M. le président. « Art. 2. _ Lors de la liquidation des droits de son titulaire au titre des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse, le plan d'épargne retraite ouvre droit au paiement d'une rente viagère et, si le titulaire le demande, à un versement unique, dans la limite de 20 % de la provision mathématique du plan et de 100 000 F.
« Par dérogation aux dispositions du précédent alinéa, la rente d'un montant annuel inférieur à une valeur fixée par arrêté du ministre de l'économie peut être liquidée en totalité sous la forme d'un versement unique. »
Sur l'article, la parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai relevé dans cet article plusieurs incohérences ou problèmes majeurs de définition des fonds de pension.
L'amendement n° 5 de la commission des finances, que nous allons examiner, a le mérite de proposer une réécriture du texte de l'article sans toutefois en lever toutes les ambiguïtés.
Dès le premier alinéa, il est en effet fait référence à deux situations particulières.
La première est celle qui découle de l'âge du départ à la retraite au moment choisi par le salarié, qui s'avère différente de la règle commune telle que définie par l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale.
Dans les faits, on sait que l'âge de départ à la retraite est aujourd'hui de soixante ans, en vertu des dispositions de l'article R. 351-2 du code de la sécurité sociale. Il est toutefois différent pour certaines catégories professionnelles qui sont, pour une part, non concernées par le présent texte mais qui, dans d'autres cas, peuvent l'être.
Tout récemment, un certain nombre d'avancées ont été en effet concédées à des salariés du secteur privé. Il ne faudrait pas que ces avancées se traduisent par l'incapacité pour les salariés concernés de pouvoir mobiliser les placements qu'ils auraient faits dans le cadre d'un plan d'épargne retraite avant l'âge légal retenu pour le cas général.
Cette disposition concerne bien évidemment les chauffeurs routier, pour qui le principe de la retraite à cinquante-cinq ans vient d'être accepté.
Le second problème posé par la rédaction de l'article est celui de la différence qui peut être introduite entre la cessation complète d'activité et l'âge de départ à la retraite.
Ainsi, comme par symétrie, propose-t-on aux salariés soit la possibilité de souscrire à un fonds de pension, soit la possibilité de poursuivre leur activité au-delà de l'âge légal de départ à la retraite en vue de bénéficier d'une rente ou d'un capital.
Observons les conséquences de ce dispositif.
Cela signifie que le salarié a la possibilité de ne pas quitter son entreprise à l'âge de soixante ans, ce qui revient, dans les faits, à bloquer une porte d'entrée dans la vie active pour des jeunes demandeurs d'emploi.
L'individualisation des retraites conduit donc tout droit vers la remise en cause des fondements du régime par répartition, c'est-à-dire la solidarité entre générations. Elle constitue également une attaque masquée contre le droit à la retraite à soixante ans, déjà fortement menacé par la loi de juillet 1993, qui a porté à quarante années de cotisation la durée de carrière indispensable pour percevoir la retraite à taux plein.
Autre cas de figure : nous sommes en présence d'un salarié licencié dans le cadre d'une convention du fonds national de l'emploi, d'un plan de restructuration ou de toute autre disposition équivalente, et ce avant l'âge légal de départ à la retraite.
Je me permets de douter que l'UNEDIC mette en place un fonds de pension « relais » pour les salariés licenciés avant l'âge légal de départ à la retraite en vue de leur permettre de continuer de se constituer une épargne complémentaire !
Nous nous trouverons donc devant une situation assez dramatique dans laquelle des salariés, dont le revenu est en chute parce qu'ils sont licenciés ou en départ anticipé, seront privés de la possibilité de disposer, tant en rente qu'en capital, de leur épargne capitalisée.
Il nous semble donc que, par exception aux principes définis pour les retraites du régime par répartition, il devrait être envisagé la possibilité de liquidation dans certains cas.
Nous venons de discuter d'une loi tendant à faciliter le développement de la préretraite progressive. Il serait pour le moins contradictoire que ce dispositif, qui est sans doute le moins mauvais, puisse être contrebattu par l'application des dispositions de la présente proposition de loi.
