PÊCHE MARITIME ET CULTURES MARINES

Suite de la discussion
et adoption d'un projet de loi d'orientation

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard. Le projet de loi d'orientation sur la pêche que nous examinons aujourd'hui était fort attendu, monsieur le ministre. Il l'était non seulement par l'ensemble de la profession, face à la persistance des difficultés structurelles et conjoncturelles de ce secteur, mais aussi par tous ceux qui refusent le déclin d'une activité économique indispensable à l'équilibre de notre littoral et d'une activité traditionnelle qui fait partie intégrante de notre patrimoine culturel.
Il était attendu encore par tous ceux qui gardent en mémoire le douloureux souvenir des graves incidents survenus à Rennes le 4 février 1994, un jour sombre, véritable appel au secours de toute une profession.
Au-delà des dispositions d'urgence qui ont été prises pour répondre à court terme à cette crise, vous engagez aujourd'hui une véritable réforme, une réforme préparée en pleine concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.
En effet, tant les directeurs de port ou de criée que les responsables d'organisation de producteurs, ou encore les patrons artisans ont témoigné de la nécessité vitale d'une telle réforme.
Car, faut-il le rappeler ? la modification du contexte international, notamment par la définition des zones économiques exclusives et l'approbation progressive de la ressource pour les Etats côtiers, la ressource de plus en plus rare, voire l'épuisement de certains stocks, ou encore l'effondrement des cours de plus en plus fréquent, enfin, la mondialisation des échanges et le changement des modes de consommation engagent aujourd'hui les professionnels de la pêche dans une fuite en avant, où un travail toujours plus important ne suffit plus à rembourser une dette toujours plus importante.
La pêche subit aujourd'hui une profonde mutation, et vous lui permettez, monsieur le ministre, d'avoir un avenir.
Vous proposez, en effet, une action forte de préservation, de restructuration et de modernisation de la filière pêche, pour l'adapter aux marchés intérieurs et extérieurs.
Je tiens d'ailleurs à dire ici combien votre projet de budget pour l'année 1997 s'inscrit pleinement dans les perspectives ouvertes par votre texte, un texte dont l'ambition est de doter l'activité de pêche d'un cadre législatif adapté, propre à assurer sa pérennité.
En effet, l'effort du Gouvernement pour la réorganisation de la filière conduit à maintenir le niveau des dotations, tant en dépenses ordinaires, soit 147 millions de francs, qu'en crédits d'équipement, soit 40,2 millions de francs. De plus, une part importante du budget du fonds d'intervention et d'organisation des marchés, soit 125 millions de francs, sera consacrée aux actions structurelles, permettant la modernisation et la réorganisation de la filière.
Les crédits de restructuration des entreprises de pêche sont maintenus, soit 22 millions de francs, et cette stabilisation confirme l'effort d'adaptation quantitative de la flotte française.
Enfin, dans le même temps, les crédits d'investissements de la flotte de pêche et des équipements à terre sont reconduits, soit 40,2 millions de francs, ce qui marque le souci du Gouvernement de maintenir une flotte française performante.
Cette dotation est également complétée par celle qui est inscrite au projet de budget de la mer pour ce qui concerne, en particulier, l'enseignement et la protection sociale des marins.
Je ne m'attarderai pas plus longtemps sur votre projet de budget, monsieur le ministre, mais je tenais à saluer le fait qu'il traduit pleinement votre volonté de créer toutes les conditions pour favoriser l'adaptation des producteurs aux évolutions du marché et pour réorganiser la filière de commercialisation.
Si vous me le permettez, monsieur le ministre, je souhaiterais maintenant attirer votre attention sur quatre points qui, je crois, méritent réflexion.
Le premier point se situe au niveau social.
Dans un contexte économique difficile, la pêche se trouve confrontée à une logique d'intensification des rythmes de vie et de travail, une réalité qui malheureusement ne favorise pas la revalorisation du métier de marin-pêcheur. Or, l'enjeu d'aujourd'hui consiste précisément à encourager l'installation des jeunes et, ainsi, à assurer la pérennité de la flilère. Cela est notamment sensible pour la pêche hauturière, qu'elle soit artisanale ou industrielle.
Il me semble que le secteur de la pêche justifie en effet dès maintenant un effort significatif en termes de réduction et d'aménagement du temps de travail.
Une réflexion a été menée sur ce thème dans notre département par le comité local des pêches du Guilvinec.
Permettez-moi d'en exposer les grandes lignes.
Dans le cas des navires hauturiers artisans, l'objectif est d'augmenter les équipages des navires, sans augmenter le nombre d'hommes présents à bord, par la généralisation de la pratique de rotation au sein de l'équipage, avec en permanence le maintien de deux ou trois hommes à terre.
La réduction du nombre de jours de mer pourrait être compatible avec la réduction de la durée des marées des navires hauturiers, ce qui favoriserait une amélioration de la qualité des produits et, certainement, une augmentation du nombre de jours d'activité des navires.
