M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Bécot, pour explication de vote.
M. Michel Bécot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'issue d'un long débat, parfois complexe, mais toujours empreint de grande sincérité, ce texte relatif à la promotion du commerce et de l'artisanat conserve un équilibre général.
Des améliorations substantielles ont été apportées, malgré quelques imperfections qui toutefois ne remettent pas en cause l'économie générale du projet de loi.
Je tiens à saluer l'excellent travail effectué par les deux rapporteurs, MM. Hérisson et Hyest.
Le groupe de l'Union centriste accordera son soutien indéfectible à ce texte, en espérant, bien sûr, que les améliorations qu'il apporte se concrétiseront sur le terrain, seul domaine véritablement important pour l'ensemble des artisans et des commerçants de ce pays.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la discussion générale qui a eu lieu lundi soir, notre ami Félix Leyzour a analysé les principales dispositions du texte.
Il s'est arrêté sur les deux volets du projet de loi : le volet commercial et le volet artisanal.
Pour ce qui est du volet commercial, la disposition centrale concerne l'urbanisme commercial.
Désormais, à partir d'une surface de trois cents mètres carrés, il y aura une instruction du dossier. Cette instruction se veut plus transparente que ce qui se passe actuellement.
On verra à l'épreuve si le nouveau dispositif permettra de limiter l'implantation et le développement des grandes surfaces.
Il faut dire que celles-ci ont déjà largement, pour ne pas dire totalement, occupé l'espace. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi apparaît comme une démarche à peu de frais en direction du petit commerce aujourd'hui inquiet.
Ce qui manque, nous l'avons souligné dans la discussion, c'est une réforme en profondeur de la fiscalité locale en général, et de la taxe professionnelle en particulier, qui ferait en sorte que le petit et le moyen commerce soient proportionnellement moins taxés que les grandes sociétés de l'industrie du secteur des banques et des assurances, ou que les géants de la distribution.
J'ajoute que le sort du commerce et de l'artisanat est lié au relèvement du pouvoir d'achat des familles. Nos collègues de la majorité sénatoriale se sont bien gardés d'aborder cet aspect des choses.
S'agissant de l'artisanat, certaines des dispositions qui ont été votées reprennent des demandes formulées.
Nous avons souligné dans le débat, que les artisans en général sont en attente de mesures qui, au plan tant social que fiscal, leur permettraient de mieux « respirer » économiquement.
Les artisans du bâtiment traversent une situation particulièrement difficile. Nous avons montré comment une intervention budgétaire de l'Etat était de nature à relancer le logement et, par voie de conséquence, l'activité et l'emploi.
Vous avez été discret sur ce chapitre, monsieur le ministre. Sans doute estimez-vous que tel n'est pas l'objet du présent projet de loi. Mais l'interpellation est forte, pressante et le Gouvernement serait bien inspiré de ne pas y rester sourd.
Nous avons pris part à la discussion sans illusion sur la portée de votre texte et avec la volonté de le marquer de quelques amendements qui, s'ils avaient été adoptés, auraient permis d'aller plus loin dans le sens de la protection, de la défense, de la relance de l'activité pour le commerce et l'artisanat.
Le vote que nous allons émettre sur l'ensemble du projet de loi sera un vote d'abstention, qui ne repousse pas les dispositions qui constituent un pas en avant, mais qui, dans le même temps, souligne la portée très limitée du texte.
M. le président. La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous achevons aujourd'hui l'examen marque une réelle rupture avec les politiques précédemment conduites dans le domaine du commerce et de l'artisanat.
En effet, conformément aux engagements du Président de la République et aux orientations définies dans le plan « PME pour la France », monsieur le ministre, avec ce texte vous donnez, aux commerçants et aux artisans les moyens de s'installer et de se développer dans un environnement concurrentiel plus équilibré. Nous ne pouvons que nous en féliciter et vous en remercier.
Ainsi, vous avez eu raison de modifier la loi Royer qui n'a pas pu empêcher un développement accéléré de l'installation de grandes surfaces, au détriment du petit commerce et, bien souvent, de nos centres-villes. Toutefois, vous ne bloquez pas la modernisation des structures existantes ou la création de surfaces nouvelles. En effet, les mesures adoptées allient la prise en compte des besoins et la maîtrise d'un développement équilibré.
Vous avez également eu raison de modifier la composition de la commission départementale d'équipement commercial, afin de la rendre plus équilibrée, plus transparente et plus performante.
Enfin, nous ne pouvons qu'approuver les dispositions concernant la promotion de l'artisanat, notamment le renforcement des qualifications professionnelles dans ce secteur ô combien important !
Nous avons contribué, par nos propositions, à améliorer le texte et à tracer quelques pistes pour l'avenir. Nous vous apporterons notre soutien dans l'exploitation de celles-ci.
Pour toutes ces raisons, je ne vous surprendrai pas, monsieur le ministre, en vous disant que le groupe du RPR votera ce texte et qu'il a apprécié, tout au long de ce débat, votre capacité d'écoute, votre souci de répondre à chacun et votre esprit d'ouverture.