Je me permets enfin de souligner que le débat de fond entre versement en rente et versement en capital n'est pas tout à fait tranché, même si, dans la présente proposition de loi, la préférence va plutôt à la rente et bien moins au capital.
Vous comprendrez donc, au bénéfice de ces observations, notre extrême réticence à accepter les termes de l'article 2 de ce texte tel qu'il ressort des travaux de l'Assemblée nationale et tel qu'il ressortirait des propositions de la commission des finances.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 108, M. Loridant, Mmes Beaudeau et Demessine, M. Fischer, Mme Fraysse-Cazalis et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 5, M. Marini, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit l'article 2 :
« Le plan de retraite ouvre droit, au profit de ses adhérents, à une rente viagère à compter de la date de leur cessation définitive d'activité et, au plus tôt, à l'âge fixé en application de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, en contrepartie des versements effectués par eux ou à leur bénéfice.
« A cette date, les adhérents ont également la possibilité d'opter pour un versement unique qui ne peut pas excéder 20 % de la provision mathématique représentative des droits de l'adhérent. Ils doivent notifier cette décision au fonds de pension un an avant la date prévue au précédent alinéa.
« En outre, l'adhérent à un plan d'épargne retraite peut demander que tout ou partie de la rente servie au titre de ce plan soit versée, après son décès, à son conjoint survivant ou à ses enfants mineurs, incapables ou invalides. Le plan d'épargne retraite ne comporte pas de faculté de rachat, hormis les cas fixés aux troisième à cinquième alinéas de l'article L. 132-23 du code des assurances. »
Cet amendement est assorti de dix sous-amendements.
Le sous-amendement n° 154, déposé par M. Loridant, Mmes Beaudeau et Demessine, M. Fischer, Mme Fraysse-Cazalis et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tend à insérer, après le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 5, un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du premier alinéa peuvent ne pas s'appliquer aux cessations d'activité résultant de l'application des dispositions de la loi n° du portant création d'un fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi. »
Le sous-amendement n° 109 rectifié, présenté par les mêmes auteurs, vise, dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 5, à supprimer les mots : « qui ne peut excéder 20 % de la provision mathématique représentative des droits de l'adhérent ».
Le sous-amendement n° 158, déposé par le Gouvernement, a pour objet de compléter in fine la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 5 par les mots : « sans pouvoir dépasser un plafond fixé par décret ».
Le sous-amendement n° 47 rectifié, présenté par MM. Massion, Autain, Mélenchon et Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, tend à compléter in fine la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 5 par les mots : « sans que le montant de celui-ci ne puisse excéder 75 % du plafond annuel moyen de la sécurité sociale ».
Le sous-amendement n° 48, déposé par les mêmes auteurs, vise à insérer, après le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 5, un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la rente servie est inférieure à un montant fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé de la sécurité sociale, elle est liquidée en totalité sous forme d'un versement unique. »
Le sous-amendement n° 159, présenté par le Gouvernement, a pour objet d'insérer, après le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 5, un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions des alinéas précédents, la rente d'un montant annuel inférieur à une valeur fixée par arrêté du ministre de l'économie est liquidée en totalité sous forme d'un versement unique. »
Le sous-amendement n° 110, déposé par M. Loridant, Mmes Beaudeau et Demessine, M. Fischer, Mme Fraysse-Cazalis et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tend, dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 5, à remplacer les mots : « tout ou partie de » par les mots : « , de plein droit, ».
Le sous-amendement n° 49, présenté par MM. Massion, Autain, Mélenchon et Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, vise :
I. - Dans la première phrase du dernier alinéa de l'amendement n° 5, après les mots : « à son conjoint survivant », à ajouter les mots : « et, le cas échéant, de son ou de ses ex-conjoints divorcés ».
II. - A compléter le dernier alinéa par la phrase suivante : « le partage de la rente entre le conjoint et le ou les ex-conjoints divorcés s'opère conformément aux dispositions du second alinéa de l'article L. 912-4 du code de la sécurité sociale ».
Le sous-amendement n° 50, déposé par les mêmes auteurs, a pour objet, dans la première phrase du dernier alinéa de l'amendement n° 5, après les mots : « ses enfants mineurs », d'insérer les mots : « ou de moins de vingt-six ans lorsqu'ils sont en apprentissage ou qu'ils poursuivent des études ».