Ainsi, un aménagement du temps de travail à la pêche devrait permettre, non seulement de rendre le métier de marin-pêcheur plus attractif, mais aussi de créer des emplois. N'oublions pas que si chaque PME en France recrutait un seul salarié, le chômage serait résorbé à 70 %, et que l'entreprise de pêche est une PME à part entière.
D'après certaines études, un dispositif contractuel adapté à la pêche et s'inspirant de la loi de Robien du 11 juin 1996 permettrait de créer 1000 emplois dans tout le pays. Je pense en effet que, grâce à des exonérations de charges et à des gains de productivité et de qualité, l'armement comme le marin gagneraient sensiblement autant qu'actuellement.
Par ailleurs, un homme en plus dans l'équipage permettrait de donner chaque année, à chaque marin, trois semaines de congés supplémentaires.
L'hypothèse de départ serait l'application de la réduction de 50 % des charges patronales telle que prévu dans la loi de Robien, dans le cas où l'entreprise de pêche prendrait l'engagement que, au moins pour une durée de deux ans, les membres de l'équipage comprendraient, pendant toute l'année, au moins deux personnes supplémentaires. Ce dispositif resterait optionnel et supposerait une contractualisation entre l'administration et l'entreprise de pêche.
Cette disposition permettrait de créer des emplois, d'améliorer les conditions de travail, mais aussi de mieux former le personnel et d'améliorer la compétitivité des entreprises. Cette réflexion mérite d'être prise en compte.
Le deuxième point sur lequel je souhaiterais attirer votre attention, monsieur le ministre, se situe au niveau fiscal.
Le 26 juin dernier, la Haute Assemblée a définitivement adopté le projet de loi relatif à l'encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce. Les dispositions prévues par ce texte avaient été proposées de longue date par notre éminent collègue Jacques Oudin.
Le bénéfice de cette exonération, qui est accordée pour une durée minimale de cinq années, est expressément réservé aux acquéreurs de parts de navires battant pavillon français. La durée retenue permet d'assurer la sécurité juridique des souscripteurs non professionnels.
Le champ d'application de la mesure, qui était limité dans le projet gouvernemental aux seuls navires civils de charge, a été étendu à l'ensemble des navires armés au commerce, notion qui inclut les navires transportant des passagers.
Un cadre juridique a été par ailleurs donné aux fonds de placements quirataires soumis au contrôle de la commission des opérations de bourse. Enfin, s'il y a souscription de quirats par une SARL, une société à responsabilité limitée, une EURL, une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ou un fonds de placement quirataire, les souscripteurs de parts seront tenus de les conserver pendant cinq ans.
S'il était étendu à la pêche, ce dispositif constituerait, j'en suis certain, un atout supplémentaire en matière de restructuration et de modernisation de la filière pêche, ainsi que d'incitation à l'installation des jeunes. Pourquoi d'ailleurs ne pas instaurer des « quirats jeunes » ?
Le troisième point concerne la loi du 25 juillet 1994, qui définit de nouvelles règles de gestion pour le domaine public de l'Etat et crée notamment des droits réels, ce qui permet d'apporter des améliorations significatives sur le plan économique.
Cette loi comporte en effet une lacune importante, dans la mesure où elle ne s'applique qu'au domaine de l'Etat et non aux ports décentralisés. Cette lacune a cependant été rectifiée par le comité interministériel de la mer du 4 juillet dernier, qui a étendu aux ports départementaux le bénéfice de l'octroi de droits réels aux occupants du domaine public.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, comporte cette modification, mais elle ne me satisfait guère dans la mesure où ces nouveaux droits ne pourront être autorisés qu'après accord du représentant de l'Etat dans le département.
L'élu départemental que je suis souhaiterait, comme bien d'autres d'ailleurs, être rassuré à ce sujet.
Enfin, le dernier point sur lequel j'insisterai concerne l'exposé des motifs du projet de loi.
Il est en effet prévu, au nombre de ses objectifs, de créer les conditions assurant le maintien et le renouvellement d'une flotte adaptée.
Il s'agit là d'une action essentielle pour garantir la pérennité des pêches maritimes, dans un contexte de stagnation, voire de baisse des cours du poisson. Il apparaissait donc indispensable de maintenir l'équilibre financier des entreprises de pêche en allégeant les charges qui ne cessent d'augmenter.
Si, du fait des contraintes des programmes d'orientation pluriannuels successifs, le nombre de constructions de navires a été réduit de manière drastique, il importe néanmoins de favoriser le maintien d'une flottille permanente en participant à sa modernisation.
Je suis donc quelque peu surpris que le projet de loi n'apporte aucune précision sur la nature de ces opérations de modernisation. A l'instar des initiatives menées par les collectivités territoriales, il serait, je crois, souhaitable que l'Etat apporte son concours au financement des remotorisations des navires de pêche qui relèvent de sa compétence, soit les bateaux de plus de seize mètres.
Cette mesure permettrait d'alléger la trésorerie des armements et faciliterait la réalisation des travaux nécessaires, sans mettre en péril l'existence même des entreprises concernées.
Tels sont, monsieur le ministre, les différents points sur lesquels je souhaitais retenir votre attention.