M. le président. La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'a rappelé M. le ministre, ce débat constitue une étape vers l'abrogation définitive de la loi Royer à l'horizon 1997-1998, lorsque les schémas territoriaux d'urbanisme commercial auront été établis.
Nous ne remettons pas en cause la nécessité de réviser cette loi, mais nous avons pu constater, tout au long des discussions, nos divergences quant aux méthodes employées pour atteindre cet objectif.
A travers nos amendements, nous avons défendu une certaine idée de l'aménagement du territoire, qui consiste en la prise en compte de réalités incontournables que nous savons fort disparates. Or l'uniformité des seuils que vous nous avez proposés est contraire au caractère pluriel de notre pays : en retenant un seuil de 300 mètres carrés, vous pensez induire un rééquilibrage de l'espace ; pour notre part, nous redoutons une uniformisation qui serait en contradiction avec la notion d'aménagement concerté du territoire.
D'autres que nous ont exprimé leurs doutes à ce sujet, et notre assemblée ne s'y était pas trompée, puisqu'elle avait adopté l'amendement de M. Collard.
Certes, l'amendement que nous avons déposé n'a pas été retenu, mais la notion de modulation qui nous est chère était défendue notamment par certains de nos collègues du groupe de l'artisanat de notre Haute Assemblée.
Pour ce qui est de la composition de la commission départementale d'équipement commercial, quel rôle réservez-vous désormais aux élus au sein de celle-ci ? Nous partageons cette préoccupation avec M. le rapporteur pour avis : la loi Sapin de 1993 avait déjà réduit la représentation des élus au sein de ces commissions dans un souci de rééquilibrage, mais pourquoi retirer à nouveau un poste aux élus ? Estimez-vous, monsieur le ministre, que les élus soient à ce point responsables de toutes les dérives liées à l'application de la loi Royer ? Vos dénégations à ce sujet ne nous ont pas convaincus. Nous estimons quant à nous indispensable que la place et le rôle des élus soient confirmés. Ils sont l'expression de la démocratie, et il nous paraît donc regrettable de réduire leurs prérogatives.
En outre, ce texte ne comporte aucun volet économique. Le plan « PME pour la France » a suscité beaucoup d'espérances dans le monde de l'artisanat. Mais pensez-vous réellement qu'une meilleure qualification professionnelle permettra, à elle seule, la survie des petites entreprises ? En effet, vous savez comme nous que les chiffres sont alarmants : pour la sixième année consécutive, l'activité du bâtiment, secteur qui regroupe 42 p. 100 des entreprises artisanales, régresse.
Pour toutes ces raisons, et malgré les améliorations notables que permet ce texte, le groupe socialiste s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi sur la promotion du commerce et de l'artisanat témoigne, au même titre que celui sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, que nous avons examiné très récemment, de l'intérêt que le Gouvernement et le Parlement portent aux PME qui, nous le savons, jouent un rôle clé dans notre économie.
Ce texte contribuera à la promotion de l'artisanat grâce à la reconnaissance de sa qualification professionnelle.
En ce qui concerne l'urbanisme commercial, il met fin à des distorsions de concurrence pour l'implantation des commerces.
Il ne s'agit pas, pour nous, de légiférer contre les grandes surfaces, qui font désormais partie intégrante de notre mode de vie. Cependant, la liberté de leur implantation ne doit pas, pour autant, vider nos centres-villes et nos campagnes des petits commerces.
L'objectif est donc bien de favoriser le développement harmonieux de l'ensemble de la distribution. Or, vous l'avez vous-même indiqué plusieurs fois au cours du débat, monsieur le ministre, la réalité, aujourd'hui, c'est un million de mètres carrés de plus chaque année. C'est trop !
En vingt-trois ans, l'urbanisme commercial a bien changé, et - on en conviendra - plus en mal qu'en bien. En modifiant la loi Royer, ce projet de loi rééquilibrera le paysage commercial au profit des PME. A cet titre, je me réjouis du résultat du vote qui vient d'intervenir en seconde délibération, et qui permet de revenir à un seuil unique de 300 mètres carrés.
Monsieur le ministre, vous avez, tout au long de ce débat, clairement répondu à nos attentes. Le groupe des Républicains et Indépendants, qui - cela ne vous aura pas échappé - ne vous a pas ménagé son soutien, vous remercie de votre bonne volonté.
Je tiens également à féliciter nos rapporteurs pour la richesse de leurs explications et pour l'esprit d'ouverture dont ils ont constamment fait preuve.
Ce ne sera une grande surprise pour personne que je dise que le groupe des Républicains et Indépendants votera ce projet. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet, dont nous achevons l'examen, constitue le second volet d'un ensemble qui intéresse le développement économique et commercial, le premier volet étant constitué par le projet sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, que je rapportais par ailleurs.
Grâce à l'action de nos deux rapporteurs, M. Hérisson pour la commission des affaires économiques, M. Hyest pour la commission des lois, nous avons pu faire en commission un travail considérable, qui a permis de présenter les modifications que notre assemblée était en droit de vouloir apporter à votre projet, monsieur le ministre.