Le sous-amendement n° 51, présenté toujours par les mêmes auteurs, tend, dans la seconde phrase du dernier alinéa de l'amendement n° 5, à remplacer les mots : « troisième à cinquième alinéas » par les mots : « troisième et cinquième alinéas ».
Enfin, par amendement n° 43, MM. Ostermann et Jourdain proposent, dans le premier alinéa de l'article 2, de remplacer le taux : « 20 % » par le taux : « 40 % » et la somme : « 100 000 francs » par la somme : « 200 000 francs ».
La parole est à M. Bécart, pour présenter l'amendement n° 108.
M. Jean-Luc Bécart. Nous venons d'exposer quelques-unes des réticences qui nous conduisaient à être hostiles à la création, sous la forme proposée par le présent texte, des fonds d'épargne retraite.
Il en est bien d'autres qui tiennent, quant au fond, aux incertitudes profondes et au caractère sommaire des dispositions de l'article 2.
L'article 2 traite en effet des conditions de liquidation des droits acquis.
Premier élément discutable des fonds de pension, ils ouvrent un champ inexploré à la liquidation, non pas des droits acquis par les épargnants, mais plutôt des garanties collectives assurées en matière de risque retraite par les régimes de répartition.
Troisième étage de la protection sociale sauce Maastricht, les fonds de pension sont appelés à devenir tellement lourds qu'ils pèseront sur les deux premiers étages et qu'ils ne manqueront donc pas de rendre fragiles les fondations mêmes de la maison commune.
Deuxième problème, la question cruciale de la sortie et de la liquidation des droits.
On le sait, cette liquidation sera d'autant plus importante que les versements du salarié, abondés par l'employeur à concurrence du quadruplement de leur montant, l'auront été.
On est d'ailleurs dans une situation assez originale.
Je ne crois pas me souvenir, en effet, que les versements des employeurs aux différents régimes par répartition soient du même niveau.
Il y a donc, dans le cadre qui nous préoccupe aujourd'hui, une forte incitation à la souscription qui ne peut, dans les faits, qu'avoir une influence certaine non seulement sur la situation du régime général de retraite par répartition, comme pour les régimes complémentaires obligatoires, mais aussi pour l'Etat, attendu que les versements sur les plans d'épargne retraite sont admis en déduction de l'impôt sur les sociétés et que leur imposition au titre de l'impôt sur le revenu est différée.
Il apparaît clairement que l'un des objectifs de la loi est non pas d'assurer un complément de retraite aux salariés, mais bien plutôt de favoriser la détention la plus longue possible de masses financières toujours plus importantes par les banques et compagnies d'assurance.
L'objectif des fonds de pension est relativement simple, à la vérité : présentés comme une réponse au défi démographique de la société, ils sont, en réalité, un moyen de créer une masse de capitaux supplémentaires disponibles pour les marchés financiers.
Nous verrons ultérieurement que cet objectif est imparfaitement atteint compte tenu des modalités d'utilisation des fonds collectés, comme d'ailleurs de cette sorte de passage obligé par les sociétés prestataires de services d'investissement que souhaite instaurer le rapporteur de la commission des finances.
En tout état de cause, la présente proposition de loi, singulièrement son article 2, est plus un montage pour le moins hâtif de mesures favorables au développement de l'ingénierie financière et de la spéculation boursière que la mise en place d'un système complémentaire du risque vieillesse.
Telles est la raison nécessaire et suffisante pour demander la suppression de l'article 2.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 5.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement vise à réécrire l'article 2, pour un certain nombre de raisons que je vais exposer succinctement.
Sur le fond, nous n'avons pas adhéré à la limitation à 100 000 francs en valeur absolue de la sortie en capital. En effet, ces 100 000 francs peuvent intervenir à une échéance extrêmement lointaine, et graver aujourd'hui dans le marbre un tel montant pour unévénement qui se produira dans trente ou quarante ans ne paraît pas raisonnable. C'est pourquoi nous avons recommandé qu'on en reste à 20 % des droits, c'est-à-dire 20 % de la provision mathématique.