Pour conclure, je dirai simplement que, bien sûr, je voterai le présent projet de loi d'orientation, car c'est un texte tourné vers l'avenir et les générations futures, un texte qui, une fois encore, montre l'esprit de réforme du Gouvernement.
Je tiens par ailleurs à m'associer à l'hommage qui a été rendu à notre rapporteur, Josselin de Rohan, que je salue tout particulièrement pour l'ampleur de son travail, ainsi que pour la clarté et la pertinence de ses propositions.
Je tiens également à rappeler qu'en dépit des graves difficultés qu'elle traverse depuis maintenant trois ans, la pêche reste un secteur économique actif, dont dépendent, il ne faut pas l'oublier, directement et indirectement quelque 100 000 emplois.
Le présent texte, monsieur le ministre, redonne espoir à toute une profession, et, comme l'a rappelé M. le Président de la République, il permettra de mieux organiser cette profession, à l'image des formules qui ont réussi dans l'agriculture. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon ami Michel Sergent, sénateur du Pas-de-Calais, a traité en détail, ce matin, des problèmes de gestion de la ressource, d'organisation de la filière, de modernisation du statut fiscal et légal des entreprises de pêche que soulève le projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines.
Je ne reviendrai pas, dans les brefs délais qui me sont impartis, sur ses critiques et ses observations. Je me limiterai pour ma part à ce qui m'apparaît comme le chapitre le plus délicat de votre projet de loi : celui qui concerne la modernisation des relations sociales.
Ma première observation concernera la protection sociale des marins-pêcheurs.
Vous dites, monsieur le ministre, que le problème de l'assurance chômage sera traité et réglé dans l'année à venir. Je forme le voeu que vous ayez raison et qu'il en soit réellement ainsi, mais connaissant les rigidités et les particularismes propres à chaque port, je me permets d'exprimer quelques doutes.
Le problème est de savoir s'il faut ou non rendre l'affiliation aux ASSEDIC obligatoire pour tous les bateaux.
Vous le savez, la question divise patrons de pêche et syndicats. Certes, les navires de plus de vingt-cinq mètres sont soumis à cette obligation. Mais les autres ? Les armateurs estiment que ces nouvelles charges patronales seraient fatales à bon nombre d'embarcations. Les organisations syndicales, elles, verraient en revanche cette protection d'un bon oeil. Ces protections permettraient notamment un retour des jeunes vers la profession. Là encore, le projet de loi ne va pas assez loin, car, au delà de quelques formulations péremptoires, l'embauche des jeunes n'est pas du tout stimulée, comme l'a justement fait remarquer, au nom de la commission, notre collègue et excellent rapporteur, M. Josselin de Rohan. Il s'agit pourtant, si j'en juge par mon expérience en Haute-Normandie, d'un problème crucial, car le non-renouvellement des patrons pêcheurs constitue une menace redoutable.
A Dieppe, par exemple, de nombreux professionnels ont presque atteint l'âge de la retraite et, d'ici à sept ou huit ans, bon nombre d'entre eux auront cessé leur activité. On court le risque de ne plus avoir aucun pêcheur dieppois dans une dizaine d'années. Pourtant, de nombreux jeunes fortement motivés souhaiteraient s'établir, mais ils ne peuvent investir, par manque de moyens dans l'achat d'un bateau neuf - environ 700 000 francs pour un vingt mètres - ou même d'un bateau d'occasion - environ 300 000 francs.
L'une des conséquences de cette situation, c'est, depuis près de dix ans, l'absence totale de bateaux neufs à Dieppe.
En outre, compte tenu du manque de débouchés pour les bateaux d'occasion, les pêcheurs qui atteignent l'âge de la retraite vendent leur bateau à l'étranger, notamment en Irlande, alors que la demande locale existe mais n'est pas solvable.
Il faut donc envisager la mise en place de mesures d'accompagnement pour aider à la relève des patrons pêcheurs partant à la retraite : aides financières directes ou indirectes, mise en place de parrainages avec des patrons pêcheurs en exercice, développement de formations spécifiques.
Si chacun estime que, en matière d'assurance chômage, la situation est archaïque - aucune protection en cas de perte d'emploi, sauf dans certains cas particuliers, ce qui ne se retrouve pas, à terre, dans l'industrie du poisson - personne n'est d'accord sur les moyens d'y remédier : cotisation volontaire, comme pour le « chômage intempéries » ? Obligation de cotisation aux organismes déjà existants ? Création d'une caisse spécifique ?
Le SMIC-pêche est un autre élément très important du volet social.
Tout le problème est, vous l'avez dit, de faire en sorte qu'existe un minimum garanti, mais que celui-ci tienne compte des fluctuations des marées, donc de la variation des prises.
Traditionnellement, le marin-pêcheur est rémunéré à la part. Cette tradition ne posait pas de grands problèmes tant que la filière et ses revenus étaient en expansion. L'actuelle conjoncture de crise nécessite un lissage de cette rémunération de base à la semaine ou au mois, pour garantir le minimum légal. En d'autres termes, il convient de réglementer le salaire minimum de croissance tout en assurant une harmonisation avec le régime de rémunération à la part.
