.
Je crois que M. le ministre et M. le rapporteur l'ont amplement démontré : bien sûr, ce n'est pas une condition suffisante pour redonner à notre marine marchande, sous pavillon français ou sous pavillon bis , le lustre qu'elle avait autrefois ; en tout cas, c'est une condition nécessaire parce que, si nous ne pouvons trouver d'investissements, nous ne trouverons jamais les moyens d'avoir des navires en flotte.
Les dispositions qui ont été prises ne constituent pas du tout des avantages exhorbitants accordés à tel ou tel. A ce propos, je voudrais répondre à mon collègue et compatriote M. Félix Leyzour, qui représente comme moi un département maritime.
Il a déclaré : « Autrefois, si vous vouliez doter votre fille, il fallait acheter un wagon. » Moi, je dirais : « Aujourd'hui, grâce à cette loi, si vous voulez assurer l'avenir de votre fille, trouvez-lui un gendre qui travaille dans la marine marchande. »
Dans les départements maritimes, cette loi apportera certainement un plus.
Selon moi, grâce à cette loi, nous allons créer des emplois nouveaux dans le secteur maritime.
Nous attendons beaucoup de cette loi. Nous espérons que, grâce à elle, la flotte française retrouvera une certaine consistance et sera à la hauteur de ses anciennes performances.
Nous souhaitons, bien qu'il n'y ait pas de lien d'automaticité entre un encouragement fiscal et des commandes aux chantiers navals, que cette loi puisse générer de nouvelles commandes profitables à nos chantiers navals.
Au total, c'est une loi dont nous pouvons nous féliciter parce qu'elle est « refondatrice ».
Dans quelque temps, nous pourrons dresser un bilan. Je suis convaincu, en raison des assurances qui ont été données, qu'on verra très vite les fruits de ces dispositions.
Je remercie encore le Gouvernement et tous ceux qui sont à l'origine de ce texte pour leur heureuse initiative. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Tout au long de ce débat, nous avons cherché à améliorer et aménager un texte difficile et d'une certaine technicité par des amendements qui, finalement, auraient pu nous permettre d'adopter ce projet, ce que nous souhaitions pour plusieurs raisons.
La première est le constat, maintes fois fait et refait au cours de ces débats, d'un secteur maritime sinistré sur pratiquement tous les maillons de la chaîne, depuis le volume et l'état de la flotte française jusqu'à, très en amont, la construction et la réparation navales.
La deuxième est la sous-utilisation évidente de nos potentialités maritimes, auxquelles on ne peut pas ne pas penser compte tenu de l'étendue de notre façade maritime.
La troisième tient à une autre évidence, celle des contraintes que nous posera avec de plus en plus d'acuité et d'urgence la préservation de notre environnement. En effet, dans le domaine du transport, nous avons déjà touché les limites du « tout routier », en termes aussi bien économiques que de pollution.
Pour toutes ces raisons, notamment celle-là, nous souhaitions donc effectivement parvenir à un accord sur ce texte. Mais si nous nous félicitons de l'extension du dispositif à l'ensemble des navires de commerce, notamment aux navires de transport de passagers, nous considérons que le texte issu de nos travaux est encore trop déséquilibré.
En effet, s'agissant des avantages fiscaux - payés par les contribuables, cela a déjà été dit - qui nous semblent d'autant plus injustes qu'ils ne concernent que les hauts revenus, n'en déplaise à M. le rapporteur - 500 000 francs ou un million de francs représentent tout de même des ressources disponibles importantes ! -...
M. Jacques Oudin, rapporteur. Ce sont des plafonds !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. ... vous avez refusé le mécanisme quelque peu différent que nous proposions. Ce projet de loi demeure donc disproportionné.
De plus, et surtout, nous n'avons obtenu aucune garantie quant aux retombées en matière d'emploi, sujet que les uns et les autres avons toujours en toile de fonds et pour lequel nous ne pouvons nous contenter d'espérance !
S'agissant de la construction navale, notre proposition d'agrément ne contrevenait en rien aux règles européennes, contrairement à ce que vous avez prétendu au cours du débat, monsieur le ministre. Il nous semble même qu'un travail de persuasion et de sensibilisation mené auprès des armateurs français aurait permis la prise en considération de ce secteur, qui est, on le sait bien, éminement pourvoyeur d'emplois.
Afin de justifier votre refus d'inclure dans le dispositif la flotte de pêche, vous nous avez promis, monsieur le ministre, une loi d'orientation sur la pêche. Cela revient, une fois encore, à différer la prise en compte des problèmes d'investissement auxquels sont confrontés les pêcheurs, ce qui est tout à fait dommageable. C'est même leur faire prendre un retard très préjudiciable dans leur modernisation.