Par ailleurs, la commission n'a pas bien compris pourquoi il faudrait que le montant minimum des rentes soit fixé par une décision du Gouvernement.
Peut-être pourriez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le ministre, et nous donner quelques raisons techniques susceptibles de nous faire comprendre cet aspect des choses.
Enfin, nous avons regroupé dans cet article certaines dispositions qui figuraient à l'article 5 et qui trouvent une meilleure place ici.
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour défendre les sous-amendements n°s 154 et 109 rectifié.
M. Paul Loridant. Le premier alinéa de l'article 2 tel qu'il ressort de la rédaction de l'amendement pose un problème.
Il nous est en effet proposé que les salariés de droit privé, qui, je le rappelle, ne peuvent bénéficier d'une retraite à taux plein qu'à partir de quarante années de cotisation, choisissent entre la liquidation des droits des plans dépargne retraite à l'âge de leur cessation complète d'activité et la liquidation à l'âge légal de départ à la retraite tel que déterminé par l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale.
Cela signifie que l'ensemble des adhérents à un fonds de pension n'ayant pas atteint l'âge légal de départ en retraite peuvent tout à fait se retrouver dans l'incapacité d'obtenir la liquidation de leurs droits acquis.
Il y aura donc une sorte de coût de portage des engagements des fonds de pension qui sera, en dernière instance, imputable aux adhérents et à eux seuls.
Cette situation est préoccupante.
Nous venons en effet de débattre récemment d'un texte portant création du fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi, texte qui donne une portée législative à l'accord interprofessionnel sur les départs en préretraite progressive.
Ce texte tend en particulier à favoriser, moyennant la création correspondante d'emplois pour les jeunes, la cessation anticipée d'activité des salariés âgés d'au moins cinquante-six ans et qui, pour une part encore importante, présentent en général la caractéristique d'avoir accompli le nombre d'annuités nécessaire à l'ouverture du droit à la retraite.
Il nous semble donc peu souhaitable que ces dispositions et celles qui seront progressivement prises dans les années futures pour favoriser les cessations anticipées d'activité puissent être oubliées au moment où l'on met en place les fonds de pension.
Il faut donc ouvrir aux salariés entrant dans le champ de la loi sur le fonds paritaire d'intervention le droit de bénéficier de la possibilité d'une liquidation anticipée des droits acquis sur les plans d'épargne retraite.
Tel est le sens de ce sous-amendement.
Certes, il paraît déroger aux principes généralement appliqués en matière de retraite complémentaire obligatoire. Cependant, sa justification ultime réside dans le fait que, l'adhésion à un fonds de pension étant volontaire et les versements facultatifs, il n'est pas anormal que des dispositions particulières de liquidation soient accordées aux détenteurs de plan.
Le sous-amendement n° 109 rectifié revient sur la question de la liquidation des droits acquis par les adhérents des plans d'épargne retraite.
On sent confusément, dans cette proposition de loi, et singulièrement dans cet article 2, une préférence pour la sortie en rente.
Il y a, à cela, bien entendu, une explication. Les fonds de pension n'ayant pas, pour l'heure, d'existence réelle et codifiée, ils ne sont pas soumis au versement de droits acquis. Il y a même fort à parier que, au moins durant les premières années, ils ne seront pas soumis à la pression de la montée en charge des prestations définies.
Le problème de la montée en charge des prestations se posera donc plus tard, mais il se posera.
Le niveau des prestations étant étroitement dépendant du niveau de la capitalisation réalisée sur l'ensemble de la durée de versement, il nous faut nous interroger sur la question de la rentabilité de l'opération pour les salariés adhérents.
L'observatoire des retraites a d'ailleurs fourni des indications sur la réalité du niveau des prestations attendues dans le cadre des fonds de pension. Un rapport de cet organisme fixe à dix-huit ans la durée minimale de souscription susceptible de permettre que la rente servie en liquidation soit au moins égale en francs courants aux sommesinvesties, ce qui laisse imaginer la perte de pouvoir d'achat correspondante, compte tenu des taux de l'inflation, qui ne manquera pas de se faire sentir.
D'ailleurs, le même rapport situe à vingt-cinq ans la durée de versement à partir de laquelle le montant de la rente servie par le fonds de pension permet de neutraliser les effets de l'inflation.