Une nouvelle fois, la question est de savoir si un accord national professionnel ou des accords de branche sont possibles à ce sujet entre, d'une part, le monde des armateurs et, d'autre part, le monde syndical.
Là encore, monsieur le ministre, vous soumettez votre bonne intention à la promulgation d'un décret qui serait pris après avis des partenaires sociaux. L'acceptation de cette avancée majeure pour les navigants à la pêche reste donc très hypothétique, voire très aléatoire.
Il en va de même en ce qui concerne les dispositions spéciales applicables aux marins âgés de moins de dix-huit ans : les intentions sont louables. Mais attention aux effets pervers : les employeurs risquent d'être dissuadés d'embaucher des jeunes ou des apprentis, ce qui condamnerait, à terme, le secteur que nous sommes censés défendre.
Certes, il convient de réglementer le travail des jeunes à bord des navires et d'alléger leur tâche en mer, mais il faut établir un juste équilibre entre la nécessaire protection des jeunes marins et les obligations d'un métier qui est l'un des plus durs et des plus contraignants.
L'article 27, qui porte qualification agricole de l'activité des cultures marines, tend à « clarifier » la nature agricole de ces cultures, dites-vous, et à lever toute équivoque sur l'incidence de leur affiliation à l'ENIM.
Selon moi, assimiler une activité maritime au domaine agricole est une gageure. En effet, si vous persitez dans votre position, outre qu'il vous faudra faire accepter cette invraisemblance au monde de la mer, que devient la notion de domanialité du domaine maritime public où s'exercent ces activités ?
Je voudrais, avant de conclure, évoquer d'un mot le cas des pêcheurs à pied, dont il est rarement question mais qui sont nombreux sur le littoral haut-normand.
Les pêcheurs à pied sont désormais astreints, en raison du classement des eaux en zone B, à placer leurs coquillages en bassin de décantation. Or, s'agissant d'une profession faiblement organisée, ces pêcheurs ne sont pas toujours en mesure de financer eux-mêmes l'installation de tels bassins. Ils risquent donc de se trouver en infraction avec les décrets préfectoraux, de devoir cesser leur activité et de venir ainsi grossir le flot des chômeurs et des assistés.
Monsieur le ministre, il appartient à la puissance publique de se substituer à la carence, compréhensible et souvent prévisible, de cette profession et d'installer les infrastructures nécessaires à la mise aux normes des coquillages et des moules.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques observations et critiques complémentaires que je souhaitais formuler. Elles ne nous empêchent pas de reconnaître que, en dépit de ses insuffisances, le projet de loi qui nous est soumis est le fruit d'une large concertation entre les représentants de l'Etat et les professionnels et qu'il répond indéniablement à une attente du monde de la pêche. C'est pourquoi nous le voterons. (Applaudissements sur les travées socialistes.) M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de remercier votre rapporteur, M. Josselin de Rohan, de son remarquable travail, ainsi que la commission des affaires économiques de l'accueil favorable qu'elle a bien voulu réserver à ce projet de loi.
Je remercie également les différents orateurs de leurs analyses diverses, mais toujours approfondies.
Vous avez, les uns et les autres, soulevé plusieurs questions précises, et je vais m'efforcer de vous apporter quelques informations ou explications complémentaires.
M. de Rohan ainsi que les autres intervenants ont souligné l'importance du cadre international, notamment commuanutaire, dans lequel ce projet de loi s'inscrit. A cet égard, il me paraît essentiel que la politique commune de la pêche prenne en compte les préoccupations de la France, de façon que les dispositifs prévus dans ce projet de loi d'orientation puissent être totalement opérationnels.
Je vous confirme donc, avec toute la solennité que confère la présence à cette tribune, que je ferai preuve d'une fermeté sans faille pour que la négociation communautaire en cours aboutisse à des résultats conformes aux intérêts légitimes de la pêche française.
MM. Josselin de Rohan, rapporteur, et Jacques Oudin. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Vous avez également été nombreux - je pense notamment à Mme Heinis, MM. Oudin, Arzel et Sergent - à souligner l'extrême sensibilité du dossier relatif au POP IV.
Sachez que, depuis le Conseil du 10 juin 1996, qui s'est tenu à Luxembourg, je n'ai cessé de constester très fermement, au nom de la France, l'approche de la Commission européenne. Il n'est pas acceptable, en effet, que la Commission traduise de façon mécanique une réduction du taux de mortalité par pêche en taux de réduction des capacités de pêche identique pour tous les Etats membres.
Je ne nie pas qu'il y ait, dans l'argumentation de la Commission, des éléments qui méritent d'être pris en compte. Ce que je remets fondamentalement en question, c'est la conclusion à laquelle on aboutit et selon laquelle, d'une part, la solution passe obligatoirement par la réduction des capacités de pêche et, d'autre part, cette réduction devrait s'appliquer à tous les pays de façon uniforme.
