ENCOURAGEMENT FISCAL
À LA SOUSCRIPTION DE PARTS
DE COPROPRIÉTÉ DE NAVIRES

Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport n° 464 (1995-1996) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai d'autant plus bref qu'un parfait accord s'est établi sur ce texte entre le Sénat, qui en a été saisi le premier, et l'Assemblée nationale, qui l'a amélioré à son tour.
Très rapidement résumées, les quatre modifications apportées par nos collègues députés sont les suivantes.
Premièrement, la période durant laquelle le navire doit battre pavillon français après sa livraison a été ramenée à cinq ans, au lieu des huit ans que nous avions envisagés.
C'est le Gouvernement qui, par un sous-amendement à l'amendement de notre commission des finances, avait souhaité l'allongement de cette période à huit ans. Cela posait un problème de cohérence et de sécurité juridique pour les souscripteurs non professionnels, qui auraient pu être fiscalement pénalisés après avoir régulièrement cédé leurs parts à l'issue du délai légal de cinq exercices.
Deuxièmement, avec la procédure d'agrément, un droit de regard a été accordé au ministre chargé de l'équipement naval, dont l'avis s'ajoutera à celui du ministre chargé de la marine marchande. C'était une demande, je crois, fortement appuyée par les sénateurs socialistes, qui ont ainsi satisfaction.
L'équipement naval recouvre à la fois la construction et la réparation des navires ; il relève actuellement de la compétence du ministre de l'industrie.
La commission mixte paritaire a légèrement affiné la rédaction de cette disposition pour prendre en considération le fait que, actuellement, deux ministres sont chargés, l'un de la marine marchande, l'autre de l'équipement naval, tout en réservant la possibilité qu'ils ne fassent qu'un dans un avenir qu'il faut souhaiter proche. Là, c'est le coeur qui parle, mais je ne sais si la raison d'Etat ne sera pas la plus forte ! (Sourires.)
Troisièmement, un cadre juridique a été donné aux fonds de placement quirataire, qui ont été placés sous le contrôle de la Commission des opérations de bourse.
La commission des finances du Sénat avait initialement proposé un dispositif qui se greffait sur celui des fonds communs de placement à risques. Mais, en première lecture au Sénat, le Gouvernement a finalement préféré qu'une nouvelle catégorie spécifique d'organismes de gestion collective de l'épargne soit créée, à charge pour l'Assemblée nationale de la définir. C'est ce que celle-ci a excellemment fait, et nous lui en avons donné acte.
Quatrièmement, il a été précisé qu'en cas de souscription de quirats par le truchement d'une société à responsabilité limitée, une SARL, d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, une EURL, ou de fonds de placement quirataire, les souscripteurs de parts de ces sociétés devront les conserver pendant cinq exercices. Cette précision était nécessaire pour mettre tous les investisseurs sur un pied d'égalité, le quirataire comme les armateurs, au regard de la contrainte de gel des sommes investies pendant cinq exercices.
Chacune des modifications apportées par nos collègues députés mérite d'être approuvée sans réserves.
En fait, sur ce texte, la commission mixte paritaire était motivée essentiellement par l'urgence, que nous avons reconnue en commun, M. le ministre et nous-mêmes. S'il y avait eu une seconde lecture devant le Sénat, j'aurais demandé sans aucune hésitation d'adopter conforme le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.
Une fois encore, nous pouvons donc nous féliciter de l'excellente collaboration entre nos deux assemblées.
Sur ce texte bref, mais très technique, et dont l'importance n'a échappé à personne, le taux d'adoption des amendements du Sénat a été de 100 p. 100, ce qui contribuera à améliorer encore le taux moyen de 89 p. 100 évoqué par le président René Monory dans son allocution de fin de session, il y a quelques jours.
Le Parlement aura travaillé vite et bien pour voter dans les meilleurs délais un dispositif attendu depuis bientôt dix ans par tous les parlementaires attentifs aux questions maritimes et voulu par le Président de la République.
Je crois pouvoir dire que, au-delà de certaines divergences sur les modalités, le principe même d'un dispositif d'incitation fiscal pour les quirats a suscité le plus large consensus. Nous en avons encore eu, hier, la démonstration en commission mixte paritaire.
Je ne puis achever mon bref propos sans rendre au Gouvernement l'hommage qu'il mérite ; il a en effet su reprendre l'initiative du Parlement, puisque j'avais déposé un amendement sur ce sujet en décembre dernier.
En tout cas, la collaboration efficace et rapide entre le Gouvernement et les assemblées nous vaut d'avoir maintenant à notre disposition un texte dont, je l'espère, la marine marchande et les navires de commerce pourront profiter au mieux, et grâce auquel la France pourra se mettre au niveau qui était le sien autrefois et que nous le regrettons tous, elle a perdu.
Au bénéfice de ces observations, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter le texte issu de travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je n'ai rien à ajouter à l'excellent rapport qui vient d'être présenté par M. Oudin.