On pourrait presque se demander s'il ne conviendrait pas, en toute logique, de soumettre le produit de l'épargne retraite au régime d'imposition des plus-values d'actifs mobiliers, attendu qu'il procède de telles plus-values.
Si ce sont des salaires différés, il conviendrait de les traiter différemment et de les soumettre, comme les autres salaires, aux cotisations sociales.
Sur le fond, il apparaît donc que la durée minimale de cotisation est au moins équivalente à la durée de cotisation retenue pour le calcul du salaire de référence ouvrant droit à la liquidation des pensions du régime général. Voilà une bien faible démonstration de la pertinence du développement des fonds de pension !
Par notre sous-amendement n° 109 rectifié, nous proposons tout simplement de permettre le choix entre rente et capital. Ce sous-amendement offre donc l'opportunité de neutraliser complètement les effets de l'inflation sur les versements des adhérents et, notamment, de faciliter une mobilisation plus rapide, et aussi plus porteuse de création d'emplois, que l'épargne capitalisée.
M. Bernard Seillier. Paradoxe !
M. Paul Loridant. Il permet de faire pleinement jouer un effet de levier sur la consommation des ménages, effet qui a été, dans le passé, encouragé par la commission des finances, lorsqu'il s'est agi, par exemple, de traiter des cessions de SICAV de court terme.
Qu'est-ce qui, plus que la consommation, est susceptible de favoriser le développement de l'activité ? C'est donc le bon sens qui nous conduit à inviter le Sénat à adopter ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 158.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le sous-amendement n° 158 vise à rétablir un plafond en valeur absolue pour la sortie en capital.
Il ne nous paraît pas nécessaire, ni même opportun de fixer ce plafond dans la loi : une fois déterminé par le législateur, ce plafond pourrait difficilement être régulièrement mis à jour.
Nous proposons donc au Sénat que ce plafond soit fixé par décret. Le plafond de départ serait de 100 000 francs. Cela dit, j'observe que d'autres solutions vont vous être proposées. Elles sont éventuellement meilleures que celle que je viens de présenter.
Avec votre permission, monsieur le président, afin de faire gagner du temps au Sénat, je défendrai également le sous-amendement n° 159 (M. le président acquiesce) , qui a pour objet de rétablir la possibilité de liquider les petites rentes sous forme d'un versement unique.
Certaines rentes risquant de ne pas dépasser 200 ou 300 francs, il serait effectivement un peu absurde - je réponds là à une question de M. le rapporteur - d'obliger à verser de telles rentes. Mieux vaut, dans un souci de simplicité, offrir au souscripteur la possibilité de bénéficier d'un versement unique.
M. le président. La parole est à M. Massion, pour défendre les sous-amendements n°s 47 rectifié et 48.
M. Marc Massion. Comme vient de l'indiquer M. le ministre, il n'est pas logique de fixer un plafond en francs dans la loi, comme cela était initialement envisagé. Dès lors qu'une possibilité de sortie en capital est ouverte, elle doit être régulièrement réévaluée. C'est pourquoi nous proposons de faire référence à une fraction du plafond annuel moyen de la sécurité sociale, qui pourrait être de 75 %.
Tel est l'objet du sous-amendement n° 47 rectifié.
Par ailleurs, il est nécessaire que les petites rentes puissent ouvrir droit au versement d'un capital.
La fixation du montant des rentes ici visées doit être réalisé en cohérence avec ce qui existe dans les régimes obligatoires. Il est donc souhaitable que le ministre chargé de la sécurité sociale soit cosignataire de l'arrêté qui fixera ce montant.
Tel est l'objet du sous-amendement n° 48.
Nous pensons que, s'il n'était pas retenu, il y aurait profusion de petites rentes et qu'il s'ensuivrait une augmentation des frais de gestion pour les affiliés.
M. le président. La parole est à M. Bécart, pour défendre le sous-amendement n° 110.
M. Jean-Luc Bécart. La liquidation des droits acquis en épargne retraite est, bien entendu, liée à la survie du salarié retraité puisqu'il s'agit d'abord et avant tout d'une rente viagère.