Les extrapolations qui sont faites à partir du rapport Lassen ne me semblent pas pertinentes. La France a formulé des interrogations de principe qui sont un préalable à toute poursuite de la négociation avec la Commission.
Nous demandons la prise en compte de la polyvalence et de la plurispécificité de la plupart des flottilles françaises, qui ont su trouver une exploitation équilibrée de la ressource communautaire et qui ne sont pas dépendantes, en tout cas pas de façon significative, d'espèces ménacées.
Nous demandons aussi que l'on reconnaisse la sous-consommation de ses quotas par la France, afin d'éviter une remise en cause du principe de stabilité et de conserver à notre pays ses capacités de capture.
La réponse à ces questions est déterminante, et l'objectif du Gouvernement est d'éviter toute mesure qui compromettrait l'équilibre de la filière dans son ensemble, en particulier l'équilibre des ports, comme vous l'avez souligné, monsieur Oudin.
En ce qui concerne la question du quota hopping, qui se pose depuis près de dix ans, principalement au Royaume-Uni, je partage votre préoccupation, qui est d'ailleurs également celle des professionnels français.
Je relève que le phénomène a une ampleur plus limitée en France qu'au Royaume-Uni puisqu'il ne concerne qu'environ 2 % de la flotte métropolitaine.
Nous suivons, bien entendu, avec beaucoup d'attention l'évolution de cette situation.
Cela étant, je vous mentirais si je disais que la solution est évidente. En droit pur, rien n'interdit en effet ce genre de pratique ; la liberté d'établissement est même l'un des principes fondateurs de l'Union européenne. Il reste que cette liberté d'établissement se heurte à la gestion nationale des quotas.
Vous le savez, la France a pris une première initiative dans la loi du 26 février 1996 en modifiant les règles de la francisation. Il s'agit de la traduction la plus précise possible des critères définis par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes.
Peut-on aller plus loin en la matière ?
La réflexion qui s'impose doit être menée dans le cadre communautaire. C'est pourquoi la France a saisi la Commission européenne, afin que, dans le cadre de la politique commune de la pêche, des solutions soient recherchées. En effet, une démarche qui resterait purement nationale me paraîtrait vouée à l'échec. C'est ainsi que la démarche britannique a été recusée par la Cour de La Haye, au nom de la liberté d'établissement.
Il faut être bien conscient des risques que comporterait une démarche exclusivement nationale. C'est donc à l'échelon communautaire qu'il convient d'étudier les solutions juridiques permettant de régler ce dossier, sans ouvrir la porte à une remise en cause des principes fondateurs de la politique commune de la pêche, c'est-à-dire sans compromettre la « communautarisation » des eaux et la stabilité relative. En effet, il me semble que cette politique commune de la pêche et les principes fondateurs que je viens de rappeler profitent très largement aux armements français.
Parallèlement, il faut rechercher avec la profession et les collectivités territoriales les moyens de maintenir les équilibres portuaires et de conserver ainsi la réalité de notre pavillon et de nos quotas.
Cette réflexion a débuté, et je m'engage à vous tenir informés de l'évolution de ce dossier, dont chacun, je crois, mesure bien la difficulté.
S'agissant maintenant de l'organisation commune des marchés, l'OCM, thème abordé par M. Josselin de Rohan, Mme Heinis et M. Sergent, deux aspects me paraissent essentiels.
En premier lieu, même si l'Union européenne est structurellement dépendante de l'extérieur pour son approvisionnement en produits de la mer, il est indispensable que puisse être garantie en permanence la loyauté des conditions de concurrence, aussi bien en matière sanitaire qu'en matière du respect des règles d'origine.
C'est à quoi nous devons, nous Français, nous employer avec vigueur, non seulement en intensifiant les contrôles dans ces domaines sur le territoire national, mais aussi en exigeant la même rigueur des instances communautaires pour tous les produits de la pêche commercialisés au sein de l'Union européenne.
En second lieu, je plaide pour un renforcement de l'OCM « produits de la mer », qui est, dans son principe, d'inspiration beaucoup plus libérale que les OCM agricoles, mais qui doit tout de même favoriser la recherche permanente des moyens susceptibles de faciliter la mission des organisations de producteurs en matière de régulation du marché.
C'est dans cette perspective que la France a obtenu du Conseil de l'Union européenne qu'il mandate la Commission pour l'établissement d'un rapport sur cette question, accompagné de propositions appropriées. Ce rapport et ces propositions devraient être examinés au cours des tout prochains mois.
Pour ce qui est des mesures techniques, je confirme à M. Jacques Oudin que, si personne ne peut nier la nécessité de préserver la ressource, le projet de la Commission aurait pour conséquence de déstabiliser brutalement les structures socio-économiques de la filière pêche en bouleversant complètement les conditions de production.
M. Jacques Oudin. Exact !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Il n'est donc pas envisageable de s'engager dans la voie de nouvelles mesures techniques sans procéder au moins à des expérimentations préalables. C'est la position de bon sens que j'ai défendue lors du dernier Conseil des ministres da la pêche et que je continuerai à défendre ce mois-ci ainsi que, sans doute, dans les mois à venir.
S'agissant des filets maillants dérivants, qui vous sont chers, monsieur Oudin, on peut effectivement penser que la passion l'a emporté sur la raison.
La proposition de la Commission visant à interdire l'utilisation de tout filet maillant dérivant, quelle que soit sa longueur, n'a toujours pas recueilli de majorité au sein du Conseil des ministres de la pêche, et la question est posée depuis le début de 1994 ! La règle tendant à limiter la longueur de ces filets à 2,5 kilomètres est donc toujours en vigueur. Permettez-moi d'ajouter que la position française a été renforcée grâce au respect exemplaire par les pêcheurs français de la réglementation. Il faut leur en donner acte.
M. Jacques Oudin. Nos pêcheurs sont toujours exemplaires !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. En l'occurrence, ils l'ont été. Je m'en réjouis, et je les en félicite.
La France, soyez-en certain, monsieur Oudin, restera vigilante sur ce dossier. Vous pouvez le dire de ma part aux pêcheurs concernés.
La Norvège, monsieur Sergent, bénéficie, au titre de l'Espace économique européen, de nombreux avantages en matière de pêche. Nous devons, sur ce dossier aussi, être vigilants. Ces avantages ne doivent pas aller à l'encontre des intérêts de nos professionnels, notamment pour ce qui est des aspects sanitaires et du respect des règles d'origine. Je vous donne donc acte, monsieur Sergent, de vos propos auxquels je souscris.
J'ai d'ailleurs demandé que la Commission élabore un rapport sur les activités des navires norvégiens dans les eaux communautaires. Ce document a été rédigé mais il n'est pas encore disponible. Toutefois, je crois savoir qu'il mentionne le fait que les navires en question ne respectent pas toujours les règles communautaires, ce qui est bien évidemment inadmissible. Il nous faudra également faire preuve d'une grande fermeté sur ce dossier. J'attends ce rapport avec un grand intérêt et je ne manquerai pas de vous le communiquer dès qu'il sera en ma possession.
J'en viens maintenant au projet de loi lui-même. Puisque nous allons passer dans quelques instants à la discussion des articles, je ne reprendrai, à ce point du débat, que quelques points particuliers.
M. Sergent a déploré la portée limitée de l'article 1er, qui réduirait en effet, selon lui, les ambitions de la loi en lui conférant un simple caractère technique. Vous avez notamment insisté, monsieur Sergent, sur l'absence d'axe ressource-marché.
Au-delà des observations du Conseil d'Etat, qui a rejeté toutes les dispositions non normatives, le Gouvernement s'est refusé à élaborer un texte qui serait, comme l'a indiqué M. le rapporteur lui-même, de nature purement incantatoire.
Sur ce point, je vous invite, monsieur Sergent, à vous reporter à l'exposé des motifs. Il me semble en effet traduire toute l'ambition de ce texte, qui, ainsi que vous l'avez tous reconnu, est l'aboutissement d'une très large concertation. Nous voulons ainsi apporter une réponse globale, mais pragmatique, aux enjeux auxquels la filière de la pêche se trouve confrontée.
Plutôt que d'évoquer d'une manière incantatoire l'axe ressource-marché, qui, bien évidemment, se situe au coeur de nos réflexions, nous avons préféré, par des mesures précises et concrètes, illustrer notre préoccupation qu'il s'agisse du rôle des organisations de producteurs, de l'OFIMER, de l'organisation des débarquements ou bien encore du CSO.
S'agissant de cette institution, je tiens à rassurer M. Sergent : elle n'a nullement vocation à se substituer aux missions spécifiques du futur OFIMER et du comité national des pêches. Il s'agit simplement d'un organisme de concertation. Nous avons, en effet, pu constater, au cours de l'élaboration de ce texte, qu'en offrant la possibilité aux intéressés de débattre avec le ministre et les représentants de l'administration il était possible de surmonter bien des obstacles. Tel sera le rôle du futur CSO.
Pour illustrer la réalité de l'axe ressource-marché et notre volonté de concertation, je tiens à confirmer à M. Oudin que les organisations de producteurs seront consultées sur la répartition des quotas.
M. Oudin a, par ailleurs, évoqué la situation des ports de pêche et des criées qui sont confrontés à de lourdes charges d'amortissement des investissements au titre de leur modernisation. Surmonter de telles difficultés suppose, selon moi, une triple orientation que le projet de loi a prise en compte.
Il s'agit, d'abord, de la rationalisation des points de débarquement à laquelle renvoie l'article 20 du projet de loi et qui devrait permettre de limiter à terme les débarquements hors des criées.
Il s'agit, ensuite, de la recherche d'une meilleure cohérence des investissements portuaires que devrait favoriser la commission instituée par l'article 24 du projet de loi. Nous avons en quelque sorte repris, à l'échelon régional, l'idée du schéma portuaire que vous avez évoquée. Il y aura donc bien un schéma portuaire à l'échelon régional.