Ces modifications, pour nombre d'entre elles, ont été retenues - je n'y reviens pas. A mon avis, elles sont de nature à permettre le développement de l'artisanat et du commerce.
Sur certains points, nous nous sommes opposés parce que nos critères étaient différents, alors que nous avons la même connaissance du terrain et que nos argumentaires respectifs se fondent sur la même technicité.
Il a fallu que vous vous y repreniez à deux fois pour convaincre notre assemblée ; mais c'est le propre de la démocratie, la raison d'être de nos assemblées et la justification de notre mission d'élu national.
Le vote est intervenu, et en bon démocrate je me rallie donc à l'ensemble des textes qui ont été votés, y compris ceux qui vous ont obligé à demander une seconde délibération.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez réellement répondre aux inquiétudes que nous avons soulignées. A mon avis, si vous ne prévoyez pas une réglementation assez minutieuse, mais assez large dans son esprit, toutes les commissions, à brève échéance, seront embourbées et le développement économique de nos petites et moyennes entreprises, puisque le seuil est fixé à 300 mètres carrés, sera limité. Cela, je ne le souhaite pas, et vous pouvez compter sur ma bonne volonté et sur mon action pour qu'il en soit autrement.
Je voterai donc le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Claude Estier. Le groupe socialiste s'abstient.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste également.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je tiens, en cet instant, à adresser à la fois mes remerciements et mes félicitations à notre collègue M. Hérisson, qui rapportait pour la première fois en qualité de sénateur. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Ces applaudissements me paraissent mérités.
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux remercier la Haute Assemblée d'avoir adopté ce texte. Elle a permis ainsi de franchir une étape majeure vers un nouvel équilibre commercial dans ce pays, répondant en cela au souhait de M. le Président de la République.
Il y a dans ce pays, vous le savez, des forces très importantes dans le commerce. Mais, si ces forces doivent être équilibrées, elles doivent également être motivées. Or, le présent projet et un texte à la fois de motivation et d'équilibre. Il peut redonner confiance aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Je suis très heureux, notamment, que le Sénat ait pu « qualifier » ce texte sur la qualification !
Je veux dire l'amitié qui me lie à M. Hérisson et le respect que j'ai pour le travail qu'il a accompli. Et, puisque vous avez fait allusion, monsieur le président, à sa qualité de « bizuth », qu'il me permette de partager avec lui cette qualité, car c'était également le premier texte que je défendais au poste que j'occupe. Nous avons donc fait nos premiers pas ensemble.
Par-delà la qualité du travail de la commission, son expérience personnelle, ses connaissances, notamment sur l'important dossier du bâtiment, pour lequel la Haute Assemblée a pris des orientations importantes, nous ont beaucoup éclairés. Sur plusieurs points, il a su convaincre le Gouvernement, et je veux l'en remercier.
Je tiens également à dire à M. Hyest combien nous avons apprécié le travail de la commission des lois, qui a peaufiné le texte sur le plan rédactionnel, mais qui l'a aussi amélioré sur le fond. Dans le cadre de la procédure d'urgence, le fait que la commission des lois ait pu se saisir de ce projet de loi a été très utile pour nous. Le texte issu des travaux de la Haute Assemblée est ainsi plus lisible, mieux équilibré et plus solide sur le plan juridique.
Mes remerciements vont encore à tous ceux qui sont intervenus et aux présidents de groupe, MM. de Raincourt, Blin et de Rohan. Ils nous ont permis d'avoir un éclairage complet sur des questions majeures.
MM. Hérisson et Jean-Jacques Robert viennent de rapporter deux textes qui charpenteront dorénavant l'activité économique du commerce et de l'artisanat. Après vingt-trois ans de loi Royer, des conditions nouvelles sont créées.
Les forces économiques vont retrouver une dynamique et l'espoir, et de ce point de vue, elles devront, elles aussi, témoigner de la gratitude à votre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez bien voulu signaler, les uns et les autres, qu'il s'agissait de mon premier rapport au Sénat.
Je souhaite, pour ma part, remercier plus particulièrement les administrateurs du Sénat, mais aussi, monsieur le ministre, vos collaborateurs, car, si nous avons parfois fait preuve les uns et les autres de détermination, nous avons travaillé dans la compréhension mutuelle, et le texte que la Haute Assemblée vient d'approuver montre bien que, malgré la détermination qui nous emmenait parfois sur des chemins différents, nous avons pu trouver l'accord qui permet enfin d'apporter les références à une qualification que le secteur du bâtiment et des travaux publics attend depuis de nombreuses années.
La Haute Assemblée, dans sa sagesse, a également su, partant de la considération que l'homme ne se nourrit pas seulement de pain, faire la différence entre la commission départementale d'équipement commercial et la commission départementale d'équipement cinématographique, et bien démontrer qu'à l'avenir il faudra revenir sur l'aspect culturel de ce problème, qui ne se pose pas seulement en termes économiques.
Je veux rappeler, enfin, que plus de trente personnes ont accepté d'être auditionnées dans un délai relativement bref par la commission. Qu'elles en soient remerciées. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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