Pour autant, son décès ne rend pas caduque la poursuite des versements de la rente puisque l'amendement n° 5 nous propose de la prévoir.
Au demeurant, il n'existe aucune raison objective pour que le principe de réversion au conjoint survivant du solde de la rente, appliqué dans le régime général de protection sociale, ne soit pas applicable aux prestations servies en épargne retraite.
Il est donc proposé, avec ce sous-amendement, de lever toute ambiguïté en ce domaine en ouvrant de plein droit cette possibilité aux héritiers.
La présente disposition pose, bien entendu, d'autres questions, de nature fiscale - droits de succession, imposition au titre de l'impôt sur le revenu des revenus de la rente - mais elle pose aussi un problème de fond.
Ce sont, par principe, les modalités contractuelles d'épargne retraite qui doivent, à notre sens, et dans tous les cas de figure, prévoir expressément cette transférabilité des droits. Sinon, cela reviendrait à laisser un capital accumulé à la disposition d'une institution financière sans qu'il soit productif d'une rémunération pour l'investisseur.
Il ne faudrait tout de même pas que les fonds de pension soient des fonds perdus !
J'inviterai même M. le ministre des finances à exiger, dans le cadre des règles d'agrément des gestionnaires de fonds de pension, que de telles dispositions soient prévues dans tous les contrats.
M. le président. La parole est à M. Massion, pour défendre les sous-amendements n°s 49, 50 et 51.
M. Marc Massion. S'agissant du sous-amendement n° 49, une loi de 1979 a prévu le partage de la pension de réversion entre le conjoint survivant et l'ex-conjoint divorcé dans l'ensemble des régimes de retraite, qu'il s'agisse des régimes de base, des régimes complémentaires ou supplémentaires. Ce principe, d'application générale, doit être repris dans les plans d'épargne retraite dès lors que ceux-ci prévoient la réversion de la rente. Les assurés ne comprendraient pas, en effet, que les règles soient différentes d'un régime de retraite à l'autre.
Le sous-amendement n° 50 est un sous-amendement de précision. Le versement éventuel de tout ou partie de la rente aux enfants mineurs est trop restrictif. Il est nécessaire de viser également les enfants qui poursuivent leurs études ou sont en apprentissage en fixant une limite à vingt-six ans.
Quant au sous-amendement n° 51, il est de pure forme. Le quatrième alinéa de l'article L. 132-23 du code des assurances concerne la cessation d'activité des non-salariés. Il ne peut s'appliquer à des dispositifs qui concernent exclusivement des salariés.
M. le président. La parole est à M. Ostermann, pour défendre l'amendement n° 43.
M. Joseph Ostermann. Etant tout à fait favorable à la création de l'épargne retraite, je propose, par le présent amendement, d'affiner le mécanisme de sortie du plan.
L'Assemblée nationale a adopté un dispositif permettant, à l'issue du plan, une sortie en capital limitée à 20 % des droits acquis et plafonnée à 100 000 francs. Je suggère de porter ce pourcentage à 40 % et de limiter le plafond à 200 000 francs, étant entendu que cette sortie en capital serait exclusivement réservée à l'acquisition d'une résidence principale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendements n° 108, sur les sous-amendements n°s 154, 109 rectifié, 158, 47 rectifié, 48, 159, 110, 49, 50 et 51 ainsi que sur l'amendement n° 43 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 108.
J'indique dès à présent que je souhaite qu'il soit statué par priorité sur le sous-amendement n° 47 rectifié, qui recueille l'avis favorable de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Le sous-amendement n° 154 n'a pas pu être examiné par la commission. A titre personnel, je m'y déclare défavorable.
S'agissant du sous-amendement n° 109 rectifié, sur lequel notre avis est défavorable, il est tout de même un peu paradoxal de voir le groupe où siègent les sénateurs communistes défendre une proposition en faveur de la pleine sortie en capital...
M. Paul Loridant. Pourquoi pas ?
M. Philippe Marini, rapporteur. ... et relayer ainsi le point de vue de la profession bancaire, lequel est peut-être soutenu... par la Banque de France, monsieur Loridant ? (Sourires.)