Il faut, enfin, insister sur la forte valorisation de la vitrine que devraient représenter pour les opérateurs commerciaux les criées qui sont les seules véritablement à même de garantir, face à l'ouverture des marchés, le respect des règles sanitaires et de la normalisation, donc de la transparence.
S'agissant des entreprises, permettez-moi de vous dire, monsieur Sergent, que je vous ai trouvé bien pessimiste quant à l'avenir du port de Boulogne-sur-Mer. Cette attitude ne vous ressemble guère. Je reconnais que des problèmes se posent, mais admettez avec moi que, après une période noire, nous avons tout de même enregistré quelques progrès. S'il faut, bien entendu, mesurer les difficultés, il faut également faire preuve, comme vous l'avez fait en d'autres circonstances, d'esprit prospectif et ne pas décourager ceux qui sont sur le terrain et qui accomplissent des efforts.
Je tiendrai les mêmes propos à l'adresse de M. Weber s'agissant du port de Dieppe. S'il est vrai que, pour des raisons personnelles, je connais un peu mieux la situation du port de Boulogne-sur-Mer - où j'ai passé mon enfance -, soyez assuré, monsieur Weber, que je m'intéresse également à l'avenir du port de Dieppe.
S'il faut bien évidemment insister sur les points qui posent problème, il convient néanmoins de souligner que nos ports ont encore des perspectives de développement en matière de pêche et de traitement des produits de la mer. Nous devons, les uns et les autres, faire preuve d'esprit volontariste et ne pas sous-estimer les possibilités qui nous sont offertes. Les difficultés existent, certes, mais les perspectives ne sont pas totalement bouchées.
Il faut être plus constructif, et c'est d'ailleurs pour cette raison que nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner ce projet de loi d'orientation ; nous croyons que la pêche française a un avenir, et si nous exprimons avec fermeté cette conviction à Bruxelles et à Luxembourg, nous devons aussi l'affirmer ici même de façon très ferme à travers ce texte.
Je dois également rappeler, puisqu'il est question d'outil de pêche et de renouvellement de la flotte, que le dispositif d'étalement des plus-values profitera pleinement aux armements de pêche industrielle. Ce dispositif intéresse certes le port de Boulogne-sur-Mer, monsieur Sergent, mais également les ports de la Bretagne, de la façade atlantique et de la Méditerranée. Cette disposition favorisera le renouvellement des navires de cette flottille. Toutefois, ne vous y trompez pas ! il ne s'agit pas d'une mesure anodine mais, bien au contraire, d'une mesure très ambitieuse, qui était d'ailleurs attendue par les professionnels depuis vingt ans.
Par ailleurs, le budget des pêches, qu'a évoqué M. Gérard, accompagne, au titre des crédits d'intervention, la modernisation des navires de pêche industrielle. C'est déjà le cas, cette année, à Boulogne-sur-Mer et ce le sera également, je l'espère, l'année prochaine pour d'autres ports.
Enfin, d'autres dispositions concernent, au premier chef, les armements industriels, notamment la gestion des quotas. Ces armements n'ont donc pas été oubliés dans ce projet de loi, même s'il est vrai qu'un effort particulier a été entrepris en faveur de la pêche artisanale.
Le dispositif actuel prévoit que les aides à la sortie de flotte seront versées sous réserve que le navire soit détruit, affecté à une autre destination que la pêche, par exemple à la plaisance, ou à l'exportation vers un pays tiers. En ce cas, la prime est bien évidemment minorée puisque le navire fait l'objet d'une vente.
Par ailleurs, des dérogations ont pu être accordées lorsque des navires ayant fait l'objet d'une prime pour sortie de flotte ont été affectés à des organisations de préservation du patrimoine maritime. Je pense ainsi, monsieur Oudin, vous apporter une réponse satisfaisante. La question de la remotorisation évoquée par M. Gérard est très importante mais elle relève de la circulaire d'application et non du corps même de la loi d'orientation. L'exécutif et le législatif sont tenus de respecter des règles de droit en la matière.
Des subventions de l'Etat peuvent d'ores et déjà être allouées lorsqu'un navire est racheté et que son nouveau propriétaire veut le remotoriser compte tenu des nouvelles conditions d'exploitation qu'il envisage pour celui-ci. S'il fallait prévoir des interventions plus fréquentes de l'Etat en dehors des rachats de navires, nous risquerions de soutenir des opérations exceptionnelles se rapprochant davantage des conditions d'exploitation normales du navire.
J'ai toutefois noté vos préoccupations ; la question que vous soulevez mérite en effet réflexion et fera l'objet, monsieur Gérard, de l'attention vigilante du Gouvernement.
J'en viens maintenant aux questions générales relatives aux cultures marines, qui ont été notamment évoquées par Mme Heinis.
Je souhaite, d'abord, insister sur l'attention que je porte à ces activités. Au-delà des dispositions spécifiques qui sont visées au titre V, ce secteur figure dans de nombreuses dispositions générales du projet de loi d'orientation.