Non, vraiment, ce projet de loi n'est pas acceptable en l'état, et c'est la raison pour laquelle le groupe socialiste s'abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du Rassemblement pour la République se félicite de l'inscription à notre ordre du jour de ce projet de loi visant à encourager et à développer le système du quirat.
Dès 1988, dans son excellent rapport d'information sur l'avenir de la marine marchande, le président de notre groupe, Josselin de Rohan, proposait un encouragement fiscal à l'acquisition de parts de copropriété de navires comme une solution originale et efficace permettant d'attirer dans le secteur maritime les capitaux d'investisseurs extérieurs à ce domaine d'activité.
Face à la situation préoccupante de notre marine marchande, rappelée par de nombreux collègues lors de la discussion générale, il est temps de mettre fin au déclin de notre flotte grâce au système du quirat, qui devrait permettre à la France de participer au développement des transports européens, et surtout à notre construction navale de retrouver une clientèle nationale.
Comme l'a dit ce matin notre collègue Patrice Gélard, ce projet de loi n'est pas un aboutissement ; il est véritablement un nouveau départ pour le secteur de la marine marchande française.
Grâce au travail de notre commission des finances et de notre rapporteur, notre collègue Jacques Oudin, dont nous saluons le remarquable rapport, le texte qui résulte de nos travaux est équilibré, prévient d'éventuels dérapages, grâce à l'existence de l'agrément ministériel, et s'inscrit complètement dans le cadre de la future réforme fiscale annoncée par le Gouvernement.
Nous avons noté avec satisfaction la possibilité pour le Gouvernement d'accepter l'extension de ce dispositif aux navires de pêche industrielle à l'occasion du projet de loi d'orientation sur la pêche qui sera prochainement soumis à l'examen du Parlement.
L'amendement déposé par nos collègues Philippe Marini, Jacques Oudin et Patrice Gélard tendait à étendre le champ d'application de l'exonération à la flotte fluviale. Nous avons pris bonne note, monsieur le ministre, de la volonté du Gouvernement de prendre en compte les difficultés de ce secteur dans un cadre mieux approprié.
Le Président de la République a réaffirmé, voilà peu, la vocation maritime de la France. Le texte qui est soumis à notre vote met en place les dipositions juridiques et fiscales nécessaires à cette grande ambition particulièrement utile à notre pays.
C'est dans cet esprit que le groupe du Rassemblement pour la République votera ce texte et vous apportera son soutien le plus absolu. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. L'un des domaines les plus navrants de l'activité nationale, depuis quelques années, a été celui de la marine marchande. C'est vraiment avec une profonde tristesse que nous avons assisté à son dramatique déclin.
Est-il besoin de rappeler qu'au moment où le commerce maritime international connaît une croissance constante de 6 p. 100 par an en moyenne la marine marchande française a perdu 65 p. 100 de ses effectifs, ne gardant guère que 200 navires environ, ce qui l'a fait tomber du septième au vingt-huitième rang mondial ?
Il fallait bien évidemment remédier à cette situation et trouver les causes de ce mal. Pourquoi cette « fuite » du pavillon national ? L'une des raisons était la pression fiscale s'exerçant sur notre marine. L'objectif essentiel du projet de loi a donc été d'améliorer la réglementation dans ce domaine et d'établir des incitations, qui encourageraient nos armateurs à reprendre leurs activités, en permettant à notre flotte de se retrouver dans de bonnes conditions de concurrence.
Redonner vie à nos chantiers navals, telle est l'une des grandes oeuvres qu'il fallait entreprendre. C'est l'un des buts de ce projet de loi. Nous remercions le Gouvernement de l'avoir mise en chantier et nous espérons qu'elle pourra être menée à bien.
Il faut également remercier notre rapporteur Jacques Oudin et la commission des finances : leurs amendements, que vous avez approuvés monsieur le ministre, ont apporté au texte d'appréciables améliorations.
Nous regrettons - l'un de nos collègues, M. Darniche, y était attaché - que la pêche n'ait pas été d'ores et déjà incluse dans ce projet de loi. Mais nous avons pris bonne note des deux lettres de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, et de la promesse faite que le Gouvernement, dès la rentrée parlementaire d'octobre, prendra cette grande question en compte et qu'un nouveau texte de loi nous sera proposé à cet égard.
Dans ces conditions, c'est bien volontiers qu'avec la majorité de notre assemblée les non-inscrits voteront ce texte, avec l'espoir que les paroles prononcées par le Président de la République à Rochefort au mois de juillet dernier pourront s'accomplir et que la France retrouvera son destin de grande puissance maritime. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

5