M. Jean Chérioux. Il y a une collusion évidente ! (Nouveaux sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Le sous-amendement n° 47 rectifié de M. Massion nous paraît présenter, s'agissant d'une indexation, une meilleure formule que le sous-amendement n° 158 du Gouvernement. Une fois n'est pas coutume ! Je confirme en tout cas que la commission y est favorable.
Je disais tout à l'heure que 100 000 francs gravés dans le marbre, ce n'était pas raisonnable. M. Massion propose 75 % du plafond annuel moyen de la sécurité sociale. C'est probablement une formule raisonnable. Le chiffre actuel est de 120 915 francs. Ce n'est donc pas bien loin de ce qui nous est proposé et, en tout état de cause, il y aura une évolution automatique. Dans ces conditions je ne peux accepter le sous-amendement n° 158.
La commission est défavorable au sous-amendement n° 48.
S'agissant du sous-amendement n° 159, j'ai bien entendu vos observations, monsieur le ministre. Je suis toutefois lié par la délibération de la commission, qui a souhaité le retrait de l'alinéa en cause.
La commission est également défavorable aux sous-amendements n°s 110, 49 et 50.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 51, contrairement à ce que j'ai pensé, après un examen trop rapide en commission, monsieur Massion, je ne peux émettre un avis favorable, car le visa prévu au quatrième alinéa est techniquement nécessaire.
Je comprends la motivation qu'a exprimée notre collègue Joseph Ostermann en défendant son amendement n° 43 : il est clair que, si l'on allait un peu plus loin vers la sortie en capital, on assurerait sans doute un meilleur succès commercial à ce produit.
Toutefois, il me semble difficile de modifier un équilibre qui s'est établi difficilement à l'Assemblée nationale. C'est donc au nom du réalisme que je lui demande de bien vouloir retirer son amendement. Il reste que des évolutions restent possibles sur ce sujet. Ne désespérons pas !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 108 et 5, sur les sous-amendements n°s 154, 109 rectifié, 47 rectifié, 48, 110, 49, 50 et 51 ainsi que sur l'amendement n° 43.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 108, pour les mêmes raisons que celles que vient d'exposer M. le rapporteur.
Il est favorable à l'amendement n° 5, sous réserve, avais-je dit tout à l'heure, de l'adoption des sous-amendements n°s 158 et 159.
S'agissant du sous-amendement n° 158, relatif à la fixation du plafond, je me rallie cependant à l'avis de M. le rapporteur, selon lequel le sous-amendement n° 47 rectifié est meilleur. Je retire donc mon sous-amendement au profit de ce dernier.
M. le président. Le sous-amendement n° 158 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. En revanche, j'insiste sur le sous-amendement n° 159. Je comprends que M. le rapporteur soit lié par l'avis de la commission des finances, qu'il se doit d'exprimer ici. Néanmoins, chacun conviendra, après réflexion, qu'il est opportun de rétablir la possibilité de liquider les rentes sous la forme d'un versement unique lorsque leur montant est trop faible. L'Assemblée nationale avait d'ailleurs voté cette disposition.
Pour les mêmes raisons que celles que vient d'exprimer M. le rapporteur, le Gouvernement est défavorable aux sous-amendements n°s 109 rectifié, 154, 48, 110, 49, 50 et 51.
Comme M. le rapporteur, je demande à M. Ostermann de retirer l'amendement n° 43 au profit du sous-amendement n° 47 rectifié, qui répond aux préoccupations qu'il a exprimées.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 108, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, par priorité, le sous-amendement n° 47 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 154, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 109 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 48, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 159.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Comme l'a très justement souligné M. le ministre, je suis tenu par l'avis que la commission des finances a émis. Cela dit, j'ai été personnellement sensible aux explications techniques données par M. le ministre.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Bien qu'appartenant à la commission des finances, je me rallie aux propos que vient de tenir M. le rapporteur. En conséquence, je voterai le sous-amendement n° 159.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 159, repoussé par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 110, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 49, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 50, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 51, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé et l'amendement n° 43 n'a plus d'objet.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous ne les reprendrons qu'à vingt-deux heures trente, afin que chacun puisse prendre connaissance des propos que M. le Président de la République tiendra tout à l'heure à la télévision.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt-deux heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean Delaneau.)