S'agissant de la protection contre diverses pollutions, un cadre juridique extrêmement complet existe. La loi d'orientation n'avait pas vocation à traiter directement de ce sujet mais M. le rapporteur suggère, par un amendement très utile, j'en conviens, de permettre à l'organisation interprofessionnelle de la conchyliculture de participer à la défense de la qualité des eaux. Cette disposition, si elle est retenue, madame Heinis, répondra à vos préoccupations.
Enfin, j'ai bien noté les questions de MM. Oudin et Gérard à propos des autorisations d'occupation temporaire sur le domaine public. Je demanderai à mes services d'examiner ce sujet, qui est complexe.
Je terminerai par le volet social, que MM. Sergent et Weber ont qualifié d'axe social inachevé. Je vous avais jugés tout à l'heure bien pessimistes, messieurs quant à l'avenir des ports de Boulogne et de Dieppe.
M. Henri Weber. Mais non !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Mais je vous trouve maintenant bien sévères, car, sincèrement, tout esprit polémique mis à part, s'il est un reproche que vous ne pouvez pas adresser à ce projet de loi d'orientation, c'est bien de manquer d'ambition sociale.
En effet, à ma connaissance, c'est la première fois depuis 1977 - vous voyez que je ne cherche pas du tout à faire porter la responsabilité sur une majorité plutôt que sur une autre - qu'une réforme aussi profonde du droit du travail maritime est engagée et qu'on est allé aussi loin dans le rapprochement de ce droit spécifique avec les dispositions applicables aux autres travailleurs, qu'il s'agisse des dispositions générales du code du travail ou de celles du code rural.
Jamais, permettez-moi de le dire, le volet social d'un projet de loi n'a donné lieu à autant de réunions tripartites avec tous les partenaires de la pêche. Tous l'ont d'ailleurs unanimement reconnu et apprécié. Vous ne pouvez donc pas parler d'un cadre social inachevé, même si nous ne pouvons bien évidemment pas tout régler à travers un tel projet de loi.
Le domaine social est en perpétuelle évolution. Il ne peut pas être figé une fois pour toutes. Des avancées considérables ont été introduites dans ce projet de loi et il y en aura probablement d'autres.
Le travail de concertation que nous avons engagé se poursuivra, puisque le Parlement sera saisi, d'ici à un an, d'un rapport sur la protection des marins-pêcheurs contre le chômage. Ce rapport nous éclairera, personne n'en doute, sur les solutions positives que nous devrons apporter à cette question, que nous n'éluderons pas.
Par conséquent, si le terme « inachevé » signifie que des avancées restent à accomplir, c'est exact. S'il avait un sens plus restrictif, ce serait très sévère.
M. Gérard s'inquiète de l'adaptation au secteur maritime de ce que l'on appelle la loi de Robien.
Je tiens à lui indiquer que le décret n° 96-721 du 14 août 1996, portant application de la loi n° 96-502 du 11 juin 1996 - je donne ces indications afin d'apporter une réponse très précise - comporte deux dispositions.
L'article 1er - il s'agit du dispositif « offensif » de la loi de Robien - concerne respectivement les entreprises industrielles, commerciales et agricoles ; les entreprises d'armement maritime sont donc exclues de son champ d'application.
En revanche, l'article 2 - il s'agit du dispositif « défensif » - dont le champ d'application relève de la loi quinquennale du 20 décembre 1993, est applicable aux entreprises d'armement maritime, y compris aux entreprises d'armement maritime du secteur de la pêche.
Il faut donc que j'étudie avec mes collègues les possibilités d'application de l'article 1er aux entreprises du secteur maritime. Il s'agit d'une proposition séduisante.
A titre personnel, je relève, prudemment, que la pêche présente des spécificités : en particulier, ce n'est pas une activité où l'on compte ses heures de travail. Il sera donc un peu difficile de calculer la réduction collective du temps de travail. En outre, cette dernière ouvre droit à des exonérations de charges sociales. Or de telles exonérations ont déjà été accordées dans le secteur de la pêche en 1994.
Par conséquent, les dispositions que vous évoquez sont difficilement applicables dans le secteur de la pêche. En outre, elles risquent d'aggraver le déséquilibre du régime de l'ENIM.
Par ailleurs, une autre question se pose : les pêcheurs, qui sont très attachés à la rémunération à la part, accepteraient-ils de nouveaux recrutements, qui réduiraient la part ?
Ce sont des questions importantes, qui nécessitent une large concertation avec les organisations professionnelles : tout le monde doit se faire entendre ! Je suis prêt à engager cette réflexion.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses, que je peux vous apporter - elles sont brèves, j'en ai conscience, mais j'ai souhaité être le plus concis possible - sur les différents points que vous avez évoqués.
Nous franchissons aujourd'hui une étape importante pour l'avenir de la pêche française et l'activité des produits de la mer. Je me réjouis, d'ailleurs, que nous ayons eu l'occasion de présenter ce texte d'abord au Sénat.
Le travail qui a été réalisé en particulier par M. le rapporteur représente une contribution importante pour l'élaboration de cette grande loi d'orientation, qui marque notre ambition pour les pêches maritimes. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
(M. Jacques Valade remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence).

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

Article et division additionnels avant le titre Ier