M. le président. La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de l'examen de ce projet de loi, il ressort qu'une part importante des préoccupations que nous avions exprimées à l'occasion de la première lecture du projet de loi se trouvent confirmées par les dispositions que la commission mixte paritaire a cru devoir retenir.
Ma première observation porte sur la conception générale de la réforme fiscale qui est annoncée par le Gouvernement à grands renforts de publicité et sur la base des différents rapports qui ont été récemment rédigés.
En effet, il est aujourd'hui reproché à notre système fiscal, et singulièrement à l'impôt sur le revenu, de manquer de clarté, de lisibilité de par l'accumulation de dispositions dérogatoires et particulières prises au fil du temps et au gré des diverses lois de finances qui ont pu être débattues dans la dernière période.
L'un des grands reproches faits à notre impôt sur le revenu est de cumuler un certain nombre de dispositions ouvrant droit à réduction d'impôt, dispositions placées en général aux articles 199 à 200 et dont l'efficacité est douteuse au regard des effets observés sur l'activité économique.
Le rapport Ducamin souligne d'ailleurs de manière précise qu'il convient de s'interroger sur l'efficacité économique du système qu'il est proposé ici de transformer et d'étendre.
Les principes, certes, sont clairement définis. Il s'agit de favoriser la rénovation de notre flotte marchande, de relancer l'emploi dans l'ensemble de la filière maritime et de redonner à notre pays, jouissant de la plus grande façade océanique d'Europe, toute sa place dans le concert des nations en matière de marine marchande.
Ces objectifs, certes louables, sont assortis de tels considérants en matière fiscale que l'on se demande vraiment ce qui est recherché.
Au regard du taux de prélèvement moyen pesant sur les contribuables les plus aisés, ce sont en effet près de 410 000 francs de réduction d'impôt qui sont offerts sur un plateau avec ce dispositif ; 410 000 francs, cela représente tout de même quelque chose comme vingt fois l'impôt moyen, ce qui situe tout de suite la portée de la mesure et indique l'origine sociale des heureux bénéficiaires.
Pour l'impôt sur les sociétés, déjà fortement entamé par le régime spécifique des groupes de sociétés et toute une batterie de dispositions dont le coût global s'élève aujourd'hui à plus ou moins 60 milliards de francs, la mise en place de l'incitation à l'investissement maritime par la voie du système quirataire constitue une nouvelle atteinte à son efficacité et à son rendement.
D'autant que, là encore, ce sont les entreprises les plus riches, celles qui ont de l'argent à placer au-delà des investissements nécessaires à leur activité, qui vont le plus tirer parti de ce dispositif.
Deuxième observation fondamentale, celle qui porte sur l'efficacité économique de la mesure proposée.
L'emploi dans l'ensemble de la filière maritime est en crise, depuis le secteur de la manutention portuaire jusqu'aux équipages embarqués, en passant par la pêche artisanale et, désormais, le secteur de la navigation de plaisance.
Les mêmes qui s'en désolent aujourd'hui sont ceux qui se refusent, par exemple, à faciliter d'une manière ou d'une autre la relance de l'activité des chantiers navals de La Ciotat et qui acceptent sans sourciller les directives de la Commission de Bruxelles visant à réduire le nombre des bateaux immatriculés dans nos ports.
Lors de la première lecture, instruits de l'exemple des quirats allemands, nous avons sollicité l'inscription du plein exercice des dispositions fiscales du texte dans le cadre de la relance de l'activité de nos chantiers navals. Cette proposition avait été rejetée par la majorité du Sénat et par le Gouvernement, de même, d'ailleurs, que par le groupe socialiste.
Pourtant, posons la question. Est-il légitime de mettre en place un dispositif fiscal qui devrait coûter environ 400 millions de francs en pertes de recettes pour le budget de l'Etat sans obtenir de garantie sur le fait que des emplois seront effectivement créés dans notre pays dans les différents métiers de la filière mer ?
La projection des créations d'emplois envisagées à l'appui de ce projet de loi se situe à environ 500 créations nettes, soit un coût net de 800 000 francs par poste de travail créé.
Cela fait tout de même un peu cher quand on sait, par exemple, qu'un agent du secteur public représente une dépense de 150 000 à 190 000 francs par an !
Nous sommes donc placés dans une situation assez simple : on met en place un dispositif fiscal de caractère exorbitant qui, s'il va soulager quelques gros contribuables de leurs obligations au regard de l'impôt sur le revenu, n'a pas l'heur de présenter un intérêt réel pour la relance de l'activité et la création d'emplois productifs.
En fait, derrière les discours, nous sommes confrontés à la création d'une niche fiscale de plus, complétant, par exemple, les mesures prises, dans le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, en faveur des investissements immobiliers et qui profitent toujours à la même catégorie de redevables.
Pour toutes ces raisons, nous confirmons notre vote négatif sur ce projet de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, d'une part, aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement ; d'autre part, étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, le Sénat statue sur les amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.
En l'occurrence, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :