M. le président. Par amendement n° 64, MM. Leyzour, Minetti, Billard, Bécart, Pagès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 35, un article additionnel rédigé comme suit :
« Les questions relatives à la marine marchande, à la pêche maritime, aux cultures marines, aux activités portuaires et aux produits de la mer relèvent d'un département ministériel unique doté des moyens financiers, matériels et humains regroupés, nécessaires à son fonctionnement. »
La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Cet amendement n'est pas une prière, et je réponds par avance aux propos de M. le rapporteur. Par ailleurs, il ne constitue pas une prise de position contre vous, monsieur le ministre. Il reflète simplement la position de principe que nous avons adoptée sur ces questions. Je n'ai pas l'habitude de m'en prendre aux hommes.
En l'occurrence, nous traitons d'un problème que nous considérons comme un problème de nature politique concernant un sujet important. Je pense que M. le ministre ne considérera pas cet amendement comme une attaque contre sa propre personne.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. M. Leyzour a recouru à un argument que je n'utiliserai pas en la circonstance. En réalité, il s'agit non pas d'une prière, mais d'un abus. En effet, il n'appartient pas au législateur d'imposer la création de structures ministérielles. Il revient au Premier ministre de choisir tel ou tel département pour s'occuper de la pêche. En l'occurrence, notre assemblée a pu se convaincre que la pêche avait, en la personne du ministre de l'agriculture, le meilleur défenseur. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La pêche a quelquefois été bien défendue lorsqu'elle dépendait du ministère des transports ! (Sourires.)
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Il y a eu de grands ministres des transports !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 64 ?
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Je voudrais remercier M. le rapporteur de ses propos, qui me touchent profondément.
Vous le savez bien, monsieur Leyzour, cet amendement est totalement irrecevable. L'organisation du Gouvernement ne relève pas du domaine législatif.
Aussi, je me suis interrogé. En effet, je me suis demandé si vous souhaitiez que je quitte le Gouvernement...
M. Guy Allouche. Non ! (Sourires.)
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. ... - si tel était le cas, vous me feriez de la peine - que j'abandonne la pêche ou que j'abandonne l'agriculture.
Il est vrai, monsieur le président, que, en d'autres temps, nous avons connu d'excellents ministres de la pêche qui étaient ministres des transports. Pourquoi pas ? Il ne m'appartient pas de me prononcer.
Le problème qui est posé aujourd'hui à la pêche et aux activités concernant le secteur des produits de la mer est un problème de consommation. Vous le constatez, monsieur Leyzour, je n'ai même pas dit qu'il s'agissait d'un problème de marché, je sais que vous n'aimez pas le mot.
Il y a, croyez-moi, une logique certaine à englober dans ce ministère - qui est le ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation - toute la filière agroalimentaire, que sa matière première provienne de la terre ou de la mer. Je pense que cette vision globale de l'alimentation nous permettra de rendre les plus grands services à la pêche.
Personne, que je sache n'a élevé, jusqu'à présent, de fortes protestations en voyant ces activités ainsi réunies. J'ai connu d'autres temps, sous d'autres ministres, monsieur le président, où la pêche, alors englobée dans une compétence beaucoup plus vaste, n'avait pas eu nécessairement à s'en féliciter. Elle a même été parfois considérée comme le parent pauvre d'une grande activité maritime.
Monsieur Leyzour, soyez assuré - j'espère vous l'avoir démontré aujourd'hui - que l'activité de la pêche et de toute la filière halieutique constitue pour moi.
Aussi, pour des raisons de fond, relevant de la Constitution, mais aussi de l'organisation de la grande filière alimentaire, et pour des raisons personnelles, compte tenu de l'attachement que je porte à la pêche, je ne peux émettre qu'un avis défavorable sur cet amendement. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 64.
M. Philippe de Bourgoing. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Bourgoing.
M. Philippe de Bourgoing. Je suis assez proche de nombreux professionnels de la pêche et de la conchyliculture. Au début, ils ont un peu regretté de ne pas avoir leur propre ministre. Maintenant, au contraire, dans leur quasi-totalité, ils sont contents de la situation actuelle, non seulement parce que le ministre les défend bien, mais aussi parce que les problèmes de la pêche et de l'agriculture sont très voisins tant en matière d'organisation que de conquête des marchés.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne voterai pas cet amendement.
M. Félix Leyzour. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Il s'agit surtout, avez-vous dit, monsieur le ministre, d'un problème de consommation. Cette observation doit nous inciter à réfléchir car notre pays peut s'orienter vers une consommation de produits de la pêche tout en abandonnant la pêche. Or, il faut préserver cette activité dans notre pays, même si nous savons très bien que certains se préoccupent surtout de commercialiser les produits de la mer, sans forcément souhaiter qu'ils soient pêchés sur nos côtes. Pour notre part, nous appelons de nos voeux le maintien d'une réelle activité de pêche en France.
Vous vous êtes demandé, monsieur le ministre, quelle était ma motivation quand j'ai déposé cet amendement. Je vous réponds que je ne souhaite pas votre départ. Telle n'est pas ma préoccupation, aujourd'hui, même si certains membres du Gouvernement y pensent peut-être !
Mon amendement, qui souligne la nécessité de créer un grand ministère de la mer, se justifie pleinement, sans viser personne. En l'occurrence, il s'agit d'une question de principe.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Je crois avoir répondu sur la question de principe. Au-delà de la boutade - puisque notre débat est presque terminé, nous pouvons nous permettre de prendre le temps de sourire - réfléchissons bien : on peut avoir une vision de la production déconnectée de la consommation.
M. Félix Leyzour. Pas forcément !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Si ! on peut avoir une telle vision, en se disant qu'il faut produire et donc pêcher. Pour ma part, j'affirme que ce texte, dans la rédaction que nous vous proposons, met l'accent sur l'activité de production, puisque nous avons pris des mesures pour promouvoir la pêche artisanale et renforcer l'investissement. Tout cela s'est inscrit dans la cohérence d'une activité qui consiste, bien entendu, à produire, c'est-à-dire à pêcher, mais aussi à faire en sorte que le poisson arrive bel et bien au consommateur.
J'imagine, en effet, ce que pourrait être une activité de production qui serait complètement déconnectée de ces préoccupations. C'est à ce moment-là que, précisément, la concurrence des produits importés risquerait d'être ravageuse. Veillons à ne pas casser la cohérence de la chaîne agroalimentaire !
Dans le domaine de la pêche comme dans d'autres, au vu des affaires aujourd'hui fort préoccupantes, nous constatons que, dès qu'il y a rupture de cette cohérence globale, nous courons les plus grands risques, qu'il s'agisse de risques pour les consommateurs ou de risques économiques pour les producteurs.
Il en va de l'intérêt des producteurs que soit respectée cette vision cohérente. Le jour où nous produirons et organiserons la production en perdant de vue qu'il y a en bout de chaîne le consommateur, cela se terminera comme un certain nombre d'aventures industrielles dont vous avez comme moi, par le passé, regretté l'issue fatale, ce qui n'a strictement rien changé au problème.
Je préfère prévenir que guérir ! Dans le projet de loi, nous avons fait la démonstration que l'activité de pêche devait s'inscrire dans le cadre général d'une politique de l'alimentation, politique dans laquelle, bien entendu, la production joue un rôle majeur. En effet, notre objectif est, bien évidemment, de faire en sorte que le consommateur français, dans toute la mesure possible, puisse consommer des produits qui viennent du plus près de chez lui.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 64, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 35