M. le président. Par amendement n° 7 rectifié, M. Pagès, Mme Borvo, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le quatrième alinéa de l'article L. 332-2 du code de la consommation, il est inséré un nouvel alinéa rédigé comme suit :
« A la demande du débiteur ou de la commission instituée à l'article L. 331-1 du présent code, sur décision spéciale et motivée et si la situation du débiteur l'exige, il peut décider que les paiements des dettes autres que fiscales, parafiscales ou envers des organismes de sécurité sociale porteront intérêt à un taux réduit qui peut être inférieur au taux d'intérêt légal notamment lorsque les prêts ont été accordés de manière manifestement inconsidérée en regard de l'endettement antérieur du débiteur. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Nous vous proposons un amendement de bon sens visant à protéger les consommateurs contre les prêteurs qui agissent, trop souvent, sans scrupule à leur égard.
Il faut, selon nous, responsabiliser ces prêteurs.
C'est ce que nous proposons de faire en permettant au juge de prononcer, à la demande du débiteur, la déchéance des intérêts des prêteurs quand ceux-ci auront accordé des prêts de manière manifestement inconsidérée et de nature à accroître un endettement déjà important au moment de la signature du contrat de prêt.
Trop souvent, les consommateurs sont des victimes. Or on a tendance à les considérer plutôt comme des coupables.
Je précise que, avant la réforme de la procédure du surendettement, à partir de laquelle ont été confiés à la commission de surendettement des pouvoirs relevant du juge judiciaire, ce dernier pouvait, « par décision spéciale et motivée, et si la situation du débiteur l'exigeait, prévoir que les sommes reportées ne produiront pas d'intérêts », selon les termes d'une décision de la première chambre civile, en date du 5 avril 1993. Cela n'est plus possible aujourd'hui, cette compétence relevant d'une commission purement administrative.
Nous proposons de redonner au juge ce pouvoir, qui n'est pas négligeable pour le consommateur.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. M. Pagès parle du pouvoir de la commission, mais je rapelle que l'article L. 331-7 lui permet de recommander le report ou le rééchelonnement des paiements. Le même pouvoir appartient au juge en cas de contestation de ces recommandations.
M. Robert Pagès. Oui, mais quand c'est la commission qui décide ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. S'il y a contestation, c'est le juge qui tranche. L'intervention du juge n'a pas été supprimée.
Je vous rappelle que le juge peut vérifier que le contrat a été consenti avec le sérieux qu'imposent les usages professionnels. Dans les cas douteux, il peut très bien prononcer la réduction, voire la supression de la dette.
En fait, ce que vous proposez est déjà pris en compte par la loi. Votre amendement n'apportera rien de plus.
Le système fonctionne bien, même s'il est un peu lent dans son application. Chacun a ses responsabilités : le juge intervient quand c'est nécessaire ; en cas de désaccord, il doit trancher. Mais, quand il y a accord entre le débiteur et ses créanciers, son intervention n'est pas requise.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 7 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je suis défavorable à l'amendement n° 7 rectifié parce que, d'ores et déjà, en application de l'article L. 332-3 du code de la consommation, le juge dispose du pouvoir de diminuer le taux des intérêts. L'amendement de M. Pagès est donc satisfait.
M. le président. Monsieur Pagès, maintenez-vous cet amendement ?
M. Robert Pagès. Après avoir entendu les explications très claires de M. le rapporteur et de M. le ministre, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié est retiré.
Par amendement n° 8 rectifié, M. Pagès, Mme Borvo, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les articles 30 et 31 de la loi n° 25-125 du 8 février 1995, relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, sont abrogés et les dispositions antérieures remises en vigueur. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Notre amendement tend à revenir aux dispositions de la loi de 1989 relative au surendettement des particuliers.
Les pouvoirs du juge ont été transférés à la commission de surendettement par la loi du 8 février 1995, qui a réformé la procédure de traitement des situations de surendettement.
Cette réforme, à laquelle nous nous étions fermement opposés à l'époque, a réduit les pouvoirs du juge en retardant le moment de son intervention et en en faisant une simple instance d'appel.
Outre que le Gouvernement avait agi sans consulter les personnes intéressées, il se trouve que le traitement des situations de surendettement a des implications juridiques incontournables, pour lesquelles seul le juge doit avoir compétence.
L'argument qui avait été avancé consistait à dire que ce transfert allait permettre de désengorger les tribunaux en débarrassant les juges d'instance ou les juges de l'exécution d'un contentieux qui s'est considérablement alourdi. Or réduire la compétence du juge à cette fonction de recours contribue, au contraire, à paralyser l'ensemble de la procédure et à encombrer les juridictions.
Le problème de fond, en réalité, réside dans le manque de moyens : si les tribunaux n'arrivent pas à gérer leur stock d'affaires en cours, c'est avant tout à cause de l'insuffisance des effectifs de magistrats par rapport au nombre d'affaires.
Aujourd'hui se pose le problème de la capacité des commissions de surendettement de faire face à la tâche qui leur est confiée, car, faute de moyens suffisants, elles atteignent le stade de la saturation.
Se pose également le problème des rapports entre le travail des commissions de surendettement et le travail de la justice.
Une enquête de l'INC vient confirmer ce que nous pensions, à savoir que les juges laissent plus de moyens aux surendettés que les commissions de surendettement, qu'ils sont plus attentifs à les ménager, tandis que les commissions de surendettement, soumises à la forte pression des établissements financiers, sont plus exigeantes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission ne peut pas être favorable à cet amendement dans la mesure où la loi du 8 février 1995 a tranché le débat que M. Pagès propose, en fait, de rouvrir.
Cela dit, je rappelle que le juge conserve un rôle tout de même très important : c'est notamment lui qui peut décider la suspension des poursuites.
Même si, dans certains cas, les procédures sont longues, nous avons, me semble-t-il, abouti à un équilibre satisfaisant entre le rôle du juge et celui de la commission de surendettement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Le Gouvernement considère que la réforme de 1995, qui a permis de transférer la procédure de surendettement aux commissions de surendettement, donne aujourd'hui - nous en avons maints témoignages - des résultats satisfaisants et qu'il ne faut donc pas revenir à la situation antérieure. Il convient, au contraire, de se donner tous les moyens de mettre en oeuvre la réforme de 1995 le mieux possible.
Voilà pourquoi je suis défavorable à l'amendement n° 8 rectifié.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux vois l'amendement n° 8 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

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